confervation des forces vives qui s’applique au choc
des corps élaftiques, & qui n’a point lieu dans les
corps durs. I A , .
6°. M. de Maupertuis a applique cette meme loi
-de la minimité d’aâion au choc des corps, & il a déterminé
le premier par un feul & même principe, les
lois du choc des corps durs & des corps élaftiques.
Il eft vrai que l’application eft ici un peu plus compliquée,
plus détournée, moins fimple, & peut-être
moins rigoureufe, que dans le cas de la refraâion.
Ce que nous difons ici ne fera point defavanta-
geux dans le fond à M. de Maupertuis, quand nous
l’aurons expliqué. Il fuppofe que deux corps durs
A , B , fe meuvent dans la même direction., l’un avec
la vîteffe a, l’autre avec la vîteffe b, & que leur yî-
teffe commune après le choc foit*,- il eft certain,
dit-il, qüe le changement arrivé dans La Nature eft que
le corps A a perdu la vîtefle a—x , & que le corps B
a gagné la vîtefle x — b; donc la quantité d’aâion
néceflaire pour produire ce changement, & qu’il
faut faire égale à un minimum, eft A ( a—x ) ’1 -j- B
( x — b) z , ce qui donne la formule ordinaire du choc
des corps durs x — * Tout cela eft fort jufte.
Mais tout dépend aufli de l’idée qu’on voudra attacher
aux mots d changement arrivé dans la Nature :
car ne pourroit-on pas .dire que le changement arriv
é confifte en ce que le corps A qui avant le choc a
la quantité d’aâion ou de force A a a, la change après
le choc en la quantité A x x , &c de même du corps f?;
M b a a a— A x x , eft le changement arrivé dans
l’état du corps B , & B x x — B b b , le changement
arrivé dans le corps B ? de forte que la quantité d’à-
âion qui a opéré ce changement, eft A a a —A x x
B x x — B bb. Or cette quantité égalée à un minimum
ne donne plus la loi ci-deflus du choc des corps
durs. G’eftune objeâion que l’on peut faire à M. de
Maupertuis, qu’on lui a même faite à peu-près ; avec
cette différence que l’on a fuppofé A x x B x x —■
A a a— B b b t égale à un minimum, en retranchant
la quantité A aa — A x x de la quantité B x x— Bbb,
au lieu de la lui ajouter, comme il femble qu’on l’au-
roit aufli pû faire : car les deux quantités A a a—A x x
& B x x — B b b , quoique l’une doive être retranchée
de A a a , l’autre ajoutée k B bb , font réelles,
& peuvent être ajoûtées enfemble, fans égard au
fens dans lequel elles agiflent. Quoi qu’il en foit, il
femble qu’on pourroit concilier ou éviter toute difficulté
à cet égard, en fubftituant aux mots changement
dans la Nature , qui fe trouvent dans l’énoncé
de la propofition de M. de Maupertuis , les mots
changement dans la vîteffe : alors l’équivoque vraie
ou prétendue ne fubfiltera plus.
On objeâe aufli que la quantité d’aâion, dans le
calcul de M. de Maupertuis, fe confond en ce cas
avec la quantité de force vive : cela doit être en effet
; car le tems étant fuppofé le même, comme il
l ’eft ic i , ces deux quantités font proportionnelles
l’une à l’autre, & on pourroit dire que la quantité
d’aâion ne doit jamais être confondue avec la force
v iv e , attendu que le tems, fuivant la définition de
M. de Maupertuis, entre dans la quantité d’aâion,
& que d’ailleurs, dans le cas des corps durs, le changement
fe faifant dans un inftant indivifible, le tems
eft = o , & par conféquent l’aâion nulle. On peut
répondre à cette objeâion, que dès qu’un corps fe
meut ou tend à fe mouvoir avec une vîtefle quelconque
, il y a toujours une quantité d’aâion réelle
ou poflible, qui répondroit à fon mouvement, s’il
fe mouvoit uniformément pendant un tems quelconque
avec cette vîtefle ; ainfi au lieu de ces mots, la
quantité d'aclion nécejfaire POUR PRODU IRE ce
changement, on pourroit fubftituer ceux -c i , la
quantité d'action QUI RÉPOND à ce changement 3
& énoncer ainfi la réglé de M. de Maupertuis : Dans
le changement qui arrive par le choc à la vi tes se des
corps , la quantité d'action Q U I RÉPONDRA à ce
changement, le. tems étant fuppofé confiant, efi la moindre
qu'il efi pojjible. Nous difons, le tems étant fuppofé
confiant ; cette modification, & l’imitation même fi
l’on veut, eft néceflaire pour deux raifons : i°. parce
que dans le choc des corps durs , où à la rigueur le
tems eft.= 0, la fuppofition du tems confiant ou du
tems variable, font deux fuppofitions également arbitraires
, & qu’il faut par conféquent énoncer l’une
des deux : z°. parce que dans le choc des corps élaftiques
, le changement fe fait pendant un tems fini,’
quoique.très-court, que ce tems n’eft pas le même
dans tous les chocs, qu’au moins cela eft fort douteux
; & qu’ainfi il eft encore plus néceflaire d’énoncer
ici la fuppofition dont il s’agit : en effet le tems
qu’on fuppofe ici confiant eft un tems pris à volonté,'
& totalement indépendant de celui pendant lequel'
fe fait la communication du mouvement ; & l’on
pourroit-prendre pour la vraie quantité d’aâion employée
au changement arrivé, la fomme'des petites
quantités d’aâion confumées, pendant le tems que
le reffort fe bande & fe débande. On dira peut-être
qu’en ce cas M. de Maupertuis auroit dû ici fe fer-
vir du mot de force vive, au lieu de celui d’action ^
puifque le tems n’entre plus ici proprement pour
rien. A cela il répondra fans doute , qu’il a. cru pouvoir
lier cette loi par une expreflion commune, à
celle qu’il a trouvée fur la refraâion. Mais quand
on fubftitueroit ici le mot de force vive à celui d’action
, il feroit toujours vrai que M. de Maupertuis
auroit le premier réduit le choc des corps durs & celui
des corps élaftiques, à une mêmé loi ; ce qui eft
le point capital : & fon théorème fur la réfraction
n’y perdroit rien d’ailleurs.
Il eft vrai qu’on a trouvé les lois du mouvement
fans ce principe : mais il peut être utile d’avoir
montré comment il s’y applique. Il eft encore vrai
que ce principe ainfi appliqué ne fera & ne peut êtte
que quelque autre principe connu, préfenté différemment.
Mais il en eft ainfi de toutes les vérités
mathématiques ; au fond elles ne font que la traduction
les unes des autres. Foye^ le Difcours préliminaire
, pag. viij. Le principe de la confervation des
forces viv es , par exemple, n’eft en effet que le principe
des anciens fur l’équilibre, comme je l’ai fait
voir dans ma Dynamique, II. part. chap. jv . cela
n’empêche pas que le principe de la confervation des
forces vives ne foit très-utile, & ne faffe honneur,
à fes inventeurs.
70. L’auteur applique encore fon principe à l’équilibre
dans le levier ; mais il faut pour cela faire
certaines fuppofitions, entr’autres que la vîteffe eft
toujours proportionnelle à la diftance du point d’appui
, & que le tems eft confiant, comme dans le cas
du choc des corps ; il faut fuppofer encore que la
longueur du levier eft donnée, & que c’eft le point
d’appui qu’on cherche : car fi le point d’appui & un
des bras étoit donné, & qu’on cherchât l’autre, on
trouveroit par le principe de l’aâion que ce bras eft
égal à zéro. Au refte les fuppofitions que fait ici M.
de Maupertuis, font permifes ; il fuffit de les énoncer
pour être hors d’atteinte, & toute autre fuppofition
devroit de même être énoncée. L’application
& l’ufage du principe ne comporte pas une généralité
plus grande. A l’égard de la fuppofition qu’il fait,
que les pefanteurs font comme lesmaffes ; cette fuppofition
eft donnée par la Nature même, & elle a
lieu dans tous les théorèmes fur le centre de gravité
des corps, qui n’en font pas regardées pour cela comme
moins généraux.
Il réfulte de tout ce que nous venons de dire, que
le principe de la minirnité çTaâion a li^u dans un
grand
grand nombre de phénomènes de la nature, qu’il y
en a'auxquels il s’applique avec beaucoup de facilit
é , comme la réfraâion, & le cas des orbites des
planètes., ainfi que beaucoup d’autres , examinés
.par M. .Euler. Foyx^ les Mzm. -acad. de Berlin, i jà i .
& l'article Action ; que ce principe s’applique.k
-plmfieurs autres cas \ avec quelques modifications
plus ou moins arbitraires, mais qu’il eft toujours uti-
i e en lui-même à là Méchanlque, & pourroit faciliter
la folution de différens problèmes.
On sl conteftéà M. de Maupertuis la propriété de
ce principe. M. Koenig avoit d’abord avancé pour
-le prouver un pafîage de Leibnitz, tiré d’une lettre
■ manuferite de ce philofophe. Ce paffage imprimé
•dans les aétes de Léipfic, Mai i j S i , contenoit une
erreur grofliere, que M. Koenig aflîîre être une faute
,d’impreflîon : il l’a corrigée, & en effet ce paffage ré-
formé eft du moins en partie le principe de la moindre
aâion. Quand la lettre de Leibnitz feroit réelle ( ce
que nous ne décidons point ) , cette lettre n’ayant
jamais été publique, le principe tel qu’il eft n’en ap-
partiendroit pas moins à M. de Maupertuis; & M.
Koenig femble l’avoiier dans fon Appel au public du
jugement que l’académie des Sciences de Pruffe a
prononcée contre la réalité de ce fragment. M. Koenig
avoit d’à'bord cité la lettre dont il s’agit, comme
écrite à M. Herman ; mais -il a reconnu depuis qu’il
ne favoit à qui elle avoit été écrite : il a produit dans
fon appel cette lettre toute entière, qu’on peut y lire
; elle eft fort lotague, datée d’Hanovre le 16 Octobre
1707 ; & fans examiner l’authenticité du total
, il s’agit feulement de favoir fi celui qui l’a donnée
à M. Koenig, a ajouté ou altéré le fragment en
queftion. M. Koenig dit avoir reçu cette lettre des
mains de M. Henzy, décapité à Berne il y a quelques
années. 11 affûre'qu’il-a entre les mains plufieurs
autres lettres de Leibnitz, que ce même M. Henzy
lui a données; plufieiïrs font écrites, félon M. Koenig
, de la main de M. Henzy. A l’égard de la lettre
'dont il s’agit ; M. Koenig ne nous dit point de quelle
main elle eft ; il dit feulement qu’il en a plufieurs autres
écrites de cette même main, & qu’une de ces
dernieres fe trouve dans le recueil imprimé i/z-40. &
il tranferitd'ans fon appel ces lettres. M. Koenig ne
nous dit point non plus s’il a vu-l’original de cette
lettre, écrit de la main de Leibnitz. Voilà les faits,
fur lefquels c’eft au public à juger fi le-fragment cité
eft authentique, ou s’il ne l’eft pas.
Nous devons avertir aufli que M. Koenig, dans
les act. dè Làpf. donne un théorème fur les forces
v iv e s , absolument le même que celui de M. de
Courtivron, imprimé dans les Mémoir. de l'acad. de
Tjq8 , pag. 304. &L que M. de Courtivron avoit lû
à l’académie avant la publication du mémoire deM.
Koenig. Voy. ce théorème au mot Centre d’équilibre.
Il ne nous refte plus qu’à dire im mot de l’ufage
métaphyfique que M. de Maupertuis a fait de fon
principe. Nous penfons , comme nous l’avons déjà
infinué plus haut, que la définition de la quantité
d?action eft une définition de nom purement mathématique
& arbitraire. On pourroit appeller action,
le produit de la maffe par la vîteffe ou par fon quarte
, on par une fonction quelconque de l’efpace &
du tems ; l’efpace & le tems font les deux feuls objets
que nous voyons clairement dans le mouvement
des corps : on peut faire tantde combinaifons mathématiques
qu’on voudra de ces deux chofes, & on
peut appeller tout cela action ; mais l’idée primitive &
métaphyfique du mot action n’en fera pas plus claire.
En générai tous les théorèmes fur l’aâion définie
comme on voudra, fur la confervation des forces
vives, fur le mouvement nul ou uniforme du
centre de gravité, & fur d’autres lois femblables,
Tome I F .
ne font p p des théorèmes mathématiques plus ou
moins generaux, & non des principes,philofophi-
ques. Par exemple, quand de deux corps attachés à
un levier l’un monte & l’autre defeend, on trouve,"fi 1 on veut, comme M. Koenig, que la fommè des forces
vives eft nulle ; parce que l’on ajoute, avec des
fignes contraires, des quantités'qui ont des directions
contraires : mais c’eft-là une propofition de
Geometne, & non une vérité de Métaphyfique ; car
au fond ces forces vives pour avoir des direâions
contraires, n’en font pas moins réelles, & on pour-
rort nier dans un autre fens la nullité de ces forcés.
C eft comme fi on difoit qu’il ri’ya'point de mouvement
dans un fyftème de corps , quand les mouve-
mens de même part font nuis, c’eft-à-dire quand les
quantités de mouvement font égales & de fignes contraires
, quoique réelles.
‘Le principe de M. de Maupertuis n’eft donc, comme
tous les autres , qu’un principe mathématique ;
& nous^croyons qu’il n ’eft pas fort éloigné de cette
idee, d’autant plus qu’il n’a pris aucun parti dans la
queftion métaphyfique des forces viv es, à laquelle
tient celle de l’aâion. Foye^ la page <6 & 16 de fes
oeuvres , imprimées à Drefde , 1JJ2. in-4°. II eft vrài
qu il a déduit I’exiftence de Dieu de fon principe :
mais on peut déduire l’exïftence de Dieu d’un principe
purement mathématique, lorfqu’on reconnoit
ou qu’on croit que ce principe s’obferve dans la nature.
D ’ailleurs il. n’a donné cette démonftration de
l ’exiftenee de Dieu que comme lin exemple de démonftration
tirée des lois générales de l’Univers ;
exemple auquel il ne prétend pas donner une force
exclufive, ni fiipérieure à d’autres preuves. Il prétend
feulement avec raifon que l’ on doit s’appliquer
fur-tout à prouver l’exiftence de Dieu par les phénomènes
généraux,& ne pas fe borner a la déduire des
phenomenes particuliers, quoiqu’il avoué que cettë
déduâion a auflî fon utilité. Foye^, fur ce fujet, la
préfacé de fon ouvrage , où il s’eïl pleinement jufti-
fie des imputations calomnieufes que dés critiques
ignorans ou de mâuvaife foi lui ont faites à ce lu-
jet ; car rien n’eft plus à la mode aujourd’hui, que
l’accufation d’athéifme intentée à tort & à-travers
contre les p'hilofophes, par céux qui ne le font pas\.
Foyei aufli, fur cet article Cofmdlogie, les actes de
Léipfic de Mai i j 5i , V appel de M. Koenig au public,
les mémoires de Berlin rjâo & i jâ i (dont quelques
exemplaires portent mal-à-propos 1752); & dans
les mémoires de l’académie des Sciences de Paris de
1749, un écrit de M. d’Arcy fur ce fujet. Voilà quelles
font (au moins jufqu’ic i, c’eft-à-dire en Février
Ï754) les pièces véritablement néceffaires du procès,
parce qu’on y a traité la queftion, & que ceux
qui l’ont traitée font au fait de la matière. Nous devons
ajouter que M. de Maupertuis n’a jamais -rien
répondu aux injures qu’on a vomies contre lui à cette
occafion, & dont nous dirons : nec nominetur irt
vobis, ficut decet philofophos. Cette querelle dè Vaction
, s’il nous eft permis de le dire , a reffemblé à
certaines difputes de religion, par l’aigreur qu’on y
a mife, & par la quantité de gens qui en ont parlé
fans y rien entendre. (O)
C O SM O P O L IT A IN , ou COSMOPOLITE,
{Gram. & Pkilofopk.') On fe fert quelquefois de ce
nom en plaifantant, pour lignifier un homme qui n’a
point de demeure fixe, ou bien un homme qui n’efi étranger
nulle part. Il vient de y.U/j.oç , monde , & noXic ,
ville.
Comme on demandoit à un ancien philofophe
d’où il étoit \ il répondit : Je fuis Cofmopolite, c’eft-à-
dire citoyen de C univers. Je préféré , difoit un autre ,
ma famille à moi , ma patrie à ma famille , & le genre
humain à ma patrie. Foye{ PHILOSOPHE.
COSMOS, 1’, m, {H ïfi. modj) breuvage qui eft
p P