& Ton ufage ne remonte pas tout-à-fait à fix cents
ans.
L’encre a pareillement varié , mais beaucoup
moins que la matière fur laquelle on écrivoit les'
chartes. Les anciens n’avoient pas la maniéré de faire
une encre aufli noire que la nôtre, ainfi la leur jau-
nifloit ; & c’ eft même, à ce qu’on prétend , un moyen
pour reconnoître la faufîeté d’une charte quand on
en trouve 1’en.cre trop noire. On affûre qu’il y a eu
des titres écrits entièrement en lettres d’or , & j’en
ai vû de pareilles, non pas en chartes , mais en livres
écrits fur du parchemin couleur de pourpre.
Quelquefois les empereurs , & même leurs chanceliers
, fignoient en encre rouge. C’eft ce que prati-
quoient les empereurs de Conftantinople, & cette
forte d’encre leur étoit réfervée.
La nature des cara&eres dont on s’eft fervi entre
aufli dans cet examen. Le romain n’a été d’ufageque
jufqu’àu cinquième fiecle : après quoi, tant pour les
chartes que pour les manufcrits des livres , chaque
centaine d’années ou environ a eu fa maniéré d’écrire,
comme chaque nation en a eu , & en a même encore
line qui lui eft particulière. Mais on peut aflîirer qu’en
fait de manufcrits, l’écriture la plus difficile à lire
ri’eft pas toujours la^lus ancienne. Il y a eu des révolutions
dans la maniéré d’écrire, comme en toute
autre chofe : mais depuis environ quatre cents ans,
l’écriture eft devenue moins difficile : il n’y a fou-
vent que les abréviations qui puiffent arrêter ; mais
la fuite du difcours les fait aifément comprendre à
un favant qui a bien étudié fon fujet. Cependant les
iurifconfultes fe font vus obligés de faire un diérion-
naire particulier pour les faire plus aifément comprendre.
Voilà bien des précautions néceflaires pour être
à l’abri de la tromperie des fauffaires, ce qui n’empêche
pas qu’on ne foit quelquefois trompé dans
l ’examen des chartes originales, quoiqu’il foit certain
qu’il y en a plus qu’on ne croit. Il ne s’agit que
de les favoir bien diftinguer ; c’eft en quoi confifte
l ’art & la fcience dé l’habile praticien.
Que ne doit-on pas penfer des cartulaires ou papiers
terriers des églifes & des monafteres , qui ne
font que des copies faites fans autorité publique, &
dans lefquelles on prétend qu’on s’eft donné une entière
licence ? Cependant on affûre que leur ufage né
remonte pas au-delà du dixième fiecle. Quelques-uns
ne laiffoient pas d’être authentiques, quand un notaire
public les déclaroit conformes aux originaux
fur lefquels ils avoient été faits & vérifiés. Alors ils
peuvent faire preuve en juftice, quand ils ne font
pas détruits ou contredits par des attes ou contemporains
ou même poftérieurs. Il y a d’autres cartulaires
hiftoriques, lefquels, avec la copie des anciens
titres, contiennent le récit du fujet qui a donné lieu
au diplôme y dont on favorifoit une communauté ec-
cléfiaftique ouféculiere. Enfin la derniere efpece de
cartulairë eft celle qui s’eft faite fans aucune formé
de droit ; & ce font des cartulaires fimples, où le
faux fe trouve quelquefois mêlé avec le vrai : ces
derniers cartulaires ont bien moins d’autorité que
les autres.
Tout ce que nous venons de marquer -, regarde
principalement les. chartes qui font antérieures au
dixième fiecle de notre ere vulgaire. Mais dès qu’on
eft arrivé à la troilieme race de nos rois, on convient
qu’il fe trouve beaucoup moins de chartes fauf-
fes ou altérées. Ainfi cela met les grandes maifons à
l ’abri des foupçons qu’on pourroit tirer des chartes
contre l’anciénneté de leur origine ; car il ne faut
pas croire que toutes, à l’exemple des Lorrains, des
Rohâns, des Chabanes, des Montmorenci, des Brien-
nes, des Conflans & d’Armentieres, des la Rochefou-
cault, des Egmonds, des la Marck, des la Tour, &
de beaucoup d’autres que la mémoire ne me fournît
pas, remontent au moins par l’hiftoire jufqu’à la fe-,
conde race de nos rois.
On a voulu donner une mauvaife interprétation
aux difficultés que l’on a formées contre beaucoup
d’anciens titres. On a prétendu que dès qu’on auroit
totalement détruit la vérité & l’autorité des diplômes
èc des chartes, on en viendroit à tous les manufcrits
qui nous reftent des anciens auteurs, que l’on trai-
teroit de faux & de fuppofés comme on auroit fait les
titres anciens : mais à quoi ferviroit cette forte d’attaque
, & pour ainfi dire d’incrédulité littéraire ? On
ne prétend pas que nous ayons les originaux de tous
les livres anciens qui font aujourd’hui la bafe des bibliothèques
; mais du moins en avons-nous des copies
, qui ayant été faites en divers tems & en diffé-
rens pays, nous repréfententles anciens originaux,
à quelques variations près, qui viennent de la faute
ou de l’inattention des copiftes. Et fi l’on a fuppofé
quelques ouvrages fous des noms refpeélables , le
favant en a fenti la fuppofition, & l’a enfin découverte.
Je ne m’étends pas fur ce fujet, parce qu’il regarde
plus la critique littéraire que la diplomatique ,
que j’ai voulu expliquer ici avec beaucoup de pré-
cifion. J’aurois fouhaité entrer dans un plus grand
détail, & donner les fignatures des rois de la troi-
fieme race ; mais j’ai appréhendé de me trouver en
concurrence avec les illuftres & favans bénédi&ins
qui travaillent actuellement fur cette matière fi inté-
reffante dans l’hiftoire & dans la littérature. Je fai
que pour la perfection de l’ouvrage, dont ils ont déjà
publié une partie, ils ne peuvent fe difpenfer de
donner les deffeins de toutes ces fignatures, qui font
néceflaires à leur objet,
A tous les écrivains que nous venons de marquer
fur l’examen des diplômes & de la diplomatique, on
doit ajouter un ouvrage moderne, qui ne fait que de
paroître, c’eft la Vérité de l'hijioirede l'églife de S. Orner,
& fon antérioritéfur 1'abbaye de S. Benin; in-40. Paris,
che[ Le Breton , Imprimeur ordinaire du Roi, 1764.
C ’eft ce que nous avons de plus nouveau en ce genre
de fcience. Sa leCture & les preuves ne préviennent
pas en faveur des archives de plufieurs illuftres &
anciennes abbayes, où l’on trouve plus 4e faux que
de" vrai.
Que l’on fafle attention après ce que nous venons
de marquer, que cette foupçonneufe exactitude, ces
recherches critiques & inquiétantes ne regardent ordinairement
que .les titres des abbayes, des communautés
régulières, & même des églifes cathédrales.
Il femble que ceux qui devroient le moins être
gouvernés par l’intérêt, & en qui l’on croiroit trou-
ver l’amour de la vérité, ceux-là mêmes, d is -
j e , ne craignent point d’abandonner tout ce que
Phonneur & la religion prefcrivent, pour fe jetter
dans des crimes inutiles pour eux-mêmes, & qui ne
font avantageux qu’à une communauté, qui ne leur
en fait aucun gré, & qui, malgré quelques déférences
extérieures, les regarde, ou du moins les a regardés
comme ce qu’ils avoient le malheur d’être
réellement, c’eft-à-dire comme des fauffaires. Le même
inconvénient ne fe rencontre pas dans les archives
des princes, des cours fupérieures , & des villes :
outre le foin fcrupuleux que l’on a de n’y laiffer rien
entrer qui ne foit dans i’exaCle vérité, à peine fe trou-
veroit il dans le royaume un homme affez hardi pour
hafarder en faveur du prince , ce qu’il hafarderoit
pour une communauté religieufe, quoique peu re-
connoiffante. l a )
DIPTERE , f. m. ( Hiß. anc. ) terme de l'ancienne
Architecture, c’étoit un temple entouré de deux rangs
de colonnes, qui formoient des efpeces de portiques
appellés ailes. Vcye%T em pl e . (G )
DIPTYQUE, (Hiß. anc.) c’étoit des tablettes à
deux
deux feuilles de bois : ceux qui étoient défignés con-
fuls avoient plufieurs de ces diptyques , fur lefquels
ils étoient repréfentés en relief, avec leurs noms,
leurs qualités , & ils les diftribuoient aux principaux
officiers. Ils avoient également foin d’y faire
graver les animaux, les gladiateurs, & tout ce qui
de voit faire partie des jeux qu’ils donnoient au public
en prenant poffefîion du confulat. Sur une moitié
de diptyque trouvé à Dijon, & que M. Moreau de
Mautour croit être du fameux Stilicon, on voit la
figure du conful tenant d’une main le fcipio (c’eft le
bâton de commandement ou fceptre d’ivoire ) fur-
monté d’un aigle, & terminé par un bufte qui repréfente
l’empereur alors régnant, & de l’autre un rouleau
qu’on nommoit mappa circenfis, efpece de fignal
avec lequel on annonçoit le commencement des jeux
du cirque. Le conful y paroît revêtu de la tunique
fans manches, appellée fafcia confularis, ou colobium,
ou fubarmalis, au-deflous de laquelle paroît la robe !
brodée, togapicta, & il eft aflis fur le throne d’ivoire
ou chaire curule, fella curulis, qui défignoit les
grandes magiftratures, & fur-tout fa dignité confu-
laire. Mém. de l'acad. des Belles-Lettres, tom. V. Diptyque, diptycha, (Hiß. anc.) c’étoit le re-
giftre public, fur lequel s’infcrivoient les noms des
confuls & des magiftrats chez les payens ; des évêques
& des morts chez les Chrétiens.
II y avoit des diptyques facrés & des diptyques profanes.
Les diptyques facrés étoient un double catalogue,
dans l’un defquels on écrivoit les noms des vivans,
& dans l’autre les noms des morts qu’on devoit réciter
durant l’office.
Les diptyques profanes s’envoyoient fouvent en
préfent, & on les donnoit même aux princes, & alors
on les faifoit dorer. Voye^ le dicl. de Trév.&c Chambers.
DIRCHAW, ( Géog. mod. ) ville du palatinat de
Culm, en Pruffe : elle eft fituée fur laWiftule. Long.
37' l a t - * 4' 3 '
DIRE, f. m. (Jurijprud.) eft une procédure autre
que les demandes, défenfès , & répliqués proprement
dites, par laquelle le demandeur ou le défendeur
dit & articule quelque chofe. On appelle cette
procédure un dire, parce qu’après les qualités des
parties il y a toûjours ce terme confacré dit parde-
vant vous, &c. En quelques provinces le dire commence
par ce mot même, dit un tel.
On appelle aufli dires, les obfervations & requifi-
tions que les parties ou leurs procureurs font dans
un procès-verbal d’un juge, commiffaire, ou expert.
A dire d'experts, lignine ftùvant Ueßimation par experts.
Dire de prud'hommes, eft la même chofe ay?eßimation
par experts. Ce terme eft employé dans plufieurs
coûtumes : par exemple , celle de Paris, artic. 4 7 .
porte que le droit de relief eft le revenu d’un an, où
le dire de prud'hommes, ou une fomme pour une fois
offerte par le vaffal. Voye^ Prud’homme. (A )
D IR E C T , adj. On dit, en Arithmétique & en Géométrie
, une raifon directe, ou Une proportion directe,
Pour bien concevoir ce que c’e ft , fuppofons deux
grandeurs A , B d’une part, & deux autres grandeurs
£ t D d’une autre part ; & confidérant les deux premières
A , B comme des caufes dont lès deux autres
C , D font les effets, enforte que la première caufe
A foit au premier effet C, comme la fécondé caufe B
eft au fécond effet D , on dit en ce cas que les caufes
font en raifon directe des effets. Mais fi la première
caufe A eft au premier effet C , comme le fécond effet
D eft à la fécondé caufe R , alors.les caufes font
■ en raifon.inÿçrfe où réciproque dès effets. On voit.par
ces exemples, pourquoi ces raifons ou proportions
■ ont été ainfi dénommées.
i Quand deux .triangles font femblables, leurs cô-
Tome / V ,
tes honiolpguès font en raifon directe. ^ { R aison i Réglé de trois ou de Proportion. Les corps
.font attires en raifon direih de leurs maffes, & en
raifon rcnvtrfée du quarré de leurs diftances. Foyer
Renverse, Ré c ip r o q u e , Inverse. (B )
ECT’ acii ‘ cn Optique» vifion directe d’un objet,
eft celle qui eft formée par des rayons directs, c’eft-
à-dire par des rayons qui viennent dire&ement & im-
mediatement de l’objet à nos yeux. Elle eft oppofée
à la vifion ^qui fe fait par des rayons ou réfléchis ou
rompus, c’eft-à-dire par des rayons qui partent de
I objet, & qui avant d’arriver à nos yeux, tombent
fur la furface d’un miroir qui nous les renvoyé, ou
fur la furface d’un corps tranfparent qui les brife ,-
& à-travers lequel ils paffent. Voye? L u m iè r e Rayon.
Direct, (AJîronom.) On confidere les planètes
dans trois états; favoir, directes, Jîationnaires, & rétrogrades.
Vcyei PLANETE.
On dit qu’elles font directes, quand elles paroiflent
fe mouvoir en-avant fuivant l’ordre des lignes du
zodiaque; ftationnaires, quand elles paroiflent reflet
en repos ; & rétrogrades, quand elles paroiflent fe
mouvoir dans un fens contraire. Voyez Rétrogradation
& Station. (E) Direct; dans l Hijloire, on dit qu’un difcours eft
direct, qu’une harangue eft directe, lorfqu’on fait parler
ou haranguer les perfonnages eux-mêmes. Au
contraire on appelle difcours indirects, ceux dont
I hiftorien ne rapporte que la fubftance ou les prin*
cipaux points, & qu’il ne fait pas prononcer expref-
fément par ceux qui font cenfés les avoir tenus. Les
anciens font pleins de ces harangues directes, pour la
plupart imaginaires. Il eft étonnant, fur-tout, quelle
éloquence Tité-Live prête à ces premiers Romains ,
qui jufqu’au tfems deMarius s’occupoient plus à bien
faire qu'à bien dire, comme le remarque Sallufte. Les
modernes font plus refervés fur. ces morceaux oratoires.
Cependant comme il ne faut pas être prodigue de
ces ornemens, il ne faut pas non plus en être avare.
II eft des circonftances où cette efpece de fî<ftion ,fans
altérer le fond de la vérité ; répand dans la narration
beaucoup de force & de-chaleur. C ’eft Iorfque le per-
fonnage qui prend la parole, ne dit que ce qu’il a dû
naturellement penfer &dire.SalIuftepouvoit ne donner
qu’un précis des difcours de Catilina à fes conjurés.
Il a mieux aimé le faire parler lui-m'ême, &
cet artifice ne fert qu’à développer par une peinture
plus animée le caraâere &.les'deffeins de cet hôinme
dangereux. L’hiftoire n’.eft pas moins le tableau de
l’intérieur que de l’extérieur dés hômmes. C ’eft dans
leur ame qu’un écrivain philofophe cherché la. four-*
ce de leurs aérions ; & tout lefteur intelligènt fent
bien qu’on ne lui donne pas les difcours du perfon-
nage qu’on lui préfente, pour des vérités de fait aufli
exaéles que la marche d’une armée, ou que lès articles
d un traite. Ces difcours font communément le
réfultat des combinàifons que l’hiftorien à.faites fur
-la fituation ,.les fentimens,. lès.intérêts de celui qu’il
fait parler ; & ce feroit vouloir;réduire rhîftdire à la
fécherefle ftérile des gazettes , que de vouloir la dépouiller
abfolùment de ces traits , qui l’embelüflent
fans la déguifer.
- Il n’eft aucun genre de najcratiôn où le .difcours
direct ne foit en ufage , répand une grâce ôc
une force.qui n’appartiennent qu’à lui. Mais dans le
dialogue prefle, il a un inconvénient auquel il feroit
aufli avantageux que facile de remédier. C ’eft la répétition
fatigante de. ces façons .de parler, lui dis-je,
reprit-il, me.répondit-elle, interruptions qui rallentif.
fent la vivacité du dialogue, & rendent le ftyle lan-
guiflànt où il devroit être le plus animé. Quelques
anciens, comme Horaçe, fe font contentés dans fe
O O O 0 0 o