théologales; ce qui eft plus court que fi l’on difoit la
foi efl une ver tu théologale, l'efpérance ejl une vertu théologale
, la charité efl une vertu théologale ; ces trois
mots, la fo i , Tefperancc, la charité font le fujet multiple.
Et de même, S. Pierre, S. Jean, S. Matthieu,
&c. ètoient apôtres,: S. Pierre, S. Jean, S. Matthieu,
voilà le fujet multiple ; étoient apôtres, en eft l’attribut
commun.
3 ° . Sujet complexe ; ce mot complexe vient du latin
complexus, qui fignifie embraffé, cômpofé. Un fujet
eft complexe V'iorfqu’il eft accompagné de quelque
adjeftif ou de quelqu’autre. modificatif : Alexandre
vainquit Darius, Alexandre & un fujet fimple ; mais,
fi je dis Alexandre fils de Philippe, ou Alexandre roi
de Macédoine, voilà un fujet complexe. Il faut bien
diftinguer, dans le fujet complexe, le fujet perfon-
nel ou individuel, & les mots qui le rendent fujet
complexe. Dans l’exemple ci-deffus, Alexandre eft
le fujet perl'onnel ;fils de Philippe ou roi deMkcedoine,
ce font les mots qui rî’étant point féparés a Alexandre
, rendent ce mot fujet complexe.
On peut comparer le fujet complexe à une per-
fonne habillée. Le mot qui énonce le fujet eft pour
ainfi dire la perfonnç, & les mots-qui rendent le
fujet complexe, ce font comme les habits de la per-
fonne. Obfervez que Iorfque le fujet eft Complexe,
on dit que la propofition eft complexe ou compofée.
L’attribut peut auffi être complexe ; fi je dis.
qu’'Alexandre vainquit Darius roi de Perfe, l’attribut
eft complexe ; ainfi la propofition eft compofée
par rapport à l’attribut. Une propofition peut
aufti être complexe par rapport au fujet & par rapport
à l’attribut.
4°. La quatrième forte de fujet, eft un fujet énoncé
par plufieurs mots qui forment un fens total, &
qui font équivalens à un nom.
Il n’y a point de langue qui ait un a fiez grand
nombre de mots , pour fuffire à exprimer par un
nom particulier chaque idée ou penfée qui peut nous
venir dans l’efprit : alors on a recours à la péri-
phrafe ; par exemple, les Latins n’avoient point de
mot pour exprimer la durée du terhs pendant lequel
un prince exerce fon autorité : ils ne pouvoient
pas dire comme nous fous le régné d'Augufle ; ils di-
lbient alors, dans le tems qu'Augufle étoit empereur,
imper ante Coefare Augufto ; car regnum ne fignifie que
royaume.
Ce que je veux dire de cette quatrième forte de
fujets, s’entendra mieux par des exemples. Différer
de profiter de Vôccafion, c'eflfouvent la laiffer échapper
fans retour. Différer de profiter de Voccafion , voilà le
fujet énoncé par plufieurs mots qui forment un
fens total, dont on dit que cefl fouvent laiffer échapper
Voccafion fans retour. Cefl un grand art de cacher
L'art: ce hoc, àfavoir, cacher L'art, voilà le fujet,
dont on dit que c'efl un grand art. Bien vivre efl un
moyen fur de defarmer La médifance : bien vivre eft le
fujet ; efl un moyen fur de defarmer la médifance , c’eft
l’attribut. I l vaut mieux être jufle que d'être riche , être
raifonnable que d'être favant. Il y a là quatre propo-
fitions félon l’analyfe grammaticale, deux affirmatives
& deux négatives, du moins en françois.
i° . I l , illud, cecï, à favoir être jufle, vaut mieux
que l’avantage d’être riche ne vaut. Etre jufle eft le
lujet de la première propofition, qui eft affirmative ;
être riche eft le fujet de la fécondé propofition, qui
eft négative en françois, parce qu’on fous-entend
ne vaut ; être riche ne vaut pas tant.
z°. Il en eft de même de la fuivante, être raifonnable
vaut mieux que d'être favant: être raifonnable eft
le fujet dont on dit vaut mieux, &; cette première
propofition eft affirmative : dans la -corrélative être
favant ne vaut pas tant, être favant eft le fujet. Majus
efl certeque gratins prodeffe hominibus, quam opes• magnas
haber.e, (Cicér. de nat. deor. l. II. c. xxvfPrO*
deffe hominibus , être utile aux hommes, voilà le. fujet,
c’eft de quoi on affirme que c’eft une chofe plus
grande, plus loijable, & plus fatisfaifante, que de
pofl’eder de grands biens. Remarquez, i°. que dans
ces fortes de fujets il n’y a point de fujet perfonnei
que l’on puiffe féparer des autres mots; C ’eft le fens
total, qui réfulte des divers rapports que les mots
ont entr’eux, qui eft le fujet de la propofition ; le
jugement ne tombe que fur l’enfemble, & non fur
aucun mot particulier de la phrafe. zG. Obfervez
que l’on n’a recours à plufieurs mots pour énoncer
un fens total, que parce qu’on ne trouve pas .dans
la langue un nom. fubftantif deftiné à l’exprimer.
Ainfi les mots qui énoncent ce fens total fuppléent
à un nom qui manque : par exemple, aimer à obliger
& à faire du bien, efl une qualité qui marque une grande
ame; aimer à obliger & à faire du bien, voilà le fujet
de la propofition. M. l’abbé de S. Pierre a mis en
ufage le mot de bienfaifance , qui exprime le fens
d'aimer à obliger & à faire du bien-: ainfi au lieu de
ces mots, nous pouvons dire la bienfaifance efl une
qualité, &c. Si nous n’avions pas le mot de nourrice,
nous dirions une femme qui-donne à teter à un enfant
, & qui prend foin de la première enfance.
Autres fortes de propofitions à diflinguer pour bien
faire la conflruclion.
II. Propofition abfoluè ou complette : propofition
relative ou partielle.
i° . Lorfqu’une propofition eft telle, que l’efprit
n’a befoin que des mots qui y font énoncés pour en
entendre le fens, nous difons que c’eft là une propofition
abfolue ou complette.
2°. Quand le fens d’une propofition met l’efprit
dans la fituation d’exiger ou de fuppofer le fens d’une
autre propofition, nous difons que ces propofitions
font relatives, & que l’une eft la corrélative de l’autre.
Alors ces propofitions font liées entr’elles par
des conjon&ions ou par des termes relatifs. Les rapports
mutuels que ces propofitions ont alors entre
elles , forment un fens total que les Logiciens appellent
propofition compofée; & ces propofitions qui
forment le tout, font chacune des propofitions partielles.
L’affemblage de différentes propofitions liées entr’elles
par des conjonctions ou par d’autres termes
relatifs , eft appellé période par les Rhéteurs. Il ne
fera pas inutile d’en dire ici ce que le grammairien
en doit favoir.
De la période. La période eft un affemblage de
propofitions liées entr’elles par des conjonctions ,
&: qui toutes enfemble font un fens fini : ce fens fini
eft auffi appellé fens complet. Le fens eft fini Iorfque
l’efprit n’a pas befoin d’autres mots pour l’intelligence
complette du fens, enforte que toutes les parties
de l’analyfe de la penfée font énoncées. Je fup-
pofe qu’un leCteur entende fa langue; qu’il foit en
état de démêler ce qui eft fujet & ce qui eft attribut
dans une propofition , & qu’il connoiffe les lignes
qui rendent les propofitions corrélatives. Les autres
connoiffances font étrangères à la Grammaire.
Il y a dans une période autant de propofitions
qu’il y a de verbes, fur-tout à quelque mode fini ;
car tout verbe employé dans une période marque
ou un jugement ou un regard de l’efprit qui applique,
un qualificatif à un fujet. O r tout jugement fup-
pofe un fujet, puifqu’on ne peut juger qu’on ne
juge de quelqu’un ou de quelque chofe. Ainfi le
verbe m’indique néceffairement un fujet & un attribut
: par conléquent il m’indique une propofition,
puifcjue la propofition n’eft qu’un affemblage de mots
qui énoncent un jugement porté fur quelque fujet.
Ou bien le verbe m’indique une énonciation, puil-
que le verbe marque l’action de l’efprit qui adapte
ou applique un qualificatif à un fujet, de quelque
•maniéré que cette application le faffe.
J’ai dit fur-tout à quelque -mode fini ; car l’infinitif
eft fouvent pris pour un nom, je veux lire : &
lors même qu’il eft verbe, il forme un fens partiel
avec un nom, & ce fens eft exprimé par une énonciation
qui eft ou le fujet d’une propofition logique,
ou le terme de l’aCtion d’un verbe, ce qui eft très-
ordinaire en latin. Voici des exemples de l’un &
de l’autre ; & premièrement d’une, énonciation, qui
eft le fujet d’une propofition logique. Ovide fait dire
au noyer, qu’il eft bien fâcheux pour lui de porter
des fruits, no cet effe feracem y mot à mot, être fertile
efl nufible à moi, oit vous voyez que ces mots, être
fertile , font un fens total qui eft le fujet de efl nuifi-
ble, nocet. Et de même, magna ars efl, non apparere
artem y mot à mot, l'art ne point paroître efl un grand
art: c’eft un grand art de cacher l’art, de travailler
de façon qu’on ne reconnoiffe pas la peine que l’ouvrier
a eue ; il faut qu’il femble que les chofes fe
foient faites ainfi naturellement. Dans un autre fens
cacher l'art, c’eft ne pas donner lieu de fe défier dê
quelque artifice ; ainfi l'art ne point paroître, voilà
le fujet dont on dit que c'efl un grand art. Te duci ad
mortern, Catilina, jampridem oportebat. ( C i z. primo
Catilf mot à mot, toi être mené à la mort, efl ce qu'on
auroit dû faire U y a long-tems. Toi être mené a la
mort, voilà le fujet : & quelques lignes après Cicéron
ajoûte, interfeclum te effe Catilina convenu : toi
être tué Catilina convient à la république : toi être tue,
voilà le fujet ; convient à la république , c’eft 1 attribut.
Hominem effe folum , non efl bonum hominem
effe folum.; voilà fe fujet, non efl bonum , c’eft l’attribut.
2°. Ce fens formé par un nom avec un infinitif, eft
auffi fort fouvent le terme de l’attion d’un verbe :
cupio me effe clementem : Cic. prim. Catil.fub initio,
Cupio -, je defire : & quoi ? me effe clementem , moi
être indulgent ; oit vous voyez que me effe clemen-
tem fait un fens total qui eft le terme de Paâion de
cupio. Cupio hoc nempe, me effe clementem. Il y a en
latin un très-grand nombre d’exemples de ce fens
total, formé par un nom avec im infinitif; fens, qui
étant équivalent à un nom, peut également être ou
le fujet d’une propofition, ou le terme de l’aûion
d’un verbe.
Ces-fortes d’énonciations qui déterminent un verb
e , & qui en font une application, comme quand
on dit je veux être fage; être fage, détermine je veux :
ces fortes d’énonciations, dis-je, OU de déterminations
ne fe font pas feulement par des infinitifs, elles
fe font auffi quelquefois par des propofitions même,
comme quand on dit, je ne fai qui a fait cela y & en
latin nefcio quis fecit, nefcio uter , &C.
Il y a donc des propofitions ou énonciations qui
ne fervent qu’à expliquer ou à déterminer un mot
d’une propofition précédente : mais avant que de
parler de ces fortes de propofitions, & de quitter la
période, il ne fera pas inutile de faire les obférva-
îions fuivantes.
Chaque phrafe ou affemblage de mots qui forme
un fens partiel dans une période, & qui a une certaine
étendue, eft appellee membre de lapériode, x<à-
bov. Si le fens eft énoncé en peu de mots, on l’appelle
incife , %èp/ML,fegmen, incîfum. Si tous les fens particuliers
qui compofentla période font ainfi énoncés
en peu de mots ; c’eft le ftyle coupé : c’eft ce que Cicéron
appelle incifim dicere, parler par incife. C ’eft
ainfi, comme nous l’avons déjà vu , queM. Fléchier
a dit: Turenne efl mort ; la victoire s'arrête; Infortune
chancelle y tout le camp demeure immobile : voilà quatre
propofitions qui ne font regardées que comme dés
jn.cifes, parce qu’elles font courtes ; le ftyle périodique
employé des phrafes plus longues,
Tome IV %
Ainfi Une période pèut être compofée, ou feule*
ment de membres, ce qui arrive Iorfque chaque
membre a une certaine étendue ; ou feulement d’in*
cifes, lorlqüé chaque fens particulier eft énoncé en
peu de mots ; ou enfin une période eft compofée dé
membres & d’incifes-,
III. Propofition explicative -, propofition détermina»
ùve. La propofition explicative eft différente de la
determinative, en ce que celle qui ne fert qu’à ex*
pliquer un mot, laiffe le mot dans toute fa valeur
fans aucune reftri&ion ; elle ne fert qu’à faire remarquer
quelque propriété, quelque qualité de l’objet :
par exemple, l'homme, qui efl un animal raifonnable ,
devroit s'attacher à regler fes paffions y qui efl un animal
raifonnable, c ’eft une propofition explicative qui ne
reftreint point l’étendue du mot A'homme. L’on pour*
roit dire également, l'homme devroit s'attacher are*
gler fes paffions : cette propofition explicative fait
feulement remarquer en l’homme une propriété,
qui eft une raifon qui devroit le porter à regler fes
paffions.
Mais fi je dis, Vhomme qui mi efl venu voir ce matin ^
ou l homme que nous venons de rencontrer, ou dont vous
tn'aveç parlé, efl fort favant; ces trois propofitions
font déterminatives ; chacune d’elles reftreint la fi*
gnification Aihomme à un feul individu de l’efpecé
humaine ; & je ne puis pas dire Amplement l'homme
efl fort favant , parce que Vhomme feroit pris alors
dans toute fon étendue > c’eft-à-dire qu’il feroit dit
de tous les individus de l’efpece humaine. Les hommes
qui font créés pour aimer Dieu , ne doivent point
s'attacher aux bagatelles ; qui font créés poiir airnet
Dieu, voilà une propofition explicative, qui ne rel*
treint point l’étendue du mot dé hommes. Les hommes
qui font complaifans fe font aimer ; qui font comptai- .
fans, c’eft une propofition déterminative, qui reftreint
l’étendue A'hommes à ceux qui font complaifans
; enforte que l’attribut fe font aimer n’eft pas dit
de tous les hommes, mais feulement de ceux qui
font complaifans.
Ces énonciations Ou propofitions , qui ne font
qu’explicatives ou déterminatives, font communément
liées aux mots qu'elles expliquent ou à ceux
qu’elles déterminent par qui, ou par que, ou par donty
duquel, &c.
Elles font liées par qui, Iorfque ce mot eft le fujet
de la propofition explicative ou déterminative ;
celui qlu craint le Seigneur, & c . les jeunes gens qui élu*
dient.&cc.
_ Elles font liées par que ; ce qui arrive en deux maniérés.
i° . Ce mot que eft fouvent îe terme de l’affion du
verbe qui fuit: par exemple, le livre que je lis; que
eft le terme de l’a&ion de lire. C ’eft ainfi que dont y ,
duquel, defquels, à qui, auquel, auxquels, fervent auffi
à lier lés propofitions, félon les rapports que ces
pronoms relatifs ont avec les mots qui fuivent.
2°. Ce mot que eft encore fouvent le reprélènta-
tif de la propofition déterminative qui va fuivre un
verbe : je dis quelque eft d’abord le terme de l’aftion
j e dis, dico quod ; la propofition qui le fuit eft l’explication
de que ; je disque les gens de bien font efli-
. més. Ainfi il y a des propofitions qui fervent à expli-,
quer ou à déterminer quelque mot avec lequel elles
entrent enfuite dans la compofition d’une période.
IV. Propofition principale, propofition incidente. Un
mot n’a de rapport grammatical avec un autre mot,
que dans la même propofition : il eft donc effentiel
de rapporter chaque mot à la propofition particulière
dont il fait partie, fur-tout quand le rapport des
mots fe trouve interrompu par quelque propofition.
incidente, ou par quelqu’incife ou fens détaché.
La propofition incidente eft celle qui fe trouve,
entre le fujet perfonnei & l’attribut d’une autre pro-
L i j