49° C R I tions en ordre, à donner des éditions des anciens,
comme les Bollândiftes, les Bénédi&ins, 8c entre
autres le P. Mabillon, M. Baluze, Grævius, Grono-
vius S’c. 4°* Ceux qui ont fait des traités hiftori-
ques,& philologiques des plus célébrés bibliothèques
, tels que Julie Lipfe, Gallois, &c. 50. Ceux
qui ont compofé des bibliothèques ou catalogues
raifonnés d’auteurs, foit ecclélialliques, foit profanes
, comme M. Dupin, &c. 6°. Les commentateurs
ou fcholialles des auteurs anciens, commeDacier,
Bentley, le P. Jouvenci ; tous les auteurs dont on a
recueilli les notes fous le titre de variorum, & ceux
qui font connus fous celui de critiques dauphins. Enfin
, dit M. Baillet, on comprend fous le nom de critiques
3 tous les auteurs qui ont écrit de la Philologie,
fousries titres extraordinaires 8c bifarres de diverfes
leçons, leçons antiques , leçons nouvelles, leçons fuf-
pectes, leçons mémorables ; mélanges, nommes par les
uns fymmicles , par les autres mifcellanées ; cinnes ,
fchediafmes ou cahiers , adverj,aires ou recueils, collectantes
t philocalies , obfervations ou remarques, animad-
verjîons ou corrections , fcholies ou notes , commentaires
, exportions s foupçons s conjectures, conjectanees ,
lieux communs, éclogues ou élecles, extraits ou fiorides,
parer gués, vraisemblables , novantiques , futurnales ,
fémejlres , nuits, veilles, journées, heures fubcejives ou
fuccejjives , précidanées , fuccidanées, centurionats : en
un mot, a jou te-t-il, tous ceux qui ont écrit des
Belles-lettres, qui ont travaillé fur les anciens auteurs
pour les examiner, les corriger, les expliquer,
les mettre au jour ; ceux qui ontembralfé cette Littérature
univerfelle qui s’étend fur toutes fortes de
fciences 8c d’auteurs, 8c qui faifoit anciennement la
principale 8c la plus belle partie de la Grammaire,
avant que les mauvais grammairiens l’euflent obligée
de changer fon nom en celui de Philologie, qui
embraffe bien les principales parties de la Littérature
& quelques-unes des fciences, mais qui regardant
effentiellement les mots de chacune, n’en traite les
chofes que rarement & par accident : tels ont été
chez les anciens Varron, Athénée, Macrobe , &c.
8c parmi les modernes les deux Scaliger, Lambin,
Turnebe, Cafaubon, MM. Pithou, Saumaife, les
PP. Sirmond 8c Pétau, Bayle, &c. On peut encore
ajoûter aux critiques ceux qui ont écrit contre certains
ouvrages. Voyei P h i l o l o g i e , & fur-tout Varticle
fuivant CRITIQUE. (G)
C r i t i q u e , C e n s u r e , ( Synonymes. ) Critique
s’applique aux ouvrages littéraires ; cenfure aux ouvrages
théologiques, ou aux propofitions de doctrine
, ou aux moeurs. Voye[ C e n s u r e . ('0 )
C r i t i q u e , f. f. (Belles-lettres.') On peut la con-
fidérer fous deux points de vue généraux : l ’une eft
ce genre d’étude a laquelle nous devons la reftitu-
tion de la Littérature ancienne. Pour juger de l’importance
de ce travail, il fuffit de fe peindre le cahos
oii les premiers commentateurs ont trouvé les ouvrages
les plus précieux de l’antiquité. De la part
des copiftes, des caraCteres, des mots, des paffages
altérés, défigurés, obmis ou tranfpofés dans les divers
manuferits : de la part des auteurs, l’allufion,
l ’ellipfe, l’allégorie, en un mot, toutes ces fineffes
de langue 8c de ftyle qui fuppofent un leCteur à demi
inftruit; quelle confufion à démêler dans un tems où
la révolution des fiecles 8c le changement des moeurs
fembloient avoir coupé toute communication aux
idées !
Les reftituteurs de la Littérature ancienne n’a-
voient qu’une voie, encore très-incertaine; c’étoit
de rendre les auteurs intelligibles l’un par l’autre,
8c à l’aide des monumens. Mais pour nous tranf-
mettre cet or antique, il a fallu périr dans les mines.
Avouons - le , nous traitons cette efpece de critique
ayec trop de mépris , 8c ceux qui l’ont exercée fi
laborieufement pour eux 8c fi utilement pour nous,
avec trop d’ingratitude. Enrichis de leurs veilles,
nous faifons gloire de pofféder ce que nous voulons
qu’ils ayent acquis fans gloire. Il eu vrai que le mérite
d’une profeflîon étant en raifon de fon utilité 6c
de fa difficulté combinées, celle d’érudit a dû perdre
de fa confédération à mefure qu’elle eft devenue plus
facile 6c moins importante ; mais il y auroit de l’in-
juftice à juger de ce qu’elle a été par ce qu’elle eft.
Les premiers laboureurs ont été mis au rang des
dieux avec bien plus de raifon que ceux d’aujourd’hui
ne font mis au-deflous des autres hommes. Voy. Ma-
n u s c r i t , E r u d i t i o n , T e x t e .
Cette partie de la critique comprendrait encore
la vérification dés calculs chronologiques, fi ces
calculs pouvoient fe vérifier ; mais le peu de fruit
qu’ont retiré de ce travail les fçavans illuftres qui
s’y font exerc-és, prouve qu’il ferait déformais aufii
inutile que pénible de revenir fur leurs recherches.
Il faut lavoir ignorer ce qu’on ne peut connoître ;
or il eft vraifîemblable que ce qui n’eft pas connu
dans l’hiftoire des tems , ne le fera jamais , 6c
l’efprit humain y perdra peu de chofe. Voye^ C h r o n
o l o g i e .
Le fécond point de vue de la critique, eft de la
confidérer comme un examen éclairé 6c un juge*
ment équitable des produfrions humaines. Toutes
les produirions humaines peuvent être comprifes
fous trois chefs principaux ; les Sciences, les Arts
libéraux, 6c les Arts méchaniques : fujet immenfe
que nous n’avons pas la témérité de vouloir approfondir
, fur-tout dans les bornes d’un article. Nous
nous contenterons d’établir quelques principes généraux
que tout homme capable de fentiment ôc de
réflexion eft en état de concevoir ; 6c s’il en eft
qui manquent de juftefle ou de clarté , à quelque
févere examen que nous ayons pû le foûmettre, le
lefteur trouvera dans les articles relatifs auxquels
nous aurons foin de le renvoyer, de quoi rçétifier ou
développer nos idées.
Critique dans les Sciences. Les fciences fe réduifent
à trois points ; à la démonftration des vérités anciennes
, à l’ordre de leur expofition, à la découverte
des nouvelles vérités.
Les vérités anciennes font ou de fait ou de fpécu-
lation. Les faits font ou moraux ou phyfiques. Les
faits moraux compofent l’hiftoire des hommes, dans
laquelle fouvent il fe mêle du phyfique, mais tou«-
jours relativement au moral.
Comme l’hiftoire fainte eft révélée, il ferait impie
de la foûmettre à l’examen de la raifon ; mais il
eft une maniéré de la difeuter pour le triomphe même
de la foi. Comparer les textes, 8c les concilier
entr’eux ; rapprocher les évenemens des prophéties
qui les annoncent ; faire prévaloir l’évidence morale
à l’impoffibilité phyfique ; vaincre la répugnance
de la raifon par l’afeendant des témoignages 5
prendre la tradition dans fa fource, pour la préfenter
dans toute fa force ; exclure enfin du nombre des
preuves de la vérité tout argument vague, • foi-
blé ou non concluant, efpece d’armes communes à
toutes les religions, que le faux zele employé &
dont l’impiété fe joiie : tel feroit l’emploi du critique
dans cette partie. Plufieurs l’ont entrepris avec autant
de fuccès que de z e le , parmi lefquels Pafcal
doit occuper la première place, pour la céder à celui
qui exécutera ce qu’il n’a fait que méditer.
Dans l’hiftoire profane, donner plus ou moins
d’autorité aux faits, fuivant leur dègré depoflibilité,
de vraiffemblance, de célébrité, 8c fuivant le poids
des témoignages qui les Confirment : examiner le
caraûere 8c la fituation des hiftoriens ; s’ils ont été
libres de dire la vérité, à portée de la connoître, en
état de l’approfondir, fans intérêt de la déguifer ;
.pénétrer après eux dans la fource des évenemens ^
apprécier leurs conjeftures, les comparer entr’eux
& les juger l’un par l’autre : quelles fondions pour
un critique ; 6c s’il veut s’en acquitter , combien de
connoiflances à acquérir ! Les moeurs, le naturel des
peuplés, leurs intérêts refpe&ifs, leurs richefles 8c
leurs forces domeftiques, leurs reflburces étrangères
, leur éducation, leurs lois, leurs préjugés &
leurs principes ; leur politique au-dedans, leur dif-
. cipline au-dehors ; leur maniéré de s’exercer, de fe
..nourrir, de s’armer 8c de combattre ; les talens, les
.paffions, les vice s, les vertus de ceux qui ont pré-
,fide aux affaires publiques; les fources des projets ,
des troubles, des révolutions, des fuccès 6c des re-
.Vers ; la connoiffance des, hommes, des lieux & des
tems ; enfin tout ce qui en morale 8c en phyfique
peut concourir à former, à entretenir, à changer,
à détruire 8c à rétablir l’ordre des chofes humaines, !
.doit entrer dans le plan d’après lequel un fçavant
difeute l ’hiftoire. Combien un feul trait dans cette
partie ne demande-t-il pas fouvent, pour être éclai-
, c i , de réflexions 8c de lumières ? Qui ofera décider
fi Annibal eut tort de s’arrêter à Capoue, 8c fi
Pompée combattoit à Pharfale pour l’empire ou
pour la liberté ? Voye^ H i s t o i r e , P o l i t i q u e ,
T a c t i q u e , & c.
Les faits purement phyfiques compofent l’hiftoire
naturelle, 6c la vérité s’en démontre de deux maniérés
: ou en répétant les obfervations 8c les expériences
; ou en pefant les témoignages, fi l’on n’eft
jpas à portée de les vérifier. C ’eft faute d’expérience
.qu’on a regardé comme des fables une infinité de
faits que Pline rapporte, 8c qui fe confirment de
jour en jour par les obfervations de nos Naturaliftes.
} Les anciens avoient foupçonné la péfanteur de
l ’air , Toricelli 8c Pafcal l’ont démontrée. Newton
avoit annoncé l’applatiffement de la terre, des phi—
lofophes ont pafle d’un hémifphere à l’autre pour la
mefurer. Le miroir d’Archimede confondoit notre
raifon, 5c un phyficien, au lieu de nier ce phénomène
, a tenté de le reproduire, & le prouve en le
.répétant. Voilà comme on doit critiquer les faits.
Mais fuivant cette méthode les fciences auront peu
de critiquesv Voye^ E x p é r i e n c e . Il eft plus court 8c
plus facile de nier ce qu’on ne comprend pas ; mais
. eft-ce à nous de marquer les bornes des poffibles, à
nous qui voyons chaque jour imiter la foudre , 8c
.qui touchons peut-être au fecret de la diriger? Voy.
E l e c t r i c i t é .
Ces exemples doivent rendre ün ôritiquebieti cir—
confpefr dans fes décifions. La crédulité eft le part
a g e a s ignorans ; l’incrédulité décidée, celui des
demi-fçavans ; le doute méthodique, celui des fa-
ges. Dans les connoiflances humaines , un philofo-
phe démontre ce qu’il peut; croit ce qui lui eft démontré';
rejette ce qui y répugne, 8c fufpend fon
. jugement fur tout le refte.
Il eft des vérités que la diftance des lieux 8c des
tems rend inacceflibles à l’expérience , & qui n’étant
pour nous que dans l’ordre des poffibles, ne
peuvent être obfervées que des yeux de l’efprit.
Ou ces vérités font les principes des faits qui les
prouvent, 6c la critique doit y remonter par l’enchaînement
de ces faits ; ou elles en font des conféquen-
ces, & par les mêmes degrés il doit defeendre juf-
qu’à elles. Voye5; A n a l y s e , S y n t h è s e .
Souvent la vérité n’a qu’une voie par oii l’inven-
teur y eft arrivé, & dont il ne refte aucun veftige :
alors il y a peut-être plus de mérite à retrouver la
r?l /îe g <lu>^ nV en a eu à la découvrir. L’inventeur
ji eft quelquefois qu’un aventurier que la tempête a
jette dans le port ; le critique eft un pilote habile que
fon art feul y conduit : fi toutefois il eft permis d’ap-
pciler art une fuite de tentatives incertaines 6c de
lomt lV i
fencôntfes fortuites oû l’on ne marche qu'à pas
tremblans. Pour réduire en réglés l’inveftigatibn des
ventés phyfiques, le petit critique devrait tenir lé mr-
heu 6cles extrémités delà chaîne ; un chaînon quiluî
échappé > eft un échelon qui lui manque pour s’élever
a la démonftration. Cette méthode fera long-
tems impraticable. Le voile de la nature eft pour
nous çomme le voile de la nuit, oii dans une im»
menfe obfcurite brillent quelques points de lumière-
oc il n eft que trop prouvé que ces points lumineux
ne fauroient fe multiplier affez pour éclairer leurs
intervalles. Que doit donc faire le critique } obferver •
les faits connus ; en déterminer , s’il fe peut les
rapports 6c les diftances ; refrifier les faux calculs 6t
les obfervations défefrueufes ; en un mot, convainc
cre l’efprit humain de fa foiblefle ,. pour lui faire
employer utilement le peu de force qu’il épuife en-
vain ; 8c ofer dire à celui qui veut plier l’expérience
à fes idçes : Ton métier ejl d'interroger la nature , non.
de la faire parler. (Voye{ lespenfées fur Tinterp. de lit
nat. ouvrage que nous réclamons ic i , comme appartenant
au diâionnaire des connoiflances humaines
, pour fuppléer à ce qui manque aux nôtres de
profondeur 8c d’étendue).
, ^ d£fir de connoître eft fouvent ftériie par trot>
d’afrivité. La vérité veut qu’on la cherche, mais
qu’on l’attende ; qu’on aille au-devant d’e lle, mais
jamais au-delà. C ’éft aü critique, en guide fage, d’obliger
le voyageur à s’arrêter où finit le jour, de
peur qu’il ne s’égare dans les ténèbres. L’éclipfe de
la nature eft continuelle, mais elle n’eft pas totale ;
6c de fiede en fiecle elle nous laifle appercevoit*.
quelques nouveaux points de fon difque immenfe ,
pour nourrir en nous, avec l’efpoir de la connoître»
la confiance de l’étudier.
Lucrèce, S. Auguftin, Boïiiface, 8c le pape Za--
charie, etoient debout fur notre hémifphere, 6c net
concevoient pas que leurs femblables puflent être?
dans la meme fituation fur un hémifphere Oppofe “
ut per aquas quee nunc rerum Jîmulacra videmus, dit
Lucrèce, (De rer. nat. lib. 1. ) pour exprimer qu’ils
auroient la tete en bas. On a reconnu la tendance des
graves vers un centre commun , 6c l’opinion des
Antipodes n’a plus révolté perfonne. Les anciens
voy oient tomber une pierre, 8c les flots de la mer.
s elever ; ils etoient bien loin d’attribuer ces deux
effets à la même caufe. Le myftere de l'a grâvitatioi»
nous a été révélé : ce chaînon a lié les deux autres;
6c la pierre qui tombe 8c les flots qui s’élèvent, nous
ont paru foûmis aux mêmes lois. Le point effentiel
i dans 1 etude de la nature, eft donc de découvrir les
milieux des vérités connues, 8c de les placer dans
l’ordre de leur enchaînement : tels faits paroiffent
ifolés, dont le noeud feroit fenfible s’ils étoient mis à leur place. On trouvoit des carrières de marbré
dans le fein des plus hautes montagnes ; on en voyoit
former fur les bords de l’Océan par le ciment du feï
marin ; on connoiffoit le parallélifme des couches
de la terre : mais répandus dans la Phyfique, ces faits
n’y jettoient aucune lumière ; ils ont été rapprochés;
6c l’on reconnoît les monumens de l’immerfion totale
ou fucceflive de ce globe. C ’eft à cet ordre lumineux
que le critique devrait fur-tout contribuer.
Il eft pour les découvertes un tems de maturité
avant lequel les recherches femblent infruftueufes«J
Une vérité attend pour éclore la réunion de fes élé-
mens. Ces germes ne fe rencontrent 8c ne s’arrangent
que par une longue fuite de combinaifons : ainfî
ce qu’un fiecle n’a fait que couver, s’il eft permis
de le dire, eft produit par le fiecle qui lui fuccede ;
ainfi le problème des trois corps propofé par Newton*
n’a été réfolu que de nos jours, 8c l’a été par trois
hommes en même tems. C ’eft cette efpece de fermentation
de l’efprit humain, cette digeftion de noa
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