importantes, ils ont pris le parti de s’attacher à augmenter
les dehors: ce qui occafionne une dépenfe
exceffive dans la fortification, & qui exige d’ailleurs
de fortes garnifons dans les places.Tout cela né demande
ni une grande capacité, ni un grand effort de
génie. Il s’agiroit de trouver quelque expédient poûi;
empêcher l’ennemi d’approcher des places , & d en
détruire les ouvrages aufli aifément qu’il le fait aujourd’hui
: car il faut Convenir que le peu de réfif-
tanCe des villes fortes né mérite affûrémënt pas la
dépenfe qu’on a faite pour les fortifier. Il n eft point
de fini pie efieeinte formée feulement d un rempart,
d’un foffé, & d’un chemin - couvert, que des troupes
courageufes ne puiflent défendre trois femaines
où un mois; Or fi les villes fortifiées avec le plus de
dépenfe ne peuvent faire qu’une aufli courte défen-
f c , l’argent de leur coùftruâio’n pourroit être employé
plus utilement. Les défauts de notre fortification
moderne font plus aifés à fentir qu’à corriger :
mais pour donner des vues nouvelles qui remédient
à fa foiblefle, il eft important de bien le convaincre
d’abord de cette foiblefle ; c’eft le premier pas pour
aller en avant. Voye^Fortification.
On propofe dans les différentes académies de l’Europe
, des prix pour ceux qui traitent le plus favam-
ment des queftions d’Aftronomie, de Phyfique, &c.
plufieurs fouverains font la dépenfe de ces prix : ne
pourroit-on pas aufli en propofer pour perfectionner
notre fortification ? On demandera peut-etre
quel feroit le tribunal qui pourroit en juger ? Une
académie militaire, compofée des officiers generaux
les plus habiles & les plus diftingués par leurs con-
noiffances dans l’art de la guerre, ôt des ingénieurs
dont les talens font les plus recommandables. Il eft
certain qu’un tel établiffement pourroit fervir à augmenter
nos 'connoiffances-fur la fortification, & même
lur la Taftique ; & que l’exécution d’un projet de
cette éfpece, ne pourroit que faire beaucoup d’honneur
au fouVerain qui voudroit y donner quelque attention.
«Nous n’avons point, dit M. le chevalier
» de Folard, de lois qui obligent les gens de guer-
» re, à étudier les Sciences qui ont rapport à leur
» profeffibn. Nous ne voyons ni académies ni éco-
» les militaires, ni champ de Mars ; aucun monar-
» que n’a pertfé à un tel établiffement : néanmoins
» ces académies fèroient aufli utiles à plufieurs puif-
» fances de l’Europe, & aufli glorieufes aux fouve-
» rains que toutes les autres que l’on a établies ; dans
» celles-ci on fait des découvertes ; en feroit-on moins
» danslafcience de la guerre? ytrouveroiton moins
» dequoi s’occuper ? car elle n’eft point ifolée & fé-
» parée des autres fciènces, &c. » Préf. du VI. vol.
•du comment, furPofybe.
L’école militaire que le Roi vient d’établir , renouvellera
'les anciennes écoles de TaCtique des
Grecs & des Romains. Leplan qui fera fuivi dans l'é-
ducHtion des cinq cents gentilshommes qui y feront élevés
, pourra fervir à détruire Vancien préjugé qui fait
croire qtie la 'valeur feule fa it l ’homme de guerre , & le
faire céder infenfblement au goût des études militaires
qu'on fera dans cette école.-Voyt{ ECOLE MILITAIRE.
Défense du Chemin couvert : lorfque l’ennemi
travaille à fe logër fur le glacis, il faut redoubler
les fortiés, & les foûtenir avec plus d’opiniâtreté.
"On le peut fans inconvénient, à caufe de la
facilité de la retraite. Lorfque la fortie eft rentrée,
on met le feu aux fourneaux & oaifîons, qui dérangent
beaucoup l’ennemi. Les fourrteaux'bien difpo-
ié s , doivent endommager fes logemens ; aufli - tôt
qu’ils ontjoué, on peut tomber fitr l’ennemi : c’eft
un moment favorable pour le furprendre en delor-
dre, & pour détruire toûjours quelque partie de fes
travaux. Cette forte de manoeuvre doit être répétée
très-fouvent pour fatiguer l’ennemi, '& reculer la
prife du chemin couvert.
Lorfque l’ennemi eft à portée de s’en emparer de
vive force , il faut s’apprêter à lé bien recevoir : un
double rang de paliflades dans le chemin couvert,
peut lui augmenter la difficulté de s’y établir ; celles
du fécond rang doivent être un peu plus baffes que
celles du premier, afin que l’ennemi ne puiffe pas
s’en appercevoir. Ces deux rangs doivent être éloi-
ghés l’un de l’autre de quatre à cinq pies, pour que
l’ennemi ne puiffe pas fauter dans le chemin couvert
par-deffus. Entre ces deux rangs de paliflades , on
peut pratiquer un petit fofle ; la plupart des grenades
de l’ennemi y tomberont, & leur effet fera moins
dangereux pour les troupe^ du chemin couvert. Il
ne faut pas manquer de bien retrancher les places
d’armes, foit en élevant dans l’intérieur de la place
d’armes, & parallèlement à fes faces, un parapet au
pié duquel on conduit un petit fofle, foit par de Amples
rangs de paliflades qui empêcheront toûjours
l’ennemi d’y pénétrer aufli aifément qu’il le feroit
fans cela. On met dans chaque place d’armes un ou
deux tonneaux de poudre, avec du plomb, & les
armes de main néceffaires pour la défenfe du chemin
couvert.
On prépare toutes les batteries pour les mettre
en état de faire un grand feu fur l’ennemi lorfqu’il
travaillera à fon logement ; toutes les parties de la
place qui ont vue lur le chemin couvert, doivent
être garnies de troupes pour faire aufli feu fur l’af-
fiégeant. On doit feulement ne pas en garnir les parties
qui font vis-à-vis les places d’armes , afin que
ceux qui font dedans ne foient pas expoiés à être
fufiliés par ceux de la place.
On petit être inftruit par des deferteurs du jour
où l’ennemi doit faire fon attaque : on peut aufli
faire obferver fes mouvemens par des hommes placés
dans le haut des clochers de la ville ; & lorfqu-
on s’apperçoit d’un grand mouvement de troupes
dans les tranchées, qu’elles en paroiffent plus remplies
qu’à l’ordinaire, on doit s’attendre à une prochaine
attaque. La proximité des travaux, de l’ennemi
doit aufli faire juger ,de ce qu’il peut entreprendre
; tout cela réuni enfemble peut faire prendre les
arrangemens convenables pour le bien recevoir.
Lorfqu’on s’apperçoit que les afîiégeans fortent
de leurs tranchées, on fait fur eux un feu continuel
de moufqueterie,, & de toutes les batteries qui peuvent
les découvrir. Ce feu leur fait perdre bien du
monde avant que de parvenir aux paliflades. Les
deux rangs qu’ils en trouvent dans le chemin couvert
, les empêchent de s’y jetter brufquement. Il
faut qu’ils les faffent brifer & rompre fuecefîivement
à coups de hache ; & pendant ce travail, le feu de 4a place, qui doit être fervi avec la plus grande vivacité
, caufe une grande perte d’hommes à l’ennemi.
Lorfqu’après une longue réfiftance on fe trouve
trop preffé de lfennemi, on lui abandonne le chemin
couvert, & on fe retire dans les places d’armes ; &
pendant qu’il travaille à fon logement, il fe trouve
en butte au feu de la place, qui le voit dire&ement,
& à celui des places d’armes qui lui découvrent le
flanc ; enforte que fa perte s’augmente de plus en
plus. Si l ’on a des fourneaux préparés, comme nous
le fuppofons, on les fait joiier, après avoir laifle
l’ennemi travailler pendant quelque tems à fes lo-
gemens, & fait agir fur lui tout le feu de la place ;
enfuite de quoi l’on fort brufquement des places d’armes
, & profitant du defordre dans lequel il ne peut
| manquer d’être, on lui fait abandonner tout le chemin
Couvert. .
Si-l’on ne peut pas empêcher l ’ennemi de faire
quelque logement fur la crête du chemin couvert,
ou ce qui eft la même chofe 7 fur le haut du glacis,
.On tâche de l’empêcher de le prolonger, & de lui
difputer le plus long tems qu’on le peut les places
d’armes. Les fougaffes y doivent être employées
avec fuccès, & répétées un grand nombre de fois,
fl le terrein le permet. Lorfque l’afliégeant a une fois
bien établi fon logement, & qu’il le foûtient avec
attention , il ne lui faut plus que du tems pour l’étendre
& fe rendre entièrement maître du chemin
couvert. Les chicannes des afliégés ne peuvent qu’en
retarder la prife, fans pouvoir l’empêcher abfo-
lument.
Ces fortes d’attaques de vive force font extrêmement
meurtrières, & leur fuccès n’eft pas toujours
certain. Les alliés, qui en 1708 attaquèrent le chemin
couvert de Lille de cette maniéré, y eurent plus
de 1000 hommes de tués & 2667 bleffés ; & ils ne
purent fe loger que fur deux angles faillans , qui ne
fe trouvèrent pas défendus d’un fi grand nombre de
troupes que les autres. En 1713 M. le maréchal de
Villars fit attaquer de même le chemin couvert de
Fribourg ; il vint à bout de s’y établir par la grande
valeur des troupes qu’il y employa : mais cette ‘action
coûta 1500 homdfes tués ou bleffés. Le feul régiment
d’Alface y perdit fes quatre capitaines de
grenadiers, & il eut 643 hommes tant tués que blef-
fés. La méthode de fe rendre maître du chemin couvert
par la fape, eft infiniment moins meurtrière &
plus fûre ; & fuivant M. le maréchal de Vauban, elle
ne peut guere retarder la prife du chemin couvert
que de quatre ou cinq jours.
Suppofons préfentement que l’ennemi prenne le
parti de s’emparer du chemin couvert par la fape,
& qu’il éleve des cavaliers de tranchée pour plonger
dans le chemin couvert : il faut en retarder l’exécution
par toutes les chicannes que l’on pourra
imaginer; car lorfque ces cavaliers font bien établis,,
le féjour du chemin couvert devient trop dangereux.
Il faut par des fourneaux arrêter l’ennemi
à chaque pas, le fatiguer par un grand feu , & ne
lui abandonner le terrein que pié à pié, en fe dé- 1
fendant derrière chaque traverfe, & dans les places
d’armes autant qu’on peut le faire fans trop s’ex-
pofer, & que la retraite n’eft point coupée.
Défense des breches , c’eft la réfiftance qu’on
fait à l’ennemi, pour l’empêcher d’y monter & de
Fe rendre maître de l’ouvrage dont il s’eft ouvert
l’entrée par les mines ou par le canon ; ou bien c’eft
la maniéré de réfifter à l’affaut de l ’ennemi. Voye1
Assaut.
On peut empêcher l’eqpemi de monter à l’affaut,
s’il eft en état de le faire avant qu’on foit préparé à-,
le recevoir, en entretenant un grand feu au pié des
breches, avec des artifices & toutes fortes de matières
combuftibles.
A Turin, les» ennemis firent par Ce moyen diffé- I
rer l’affaut pendant plufieurs jours, aux pièces du
front de l’attaque. On doit, lorfque l’ennemi fe préfente
au pié de la breche, lui jetter une grande quantité
de grenades, de facs à poudre , pour mettre du
defordre parmi fes troupes : des bouteilles de terre
ou de verre remplies de poudre, entortillées de quatre
ou cinq bouts de mèche allumée, peuvent aufli
Faire beaucoup de mal à l’affiégeant. On peut encore
femer ou répandre une grande quantité de poudre
fur la breche, lorfque l’ennemi eft prêt de monter à
l’affaut, & y jetter, lorfqu’il y monte, des mèches
allumées ou des charbons ardens pour mettre le feu
à cette poudre ; la flamme s’élèvera d’abord & pourra
brûler & mettre hors de combat un grand nombre
de ceux qui fe trouveront , fur la breche. Il eft
bon de jetter aufli dans la breche quantité de herfes
a longues pointes, c’eft-à-dire piquées par des clous
dont les pointes s’élèvent beaucoup de la herfe : pour
que l’ennemi ne puiffe pas les ôter, il faut les atta-
Tqme IV ,
éher avec des chaînes, ou au moins avec de groffes
cordes. Il faut aufli être munis de chauffe-trapes, en
femer la breche , & avoir quantité de chevaux-de-
frife & des kérijfons de la longueur des breches ; ce
font des groffes poutres ou des arbres armés de pointes
fort longues, attachés avec des chaînes ou des
cordes, enforte que fi le canon en rompt une, ils
foient retenus par les autres. On les fait rouler fur
les breches avec des rouleaux ; ils dérangent beaucoup
l’ennemi en tombant fur lui lorfqu’il monte à 1 affaut. Des bombes attachées aufli avec des bouts
de chaînes , pour ne les laiffer aller que jufqu’aux
endroits où l’on peut le plus endommager l’ennemi,
font aufli excellentes. On leur met des fufées beaucoup
plus courtes qu’à l’ordinaire, afin que leur effet
fe faffe plus promptement. Les fafeines goudronnées
, les barils foudroyans, tout doit être employé
pour empêcher l’ennemi de s’établir fur la breche.
Lorfque l’ennemi , franchiffant tous ces obftacles,
fe préfente enfin au haut de la breche, on met le feu
aux fourneaux pratiqués fous la breche pour la faire
fauter, & 1 on place des chevaux-de-frife fur toute
la largeur de la breche. Les troupes fe mettent derrière
, où elles continuent de faire un grand feu fur
l’ennemi, pendant qu’il fait fes effortspour pénétrer
dans l’ouvrage ; & lorfqu’il commence à y pénétrer,'
le premier rang des troupes qui le défendent, & que
l’on doit avoir armé de faux emmanchées de revers,
de pertuifannes ou hallebardes, doit tomber fur l’ennemi*,
& en faire un grand carnage, étant foûtenues
des autres troupes : mais enfin fi l ’ennemi à force de
monde trouve le moyen de faire abandonner la breche
, on fe retire dans le retranchement, d’où l’on
fait encore fur lui un feu très-violent ; & lorfqu’on
le voit en état de forcer ce retranchement ; on fait
retirer dans la place les canons & autres munitions
qu’on peut epeore y avoir ; & enfin fi l’on a des fourneaux
, on les fait fauter en fe retirant, pour caufer
toute la perte & tout le dérangement qu’on peut à
l ’ennemi.
Une chofe qui mérite bien de l’attention, & ‘qur
peut beaucoup fervir à faire trouver de la difficulté
à l’ennemi pour monter à l’affaut ou s’établir fur la
breche par le moyen de la fape , c’eft d’avoir attention
de déblayer les décombres de la breche. On le
peut dans le foffé fec affez facilement : à l’égard du
foffé plein d’eau, l’éntreprife eft plus difficile ; mais
aufli dans ce dernier cas , la breche eft plus aifée à
défendre que dans le premier, parce que l’ennemi
qui ne peut arriver au pié que par le pont de fafeines
pratiqué dans le foffé, lequel pont n’a guere que
dix ou douze piés de large, ne peut pas fe préfenter
fur la breche avec un aufîi grand front que dans le
foffé fe c , ce qui donne plus de facilité de le repouffer
aux troupes qui défendent l’ouvrage attaqué.
DEFENSE des petites Villes & des Châteaux. On fo
trouve fouvent dans la néceflité , à la guerre, de
foûtenir de petits poftes qui n’ont nulles fortifications
, mais qui fervent à garder des paffages pour
la fûreté des convois ou munitions de guerre & de-
bouche , qu’on fait venir pour l’armée, ou à empêcher
l’ennemi d’approcher du lieu où l’armée eft
campée, ou enfin qui fervent de retraite aux trour
pes pendant le quartier d’hyver, & qui font à portée
de pouvoir fé raffembler promptement & aifément
lorfqu’il en eft befoin.
Lorfque l’on fe trouve enfermé dans un tel lieu 7
où l’on peut être infulté d’un moment à l’autre, on
doit d’abord s’affûrer des portes, & travailler pour
en défendre l’approche à l’ennemi. Pour cet effet ,
il faut conftruire une petite demi-lune de terre vis-
à-vis la porte d’entrée, & une autre devant celle de
fortie ; s’il y a d’autres portes, il faut les faire murer,
Si le lieu n’a pas de foffé, ou qu’il en ait de fort
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