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Blablèrfierit clans le commencement de cette route 7 -Que par une voie fi fimple & fi équitable en apparence
, chaque particulier pouvant aifément remplir
>en trois ou quatre ans au pliis la tâche qui lui étoit
-donnée, la communication de ces deux villes de-
voit être libre & ouverte dans ce même terme ; puis
-donc que l’exécution a fi peu répondu au projet, il
■ eft ben d’examiner de près ce genre de travail, pour
voir s?il n’y a point quelque vice caché dans la méthode
qui le -conduit!
Il femble au premier coup d’oeil que le defaut le
plus confidérable , & celui duquel tous les autres
font dérivés, eft d’avoir totalement fait changer de
'nature à un ouvrage public, en le décompofant à
f’infini, pour n’en faire qu’une multitude fans nombre
d’ouvrages particuliers ; d’avoir par-là trop di~
Vifé l’intérêt commun, & rendu la conduite de ces
travaux d’une difficulté étonnante & même infur-
•montable.
Un feul Ouvrage , quoique confidérable par le
•nombre des travailleurs , comme font ordinairement
tous les travaux publies , ne demande pas
•beaucoup de perfonnes pour être bien conduit ; uii
■ feul ouvrage, une feule tête, le nombre des bras n’y
-fait rien ; mais il faut qu’avec l’unité d’ éfprit, il y
ait aufli imité d’a&ion : ce qui ne fe rencontre point
-dans tout ouvrage public que l’on a déchiré en raillé
parties différentes, où Fintérêt particulier ne tient
plus à l’intérêt général, & où il faut par conféquent
un bien plus grand nonibre de têtes pour pouvoir les
"conduire tous enfemble avec quelque fuccès , &
pour les réunir malgré le vice de la méthode qui les
ôefimit.
^nifqtte la diftribution de la taille àvoit conduit à
la diffribution de toute une route en tâche particulière
, on auroit du fentir que comme il fo-Uo it plusieurs
colleôeurs par communauté pour lever une
impofition d’argent, il auroit fallu au moins un con-
cluôeuf fur chacune pour tenir lès rôles & les états
dé cette corvée tarifée, & pour 'tracer & conduire
rôtîtes les portions d’ouvrage aflignées à chaque particulier.
On aura pu faire fans doute cette réflexion
•fimple ; mais roeconomie fur lé nombre des employés
ne permettant pas dans un état où il fë fait
fine grande quantité de ces fortes d’ouvragés de rrrnî-
tipliër autant qü’il feroit néceffaire, für-tout dans
fiette méthode ’, lés ingénieurs , les infpeâeu'rs, lés
'conduêïèurs, &<• il eft arrivé que l’on ri’a jamais pu
ètftbraffer & fu-ivre tofts ces ouvragés particuliers ,
pour les conduire chacun à leur perfection.
Quand on fitppoferoit que tous les particuliers
•ont été de concert dès le commencement pour fe
Ÿehdré for toute Féténdue de la route , chacun fur
=fa partie, un irtfpe&eür & quelques conduôeurs ont-
*!s fuffi lé prémiër lundi pour marquer à un chacun
Céiâ lieu > pour lui tracer fa portion, pour veiller peri-
’-darit la femaine à ce qu’elle fut bien faite, & enfin
pour recevoir foîïtës ëês portions les unes après lés
-autres le famedi, & en donner à chacun le reçu de
-la décharge ? Qui ne voit cpi’il y a dé Fimpoffibili-
rô à conduire airifi chaque particulier -f lorfque l’on
‘a entrepris de là1 forte une route divifée dans toute
rôn étendue ? Gés îriconvéniehs inévitables dès la
première femaine du travail, ont dû néceffairement
entraîner le defordre de là fécondé ; de faifons én
'faifons & d’années en années, il n’à phis fait que
-croître & augmenter jnfqu’ati peint ôii il eft aujot#-
-d’hui. De Fiiùpoffibilité de les conduire, on efttom-
' béeftfoite dans Fimpoflibilité de lés contraindre ; le
nombre des réfraûaires ayant bientôt excédé tout
-moyen de les punir.
J’ai tous les jours , dit Fauteur de cet article,
dés preuves de cette fituation étrange pour un ou-
‘ vrage public,-dit depuis environ dix mois de travail
je n’ai’jamais trouvé plus de trois corvoyeurs enfemble
, plus de dix ou douze fur toute l’étendue de
la-route, & où le plus fouveiit je n’ai trouvé per-
fonne. Je n’ai pas été lorig-tems fans m’appercevoir
que le principe* d’une telle defertion ne pouvoit être
que dans la divifion contre nature d’une aétion publique
en une infinité d’aûions particulières, qui n’é*-
toient unies ni par le lieu,ni par le tems ni par l ’intérêt
commun : chaque particulier fur cette route ne penfe
qu’à lui, il choifit à fa volonté le jour de fon travail,
il croit qu’il eneft comme de la taille que chacun paye
féparément & le plûtard qu’il peut , il ne s’embar-
raffe de celle des autres que pour ne pas commencer
le premier ; & comme chacun fait le même rationnement
, perfonne ne commence»
Je peux dire que je n’ai point encore été for cette
route avec un but ou un objet déterminé, foit d’y
trouver telles ou telles communautés , foit de me
rendre fur tel ou tel atrelier pour y tracer l’ouvrage.
Dans le prfrîtems dernier, par exemple, où
je n’ai' point laiflè paffer de femaine fans y aller, jie
ne me luis toujours mis en marche qu’à' Favanture-,
& parce cpi’il étoit- du devoir de mon état d’y aller ;
fituation où je' ne me luis jamais trouvé dans mes
autres travaux, pour lefquels jé ne montois jamais
à cheval fans en avoir auparavant- un fojet médité,
& fans avoir un objet fixe & un but réfléchi qui m’y
appeUoit»
Ce n’eft point faute d’ordonnances néanmoins, 8c
foute de réglemens de la part de l’ autorité publique,
fi ces travaux fe trouvent dans une tellie fituation ;
ils n’ont même été peut-être que trop multipliés ; les
bureaux qui en font occupés & qui entrent! dans les
plus petits détails de cette partie , en font forehar-
gés & même rebutés depuis Iong-tems : mais maigre
la fageflede ces réglemens, & quel que foit leur nombre
, ce n’efl pas la quantité des lois & les écritures
qui conviennent pour le progrès des travaux, mais
plutôt des lois vivantes à la tête des travailleurs; &c
pour cela il meparoît qu’il fout donc les réunir, afin
qu’ils foiérit tous à portée de voir la main qui les conduit
,- & afin qu’ils fêntent plus vivement l’impref-
fion de l’ame qui lés fait mouvoir.
L’intention des ordonnances eft dans le fond que
tous les particuliers ayent à fe rendre au reçû def-
dits ordres oô aù jour indiqué fur les atteliers, pour
y remplir chacun leur objet ; mais c’eft en cela même
que oonfifte ce vice qui corrompt toute l’har-
'monié dêS travaux , puifque s’ils y vont tous ,-on ne
pourra lés Gondiiire, & que s’ils n’y vonr pas, on
ne pourra les punir d’une façon convenable.
La voie de la prifon, qui feroit la meilleure y ne
peut être admifé, parce qu’il y a trop de réfraélai-
r&s f & qtie -chaque particulier ne répondant que
pour fa tâche f il fandroit autant de cavaliers de ma-
réchauffée qu’il- y a de réfraflaires. La voie des gar-
nifofis efl toujours infiiffifante , quoiqu’elle ait été
employée lifté infinité de fois; elle fe termine par
doüze OU quinze francs de frais , que l’on répartit
avec la plii'S grande précifion fur toute ta communauté
rébelle, ènforte que chaque particulier en efl
ordinairement quitte pour trois , f ix , neuf, douze,
ou quinze fous : or quel efl celui qui n’aimé mieux
payer une amende fi modique pour fix femaines ou
deux: mois de defobéiffance, que de donner cinq à
fix jours-dé fon tems pour finir entièrement la tâché ?
aufli fôfrtfilsdevenus généralement infenfibles à cet-
îé pfirfitûoft., fi c’en efl une, & aux ordonwflances réglées
des faiforis. On n’a jamais vû plus d’ouvriers
for les travaux après les gamifons , jamais plus de
monde fitr les rOutes dans la huitaine ou quinzaine
après Firidication du jour de la corvée qu’au para vant ;
on ne reconnoît la faifon du travail que par deux ou
trois corvoyeurs que l’on rencontre par fois , & par
les' plaintes qui fe renouvellent dans les campagnes
fur les embarras^ qu’entraînent les corvées & les chemins.
Il n’efl pas même jufqu’à la façon dont travaillent
le peu de corvoyeurs qui fe rendent chacun fur leur
partie, qui ne découvre les défauts de cette métho:-'
de • l’un foit fon trou d’un côté, un autre va faire fa
petite butte ailleurs , ce qui rend tout le corps de
l’ouvrage d’une difformité monflrueufe : c’efl for-
tout un coup d’oeil des plus finguliers, de voir au
long de la route auprès de tous les ponceaux & aqueducs
qui ont demandé des remblais, cette multitude
de petites cafés féparées ou ifolées les unes des
autres, que chaque cor voyeur a été faire depuis le
tems qu’on tra vaille fur cette route, dans les champs
& dans les prairies, pour en tirer la toife ou la de-
mi-toife de remblai dont il étoit tenu par le rôle général.
Une méthode aufli Singulière de travailler
ne frappe-t-elle pas tout infpefleur un peu verfé dans
la connoiffance des travaux publics, pour lefquels
on doit réunir tous les bras, & non les divifer? On
ne defunit point de même les moyens de la défenfe
d’un état ; on n’afligne point à chaque particulier un
coin de la frontière à garder, ou un ennemi à ter-
raffer : mais on affemble en un corps ceux qui font
deflinés à ce fervice, leur union les rend plus forts ;
on exerce fur un grand corps une difeipline que l ’on
ne peut exercer, fur des particuliers difperfes, une
feule ame fait remuer cent mille bras. Il en doit être
ainfi des ouvrages publics qui intéréfîent tout l’état,
ou au moins toute une province. Un feul homme
peut préfider fur un feul ouvrage où il aura cinq
cents ouvriers réunis, mais il ne pourra fuffire pour
cinq cents ouvrages épars, où fur chacun il n’y aura
néanmoins qu’un feul homme. Il ne convient donc
point de divifer cet ouvrage ; & la méthode de partager
une route entière entre dés particuliers, comme
une taille, ne peut convenir tout au plus qu’à l’entretien
des routes quand elles font faites, mais jamais
quand on les conflruit.
Enfin pour juper de toutes les longueurs qu’entraînent
les corvées tarifées, il n’y a qu’à regarder la
plûpart des ponceaux de cette route : ils ont été
conflruits à ce qu’on dit il y a plus de douze ou treize
ans; néanmoins malgré toutes les ordonnances
données en chaque faifon, malgré les allées, les venues
des ingénieurs-infpeêleurs, des garnifons, lés
remblais qui ont été répartis toife à toife, ne font
point encore faits fur plufieurs, les culées en font
ifolées prefque en entier, le public n’a pu jufqu’à
préfent palier deffus d’une façon commode ; & il
pourra arriver fi cette route efl: encore quelques fai-
ions à fe finir, qu’il y aura plufieurs de ces ouvrages
auxquels il faudra des réparations for des parties qui
n’auront cependant jamais fervi ; chofe d’autant plus
forprenante, que ces remblais l’un portant l’autre ne
demandoient pas chacun plus de dix à douze jours
de corvée, avec une trentaine de voitures au plus,
& un nombre proportionné de pionniers.
Peut-on s’empêcher de repréfenter ici en paffant
l’embarraffante fituation d’un infpe&eur , que Fon
croit vulgairement être l’agent & le mobile de fem-
blables ouvrages ? n’ell-ce point un polie dangereux
pour lu i, qu’une befogne dont la conduite ne peut
que le deshonorer aux yeux de fes fupérieurs & du
public, qui prévenus en faveur d’une méthode qu’ils
croyent la meilleure & la plus julte, n’en doivent
rejetter le mauvais forcés que fur la négligence ou
l’incapacité de ceux à qui l’infpeâion en efl: confiée ?
Non-feulement les corvées tarifées font d’une difficulté
infurmontable dans l’exécution, elles font encore
injulles dans le fond. i°. Soient fuppofés dix particuliers
ayant égalité de biens, & par conféquent égalité
de taille, de conféquemment égalité de tâches ;
ont-ils aufli tous les dix égalité de force dans les
bras ? C ’efl: fans doute ce qui ne fe rencontre guere ;
ainfi quoique for les travaux publics ces dix manou-
vriers ne puiffent être tenus de travailler fuivant
leur taille , mais fuivant leur force, il-doit arriver
& il arrive tous les jours qu’en réglant les tâches
fuivant l’efprit de la taille,on commet une injullice,
qui fait foire à l’un plus du double ou du triple , au
moins plus de la moitié ou du tiers qu’à un autre. z°.
Si l’on admet pour un moment que les forces de tous
ees particuliers, foient au même degré, ou que la
différence en foit legere, le terrein qui leur eft diftri-
bué par égale portion , eft-il lui-même d’une nature
affez uniforme pour ne préfenter-fous volume égal
qu’une égale réfiftance à tous ? Cette homogénéité
de la terre ne fe rencontrant nulle part, il naît donc
de-là encore cette injullice dans les répartitions que
l’on vouloit éviter avec tant de foin. Il eft à pré filmer
qu’on a bien pu dans les commencemens de cette
route avoir quelques égards à la différente nature
des contrées-; mais ce qu’il y a de certain, c’eft qu’il
ne relie plus nul vellige qu’on ait eu primitivement
cette attention : bien plus , quand' on ï’auroit eue,
comme c’ell une chofe que l’on ne peut ellimer toife
à toife, mais par grandes parties , il ne doit toûjours
s’enfuivre que de la difproportion entre toutes les
tâches ; injuftiee où l’on ne tombe encore que parce
que Fon a choifi une méthode qui paroiflbit être
jufte.
Enfin fi Fon joint à tant de défauts effentiels
l’rmp'o’flibïlité qu’il y a encore d’employer une telle
méthode dans des pays montueux & hors des plaines
, c’eft un antre fujet de la défaprouver & d’en
prendre une autre dont l’application puiffe être générale
par fa fimplicité. Il eft facile de comprendre
que les tâches d’hommes à hommes ne peuvent être
appliquées aux defeentes & aux rampes des grandes
vallées, où il y a en même tems des remblais corn-
lidérables à élever & des déblais profonds à foire
dans des terreins inconnus, & au-tfavers de bancs
de toute nature qui fe découvrent à mefure que l’on
approfondit. Ce font-là des travaux qui, encore
moins que tous les autres , ne doivent jamais être
divifés en une multitude d’ouvrages particuliers.
Qn préfentera pour exemple la route de Vendôme,
qu’il eft queftion d’entréprendre dans quelque tems.
Il y a fuir cette route deux parties beaucoup plus difficiles
que les autres à traiter par la quantité de déblais
, de remblais, de roches, & de bancs de pierre
qu’il faudra démolir fuivant des pentes réglées , &
néceflairement avec les forces réunies de plufieurs
communautés ; l’un de ces endroits eft cette grande
vallée auprès de Villedômé, qu’il faut defeendre &
remonter ; l’autre eft la montagne de Château-Renault.
Ces deux parties , par où il conviendra de
commencer parce qu’elles feront les plus difficiles ,
demanderont la plus grande afliduité de la part des
infpeâeurs, & le concours d’un grand nombre de
travailleurs & de voitures, afin que ces grands morceaux
d’ouvrage puiffent être terminés dans deux
ou trois.faifons au plus , fans quoi il eft prefqu’évi-
dent qu’ils ne feront point faits en trente années, fi
on divife la maffe des déblais & des remblais en autant
de portions qu’il y aura de particuliers : puis
donc que la corvée, fur le ton de la taille, eft-défec-
tueufe en elle-même par-tout, & ne convient point
particulièrement aux endroits1 les plus difficiles 8c
les plus confidérables des ouvrages, publics i il convient
préfentement de chercher une réglé générale
qui foit confiante 8c uniforme pour tous les lieux 8c
pour toutes les natures d’ouvrage;
On ne propôlèra ici que ce qui a paru répondre
au principe de faire le plus d'.oitvrage pofjible- dans le
moins de tems pojfble , 8c l’on n’avancera rien qui