qu’elles croiffcnt à mefure qu’ ils en ont plus befoin. I
Quelques perfonnes font venues au monde avec
toutes leurs dents, comme un Marcus Curius Den-
tatus, un Cnéius Papirius Carbo ; ou avec une partie
, comme Louis X IV . D ’autres n’ont eu qu’une
feule dent continue qui occupoit toute la longueur
de la mâchoire , comme Pyrrhus roi d’Epire, 6c
Prufîas. fils du roi de Bithynic : les racines s’étoient
apparemment confondues enfemble. M. Laudumiey
qui fut envoyé en 1714 à la cour d’Elpagne , rapporta
de ce pays une dent molaire qu’il avoit arrachée
, compolée de deux couronnes bien diftinétes,
dont la racine avoit fept branches. On dit que d autres
ont eu deux ou trois rangs de dents à une feule
mâchoire, comme Hercule. # ^
Mentzelius, médecin allemand, affûre avoir vu
à Cleves en 1666, un vieillard âgé de cent vingt
ans , à qui il étoit venu , deux ans auparavant, des
dents doubles qui poufferont avec de grandes douleurs.
Il vit auffi à la Haye un Anglois à qui il étoit
venu un nouveau rang de dents à l’âge de cent dix-
huit ans. à .
Un médecin danois nommé Hagerup , foutient
dans une thele qu’on peut entendre avec les dents.
L’habitude qu’ont les lourds d’ouvrir quelquefois la
bouche pour entendre , 6c qui par ce moyen entendent
effeâivement, peut avoir induit ce médecin en
erreur ; car ce n’eft qu’à la communication que l’oreille
interne a avec la bouche par la trompe d’Euf-
tache, que nous devons attribuer cet effet. Voye1
O uïe & Oreille.
Quant aux animaux, il y a des poiffons qui ont
leurs dents à la langue , comme la truite ; d’autres
les ont au fond du gofier, comme le merlus : d’autres,
comme le grand chien de mer, appellé canis
carcharias, ont trois, quatre ou cinq rangs de dents
à la même mâchoire.
Le requin 6c le crocodile en ont chacun trois
rangs, & toutes incifives. La vipere a deux groffes
dents canines qui font crochues, mobiles , ordinairement
couchées à plat, & qui ne fe drelfent que
lorfque l’animal veut mordre, voyeç V ipere , 6-c.
La grenouille de mer, ou diable de mer, a aufli toutes
fes dents mobiles. Le crapaud & la feche n’ont point
de dents , &; ne laiffent pas de mordre.
Le grand nombre de fqueletes de différens animaux
, que l’on a amaffés par ordre du Roi, & que
l’on conferve avec foin dans la falle du jardin royal,
ayant donné moyen à M. Duverneÿ de comparer
enfemble leurs mâchoires 6c leurs dents, il a remarqué
qu’on peut connoître par la feule infpe&ion de
ces parties, de quels alimens chaque animal a coutume
de fe nourrir.
Les animaux carnaciers, comme les lions, les tigres,
les ours, les loups 6c les chiens, &c. ont au-
devant de chaque mâchoire fix dents incifives, dont
les deux dernieres font plus longues que les quatre
autres qui font au milieu. Les racines de toutes ces
dents font plates, & le côté extérieur de ces racines
eft plus épais que l’intérieur, de même qu’à l’homme.
Enfuite de ces dents incifives font deux dents
canines'fort groffes, de figure ovale, excepté vers
la pointe, qui eft ronde, courbées en-dedans, 6c
environ trois fois plus longues que les premières incifives.
Les deux canines, dans un vieux lion qu’il
a difféqué, avoient plus d’un pouce 6c demi de longueur.
Il y a des efpaces vuides dans chaque mâchoire,
pour loger les bouts de ces dents. Les côtés
des mâchoires lont garnis chacun de quatre molaires
plates 6c tranchantes, qui ont ordinairement
trois pointes inégales, lefquelîes forment une efpece
de fleur-de-lys , la pointe du milieu étant un peu
plus longue que les deux autres. Les dernieres molaires
qui font tout au fond de la mâchoire , font les
plus longues & les plus grolfes, & les autres vont
toujours en diminuant. Les racines de chaque dent
molaire font partagées en deux branches qui s’en-
châfTent dans deux trous creufés dans l’a lvéole, &
qui font féparées par une cloifon où il y a de chaque
côté une efpece de languette qui entre dans une petite
rainure creufée dans la partie intérieure de chaque
branche, afin de tenir la dent plus fermement en-
châifée : ces dents font emboîtées de maniéré qu’elles
portent entièrement fur la cloifon, & que le bout
de chaque branche ne preffe que très-peu le fond de
fon alvéole. Les chiens & les loups ont douze molaires
à chaque mâchoire. L’ours a cela de particulier,
que fes dents molaires font plates , à-peu-près
comme celles des chevaux.
Dans les animaux carnaciers la mâchoire inférieure
eft plus étroite que la fupérieure ; de forte
que la mâchoire venant à fe fermer, les dents molaires
ne fe rencontrent point l’une contre l’autre,
mais celles de la mâchoire d’en-bas paffent par-def-
lous celles d’en-haut, à la maniéré des branches des
cifeaux : néanmoins ces deux mâchoires font d’égale
longueur, ainfi les dents incifives fe rencontrent
l’une contre l ’autre, à la maniéré des tenailles.
L’articulation de la mâchoire inférieure eft favorable
à ce mouvement; car étant en forme de charn.
ere , elle ne lui permet qu’ un fimple mouvement
de haut en-bas ou de bas en-haut : la maniéré dont
les canines ou défenfes s’engagent les unes dans les
autres, y contribue auffi beaucoup.
Les dents incifives d’en - bas rencontrant celles
d’en-haut, à lcfypianiere des tenailles, comme il a
été dit, il paroît qu’elles font faites pour arrêter la
proie, pour la couper, 6c même pour la déchirer;
car elles ont quelques pointes inégales , n’étant pas
Amplement taillées en coin ou en bifeau, comme le
font les incifives des autres animaux.
Les canines fervent auffi à déchirer, mais leur
principal ufage eft de percer & de retenir ; & plus
leurs crochets font longs, plus ils retiennent facilement
ce que l’animal arrache.
Les racines de ces dents canines font très-longues;
elles font courbées en-dedans, de même que la partie
extérieure de là dent ; & le plus grand diamètre du
corps de la dent, qui eft o vale, comme on a remarqué
ci-deffus, fuit la longueur de la mâchoire : ce
qui fait que les dents réfiftent davantage en - devant
que de côté ; ç’eft auffi en ce fens-là que ces animaux
font de plus grands efforts.
Les molaires des animaux carnaciers ne fe rencontrent
point, comme dans les animaux qui broyent
leur nourriture ; mais elles agiffent en cifeaux, ainfi
qu’il a été dit. Les trois pointes dont elles font armées
, font connoître qu’elles ne fervent qu’à déchirer
6c à brifer : elles font égales, afin qu’entrant
l’une après l’autre, elles trouvent moins de réfiftance
à la fois, 6c que par ce moyen elles puiflent facilement
broyer par parties ce qu’elles auroient de la
peine à broyer tout enfemble. Les dernieres dents
molaires font les plus groffes 6c les plus folides, de
même qu’à l’homme , parce qu’elles fervent à brifer
les choies les plus dures.
Les dents molaires de l’ours ne font ni tranchantes
ni pointues, mais platçg 6c quarrées, & elles fe
rencontrent, à la maniéré des dents des animaux qui
broyent leur nourriture ; ce qui fait connoître que
les dents molaires de l ’ours ne peuvent pas broyer
en frottant obliquement l’une contre l’autre, comme
font les meules : car l’engagement des défenfes 6c
l’articulation de la mâchoire en forme de charnière,
ne leur permettent pas d’autre mouvement que celui
de haut en-bas; ainfi elles brifent feulement , de la
maniéré que le pilon écrafe dans un mortier.'
Les dents incifives 6c les canines de l’ours, font
ordinairement plus petites que celles du lion ; auffi
l’ours fe fert-il plus de fes pattes que de fes dents ,
foit pour combattre , foit pour déchirer 6c rompre
les filets 6c les toiles des chaffeurs ; parce que fes
pattes font très-larges, 6c qu’elles font armées de
griffes longues 6c crochues, & que les mufcles qui
fervent à les mouvoir, font très-forts ; au lieu que
fes dents ne font pas fort longues, comme on l ’a
déjà fait remarquer, & que la groffeur & l’épaiflèur
de fes levres l’empêchent de s’en fervir aufli commodément
que fait le lion.
Dans le lion & dans la plûpart des animaux carnaciers,
le fommet de la tête eft élevé comme la
crête d’un cafque ; 6c les os des tempes 6c les pariétaux
font difpofés de maniéré qu’il y a vers les tempes
un enfoncement très-confidérable : cette crête
& cet enfoncement fervent à aggrandir l’ef'pace où
font logés les mufcles des tempes, qui couvrent les
deux cotés du fommet de la tête. Il y a un finus ou
enfoncement dans l’os de la mâchoire inférieure,
au-deffus de fon angle, qui fert encore à aggrandir
l’efpace où doit être logé le mufcle maffeter, qui eft
fort épais.
Les mâchoires de ces animaux font compofées de
grands os très - folides, armés de dents groffes &
tranchantes, & garnis de mufcles très-forts, tant
pour leur épaiffeur extraordinaire & par leur tiffu
Fort compare, que parce qu’ils font très-éloignés
du point d’appui ; ainfi elles ont tout ce qui eft né-
ceflàire pour ferrer puiffamment la proie , ôc pour
la déchirer.
Les boeufs, les moutons, les chevres, les cerfs,
les dains, 6c tous les autres animaux qui vivent
d’herbe, & qui ruminent, n’ont point de dents incifives
à la mâchoire lupérieure ; mais ils ont à la
place de ces dents, une efpece de bourlet formé de
la peau intérieure de la bouche, qui eft fort épaiffe
en cet endroit.
Le devant de leur mâchoire inférieure eft garni de
huit dents incifives, qui font de différente longueur,
& difpofées de maniéré que celles du.milieufont les
plus longues & les plus larges, & que les autres vont
toujours en diminuant. Ces animaux n’ont point de
dents canines ni en-haut ni en-bas ; entre les incifives
& les molaires, il y a un grand efpace vuide
qui n’eft point garni de dents : ils ont à chaque mâchoire
douze dents molaires, favoir fix de chaque
cô té , dont les racines ont pour l’ordinaire trois
crocs enchâffés comme ceux des dents molaires du
lion. La bafe de ces dents, qui eft à l’endroit par où
elles 1e touchent en mâchant, eft rendue inégale par
plufieurs éminences pointues, entre lefquelîes il y a
de petits enfoncemens ; de forte que les dents d’en-
haut 6c celles d’en-bas venant à le rencontrer, les
pointes des unes gliffent dans les cavités des autres,
6c permettent le mouvement de la mâchoire de
droite à gauche. Ces dents étant coupées obliquement
, leur furface en devient plus grande , & par
conféquent plus propre à broyer.
La mâchoire inférieure eft prefque de la moitié
moins large que la fupérieure ; ce qui la rend plus
légère , 6c beaucoup plus propre au mouvement :
elle ne laifle pas d’être aufli propre à broyer que fi
elle étoit plus large, parce que pouvant fe mouvoir,
elle peut s’appliquer lucceflivement à tous les endroits
de la mâchoire fupérieure, dont les dents font
plus larges, peut - être afin de fuppléer en quelque
façon , par leur largeur, au mouvement qu’elle n’a
pas. Ces dents paroiffent compofées de différentes
feuilles appliquées les unes aux autres.
A la mâchoire fupérieure, la partie extérieure de
la dent eft moins folide, & plus longue que la partie
inférieure de la même dent : à la mâchoire inferieure,
au contraire, la partie extérieure de la dent eft
plus folide 6c moins longue que fa partie intérieure.
Cette difpofition étoit néceflaire ; car il eft évident
qu à la mâchoire inférieure , l’extérieur de la dent
s’appuie plus long-tems dans le broyement fur la
dent de la mâchoire fupérieure , que l’intérieur de
la même dent ; 6c qu’au contraire dans la mâchoire
fuperieure la partie intérieure de la dent foûtient
plus long-tems le frottement de la mâchoire infé*
rieure, que l’extérieur de cette même dent. Ce ft
pour cela qu’à la mâchoire fupérieure le côté inté*
rieur de la dent eft plus court que l’extérieur, quoiqu’il
foit plus folide, & qu’à la mâchoire inférieure
le côté extérieur de la dent eft le plus court 6c le
plus folide.
Le chameau eft différent des autres animaux qui
ruminent, en ce qu’il a dix incifives à la mâchoire
inférieure , 6c qu’il a à chaque mâchoire trois canines
, qui font courtes 6c difpofées comme celles
des chevaux.
Le bourlet qüe les animaux qui ruminent ont au
lieu de dents à la mâchoire fuperieure, eft fi propre
pour aider à couper l’herbe 6c à l’arracher, que fi
l’on avoit à choifir de mettre un corps dur à la place,
on devroit s’en tenir au bourlet ; car il eft certain
que deux corps durs, quand même ils feroient continus
, ne s’appliqueroient jamais fi exactement l’un
contre l’autre , qu’il n’y eût des intervalles qui laif-
feroient paffer quelques brins d’herbe ; 6c que s’ils
étoient divilés comme le font les dents , il s’en
échapperait davantage. D ’ailleurs ces brins d’herbe
étant inégaux en groffeur, en dureté, il arriveroit
que les plus gros 6c les plus durs empêcheroient les
plus petits d’étre ferrés autant qu’il leroit néceflaire
pour être arrachés ; au lieu que le bourlet s’appliquant
à la mâchoire inférieure, remédie à tous les
inconvéniens ; 6c qu’enfin il épargne aux dents une
partie du coup qu’elles recevroient lorfque les animaux
arrachent l’herbe ; car la violence du coup eft
amortie par la molleffe du bourlet.
Ce qui le paffe dans l’a&ion des dents, lorfque ces
animaux paiffent l’herbe, eft très-remarquable. Le
boeuf jette d’abord fa langue pour embraffer l ’herbe,
comme le moiffonneur fait avec fa main; enfuite il
ferre cette herbe avec fes dents d’en-bas contre le
bourlet. Mais fi les dents incifives étoient également
longues, elles ne pourroient pas ferrer l’herbe également
par-tout ; c’eft pourquoi elles vont toujours
en diminuant, comme on l’a ci-devant remarqué.
L’herbe étant ainfi ferrée contre le bourlet qui
fert à ces animaux comme une autre branche de tenailles
, ils la coupent & l’arrachent facilement ; &
le coup de tête qu’ils donnent à droite ou à gauche,
y contribue beaucoup. Cette herbe étant ainfi arrachée,
les joues fe ferrent & s’enfoncent dans le
vuide qui eft entre les incifives 6c les molaires j
pour arrêter ce qui a été arraché, 6c empêcher qu’il
ne retombe. La langue qui s’infinue aufli dans ce
vuide, ramaffe 6c pouffe l’herbe dans le fond du
gofier, où elle ne fait que paffer, fans être que fort
peu mâchée.
Après que ces animaux ont employé une quantité
fuflifante de cette nourriture, 6c qu’ils en ont rempli
le premier ventricule appellé la pance, l’animal
fe met ordinairement fur les genoux pour ruminer
avec plus de facilité ; & alors l’herbe (qui pendant
qu’elle a demeuré dans ce premier ventricule, a été
un peu ramollie, tant par la chaleur & par l’humidité
de cette partie, que par l’aftion de la falive
dont elle a été moitillée en paffant par la bouche) ,
eft renvoyée dans la bouche pour'être remâchée,
& enfuite diftribuée aux autres ventricules, dans
un état plus propre à y être digérée : ainfi l’animal
ayant ramené cette herbe par pelotons dans
la bouche ? par une méchanique très-ingénieufe qu’- E