» intéreffante les anciennes traditions, 8c les allego-
►> ries fous lefquelles l’Ecriture & le ftyle figuré des
.» premiers peuples rendaient les grands evenemens
» de la nature. jf
>, On peut juger par les feuls fyftèmes de Bumet
.«• & de Whifton, qui ont été adoptes en tout ou en
» partie par beaucoup d’autres phyficiens apres eux,
» combien cette queftion des caules phyfiques du
.» déluge eft embarraffante. On pourroit cependant
» foupçonner que ces favans fe lont rendus à eux-
» mêmes ce .problème plus difficile qu’il n’eft peut-
» être en effet, en prenant avec trop d’étendue ce
» que dit la Genefe des quinze coudées d’élévation
y* dont les eaux du déluge furpaffercnt les plus hautes
■>f montagnes. Sur cette exprèffion ils ont prefque
» tous imaginé que la terre avoit dû par conféquent
être environnée en entier d’un orbe d’eau qui s e-
» toit élevé à pareille hauteur au-deffus du niveau
» ordinaire des mers ; volume énorme qui les a obli-
» gé tantôt de rompre notre globe en morceaux
» pour le faire écrouler fous les eaux, tantôt de le.
» diffoudre 8c de le rendre fluide, 8c prefque toû-
« jours d’aller emprunter au relie, de l’univers les
« eaux néceffaires pour remplir les valles efpaces
« qui s’étendent jufqu’au fommet de nos montagnes.
« Mais pour fe conformer au texte de la G enefe,
« elt-il néceffaire de fe jetter dans ces embarras, &:
» de rendre fi compofés les afles qui fe pafferent alors
« dans la nature ? La plupart de ces auteurs ayant
« conçu qu’il y eut alors des marées exceffives, ne
» pouvoient-ils pas s’en tenir à ce moyen fimple 8c
«puiffant, qui rend li vraiffemblable la foupfefle
>> qu’on a lieu de foupçonner dans les continens de
« la terre ? foupleffe dont l’auteur d’une mappemon-
» de nouvelle vient d’expliquer les phénomènes 8c
« les effets dans les grandes révolutions.. ,
» Si cette flexibilité des cpuches continues de la
v terre ell une des principales caufes confpirantes
« au mouvement périodique dont nos mers font re-
« gulierement agitées dans leurs baffins, il ell donc
>> très-poffible que le reffort de la voûte terrellre
>> fortement agitée au tems du déluge, eût permis
» aux mers entières de fe porter fur les continens ,
» 8c aux continens de fe porter vers lé centre de la
» terre en fe fubmergeant fous les eaux avec une al-
» ternative de mouvement toute femblable à celui
« de nos marées journalières ; mais avec une telle
« action & une telle accélération, que tantôt l’hé-
» mifphere maritime étoit à fec quand l’hémifphere
« terrellre étoit fubmergée, 8c que tantôt celui-ci
» reprenoit fon état naturel en repouffant les eaux
« dans leurs baffins ordinaires. La furface du globe
« ell affez également divifée en continens & en
» mers , pour que les eaux de ces mers ayent feules
» fuffi .à couvrir une moitié du globe dans les tems
« où l’agitation du corps entier de la terre lui faifoit
« abandonner l’autre. Le phylicien ne doit conce-
« voir rien d’impoffibledans une telle opération, 8c
» le théologien rien de contraire au texte de la Ge-
« nefe ; il ,n’aura point fallu d’autres eaux que celles
« de notre globe, & aucun homme n’aura pû échap-
y> per à ces marées univerfelles.
- » La tmifieme queftion furie déluge roule fur fes
» effets ? & les favans font extrêmement partagés
«là-deffus-: ils fe font tous accordés pendant long-
» tems à regarder là difperfxon des corps marins com-
« me un des effets de ce grand événement; mais la
» difficulté eft d’expliquer cet effet d’une maniéré
y* conforme.à la difpofition & à lafituation des bains,
sy des couches & des contréesoù on les trouve ; 8c
« c’eft <en quoi les Naturaliftes ne s’accordent guere ».
- Ceux qui fuiv.entle fyftème.de Defcart.es, comme
Stenon, &c. prétendent que ces relies d’animaux de
la .terre des eaux7 ces branches d’arbres, ces feuille
s , &c. que l’on trouve dans les lits & couches des
carrières, font une preuve de la fluidité de la terre
dan%fon origine ; mais alors ils font obligés d’admettre
une fécondé formation des couches beaucoup po-
ftérieure à la première, n’y ayant lors de la première
ni plantes ni animaux : c’eft ce qui fait foûtenir à
Stenon qu’il s’eft fait dans différens tems de fécondés
formations, par des inondations, des tremblemens
de terre, des volcans extraordinaires, &c. Burnet,
Woodward,Scheuchzer, &c. aiment mieux attribuer
au déluge une fécondé formation générale fans cependant
exclure les formations particulières de Stenon.
Mais la grande objeÔion qui s’élève contre le
fyftème de la fluidité, ce font les montagnes ; car li
le globe de la terre eût été entièrement liquide,
comment de pareilles inégalités fe feroient-elles formées?
« comment le mont Ararat auroit-il montré à
» Noé fon pic & fes effroyables dégradations, telles
« dès ces premiers tems que M. Tournefort les a
« vues au commencement de ce fiecle, c ’eft-à-dire
« infpirant l’horreur 8c l’effroi » ?
Scheuchzer eft du fentiment de ceux qui prétendent
qu’après le déluge D ieu, pour faire rentrer les
eaux dans leurs réfervoirs foûterrains, brifa 8c ôta
de fa main toute-puiffante un grand nombre de couches
qui auparavant étoient placées horifontale-
ment, 8c les entaffa fur la furface de la terre ; rai-
ion, dit-il, pour laquelle toutes les couches qui fe
trouvent dans les montagnes, quoique concentriques
, ne font jamais horifontales.
‘Woodward regarde ces différentes couches comme
les fédimens du déluge ; & il tire un grand nombre
de conféquences des poiffons, des coquillages j
8c des autres débris qui expliquent affez clairement
félon lui les effets du déluge. Premièrement que les
corps marins & les dépouilles des poiffons d’eau,
douce ont été entraînés hors des mers 8c des fleuves
par le déluge univerfel, 8c qu’enfuite les eaux venant
à s’écouler les ont laiffés fur la terre. z°. Que
pendant que l’inondation couvroit le globe de la
terre, tous les folides, tels que les pierres, les métaux,
les minéraux, ont été entièrement diffous , à
l’exception cependant des foffiles marins ; que ces
corpulcules fe font trouvés enfuite confondus avec
les coquillages & les végétations marines 8c terref-
tres, & ont formé des maffes communes. Troifie-
mement que toutes ces maffes qui nageoient dans les
eaux pêle-mêle, ont été enfuite précipitées au fond;
8c fuivant les lois de la pefanteur, les plus lourdes
ont occupé les premières places, 8c ainfi des autres
fucceffivement : que ces matières ayant de cette maniéré
pris confiftance, ont formé les différentes couches
de pierre, de terre, de charbon, &c. Quatrièmement
que ces couches étoient originairement tou-,
tes parallèles, égales & régulières, 8c rendoient la
furface de la terre parfaitement lphérique ; que toutes
les eaux étoient au-deffus, 8c formoient une fphe-
re fluide qui enveloppoit tout le globe de la terré.
Cinquièmement que quelque tems après par l’effort
d’un agent renfermé dans le fein de la terre, ces
couches furent brifées dans toutes les parties du globe
, 8c changèrent de fituation ; que dans certains endroits
elles furent élevées, 8c que dans d’autres elles
s’enfoncèrent; & de-là les montagnes, les vallées,
les grottes, <S*c. le lit de la mer, les îles, &c. en un
mot tout le globe terrellre arrangé par cette rupture
& ce déplacement de couches, félon la forme que
nous lui voyons préfentement. Sixièmement que par
cette rupture des couches, l’enfoncement de quél-
ques parties & l’élévation d’autres qui fe firent vers
la fin du déluge, la maffe des eaux tomba dans les
parties de la terre qui fe trouvèrent les plus enfoncées
& les plus baffes, dans les lacs & autres cavi-
tés^ dans le lit de l’océan, 8c remplit l’abyfme par.
les ouvertures qui y communiquent, jufqu’au point
qu’elle fut en équilibre avec l’océan. « On peut ju-
« ger par cet extrait, que l’auteur a recours pour
« expliquer les effets du déluge à un fécond chaos :
« fon fyftème eft extrêmement compofé ; & fi en
« quelques circonftances il paroît s’accorder avec
« certaines difpofitions de la nature, il s’en éloigne
« en une infinité d’autres : d’ailleurs, le fond de cette
« théorie roule fur un principe fi peu vraiffemblable,
» fur cette diffolution univerfelle du globe, dont il
>> eft forcé d’excepter les plus fragiles coquillages,
« qu’il faudroit être bien prévenu pour s’y arrêter.
» Mais tous ces fyftèmes fur l’origine des foffiles
« deviendront inutiles, & feront abandonnés en en-
« tier, fi le fentiment qui n’attribue leur pofition 8c
« leur origine qu’à un long & ancien féjour de toutes
« nos contrées préfentement habitées fous les mers,
« continue à faire autant de partifans qu’il en fait au-
» jourd’hui. La multitude d’obfervations' que nous ‘
« devons de notre fiecle 8c de nos jours, à des per-
« fonnes éclairées, 8c dont plufieurs ne font nulle-
« ment fufpeûes de nouveauté fur le fait de la reli-
» gion, nous ont amené à cette idée, que toutes les
« découvertes confirment de jourenjour;&vraiffem-
« blablement c ’eft où lesPhyficiens&lesThéologiens
« mêmes vont s’en tenir : car on a cru pouvoir aifé-
« ment allier cette étrange mutation arrivée dans la
« nature, avec les fuites & les effets du déluge félon
« l’hiftoire fainte ».
M. D. L. P. eft un des premiers qui ait avancé
qu’avant le déluge notre globe avoit une mer extérieure
, des continens, des montagnes, des rivières,
&c. & que ce qui occafionna le deluge fut que les cavernes
foûterraines 8c leurs piliers ayant été brifés
par d’horribles tremblemens de terre, elles,furent,
ïinon en entier, du moins pour, la plus grande partie,
enfevelies fous les mers que nous voyons aujourd’hui
; & qu’enfin cette terre où nous habitons
étoit le fond de la mer qui exiftoit avant le déluge ;
& que plufieurs îles ayant été englouties, il s’en eft
formé d’autres dans les endroits où elles font préfentement.
Par un tel fyftème qui remplit les idées & les vûes
de l’Ecriture-fainte, les grandes difficultés dont font
remplis les autres fyftèmes s’évanouiffent ; tout ce
que nous y voyons s’explique naturellement. On
n’eft plus furpris qu’il fe trouve dans les différentes
couches de la terre, dans les vallées, dans les montagnes
, 8c à des profondeurs furprenantes, des amas
immenfes de coquillages, de bois, de poiffons, 8c
d’autres animaux, 8c végétaux terreftres & marins :
ils font encore dans la pofition naturelle où ils étoient
lorfque leur élément les a abandonnés, 8c dans les
lieux où les fraélures 8c les ruptures arrivées dans
cette grande cataftrophe leur ont permis de tomber
&de s’enfevelir. Tranfacl. philof. n°. 2(fév - ;
« M. Pluche n’a pas été le feul à emoraffer un fyf-
» tème auffi chrétien, 8c qui lui a paru d’autant plus '
» vraiffemblable, que nous ne trouvons fur nos con-
» tinens aucuns débris des habitations & des travaux
» des premiers hommes, ni aucuns veftiges fenfibles
» du féjour de l’efpece humaine ; ce qui devroit être,
» à ce qu’il lui femble, fort commun fi la deftruélion
» univerfelle des premiers hommes étoit arrivée fur
» les mêmes terreins que nous habitons ; obje&ion
» puiffante que l’on fait à tous les autres fyftèmes ,
» mais à laquelle ils peuvent néanmoins en oppofer
» une autre qui n’a pa's moins de force pour détruire
»•toutes les idées des modernes.
» M. Pluche 8c les autres qui ont imaginé que
» l’ancienne terre où il ne devoit point y avoir de
» foffiles marins a été précipitée fous les eaux, &
» que les lits des anciennes mers ont pris leur place,
» font forcés de convenir que les régions du Tigre
Tome IV .
» & de l’Euphrate n’ont point été comprifes dans
' » cette terrible fubmerfion, 8c qu’elles feules en ont
» été exceptées parmi toutes celles de l’ancien mon-
» de. Le nom de ces fleuves 8c des contrées circon-
» voifines, leur fertilité incroyable , la férenité du
» ciel, la tradition de tous les peuples, 8c en parti-
» lier de l’hiftoire fainte , tout les a mis dans la né-
» ceffité de fouferire à cette vérité , & de dire voici
» encore le berceau du genre humain ; Spe£l. de la Nat.
» tom. VIII. pag. ^93. Si on examine à préfent com-
» ment cette exception a pû fe faire 8c ce qui a dû
» s’enfuivre, on ne trouvera rien que de très-con-
» traire à l’époque où le nouveau fyftème fixe la
» fortie de nos continens hors des mers. Si les pays
» qu’arrofent le Tigre 8c l’Euphrate n’ont point été
» effacés de deffus la terre, 8c n’ont point changé
» comme on eft obligé d’en convenir, c’eft fans doute
» parce qu’il n’y eut point d’affaiffement dans les
» fommets d’où ces fleuves defeendent, dans ceux
» qui les dirigent à l’orient 8c à l’occident en y con-
» duifant {es ruiffeaux & les grandes rivières qui les
» forment, ni aucune élévation au lit de cette par-
» tie de nos mers où ils fe déchargent ; d’où il doit
» fuivre que toute cette étendue de terre bornée par
» la mer Cafpienne, la mer Noire, la mer Méditer-
» ranée, & le golfe Perfique, n’a du recevoir auflt
» aucune altération dans fon ancien niveau 8c dans
» fes pentes, &: dans la nature de fes terreins ; puif-
» que les revers de tous les fommets qui regardent les
» grandes vallées du Tigre & de l’Euphrate n’ayant
» point baiffé ni changé, il eft confiant que le revers
» de ces mêmes fommets qui regardent l’Arménie ,
» la Perfe, l’Afie mineure, la Syrie, l’Arabie, &c.
» n’ont point dû baiffer non plus, 8c qu’ainfi toutes
» ces vaftes contrées fituées à l’entour 8c au-dehors
» du baffin de l’Euphrate & des rivières qui le for-
» ment, n’ont fouffert aucun affaiffement, & ont été
» néceffairement exceptées de la loi générale en fa-
» veur de leur proximité du berceau du genre hu-
» main : elles font donc partie de cet illuftre échan-
» tillon qui nous relie de l’ancien monde, & c’eft:
» donc là qu’on pourroit aller pour juger de la diffé-
» rence qui doit fe trouver entr’eux, & voir enfin fi
» elles ne contiennent point de foffiles marins com-
» me tout le relie de la nouvelle terré'que nous ha-
» bitons ; c’eft un voyage que les naturaliftes & les
» voyageurs nous épargneront ; nous favons que tou-
» tes ces contrées font remplies comme les nôtres de
» produ&ions marines qui font étrangères à leur état
» préfent ; Pline même connoiffoit les boucardes fofi
» files qu’on trouvoit dans la Babylonie : que devient
» donc le fyftème fur l’époque de la fortie des conti-
» nens hors des mers ? N’eft-il point vifible que ces
» obfervations le détruifent, & que fes partifans n’en
» font pas plus avancés, puifqu’il n’y a point de dif-
» férence entre le nouveau 8c l’ancien monde, cho-
» fe abfolument néceffaire pour la validité de leur
» fentiment ? Au relie ces réflexions ne font point
» contraires au fond de leurs obfervations. Si M.
» Pluche & un grand nombre d’autres ont reconnu
» que nos continens après un long féjour fous les
» eaux, où leurs couches & leurs bancs coquilleux
» s’étoient conftruits 8c accumulés * en font autre-
» fois fortis pour devenir l’habitation des hommes,
» c’eft une chofe dont on peut convenir, quoiqu’on
» ne convienne point de l’époque.
»•Quant aux preuves hiftoriques 8c phyfiques du
>> déluge 8c de fon univerfalité, il nous reliera toû-
» jours celle de l’uniformité des traditions, de leur gé-
« néralité, 8c celles que l’on peut tirer des grands
» efearpemens 8c des angles alternatifs de nos val-
» lées, qui au défaut des corps marins nous peuvent
» donner des preuves, nouvelles à la vérité , mais
» auffi fortes néanmoins que toutes celles qu’on
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