
P
lil II
«3-8 D A T
Ces prépofitions, clam, ex, de, & quelques aut
re s , ne forment jamais de fens avec les autres ter-
jninaifons du nom ; la feule terminaifon de l’ablatif
deur eft affeâée. ^ 7
Il eft évident que ce fens particulier énoncé ainfi
■ en Latin avec une prépolition, eft rendu dans les
autres langues, & fouvent même en latin, par des
équivalens, qui à la vérité expriment toute la force
■ de l’ablatif latin joint à une prépolition, mais on ne
dit pas pour cela de ces équivalens que ce foient des
ablatifs ; ce qui fait voir que par ce mot ablatif, on
entend une terminaifon particuliere du nom affectée
, non à toutes fortes de prépofitions, mais feulement
à quelques-unes : cum prudcntiâ , avec pruden-
•ce ;prudentid eft un ablatif : l’a final dedÿâblatif étoit
^prononcé d’une maniéré particuliere qui le diftin-
guoit de Fa du nominatif ; on fait que Va eft long à
l’ablatif. Mais prudtnter rend à la vérité le meme
■ fens que cum prudentiâ ; cependant on ne s’eft jamais
avifé de dire que prudcnter fût un ablatif: de même
tfaro rou.^flow/xoü rend aufli en grec le même fens que
prudemment, avec prudence, ou en homme prudent ; cependant
on ne dira pas que rôv çpovtpov foit un ablatif
; c ’eft le génitif de <ppôv//Mç, prudens, & ce génitif
eft le cas de la prépolition ano, qui ne fe conftruit
qu’avec le génitif.
Le fens énoncé en latin par une prépolition & un
nom à l’ablatif, eft ordinairement rendu en grec par
une prépofition; & un nom au génitif, w
proe gaudio , de jo ie , gaudio eft à l’ablatif latin ;
mais fcapètV, eft un génitif grec , félon la méthode
même de P. R.
Ainfi quand on demande fi les Grecs ont un ablat
if, il eft évident qu’on veut favoir fi dans les décli-
naifons des noms grecs il y a une terminaifon particuliere
deftinée uniquement à marquer le cas qui en
latin eft appellé ablatif.
On ne peut donner à cette demande aucun autre
fens raifonnable ; car on fait bien qu’il doit y avoir
en grec, & dans toutes les langues, des équivalens
qui répondent au fens que les latins rendent par la
prépolition & l’ablatif. Ainfi quand on demande s’il
y a un ablatif en grec, on n’eft pas cenfé demander
ü les Grecs ont de ces équivalens ; mais on demande
s’ils ont des ablatifs proprement dits : or aucun
des mots exprimés dans les équivalens dont nous
parlons, ne perd ni la valeur ni la dénomination
qu’il a dans fa langue originale. C ’eft ainfi que lorf-
que pour rendre coram patrt, nous difons en préfence
de fon pere , ces mots de fonpere ne font pas à l’ablat
if en françois, quoiqu’ils répondent à l’ablatif latin
pâtre.
La queftion ainfi expofée, je répété ce j’ai dit
dans l’Encyclopédie, les Grecs nont point de terminaifon
particuliere pour marquer Vablatif.
Cette propofition eft très-exafte, &c elle eft généralement
reconnue, même par la méthode de P. R.
p . 43 , édit, de 16 3 6 , Paris. Mais l’auteur de cette
méthode prétend que quoique l’ablatif grec foit toitâfc
jours femblable au datif par la terminaifon, tant aip>
fingulier qu’au plurier, il en eft diftingué par le régime
, parce qu’il eft toûjours gouverne d’une prépofition
expreffe ou foufentendue : mais cette prétendue
diftin&ion du même mot eft une chimere ; le
verbe ni la prépofition ne changent rien à la dénomination
déjà donnée à chacune des définances des
noms,dans les langues qui ont des cas. Ainfi puisque
l’on convient que les Grecs n’ont point de terminaifon
particuliere pour marquer l’ablatif, je conclus
avec tous les anciens Grammairiens que les
•Grecs n’ont point d ’ablatif.
Pour confirmer cette conclufion, il fout obferver
qu’anciennement les Grecs & les Latins n’avoient
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également que cinq cas, nominatif , génitif , datif-
accufatif, & vocatif.
Les Grecs n’ont rien changé à ce nombre ; ils n’ont
que cinq cas : ainfi-le génitif eft toûjours demeuré
génitif, le datif toujours datif, en un mot chaque
cas a gardé la dénomination de fa terminaifon.
Mais il eft arrivé en latin que le datif a eu avec
le tems deux terminaifons différentes ; on difoit au
datif morti & morte ,
Pojlquàm ejl morte datus Plautus, comoedia lugët»
Gell. no cl. attic. 1.24.
oïi morte eft au datif pour morti.
Enfin les Latins ont diftingué ces deux terminai'-'
fions; ils ont laiffé à lune le nom ancien de datif,
& ils ont donné à l’autre le nom nouveau à’ablatif.
•Ils ont deftiné cet a b la t i f une douzaine de prépofitions
, & lui ont afligné la derniere place dans les
paradigmes des rudimens, enforte qu’ils l ’ont placé
le dernier & après le vocatif. C ’eft ce que nous apprenons
dePrifcien dans fon cinquième livre, au chapitre
de cafu. Igitur ablativus proprius ejl Romanorum,
& quia novus videtur à Latinis inventas, vetuflati reli-
quorum cafuum concejjit. C ’eft-à-dire qu’on l’a placé
après tous les autres.
Il n’eft rien arrivé de pareil chez les Grecs ; en-
forte que leur datif n’ayant point doublé fa terminaifon
, cette terminaifon doit toûjours être appel-
lée datif : il n’y a aucune raifon légitime qui puiffe
nous autorifer à lui donner une autre dénomination
en quelque occafion que ce puiffe être.
Mais, nous d it -o n , avec la méthode de P. R*’
quand la terminaifon du datif tert à déterminer une
prépofition, alors on doit l’appeller ablatif, parce
que l’ablatif eft le cas de la prépofition, cafus proe-
pojitionis ; ce qui met, difent - ils , une merveilleufe
analogie entre la langue greque & la latine.
Si ce raifonnement eft bon à l’égard du datif,
pourquoi ne l’eft-il pas à l’égard du génitif, quand
îe génitif eft précédé de quelqu’une des prépofitions
qui fe conftruifent avec le génitif, ce qui eft fort ordinaire
en grec?
Il eft même à obferver, que la maniéré la plus
commune de rendre en grec un ablatif, c’eft de fe
fervir d’une prépofition & d’un génitif* ,
L’accufatif grec fert aufli fort fouvent à déterminer
des prépofitions : pourquoi P. R. reconnoît-il
en ces occafions le génitif pour génitif, & l’accufatif
pour accufatif, quoique précédé d’une prépofition
? & pourquoi ces meilleurs veülent-ils que lorf-
que le datif te trouve précifément dans la même po-
fition, il foit le feul qui foit métamorphofé en ablatif?
Par ratio paria jûra defiderat.
Il y a par - tout dans l’efprit des hommes certaines
vûes particulières, ou perceptions de rapports ,
dont les unes font exprimées par certaines combi-
naifons de mots, d’autres par des terminaifons, d’autres
enfin par des prépofitions, c’eft-à-dire par des
mots deftinés à marquer quelques-unes de ces vûes j
mais fans en faire par eux-memes d’application individuelle.
Cette application ou détermination fe
fait par le nom qui fuit la prépofition ; par exemple,
fi je dis de quelqu’un qu’il demeure dans , ce mot
dans énonce une efpece ou maniéré particulière de
demeurer, différente de demeurer avec, ou de de-
meur fur ou fous, ou auprès, &c.
’ Mais cette énonciation eft indéterminée: celui à
qui je parle en attend l’application individuelle. J’a-
joûte, il demeure dans la maifon de fon pere : l’efprit
eft fatisfait. Il en eft de même des autres prépofitions
, avec, fur, à , de, &c.
Dans les langues où les noms n’ont point de cas*
on met Amplement le nom après la prépofition.
Dans les langues qui ont d e$ a s , l’ufage a affetté
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Certains cas à certaines prépofitions. Il falfoit hér
ceffairement qu’a près la prépofition le nom parût
pour la déterminer : or le nom ne ppuvoit être énon-i
çé qu’avec quelque-une de feS terminaifons. La distribution
de ces, terminaifons entre les prépofitions,
a été faite en chaque langue au gré de l’ufage.
Or il eft arrivé en latin feulement, que l’ufage a
affetté aux préppfitions a , de, ex,pro, &c. une terminaifon
particulière du nom ; enforte que cette,
terminaifon ne paraît qu’après quelque-une de ces
préppfitioqs exprimées ou foufentendues : c’eft cette
terminaifon du nom qui eft appellée ablatif dans les
rudimens latins. San&ius & quelques autres gramr
mairiens l’appellent cafusproepojîtionis, c’eft-à-dire
ças affeûé uniquement non à toutes fortes de prép
o s ion s , mais feulement à une douzaine ; de forte
qu’en latin ces prépofitions ont toujours un ablatif
pour complément, ç’eft-à-dire un mot avec lequel
elles font un fens déterminé ou individuel, & de fon
çoté l'ablatif ne forme jamais de fens avec quelque-
Une de ces prépofitions.
- Il y en a d’autres qui ont toûjours un accufatif, &
d’autres qui font fuivies tantôt d’un accufatif & tantôt
d’un ablatif ; enforte qu’on ne peut pas dire que
l ’ablatif foit tellement le cas de la prépofition, qu’il
n’y ait jamais de prépofition fans un ablatif : on veut
dire feulement qu’en latin l’ablatif fuppofe toûjours
quelqu’une des prépofitions auxquelles il eft affefté. I
Or dans les déclinaifons greques , il n’y a point 1
de terminaifon qui foit affeftee fpécialement & exclu-
fivement à certaines prépofitions, enforte que cette I
terminaifon n’ait aucun autre ufage.
Tout ce qui fuit de-là, c’eft que les noms grecs ont
une terminaifon de moins que les noms latins.
Au contraire les verbes grecs ont un plus grand
nombre de terminaifons que n’en ont les verbes latins.
Les Grecs ont deux aoriftes, deux futurs:, un
paulo pofl futur. Les Latins ne connoiffent point ces
tems-là. D ’un autre côté les Grecs ne connoiffent
point l’ablatif C ’eft une terminaifon particulière aux
noms latins , affeftée à certaines prépofitions.
Ablativus latinis proprius , undè & latinus Varroni
appellatur; ejus enim vim groecorum genitivus fuflinet ■
qui eâ de causa & apud latinos haud rarb ablativi vi-
cem abit. Gloff. fat. græ. voe. ahlat. Ablativits proprius
ejl Romanorum. Prifcianus, lib. V. de cafu p.
ÂQ.. verfo
Ablativi forma groeci eurent, non vi. Caninii Helle-
nifmi,pag.Sy.
Il eft vrai.que les Grecs rendent la valeur de l’ablatif
latin par la maniéré établie dans leur langue,
forma carentnon vi ; & cette maniéré eft une prépofition
fuivie d’un nom qui eft, ou au génitif, bu
au datif, ou à Faccufatif, fuivant l’ufage arbitraire
de cette langue, dont les noms ont cinq cas, & pas
davantage, nominatif, génitif, datif, accufatif, &
vocatif.
Lorfqu’au renouvellement des lettres les Grammairiens
Grecs apportèrent en Occident des con-
noiffances plus détaillées de la langue greque de
la grammaire de cette langue, ils ne firent aucune
mention de l’ablatif ; & telle, eft la pratique qui a été
généralement fuivie par tous les auteurs de rudimens
grecs.
Les Grecs ont deftiné trois cas pour déterminer
les prépofitions : le génitif, le datif, & Faccufatif
Les Latins n’en ont confacré que deux à cet ufage ;
favoir Faccufatif & F ablatif.
Je ne dis rien de tenus qui te conftruit fouvent
avec un génitif pluriel en vertu d’une ellipfe : tout
cela eft purement arbitraire. « Les langues, dit un
» philofophe , ont été formées d’une maniéré artifi-
» cielle, à la vérité ; mais l’art n’a pas été conduit'
» par un efprit philofophique » ; hoqueta artificiosé ,
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riori tatnen açcuratè & philofxphicl fabricata. (Guillél.
Oçehami, Logicoeproefat.') Nous ne pouvons que les
prendre telles qu’elles font.
S il avoit plû à l’ufage ;de donnér aux noms grecs
oc aux noms latins un plus grand nombre de terminaifons
différentes, on diroit avec raifon qup ces lam
gués ont un plus grand nombre de cas : la langue arménienne
en a jufqu’à dix , félon le témoignage, du
P. Galanus Theatin, qui a demeuré plufieurs années
en Arménie. (Les ouvrages du P. Galanus ont été
imprimes -à. Rome en 1650; ils Font été depuis en
Hollande). m
Ces terminaifons pourfoient être encore en plus
grand nombre ; car elles n’ont été inventées que pouf
aider à marquer les diverfes vues fous lefquelles Fet
prit confidere les objets les uns par rapport aux au-
îteSi "ji'rjt.-v, ■■ -i - .•••,, i
Chaque, vue .de l’efprit qui eft exprimée par une
prépofition & un nom, pourroit être énoncée Amplement
par ^ une terminaifon particulière dit nom.
C eft ainfi qu’une fimple terminaifon d’un verbe paf-
fif latin équivaut à plufieurs mots françois : amamur,
nous fommes aimés ; elle marque le mode, la per-
fonné , le nombre, le tems , & cette terminaifon
pourrait être telle, qu’elle marquerait encore le genre,
le lieu, & quelque autre circonftance de i’a&ion
ou de la paflîon.
Ces vues particulières dans les noms peuvent être
multipliées prefque à l’infini, aufli-bien que les maniérés
de lignifier des verbes., fejon la remarque de
la méthode meme de P. R. dans la differtation dont
il s’agit. Ainfi il n’a pas.été poflîble que chaque vûe
particulière de l’efprit fût exprimée par une terminaifon
particulière & unique , enforte qu’un même
mot eût autant de terminaifons particulières, qu’il
y a de vues onde circonftances différentes fous lesquelles
il peut être confidéré*
Je tire quelques conféquences de cette obferva-
tion. ^ , 1°. Les différentes dénominations des terminaifons
des noms grecs ou latins-, ont été données à ces terminaifons
a caufe de quelqu’un de leurs ufages, mais
non exelufivement : je veux dire que la même terminaifon
peut fervir également à d’autres ufages qu’à
celui qui lui a fait donner fa dénomination', fans qu’on
changé pouf cela cette dénomination. Par exemple
en latin, date aliquid alicui, donner quelque çhofo
à quelqu’un , .alicui eft au datif '■ ce qui n’empêche
pas que lorfqu’on dit en latin, rem alicui demere , adi-
meré, eripêre, detrakere, ôter, ravir, enlever quelque
chofoà quelqu’un, alicui ne foit pas également
au datif; de même foit qu’on dife, accufar.e aliquem ,
accufer quelqu’un, ou aliquem culpâ liberare, ou de
re aliquâpurgare , juftifier quelqu’un, aliquem eft dit
également être à Faccufatif.
Ainfi les noms que l’on a donnés à chacun des caç
diftinguent plutôt la différence de la terminaifon ,
qu’ils n’en marquent le fèrvice :,c.e fer vice eft déterminé
plus particulièrement par l’enfemble: des mots
qui forment la propofition. 11°. La differtation de la méthode de P. R. p. 47JL,'
dit que ces différences d’offices, c’eft-à-dire les ex-
preflions de ces différentes vues de Fefprit peuvent
être réduites à fix en toutes les. langues : mais cette
obfervation n’eft pas exafte, & l’on fent bien que
Fauteur de la méthode de P. R. ne s’exprime ainfi que
par préjugé ; je veux dire qu’accoûtumé dans l’en-
fance aux fix cas de la langue latine., il a cru que les
autres langues n’en dévoient avoir ni plus-ni moins
que fix.
Il eft vrai que les fix différentes terminaifons des
mots latins, combinées avec des verbes ou avec-des
prépofitions, en un mot ajjuftées de la maniéré qu’il
plaît à l’ufage & à l’analogie de la langue latinè, fu£