que ce ne (bit une pétrification de coquille. Dès qu’on
eft parvenu à détruire une erreur, il feroit à fou-
haiter que l’on pût en effacer le ibuvenir. A quoi
bon retracer les chimères qui ont fait ilhifion à l’ef-
prit humain, & les fuperftitions qui l ’ont abruti
pendant fi long-tems ? Une telle érudition ne peut
que fatisfaire la vaine curiofité des hommes, & non
pas les éclairer du flambeau de là vérité. Les.Natu-
raliftes, loin de s’occuper des fables qui ont été introduites
dans l’Hiftoire naturelle, doivent s’efforcer
de les anéantir dans l’oubli, en oppofant aux fictions
d’une folle imagination, le fimple expofé des
obfervations les plus exaftes. Ainfi nous ne nous arrêterons
point à détailler toutes les idées ridicules
que l’on a eues par rapport aux cornes £ Ammon. Peu
nous importe de favoir fi cette dénomination vient
de la reffemblance qu’il y avoit entre les pierres figurées
dont il s’agit, & les cornes de la fîatue de Jupiter
Ammon. Quelles lumières pouvons-nous tirer de
diverfes opinions qui ont été f'oûtenues fur la nature
des cornes d'Ammon ? Les uns ne confidérant que là
lignification ftrifte du nom, les ont prifes pour des
pétrifications de vraies cornes de quelques efpeces
de béliers ; d’autres ont pènfé que ces pierres figurées
étoient des queues d’animaux pétrifiés , parce
qu’elles font contournées' en volute, comme la
queue de certains, animaux, & composées de plu-
fieurs pièces articulées, en quelque façon, comme
des vertebres. Enfin la forme cle la volute des cornes
£ Ammon, qui grofïit à mefure qu’elle décrit des circonvolutions
autour du centre, a fait imaginer que
ces pierres figurées étoient des ferpents ou des vers
mari ns . pétrifiés, dont la queue, c’eft-à-dire l’extrémité
la plus mince, fe trouvoit au centre de la volute.
Enfin ceux qui ont été le plus portés au merveilleux,
, ont prétendu que ces cornes £ Ammon avoient
la vertu de procurer dés fbnges my ftérieux, & de
donner le fecret de les, expliquer.
Aucune de cès opinions ne mérite notre attention,
depuis que nous favons que les cornes d’Ammon font
des nautiles pétrifiés. Le nautil^.eft un coquillage
dont on diftingue plufieurs efpeces : les uns n’ont
qu’une feule ca vité, & leurs parois font fort minces
; c’eft pourquoi on lës appelle pautilespapiracèes :
il y en a dans la mer Méditerranée. Les autres font
divifés à l’intérieur par des cloifons tranfverfales en
plufieurs petites loges qui leur ont fait donner le nom
de nautiles chambrés. On n’en a jamais vû que dans
les mers des Indes ; cependant on trouve ces coquilles
pétrifiées prefque par-tout, principalement en
Europe : c’eft une des pétrifications les plus abondantes
qui foient en France. Dans la plupart de nos
provinces la terre en eft jonchée, les chauffées des
.grands chemins en font en partie conftruites les
bancs des carrières de pierre & de marbre en renferment
dans leur fein ; on en voit dans le roc &
dans le caillou, il en tombe des montagnes les plus
élevées, on les tire de l’argille. Les cornes £ Ammon
font les plus abondantes & les plus nombreufes des
pierres figurées/; il y en a de plufieurs formes & de
grandeurs très-différentes. Il s’en trouve qui ont juf-
qu’à une toife de diamètre. On en a découvert dans
des fables, qui font fi petites qu’on ne peut les ap-
.percevoir qu’à l’aide du microfcope. Entre ces deux
extrémités il y en a une grande quantité de toutes
les grandeurs.
Les Naturaliftes ne doutent plus que les cornes
d"Ammon ne foient-de vraies coquilles de nautiles
pétrifiés ; mais comme nous écrivons pour le public,
& qu’il y a en tout genre des prétendus efprits forts
qui fe plaifent à jetter des doutes fur les chofes les
plus avérées , nous rapporterons ici la preuve in-
conteftable de cette pétrification ; c’eft une preuve
de fait qui a toute la force de la conyi&ion. On a
comparé certaines cornes £ Ammon avec des coquilles
de nautiles, & on a vû que la pierre figurée ref-
fembloit fi parfaitement à la coquille, qu’on n’y re-
connoiffoit aucune autre différence que l’altération
que la coquille avôit fouffert de la pétrification.
Cette comparaifon avoit déjà été faite fur deux efi-
peces de cornes d'Ammon, relativement à deux efpeces
de coquilles de nautiles , lorfque M. de Juflïeu
l’aîné, de l’académie royale des fciences, l’a' confirmée
fur trois autres efpeces. Mèm, de Vacadémie
royale des fciences, année \y%2 ; p. 23y.
Non-feulement on reconnoît dans les cornes d’Ammon
les coquilles de nautiles pétrifiés ; mais on y
diftingue la fubftance de la coquille foflile avec fon
poli & fa nacre, fans autre altération que celle que
doit caufer naturellement un long féjour dans la
terre. On voit dans ces cornes d?Ammon les cloifons
qui féparent les différentes chambres , & les. fortes
d’articulations qui les réunifient, & qui forment à.
l’extérieur, par les finuofités des joints, une efpece
de feuillage très- régulièrement deflîné. Les fels &
les bitumes qui fe trouvent dans les terres qui environnent
ces coquilles, les revérifient d’une croûte,
& les empreignent d’une matière pyriteufe qui a la
couleur & le brillant d’un métal doré ; c’eft ce qu’on
appelle l’armature : mais ce n’eft qu’un faux brillant.
L’humidité détruit ces cornes £ Ammon, en les fai-
fant tomber en efflorefcence, c’eft-à-dire en po.uf-
fiere ; cependant on les avoit mifes autrefois au rang
des pierres précieufes. Aujourd’hui nous n’en faifons
pas fi grand cas, pevit-être parce que nous les con-
noiflons mieux , & fans doute parce que nous pofi
fedons beaucoup plus de vraies pierres précieufes. :
Au lieu de la valeur arbitraire & des vertus imaginaires
que l’on avoit attribuées aux cornes d'Ammon
, nous y trouvons un fujet digne de lajmédita>
tion des plus grands philofophes. Comment ces nautiles
, qui ne font qu’aux Indes en nature de coquillages
, fe trouvent-ils fous nos piés en pétrifications ?
M. de Buft'on a traité à, fond cette matière dans fa
théorie de la terre. Voyr le premier vol. de 1’Hiß. nat.
gén. & part..Il nous fuffit d’avoir rapporté dans cet
article l’origine de la corne £ Ammon. Nous y ajoû-
terons feulement les principaux caraâeres par lesquels
Lifter diftingue les différens genres de cornes
£ Ammon. Les unes font concaves fur chacune de
leurs faces ; les autres n’ont de concavité que fur
une face ; d’autres enfin font convexes (ur les deux
faces. Parmi les premières il y en a qui font ftriées,
& il s’en trouve qui forjt liffes. Hiß. aniin. angî. très
traclatUS. Foye^ PlERRES F IGU REES , P É T R IF IC A TIONS.
( J )
CO RNE (pierre de) lapis corneus, Hiß. nat. Minéralogie.
Les auteurs Allemands qui ont écrit fur la
Minéralogie, & les ouvriers des mines , donnent le
nom de pierre de corne (hornftein) à plufieurs différentes
efpeces de pierres. 1°. M. Henckel nous apprend qu’on défigne par-
là une pierre qui fe trouve par couches , & qui eft
un vrai jafpe : c’ eft à cette efpece de pierre que les
Mineurs donnent le nom de hornfiein. Suivant ce fa-
vant naturalifte, la pierre de corne eft parfaitement
femblable au caillou & au quartz, avec cette différence
que le quartz eft communément blanc & plein
de petites fentes , au lieu que la pierre de corne eft
ordinairement colorée en brun , en jaune, en rouge,
en gris, en noir, &c. outre cela elle eft plus liée ,
plus homogene, fans crevaffes, & plus propre à
être polie & travaillée.
Le même auteur donne dans fa pyritologie l’exemple
d’une pierre de corne qui fe trouve en Saxe, dans
le voifinage de Freyberg. Voici la defcription qu’il
en fait. On a crû devoir la rapporter ic i , afin de
donner au le&eur une idée de cette pierre, dont il
*eft
C O R
éft fouyënt parlé dans les miriéralogiftes Allemands.
Cette pierre de corne eft compofée d’un affemblage
de petites couches dont voici la fuite. La première
«ft du fpath blanc fort pefant, la fécondé eft une
cryftallifation ; -ces deux couches enfemble peuvent
avoir deux doigts d’épaifleur. La troifieme couche
eft de l’améthyfte , la quatrième du quartz ou cryf-
tal, la cinquième du jalpe , la fixieme du cryftal , la
feptieme du jafpe, la huitième du cryftal, la neuvième
du jafpe, la dixième du cryftal. Chacune de ces
huit dernieres couches n’a louvent que l’épaiffeiir
d’un f il, & toutes enfemble ont à peine trois lignes
d’épaifleur ; elles font cependant très-diftinâes. La
onzième couche eft du jafpe d’un rouge-clair, ,1a
. douzième eft du jafpe d’un rouge-foncé, la treizième
eft de calcédoine, la quatorzième du jafpe, la
. quinzième de calcédoine ; enfin la feizieme eft d’un
quartz compafte & folide.
11°. Quelques auteurs par pierre de corne entendent
\efilex ou la pierre à fufil ordinaire, qui fe
trouve fouvent dans la craie, ou par morceaux répandus
dans la campagne. Il paroît qu’ils donnent
ce nom à cette pierre, à caufe que fa couleur ref-
femble à celle de la corne des animaux.
I I I0. On défigne encore par pierre de corne , ou
ou plûtôt roche de corne, une pierre refraûaire, c’eft-
à-dire qui n’eft ni calcaire, ni gypfeufe, ni vitrifia-
b le , mais qui réfifte à l’aérion du feu qui ne fait
que la rendre quelquefois un peu plus friable. M.
Wallerius en diftingue quatre efpeces ; la première
que les Allemands nomment falband, en latin corneus
mollior fuperficialis contortus, ou bien lapis tu-
nicatus-, pierre à écorce ; elle eft peu compare, &
eft recouverte d’une enveloppe ou écorce qui ref-
femble à du cuir brun un peu courbé, La fécondé
efpece eft la roche de corné dure & folide, corneus
folidus. Cette pierre eft noire, & difficile à diftin-
£uer du marbre noir dans l’endroit de la fraéhire. II
.y en a de luifante, & d’autre qui ne l’eft point ; d’autre
enfin paroît grainue. La troifieme efpece eft la
roche de corne feuilletée ; elle eft ou noirâtre ou d’un
brun-foncé , & reffemble affez à de l’ardoife par fa
couleur & fon tiflu ; mais elle en différé en ce que
la pierre de corne feuilletée réfifte fortement au feu,
& fe trouve toujours dans la terre perpendiculaire à
l ’horifon ; au lieu que les ardoifes fe vitrifient facilement
, & font toûjours placées horifontalement
dans le fein de la terre. La quatrième efpece de roche
de corne eft celle qui eft cryftallifée, corneus ctyfial-
lifatus : les Allemands la nomment fchorl. Elle af-
fe&e toûjours la figure d’un prifme , dont les côtés
font inégaux ; elle eft ou grife, ou brune, ou noire.
Cette derniere eft le balfates, ou le lapis Lydius des
anciens : c’eft la vraie pierre de touche. M. Pott
foupçonne que la terre qui lui fert de bafe, eft une
argile femblable à celle qui forme l’ardoife entremêlée
d’une terre ferrugineufe. Foye^ la continuation
de la Lithogéognojie, page 219 &fuiv. Peut-être
entre-t-il aufli du mica ou du talc dans fa compofi-
tion. Voye{ STOLPE ( pierre de).
Au refte il paroit que les ouvriers des mines donnent
indifféremment le nom de roche de corne au roc
v i f & dur qui enveloppe fouvent les filons des mines.
Voyt{ la Minéralogie de Wallerius , tome I. page 26 S
&fuiv. ( - )
Cornes , en Anatomie , nom de différentes parties
: il y a les grandes & les petites cornes du cartilage
thyroïde, voye^ T hyroïde ; les grandes & les petites
cornes de l’os hyoïde, voye^ HYOÏDE. •
Les cornes £ Ammon ou les cornes de bélier, font
<Jes éminences médullaires, placées dans les enfon-
cemens des ventricules traces dans les hémifpheres
du cerveau ; mais comme quelques anatomiftes don-:
pent aufli le nom de cornes à ces ventricules, M. Mo-
Tome IF%
C O R a 49
fand préféré avec raifon le nom d’hippocampus, que
Arantius leur a donné. Foye^ Mèm. dé Vacad. roy. des
Sciences, an. 1744. Foye^ auffi Cerveau»
Cornes de la Matrice, voye[ Matrice.
Cornes de la valvulé'd’Eustachi, du trou
oval , voye^ Coeur, (ZA
* Corne , ( Hiß. âne.) infiniment militaire; il
etôit affez femblable à la corne du boeuf ; fa courbure
étoit feulement un peu plus confidërable. Celui qui
joiioit de cet inftrument s’appelloit le cornicen.
* Cornes de Bacchus., (Myth.) Il y a des fia*
tues de Bacchus , avec des cornes. Il n’eft mentioa
que de fes cornes dans les poètes : ce qui n’eft pas fort
obfcur, quand on fait que les cornes {ont les lignes de
la puiffance & de la force, & qu’on compare ce fym-
bole avec.les effets du vin.
Corne d’abondance, (Myth.) c’eft parmi les
anciens poètes, une corne d’oii fortoient toutes chq-
fes en abondance , par un privilège que Jupiter donna
à fa nourrice , qu’on a feint avoir été la chevre
Amalthée.
Le vrai fens de cette fable eft qu’il y a un terroir
en Lybie fait en forme de corne de boeuf, fort fertile
en vins & fruits exquis, qui fut donné par le roi Ammon
à fa fille Amalthée, que les poètes ont feint avoir
été nourrice de Jupiter. Dicl. de Trév.
Dans l’Archite&ure & la Sculpture, corne d’abondance
eft la figure d’une grande corne, d’où fortent
des fleurs, des fruits, des richeffes. Le P. Jobert
obferve que l’on donne fur les médailles le fymbole
des cornes d'abondance à toutes les divinités, aux génies
, & aux héros, pour marquer les richeffes, la
félicité, & l’abondance de, tous les biens, procurée
par la bonté des uns , .ou par les foins & la valeur
des autres. On en met quelquefois deux pour marquer
une abondance extraordinaire. Chambers. (G)
Cornes d’abaque , en ArcKiteclurt, ce font les
encognures à pans coupés du tailloir d’un chapiteau
de fculpture, qui fe trouvent pointues au corinthien
du temple de Vefta à Rome.
Corne de bélier , ornement qui fert de volute dans
un chapiteau ionique compofé ; comme on en voit
au portail de l’églife des Invalides, du côté de la
cour.
Corne d'abondance, ornement de fculpture qui repréfente
la corne de la chevre Amalthée, d’où fortent
des fruits, des fleurs , & des richeffes, comme on
en voit à quelques frontons de la grande galerie du
Louvre. Latin, cornu copia.
Corne de boeuf ou de vache, trait de maçonnerie qui
eft un demi-biais paffé. (P)
Corne , ( ouvrage à ) dans la Fortification. Foyer
Ouvrage à corne.
Cornes de la Lune , voye^ Croissant.
C orne DE yACHE, (Coupe des pierres.) efpece de
voûte en cône tronqué , dont la direéfion des lites
ne paffe pas au fommet du cône. (Z?)
Corne de vergue , (Marine.) c’eft une concavité
en forme de croiffant, qui eft au bout de la vergue
d’une chaloupe, & qui embraffe le mât lorfqu’on
niffe la voile. Il y a plufieurs fortes de bâtimens qui
ont des vergues a cornes. (Z )
Corne a lisser , ('Bourrelier.) inftrument dont
les Bourreliers fe fervent pour polir & liffer les différens
ouvrages de leur métier. Cet inftrument n’eft
autre chofe qu’un morceau de corne de cerf fort uni,’
qu’ils paffent fur l’ouvrage en l’appuyant, pour en
applanir les inégalités , & leur donner un oeil plus,
luifant.
Corne de RANCHE, terme de Charron, ce font
quatre morceaux de bois de la hauteur de quatre
piés ou environ, qui s’enchâffent dans les mortaifes
des rançhçrs en - dehors, & qui fervent à appuyer
I i