ailleurs naturelles qui dépendent uniquement des
propriétés de la lumière , qui font permanentes ,
du moins tant que les parties extérieures de l’objet
demeurent les mêmes.
Perfonne, dit M. de Buffon, n’a fait avant M. .Turin
d’obfervations fur ce genre de couleurs ; cependant
elles tiennent aux couleurs naturelles par plusieurs
rapports, & voici une fuite de faits allez fin-
guliers qu’il nous expofe fur cette matière.
1. Lorfqu’on regarde fixement & long-tems une
tache ou une figure rouge, comme un petit quarre
rouge, fur un fond blanc, on voit naître autour de
la figure rouge une efpece de couronne d’un verd
foible ; & fi on porte l’oeil en quelqu’autre endroit
du fond blanc, en ceffant de regarder la figure rouge
, on voit très-diftin&ement un quarré d’un verd
tendre tirant un peu fur le bleu.
1. En regardant fixement & long-tems une tache
jàune fur un fond blanc, on voit naître autour de
la tache une couronne d’un bleu pâle ; & portant fon
oeil fur un autre endroit du fond blanc, on voit dif-
tinftement une tache bleue de la grandeur & de la figure
de la tache jaune.
3. En regardant fixement & long-tems une tache
verte fur un fond blanc, on voit autour de. la tache
verte une couronne blanche légèrement pourprée ;
& en portant l’oeil ailleurs, on voit une tache d’un
pourpre pâle.
4. En regardant de même une tache bleue fur un
fond blanc, on voit autour de la tache bleue une
couronne blanchâtre un peu teinte de rouge ; & portant
l’oeil ailleurs, on voit une tache d’un rouge-
pâle.
5. En regardant de même avec attention une tache
noire fur un fond blanc, on voit naître autour de la
tache noire une couronne d’un blanc vif; & portant
l ’oeil fur un autre endroit, on voit la figure de
la tache exaftement defiinée, & d’un blanc beaucoup
plus v if que celui du fond.
6. En regardant fixement & long-tems un quarré
d’un rouge v if fur un fond blanc, on voit d’abord
naître la petite couronne d’un verd tendre dont on
a parlé ; enfuite en continuant à regarder fixement
le quarré rouge, on voit le milieu du quarré fe décolorer,
&c les côtés fe charger de couleur, & former
comme un quadre d’un rouge beaucoup plus fort &
beaucoup plus foncé que le milieu : enfuite en s’éloignant
un peu & continuant toujours à regarder fixement
, on voit le quadre de rouge foncé fe partager
en deux dans les quatre côtés, & former une croix
d’un rouge auffi foncé ; le quarré rouge paroît alors
comme une fenêtre traverfée dans fon milieu par
une greffe croifée & quatre panneaux blancs ; car le
quadre de cette efpece de fenêtre eft d’un rouge auffi
fort que la croifée. Continuant toujours à regarder
avec opiniâtreté, cette apparence change encore,
& tout fe réduit â un reélangle d’un rouge fi foncé,
fi fort & fi v if, qu’il offufque entièrement les yeux ;
ce re&angle eft de la même hauteur que le quarré,
mais il n’a pas la fixieme partie de fa largeur. Ce
point eft le dernier degré de fatigue que l’oeil peut
fupporter ; & lorfqu’enfin on détourne l’oeil de cet
objet, & qu’on le porte fur un autre endroit du fond
blanc, on voit au lieu du quarré rouge réel l’image
du reftangle rouge imaginaire exactement defliné,
& d’une couleur verte brillante. Cette impreffion
fubfifte fort long-tems, ne fe décolore que peu-à-
peu, & refte dans l’oeil même après qu’il eft fermé.
Ce que l’on vient de dire du quarré rouge arrive aufli
lorfqu’on regarde un quarre jaune ou noir, ou de
toute autre couleur ; on voit de même le quadre jaune
ou noir, la croix & le reCtangle; & l’impreflion
qui refte eft un rectangle bleu, fi on a regardé du
jaune, un reCtangle blanc brillant, fi on a regardé
un quarré noir, &c.
7. Perfonne n’ignore qu’après avoir regardé le fo-
le il, on porte quelquefois très-long-tems l’image de
cet aftre fur tous les objets. Ces images colorées du
foleil font du même genre que celles que nous venons
de décrire.
8. Les ombres des corps qui par leur effence doivent
être noires, puifqu’elles ne font que la privation
de la lumière, font toûjours colorées au lever
& au coucher du foleil. Voici les obfervations que
M. de Buffon dit avoir faites fur ce fujet. Nous rapporterons
fes propres paroles. -
« Au mois de Juillet 1743 , comme j’étois occupé
» de mes couleurs accidentelles, & que je cher chois
» à voir le foleil, dont l’oeil foûtient mieux la lu-
» miere à fon coucher qu’à toute autre heure du
» jour, pour reconnoître enfuite les couleurs & les
» changemens de couleur caufés par cette impreffion,
» je remarquai que les ombres des arbres qui tom-
» boient fur une muraille blanche étoient vertes ;
» j’étois dans un lieu élevé, & le foleil fe couchoit
» dans une gorge de montagne, enforte qu’il me pa-
» roiffoit fort abaiffé au-deffous de mon horifon; le
» ciel étoit ferein, à l’exception du couchant, qui
» quoiqu’exempt de nuages, étoit chargé d’un ri-
» deau tranfparent de vapeurs d’un jaune rougeâtre ;
» le foleil lui-même étoit fort rouge, & fa grandeur
» apparente au moins quadruple de ce qu’elle eft à
» midi : je vis donc très - diftinttement les ombres.
» des arbres qui étoient à vingt ou trente piq? de la
». muraille blanche, colorées d’un verd tendre tirant
» un peu fur le bleu ; l’ombre d’un treillage qui étoit
» à trois piésde la muraille, étoit parfaitement deffi-
» née fur cette muraille, comme fi on l’avoit nou-,
» vellement peinte en verd-de-gris : cette apparence
» dura près de cinq minutes, après quoi la couleur
» s’affoiblit avec la lumière du foleil, & ne difparut
» entièrement qu’avec les ombres. Le lendemain au
» lever du foleil, j’allai regarder d’autres ombres lur
» une autre muraille blanche ; mais au lieu de les
» trouver vertes comme je m’y attendois, je les trou-
» vai bleues, ou plutôt de la couleur de l’indigo le
» plus v if : le ciel étoit ferein, & il n’y avoit qu’un
» petit rideau de vapeurs jaunâtres au levant; le fo-
» leil fe levoit fur une colline, enforte qu’il me pa-
» roiffoit élevé au-deffus de mon horifon ; les om-
» bres. bleues ne durèrent que trois minutes, après
» quoi elles me parurent noires : le même jour je re-
» vis au coucher du foleil les ombres vertes, comme
» je les avois vûes la veille. Six jours fe pafferent en-
» fuite fans pouvoir obferver les ombres au coucher
» du foleil, parce qu’il étoit toûjours couvert de nua-
» ges : le feptieme jour je vis le foleil à fon coucher;
» les ombres n’étoient plus vertes, mais d’un beau
» bleu d’azur; je remarquai que les vapeurs n’é-
» toient pas fort abondantes, &: que le foleil ayant
» avancé pendant fept jours, fe couchoit derrière un
» rocher qui le faifoit difparoître avant qu’il pût s’a-
» baiffer au-deffous de mon horifon. Depuis ce tems
» j’ai très-fouvent obfervé les ombres, foit au lever
» foit au coucher du foleil, & je ne les ai vûes que
» bleues, quelquefois d’un bleu fort v if, d’autres
» fois d’un bleu pâle, d’un bleu foncé ; mais conf-
» tamment bleues, & tous les jours bleues ». (O)
Couleurs paffantes, nom que quelques auteurs donnent
aux couleurs qui fe déchargent ou ne font pas
de longue durée, comme celles de l’arc-en-ciel, des
nuages avant ou après le coucher du foleil, &c. Voyeç
Couleur, & c.
Les couleurs paff antes font la meme chofe que celles
qu’on appelle couleurs fantajliques o u emphatiques,
&c.O
n dit d’une piece de drap que fa couleur ejl pdf*
f a u t e pour dire qu’elle change promptement & fe
flétrit à l’air. Chambers.
* COULEUR, dans les Arts. Les artiftes qui font
le pl,us grand ufage des couleurs , font les Peintres ,
les Teinturiers & les Verniffeurs. Les Peintres les
appliquent ou fur la toile, ou fur le bois, ou fur le
ve r re , ou fur les autres corps tranfparens ; ou fur
l ’ivoire, ou fur d’autres corps folides & opaques;
ou fur l’émail, ou fur la porcelaine, ou fur la fayen-
c e , ou fur la terre, f^oyea^ la préparation & l'emploi
de ces couleurs, aux articles PEINTURE , EMAIL,
Fayence, Porcelaine, Poterie de terre,
.Verre , &c. &aux articles T einture & Vernis.
Couleur , en terme de Bijoutier, eft un mélange
de différens acides qui appliqués fur l’or & mis au feu
avec lui, détruifent l’effet des vapeurs noires que
l ’alliage y excite lors de la ciiiffon, & lui reftitue la
couleur jaune ou mate qui lui eft naturelle. C’eft une
opération indifpenfable dans les ouvrages gravés ou
cifelés , pour donner aux ornemens & figures ce
beau mat qui les détache du fond de l’ouvrage,
quand ce fond eft poli ; ou qui détache le fond des
ornemens , quand celui-ci eft pointillé , & que les
reliefs font polis. Il y a deux fortes de mélanges
d’acide , connus fous le nom commun’ de couleur.
Le premier, qu’on appelle tirepoil, eft compofé de
fel marin ou commun, de falpetre & d’alun. Le fécond
, de fel commun, de verd-de-gris & de vinaigre
, & ne s’employe que fur les ouvrages qui ne
pourroient foûtenir un grand degré de chaleur,
fans être rifqués : on nomme celui-ci verdet.
_ Pour faire l’opération du tirepoil, on fâupoudre la
piece du mélange de ce nom ; après l’avoir bien fait
dégraiffer, on la pofe fur un feu v if ; on l’y laifla
jufqu’à ce que le mélange entièrement fondu, fe foit
réduit en croûte : alors on la retire, on la laiffe refroidir
, & l’on détache la croûte avec une broffe
& de l’eau bien chaude.
L’opération du verdet différé peu de celle du tirepoil
; on enduit la piece de ce mélange délayé dans
le vinaigre ; on l’expofe à un feu doux, julqu’à ce
que le mélange foit féché : alors on lave la piece avec
de l’urine. Cette couleur eft affez belle, mais elle ne
dure pas. On l’employe principalement dans les ouvrages
émaillés , où la force des acides du tirepoil,
& la violence du feu qu’il exige , pourroient faire
éclater l’émail. Quand on eft forcé de mettre des
pièces émaillées au tirepoil, on les étouffe avec précipitation
au fortir du feu : cette opération eft pé-
rilleufe, & s’acheve rarement fans que l’émail ait
fouffert.
Couleur locale , eft en Peinture celle qui par
rapport au lieu qu’elle occupe, & par le fecours de
quelqu’autre couleur, repréfente un objet fingulier,
comme une carnation , un linge , une étoffe , ou
quelçju’autre objet diftingué des autres. Elle eft ap-
pellée locale, parce que le lieu qu’elle occupe l’exige
telle, pour donner un plus grand caraftere de vérité
aux couleurs qui lui font voifines. M. de Piles, cours
de Peint, par princ. p. 304.
La couleur locale eft foumife à la vérité & à l’effet
des diftanceS ; elle dépend donc d’une vérité tirée
de la perfpeûive aérienne. (JC)
Couleurs rompues , en Peinture, eft un mélange
de deux ou plufieurs couleurs, qui tempere le
ton de celle qui paroît principalement; elle n’eft pas
fi brillante, mais elle fait briller les autres , qui lui
donnent réciproquement de l’effet : c’eft elle qui en
corrige & attendrit la crudité.
Couleurs rompues eft fynonyme avec demi'-teintes.
Voye^ Demi-Teintes.
Les couleurs tirent leur effet des oppofitions. Il y
a telle couleur rompue qui n’eft pas fourde ; un grand
harmonifte fait fouvent les rendre brillantes : il les
rompt, parce qu’elles feroient trop hautes s’il les
employoit pures. (R)
CouiEUft (banni), lorfqu’on dit qu’un tableau
eit fe bonne couleur, cela ne fignifie pas que les couleurs
en ioient d’une matière plus exquife que celles d’un
autre , mais que Je choix dans la diftribution en eft
meilleur. (JC)
Coweur (belle) f é dit m Peinture de' tous lek
objets bien colories , mais particulièrement eri par-
tant des ciel, lointains, arbres, draperies &c C ’eft
un terme que l’on fubftitue à celui de bien coloriél
dont on ne fe fert guere qu’en parlant des carnations.
Coloris , de Piles, & le Dicl. de Peint. (R\
Couleur , (mettre en) en terme de Doreur; c’eft
peindre d’une couleur apprêtée , les endroits d’une
piece où la fanguine n’a pû entrer, ou d’autres endroits
réfervés pour cela.
Mettre en couleur eft aufli faire fortir le jaune de
1 or à la furface ; ce qui fe fait par le moyen d’une
compofition que l’on applique fur la piece d’o r , que
1 on fait chauffer enfuite fur le feu , jufqu’à ce que
les matières appliquées foient fondues & calcinées.
Foyei Couleur , terme de Bijoutier. C ’eft cette opération
que fait l’ouvrier repréfenté PI. du Doreur•
fië -9 - (£>)
Couleur , terme de Rubrique ufité dans les Egli-
fes greque & latine, pour diftinguer les offices des
différens myfteres, & des différentes fêtes qu’on y
célébré.
Dans l’Eglife latine il n’y a régulièrement que
cinq couleurs, le blanc, le rouge, le verd, le violet,
& le noir.
Le blanc eft pour les myfteres de Notre Seigneur,'
les fetes de la fainte Vierge, des anges, des vierges,
&c.
Le rouge , à Paris, pour les fêtes du faint Efprit,’
les folennités du faint Sacrement, les offices de la
Paffion, les fêtes des apôtres & des martyrs ; mais
où l’on fuit le bréviaire romain, on fe fert du blanc
aux folennités du S. Sacrement.
Le verd, à Paris, pour celles des pontifes, docteurs,
abbés, moines, &c. A Rome c’eft du blanc,
de même que pour les veuves.
Le violet fert en avent ôc en carême, aux vigu>
le s, aux rogations, aux quatre-tems, & dans tous
les tems de pénitence.
Enfin le noir ne fert que dans les offices des morts,'
les fervices pour le repos de leurs âmes, & dans
toutes les cérémonies lugubres. On s’en fert aufli
à la diftribution des.cendres.
Les étoffes d’or & d’argent, & les broderies , fervent
indifféremment dans toutes les folennités.
Les Grecs modernes ne font plus guère d’attention
à cette diftinttion des couleurs. Le rouge fervoit
parmi eux à Noël & aux enterremens. Les Anglicans
dans leur liturgie ont auflî aboli les couleurs, à
l’exception du noir, qui eft encore en ufage aux enterremens.
(G)
Couleur, (Medecine.) Les changemens dans la
couleur de la peau, font un ligne diagnoftic de certaines
maladies. La rougeur du vifage eft d’ordinaire
une marque de pulmonie, fi d’ailleurs le fujet eft
maigre, attaqué de toux, & d’oppreffion ou difficulté
de refpirer.
La couleur jaune plus ou moins foncée, eft un
ligne d’obftruélions dans le foie , des-vapeurs mélan-
choliques & hyftériques ; & un fymptome prefque
caraftériftique de l’affe&ion hypocondriaque.
La couleur pâle eft le figne de la fuppreffion des
réglés, de la chlorofe, & de la cacochymie même
dans les deux fexes.
La couleur rouge jointe à la chaleur, à la féche-
refte & à la rigidité de la peau, font un ligne de dé