comme l’obferve M. Baluze dans fes notes fur cè
canon , & comme le prouve très-folidemènt le P.
Quefhel dans fa onzième differtation, qui eft jointe
aux oeuvres de S. Léon, où il avertit qu’elle eftfer
Ion les apparences de Léon III. & conléquemment
que i ’infcription de Gratiçn qui la donne-Amplement
à L éon, fans marquer finc’eft au premier ou .au troir
jîieme, peut être vraie. Ces exemples font voir qu’on
fe plaint avec raifon de ce qu’on a ôté les înfcrip-
tions de Gratien pour en fubftituer d’autres ; mais on
fe plaint encore plus amerement de ce qu’on n’a
point laifféle texte même du canon, tel.que Gratien
l’avoit rapporté. C ’eftainfi que dans le canon III.
caufe viij. queft. /. après ces mots, judïcio epifçopo-
rum,, les correcteurs romains, ont efface , de. leur
aveu., celles-ci qui fuivoient, & eleclione chricorum ,
qu’on trouvoit dans, tous lés. exemplaires de Gratien,
mêmemanufcrits.. Ils_juûifient cette licence en di-
fant que ces paroles ne .font ni dans la fource originale
, ni dans les autres compilateurs. Mais n’eût-il
pas été plus à - propos de conferv.er le .texte en entier
, & dbvertir feulement dans lès notes que cette
addition ne fe trouvoit nulle: part ? Peut - être Gratien
avoit-il vû quelqu’exemplaire du concile d’Aru-
tioçhe d’où efl tiré'ce canon III. qui contenoit cette
addition. Quelquefois ils ont changé le texte, en
avertiffant en général qu’il y a quelque chofe de
changé, fans dire en quoi confifte ce changement,
comme dans le can. V i l . caufe xxxjv. quefi. /. Enfin
ils ont fait des additions fans faire mention d’aucune,
correction, comme au canon IV . de la diftinétion
yxij. dans lequel, après cesparolçs, de Conftanùno-
p o Lit and ecclefed quod dïcunt, quis eam dubitet fedi
apojlolicç ejjfi fabjeiïam, on lit celles-ci, quod & D .
piiffirrius impcrator, &.frater nojier Eufebius ejufdem ci-
yitatis tpifcopus , ajjiduè prpfitentur. Or cette phrafe
p’eit ni dans les anciennes éditions de G ratien, ni
dans les manufcrits, ni dans l’édition de MM. de
Monçhy& Leconte ; d’où il efl évident qu’elle a été
ajoutée par les correcteurs romains , quoiqu’ils ne
l’infinuent en aucune maniéré. Il s’enfuit de ces divers
changemens d’infcriptions & de textes , que
c ’efl moins l ’ouvrage de Gratien que nous avons,
que celui des correcteurs romains. Il s’enfuit encore
que beaucoup d’autres paffages cités d’après Gratien
par d’autres auteurs, ne fe trouvent plus aujourd’hui
dans fa coUeftionv En un mot, il efl hors de
doute .que les fautes mêmes des auteurs ne fervent
fouvent qu’à é.clair.cir la vérité, fur-tout celles d’un
auteur qui pendant plufieurs fiecles a été regardé
dans les écoles, dans les tribunaux, & par tous les
théologiens & canonifles, comme un recueil complet
de droit eccléfiaflique. Concilions donc que
quoique le decret corrigé foit plus conforme en plu-
fieurs endroits aux textes des conciles, des peres,
& des autres auteurs où Gratien a puifé , cependant
li on veut confulter la collection de Gratien, telle
qu’elle a été donnée par lui, reçue & citée par les
anciens théologiens & canonifles, il faut alors recourir
aux éditions qui ont précédé celle de Rome.
Lorfque la revifion du decret fut finie à Rome ,
Grégoire XIII. donna une bulle qui en fait l’éloge,
jSc où îl ordonne à tous les fideles de s’en tenir aux
corredions qui ont été faites, fans y rien ajoûter,
changer ou diminuer. Mais les éloges du fouverain
pontife n’empêchent {5às qu’il ne foit refié dans le decret
beaucoup de fautes qui ont échappé à la vigilance
/des correCleurs romains, & de pièces fuppofées qu’ils
«nt adoptées ; & c’.eft ce dont Bellarmin lui-même
c o n v ie n t , fcript. eccL. in Gratian. En effet qui ne fait
que le decret efl parfemé de fauffes décrétales fabriquées
par Ifidore, fans qu’il ait effuyé à cet égard la
cenfure des correcteurs romains ?. Ils y renvoyent même
fouvent, comme à des fourçes pures ; & bien
loin de regarder ces décrétales comme fuppofées,
ilsont omis de deffein prémédité les notes de M. Le-
conte, qui les rejettoit pourra plupart. Que dirons-
nous des canons que Gratien rapporte fous le nom du
concile d’Elvire, & fur lefquels les correcteurs romains
ne forment aucun doute, quoique le fçavant
Ferdinand Mendoza, Lib. i.de çonferm. conç. Eliberit.
cap.yj. faffe voir évidemment qu’ils font liippofés
& que plufieurs d’entr’eux font des canons de divers
conciles confondus en un feul ? Qui ignore <jue
dans ces derniers fiecles nous avons eu des éditions
corrigées de plufieurs faints peres., où l’on rejette
comme fauffes beaucoup de chofes que Gratien a
rapportées fous le nom de .ces peres, & que les correcteurs
romains ont crû leur appartenir. Cela étant
ainfi, on ne doit point, d’après la correction romaine,
admettre comme pur & conforme aux four-
ces originales, tout ce dont Gratien a fait ufage, ni
les changemens & les notes que les correcteurs ont
faits. Il faut convenir en même tems que depuis
cette correction, celle de M. Leconte n’efl point
inutile , i° . parce qu’il a rejetté plufieurs canons
dont tout le monde reconnoît aujourd’hui la fauffe-
t é , quoique les correCteurs romains les aient retenus
: a0, parce qu’il a mis en marge bien des chofes
d’après l’original pour fuppléer aux fragmensde Gratien
, lefquelles ont été omifes par les correcteurs :
3°. parce que les mêmes correcteurs ont quelquefois
fuppléé d’après l’original aux canons rapportés par
Gratien, fans faire aucune diftinCtion du fupplément
& du texte de Gratien ; enforte qu’on ne peut fa-
voir précifément ce que Gratien a dit, Mais lorfque
M. Leconte fupplée quelque chofe d’après les fources
OU d’ailleurs, foit pour éclaircir ou rendre le texte
complet, il distingue le fupplément du relie du texte ,
par un caraCtere différent. La liberté néanmoins qu’il
prend de fuppléer, quoiqu’avec cette précaution ,
lui efl reprochée par Antoine Auguftin, parce que,
dit-il, la chofe efl.dangereufe, les libraires étant fu-
jets à fe tromper dans ces occafions, & à confondre
ce qui efl: aj.oûté avec ce qui efl vraiment du texte.
Nous avons vû en quoi confiftent les diverfes corrections
du decret, il nous relie à examiner quelle efl
l’autorité dé cette collection.
Il n’eft pas douteux que le recueil de Gratien n’a
reçu de fon auteur aucune autorité publique, puisqu'il
étoit un fimple particulier, & que la légiflation
efl un des attributs de la fouveraine puiffance. On
ne peut croire pareillement que le fceau de cette autorité
publique ait été donne au decret, parce qu’on
l ’enfeigne dans les écoles ; autrement la pannormie
auroit été dans ce cas, puifqü’avant Gratien on l’ex-
pliquoit dans plufieurs univerfités ; & c’eft néanmoins
ce qui n’a été avancé par qui que ce foit. Plusieurs
écrivains ont prétendu que le decret avoit été
approuvé par Eugene III, fous le pontificat duquel
Gratien vivoit : mais ils ne fe fondent que fur le leul
témoignage deTritheme, qui en cela paroît très-fuS
peCt ; puifque S. Antonin archevêque de Florence ,
dans fa fomme hiflorique ; Platina, de vitis pontife-
cum, & les autres auteurs qui font entrés, fur l’hif-
toire des papes., dans les plus grands détails, n’en
font aucune mention. Auffi voyons-nous qu’Antoi-
ne Auguftin dans fa préface fur les canons péniten-
ciaux, n’héfite point à dire que ce qui efl rapporté
par Gratien, n’a pas une plus grande autorité qu’il
n’en avoit auparavant. C ’efl ce que confirme une
differtation de la faculté deThéologie deParis, écrite
en 1227, & qu’on trouve à la fin du maître des fen-
tences. Le but de cette differtation efl de prouver
que ce que difent S. Thomas, le maître des fenten-
ces, & Gratien, ne doit pas toûjours être regardé
comme vrai; qu’ils font fujets à l’erreur; qu’il leur
elt arrivé d’y tomber, & on en cite des exemples*
S’il étoit petmis d’avoir quelque doute fur l’autorité
du decret de Gratien, il ne pourroit naître que de la
bulle de Grégoire X I IL dont nous avons parlé ci-
deffus; par laquelle il Ordonne que toutes les corrections
qu’on y a faites foient fdrupiflcufément con-
fervées ; avec défenfes d’y rien ajouter, changer ou
retrancher. Mais fi l’on y fait attention, cette bulle
n’accorde réellement aucune autorité publique à la
éôlleétion , elle défend feulement à tout particulier
d’entreprendre de fon autorité privée de retoucher
à un ouvrage qui à été revu par autorité publique;
Si l’on entendoit autrement les termes de cette bulle,
comme ils regardent indifl-ïnClement tout le decret de
Gratien, il s’enfuivroit que non-feulement ce que
Gratien cite fous le nom de cartons, d’après les conciliés
9 les lettres des papes, les écrits des SS. peres,
& autres monumens, devroit avoir cette autbrité,
mais encore fes opinions particulières & fes raifonnemens,
ce qui feroit abfurde, & ce que perfonne
n’a ofé foûtenir. En effet, lorfque Gratien dans la
dift. /. de poenitentiâ, après avoir difeuté pour &
contre, s’il efl néceffaire de fe confefîèr au prêtre,
ou s’il jfuffit de fe confefîèr à Dieu, pour obt<ïnir'la
remiffion des péchés mortels dans le facrenient de
péniténee , conclud à la fin du canon 89 , après
avoir cité de part & d’autre une infinité de pairages
, qu’il biffe au leéteur la faculté de choifir celle
de ces deux opinions qu’il croit être la plus convenable,
mais que toutes deux ont leurs partifans gens
fages & très-religieux : dira-t-on que ce jugement
de Gratien, qui flotte entre ces deux opinions, a été
approuvé par I’Eglife? ne dira-t-on pas au contraire
avec les correéteurs romains, qu’on doit être per-
fuadé1 de la néceffité de fe confeifer au prêtre, ainfi
que le preferit le concile de Trente après les autres
conciles? 11 réfulte de tout ceci, que le recueil de
Gratien n’a-aucune autorité publique, ni par lui-
même , ni par aucune approbation expreffe dès foui
Verains pontifes ; que ce qui y efl rapporté n’a d’autre
autorité que celle qu’il a dans l’origine , c’eft-à-
dire, que les canons des conciles généraux ou particuliers
, les décrétales des papes, les écrits des SS.
peres qu’on y trouve , ne tirent aucune force de la
colleétion où ils font raffemblés, mais ne confervent
que le degré d’autorité qu’ils avoient déjà par eux-
mêmes ; que les raifonnemens inférés par Gratien
dans cette collection, n’ont d’autre poids que celui
que leur donne la vérité, & qu’on ne doit tirer aucune
conféquence des rubriques ajoûtées par les docteurs
qui font venus après lui aux différentes feCtibns
de cet ouvragé.
Après avoir rempli les divers objets que nous nous
étions propofés pour donner une idée exaCte du decret
de Gratien, nous croyons ne pouvoir mieux terminer
cet article, pour ceux qui cherchent à s’inf-
truire dans Gratien de l’ancienne difeipline, qu’en
leur indiquant les meilleurs auteurs qu’on pitiffe côn-
fulter fur cette collection. Nous les reduifons à'trois :
favoir Antoine Auguftin, de emendatione Gratiani,
avec les notes de M. Baluze : Vanefpen, nouvelle
édition de Louvain 1753 , qui non-feulement a fa.it
fur le decret de Gratien un commentaire abrégé très-
bon, mais encore des remarqués fort utiles fur les
canons des anciens conciles, tels que les i ers conciles
oecuméniques, ceux’d’Ancyre, de Néocéfarée, dé
Gangres, d’Afrique, &c. dont beaucoup de canons
font rapportés dans Gratien yvoye^ le troijîeme volume
de Vanefpen : enfin M. Dartis qui a commenté affez
au long tout le decret, efl le troifiemë auteur que nous
indiquons -, en avertiffant néanmoins qu’il efl inférieur
aux deux, premiers. Cet-article eji de M. BoXJ-
C H AU D, docteur a'ggrégé de la faculté 'de droit.
\ D ecret ffeluri/p.) ce terme efl quelquefois-pris
pour la loi-faite pat le prince.: quelquefois il fignifie
Tome IV ,
ce qui efl ordonné par le juge ; & fingulieremerit
certaines contraintes décernées contre les accufés ,
Qu la vente qui fe fait par juftice des immeubles fai-
fis réellement; enfin ce terme fe prend aufli pour les
délibérations de certains corps, (df)
D ecret d’ajournement personnel, efl un
jugement rendu en matière criminelle contre l’ac-
ciue, qui le condamne à comparoître en perfonne
devant le juge, pour être oüi & interrogé fur les faits
refultans des^ charges & informations & autres fur
lefquels le miniftere public voudra le faire interroger
, & pour répondre à fes conclufions.
On brdonne le decret d?ajournement perfonnel, lorfque
les charges ne font pas affez graves pour décréter
de prife de corps, & qu’elles font trop fortes pour
décréter Amplement d’àffigné pour être oiii. On convertit
auffi le decret d’affigrié pour être oiii en decret
d’ajournement perfonnel, lorfque l’accufé ne compare
pas/
Le decret d’ajournement perfonnel n’eft communément
ordonhé qu’après avoir oüi les conditions du
procureur du roi ou du procureur fifcal, fi c’eft dans
une juftice feigneuriale ; cependant le juge peut auffi
décréter d’office, lorfqu’en voyant un procès il trouve
qu’il y a lieu à décréter quelqu’un. Ce decret -porte
que l’accufé fera ajourné à comparoir en perfonne
un tel jour ; le délai en efl réglé fuivant la diftance
des lieux comme en matière civile.
Ce dectei' emporte de plein droit interdiction contre
l’acciifé de toutes les fondions publiques qu’il
peut avoir.
Les procès-verbaux des jugés inférieurs ne peuvent
être décrétés que d’ajoujrnement perfonnel, juf-
qu’à ce que leurs affiftans ayent été répétés ; & les
procès-verbaux des fergens & huiffiers, même des
cours fupérieures, ne peuvent être décrétés , finon
en cas de rébellion, & d’ajournement perfonnel feulement
; mais quand ils ont été répétés & leurs records
, le juge peut décréter de prife-de-corps s’il y
échet. J
La déclaration du roi du mois de Décembre 1680I
defend à toutes les cours d’accorder des arrêts dé
defenfés d’executer les decrets d’ajournement perfon-
nel qu’après avoir vû les informations, lorfqu’ils feront
émanés des juges eccléfiàftiquesN ou des juges
royaux ordinaires pour fauffété, malverfation d’officiers
en l’exercice de leurs charges, ou. lorfqu’il y
aura d’autres co-accufés décrétés de prife-de-corps.1
Il efl auffi ordonné par la même déclaration,, qUé
les accufés qui demanderont des défenfes attacheront
à leur requête la copie du decret qui leur a été
fignifie ; que tous juges feront tenus d’exprimer dans
les décrets d’ajournement perfonnel le titre de l’accu-
fation, à peine d’interdiélion , & que toutes les re-*
quêtes foient communiquées aii procureur général
de la cour où elles font pendantes;
Il dépend de la prudence du juge, d’accorder où
de refufer les défenfes requifes.
La peine de celui qui ne compare pas fur l’ajoür-
ment perfonnel, efl que l’on convertit le decret en
prife-de-Corps. Voye^ Vordonn.de iGyo, tit. X; { A j
D ecret d ajournement simple , c’eft le nom
que l’on donnoit autrefois au decret que nous appelions
préfentemeiit d’ajfignépour être oiii. (A )
D ecret d’àssigné pour être o u i , efl un jugement
rendu en matière criminelle , par lequel le
juge ordonne que l’acdifé fera ajfegnè pour être oüi
par fa bouche fur lés faits réfultàns des charges ôe
informations* & pour répondré aux conduirons-que
lé procureur du roi voudra prendre contre iuil
On ordonne ce decret lorfque lès charges font lei
gères, ou qiie l’accufé eft.une perfonne detonfidé-
ratiôri ou officier public , afin de ne: lui point faire
perdre trop légèrement fon état par un decret de.pri-
‘X X - "