<>74 D E C payer certains impôts qu’on avoit voulu établir.
Jean XXII. voulant obtenir de Charles IV. dit le
B e l, la permiffion de lever des décimes en France,
lui accorda de fa part deux décimes, c’eft-à-dire une
levée proportionnelle au revenu des eccléfiaftiques,
qui devoit fe faire pendant deux années confécu-
tivës.
La mort de Charles IV . étant arrivée en' 1328,
avant que ces décimes fuffent entièrement levées ,
Jean XXII. les confirma en faveur de Philippe V 1.
dit de Valois, fuccelfeur de Charles le Bel; il lui en
aècorda encore d’autres vers l’an 13 3 5, à l’occafion
delà croifade projetrée par Philippe VI. Benoît XII.
lui accorda auffi en 1338 les décimes de deux années ;
ce font fans doute ces dernieres, dont il eft parle
dans des lettres de ce prince du 5 Novembre 1343 ,
où il réglé en quelle monnoie on devoit lui payer
lès dixièmes ; c’eft ainfi qu’il appelle les décimes que
le pape lui avoit, dit-il, o&royees dernièrement pour
la néceffité de les guerres. Enfin Clément VI. lui accorda
encore en 1348, deux décimes pour les nécef-
fitës de l’état ; & dans une lettre que ce prince lui
écrivit, il marque que les prélats & ceux qui com-
pofent fon conleil lui ont dit qu’il pouvoit lever des
décimés pour les befoins de l ’état. Il y a lieu de croire
que celles qu’il avoit déjà levées précédemment
étoient aufli chacune pour plufièurs années, les historiens
difant de ce prince qu’il chargea exceffive-
ment le clergé de décimes, pour fubvenir à la néceffité
de fes affaires.
Il y eut pareillement plufièurs levées de décimes
fous le régné du roi Jean.
Il falloit qu’il y en eût déjà d’établies dès 1350 ;
puifque dans des lettres de ce prince, du dernier
Novembre de cette année , adreffées àu prieur de
S. Martin des Champs, il eft parlé des colle&eurs 6c
fous-colleûeurs des décimes du pays de Languedoc.
‘ Innocent V I . lui accorda en 1353 les décimes de
deux années. Ces levées font appellées dixièmes dans
des lettres du roi Jean, de même que dans celles de
Philippe VI.
Les trois états affcmblés à Paris au mois de Mars
1 3 5 "> > ayant oélroyé au même prince une aide pour
la guerre contre les Anglois,' il donna dans le même
tems fon ordonnance, portant que les gens d’églife
payeroient cette aide félon la valeur de leurs revenus
, fauf que l’on n’eftimeroit point leurs biens meubles
; que les revenus de leurs bénéfices feroient pri-
fés félon le taux du dixième ; que s’ils avoient rentes
ou revenus de patrimoine ou autres que d’églife, on
en eftimeroit la jufte valeur comme pour les autres
perfonnes ; que l’on auroit égard à la valeur de leurs
revenus jufqu’à cinq mille livres, 6c non plus ; que
pour le premier cent ils payeroient quatre livres, 6c
pour chaq.ue autre cent, 40 fols.
Que l’aide feroit payée de même par toutes fortes
de religieux, hofpitaliers', ou autres quelconques ,
excepté les mendians ; fauf que les religieux cloîtrés
ne payeroient rien, mais feulement que les chefs
des églifés payeroient ainfi que ceux qui avoient
rentes, revenus, ou qui auroient office ou adminif-
îration.
Enfin, que toutes perfonnes d’églife payeroient ce
fubfide , 6c ne s’en pourroient exempter pour quelque
privilège que ce fût ; de même qu’il payoit les
dixièmes , que l’aide feroit ainfi payée par les religieux
6c nonnains qui auroient du-moins dix livres
de rente, 6c que ceux dont le revenu feroit au-def-
fou s ne payeroient rien.
L’inftruâion qui fut envoyée pour la perception
de cette aide , marque, par rapport aux pens d’églife
, que toutes perfonnes de cette qualité, exempts
& non exempts, hofpitaliers & autres quelconques
ayant temporalité, payeroient pour cette année aux
termes ordonnés, un dixième 6c demi de leurs reve->
nus, félon le taux auquel leurs bénéfices étoient taxés
au dixième; & pour les bénéfices non taxés,
qu’ils payeroient de même fuivant l’eftimation ; 6c
que les gens d’églife qui auroient des rentes à v ie ,
à volonté ,.ou à héritage , payeroient pareillement
une dixième 6c demie pour cette année.
Une partie des habitans du Limoûfin 6c des pays
voifins ayant pareillement oélroyé au roi Jean, une
aide pour lés délivrer des ennemis qui étoîënt dans
leur pays , le roi fit à ce fujet une 'ordonnance air.
mois de Juillet 1355? portant entr’autres chofes que:
lès gens d’églife avoient avifé que tout homme d’é->
glife payeroit pour cette aide , une fois , telle fom-:
me qu’il avoit coûtume de payer pour une année à'
caufe du dixième ; 6c il eft dit que c’étoit Libéralement
& pour charité en aumofne , fans compuljion & de leur\
bon gré ; ce qui annonce bien que les eccléfiaftiques-
payoient fans que l’on fût obligé d’ufer contr’eux de
contraintes, mais il ne s’enfuit pas de-là qu’ils ne
fuffent pas obligés de payer.
Le roi Jean fit encore une autre ordonnance au
mois de Mai 1356, en conféquence d’une affemblée
des états pour l’établiffement de deux fubfides qui
dévoient être payés confécutivement : elle porte
que ces deux fubfides feront payés par toutes fortes
de perfonnes, gens d’églife 6c autres, excepté les
gens d’églife payans dixième : il paroît par-là que
l’on qualifioit de dixièmes ou décimes les levées qui
étoient faites fur le clergé du confentement du pape;
au lieu que les levées qui étoient faites de l’autorité
feule du ro i, tant fur le clergé que fur le refte du
peuple , étoient feulement qualifiées d'aides ou fubfides,
lorfqu’elles n’étoient pas employées à des guerres
faintes.
Il y eut plufièurs de ces aides levées fur le clergé
pendant la captivité du roi Jean.
Le dauphin Charles régent du royaume, fit une
ordonnance à Compiegne le 3 Mai 1358, en cbnfé-
quence d’une affemblée des trois états du royaume
de France de la Languedoil, portant établiffement
d’une aide pour la délivrance du roi & la défenfe du
royaume ; au moyen de quoi toutes autres aides,
impofitions, dixièmes, 6c autf es octroyés au roi ou
au dauphin pour le fait de la guerre, dévoient ceffer,
excepté ce qui pouvoit être dû des dixièmes oftroyés
par le pape fur les prélats & autres gens d’égliie ,
avant l’affemblée de Paris faite au mois de Février
1356, qui fe leveroit par les ordinaires félon la forme
des bulles fur ce faites.
Il eft dit par la même ordonnance , que les gens
d’églife exempts & non exempts, hofpitaliers, 6c
autres de quelqu’é ta t, condition ou religion qu’ils
fuffent, avoient oftroyé au roi un plein 6c entier
dixième de tous leurs bénéfices taxés ; que quant
aux bénéfices non taxés, les ordinaires y pourvoi-
roient de fubfide convenable, & le feroient lever
par leur main, excepté toutefois les hofpitaliers qui
payeroient le dixième entier de toutes leurs poffel-
fions 6c revenus, encore qu’ils ne fuffent pas taxés.
Les trois états d’A rtois, du Boulonnois, 6c du
comté de Saint-Pol, oftroyerent auffi en 1362 une
aide pour la délivrance du roi Jean & de fes otages :
ils en accordèrent encore une autre pour la même
caufe en 1365. Les eccléfiaftiques payoient ces aides
de même que les précédentes ; en effet, Charles
V. par une ordonnance du 27 Août 1365, leur
accorda le privilège de ne pouvoir être contraints
au payement de leur contingent que par les bras de
ÏEglife; mais il met cette reftriûion, à moins qu'il
n'y eût négligence notable de la part des bras de l ’E -
glife, auquel cas il fe réferve d’y pourvoir de re-
mede convenable, avec le moins de dommage que
faire fe pourra.
Les privilèges que Philippe le Bel avoit accordés
en 1304 à l’évêque de Mende 6c aux eccléfiaftiques
de ce diocèfe, 6c qui furent confirmés par Charles V .
au mois de Juillet 1373, contiennent entr’autres dif-
pofitions, que pendant le tems que l’évêque de Mende
6c les eccléfiaftiques de fon diocèfe payeront les
décimés 6c fubventions qu’ils ont accordées au roi,
ils ne payeront point les autres décimes que le pape
pourra lui oftroyer ; ce qui fournit une nouvelle
preuve que nos rois levoient des décimes 6c autres
fubventions fans le confentement du pape.
Clément VII. qui fiégeoit à Avignon, accorda en
1382 des décimes à Louis duc d’Anjou , qui étoit
régent du royaume à caufe du bas âge du roi Charles
VI. fon neveu ; ces décimes furent employées à
la guerre que le régent entreprit pour conquérir le
royaume de Naples.
II accorda encore en 1391 à ce même duc d’Anjou
, qu’il venoit de couronner roi de Naples , une ‘
autre décime fur le clergé de France ; ce qui fut fait
du confentement de Charles VI. L’univerfité de Paris
s’y oppofa vainement ; cette décime fut levée.
Le duc d’Orléans & le duc de Bourgogne, qui
eurent fucceffivement le gouvernement du royaume
, tentèrent en 1402 de faire une levée fur le clergé
, de même que fur les autres fujets du roi ; mais
l ’archevêque de Reims 6c plufièurs autres prélats s’y
étant oppofés , celle - ci n’eut pas lieu à l’égard du
' clergé.
Quelques auteurs difent que du tems de Charles
VI. le clergé divifa fes revenus en trois parts , une
pour l’entretien des églifes 6c bâtimens, l’autre ppur
les eccléfiaftiques, 6c la troifieme pour aidër le roi
dans fes guerres contre les Anglois : mais les chofes
changèrent par rapport aux Anglois, au moyen de
la treve faite avec eux en 1383 ; 6c depuis ce tems
ils devinrent fi puiffans en France,qu’en 1421 les états
du royaume accordèrent à Charles VI. 6c à Henri V.
roi d’Angleterre , qui prenoit la qualité d’héritier &
de régent du royaume , attendu la maladie de Charles
VI. une taille de marcs d’argent, tant fur les eccléfiaftiques
que fur les nobles, bourgeois, & autres
perfonnes aifées : cette taille fut impofée par les
commiffaires des deux rois.
Le duc de Bethford, régent du royaume pour le
roi d’Angleterre, voulut en 1428 prendre les biens
donnés à l’églife depuis 40 ans ; mais le clergé s’y
oppofa fi fortement, que le duc changea de deffein.
Aux états affemblés à Tours en 1468, le clergé
promit à Louis XI. de le fecourir de prières & orai-
fons , & de fon temporel pour la guerre de Bretagne,
laquelle n’eut pas de fuite ; ce qui fait croire à quelques
uns que les offres du clergé n’eurent pas d’effet
; mais ce qui peut faire penfer le contraire, eft
que le roi accorda l’année fuivante au pape une décime
, comme nous l’avons dit en parlant des décimes
papdles. Foye[ auffi plus bas D E C IM E S PAPALES.
On publia fous Louis XII. en 1501, une croifade
contre les Turcs qui faifoient la guerre aux Vénitiens
, & on leva à cette occafion une décime fur le
clergé de France.
Jufqu’ici les décimes n’étoient point encore ordinaires
; les fubventions que le clergé payoit dans les
befoins extraordinaires de l’état, etoient qualifiées,
tantôt de dixme ou décime, & tantôt d’aide ou fubfide
, de dixième, centième, cinquantième, taille ,
&c. Les aflèmblées du clergé, par rapport à ces contributions
, étoient peu fréquentes , & n’avoient
point de forme certaine ni de tems préfix ; mais en
1516 les chofes changèrent de face ; la négociation
du concordat pafle entre Léon X. & François I. donna
lieu à une bulle du 16 mai 15 16 , par laquelle,
fous prétexte que le Turc menaçoit la chrétienté , le
pape permit au roi la levée d ’une décime fur le clergé
Tome 1F%
de France ; le motif exprimé dans la bulle eft que le
rï a,Y°^ deffein de paffer eri Orient ; mais ce motif
n’étoit qu’un prétexte , Frahçois I. ne pehfant
gUereà paffer les mers. On fit à cette occafion un
departement ou répartition de cette décime par châ-
que diocefé fur tous les bénéfices ; & ce département
eft fouvent cité , ayant été fuivi , du moins
en partie, dans des affemblées du clergé ; il y a cependant
eu depuis un autre département en 16 41 ,
qui fut reéhfié en 1646.
On tient communément que c’eft depuis Ce tems
que les décimes font devenues annuelles & ordinaires
; il paroît cependant qu’elles ne l’étoient point
encore en 1557, puifqu’Henri IL en créant alors des
receveurs des deniers extraordinaires 6c cafuels, leut
donna pouvoir entr’autres chofes de recevoir les
dons gratuits & charitatifs équipollens à décimes.
Ce qui eft de certain , c’eft que la taxe impofée
en 1516 fur tous les bénéfices fut réitérée plufièurs
fois lous le titre de don gratuit & de charitatif équi-
pollent à décime.
Les lettres patentés dé François I. du 24Septem-
bre 1523 , font mention que le roi avoit demandé
depuis peu un fubfide de 1200 mille livres tournois
à tous archevêques , évêques , prélats , & autres
gens eccléfiaftiques , pour la folde des troupes levées
pour la défenfe du royaume : on trouve mémo
dans ces lettres qu’il y avoit eu une impofition dès
1518 , & il ne paroît point qu’il y eût aucun confentement
du pape.
En 1527, lorfqu’il fut queftion des affaires d’Ef-
pagne pour le traité de Madrid , en l’affemblée du
parlement où étoient le chancelier 6c les députés de
fix parlemens ; la cour, du confentement, vouloir &
opinion des préfîdens 6c confeillers des autres parlemens
, & d’un commun accord, ordonna que la ré-
ponfe feroit faite au ro i, qu’il pouvoit faintement
& juftèment lever fur fes fujets, favoir l’églife, la
nobleffe, peuple , exempts & non exempts, deux
millions d’or pour la délivrance de fes enfans ( qui
étoient reftés prifonniers), 6c pour le fait de la guerre
contre l’empire.
Au lit de juftice tenu le 20 Décembre de la même
année , où étoient plufièurs évêques , le cardinal de
Bourbon dit que l’Eglife pourroit donner 6c faire pré-
fent au roi de 130000 livres.
Le premier préfident répliqua qu’il n’étoit homme
qui n’eût dit que le roi devoit lever les deux millions
d’or fur l’Eglife , la nobleffe, &c. Il voulut
traiter fi les gens d’églife pouvoient être contraints
de contribuer; mais le cardinal de Bourbon craignit
l’examen d’une prétention que le clergé avoit toujours
cherché à éviter par des offres : le cardinal,
dit le regiftre , lui a clos la bouche , vû l'offre qii il a
fait , & de traiter & entretenir l'églife en fa Liberté , &
fes prérogatives, prééminences &franchifes, difant que le
roi le devoit faire, mais qu’ils peuvent & doivent rai-
fonnablement contribuer pour le cas qui s’offre, fans Je
confeiller ni attendre le confentement du pape.
Il y eut là-deffus deux avis : l’un de demander en
particulier aux évêques 6c prélats ce qu’ils vou-
droient donner de leur chef, & de les exhorter d’af-
fembler enfuite leur clergé pour impofer fur eux ce
qu’ils pouvoient raifonnablement porter ; l’avis le
plus nombreux fut quel’églife 6c la nobleffe dévoient
contribuer , & n’en dévoient point être exempts ;
combien, eft-ildit, qu’ils foient francs,quela portion
du clergé devoit fe lever par décimes pour accélérer *
qu’il convenoit que le roi choisît cinq ou fix archevêques
6c évêques, autant de princes & nobles 6c
autant des cours fouveraines , pour faire la diftribu-
tion, affiete 6c départ de l’impofition, 6c enluite dépêcher
des mandemens aux archevêques, évêques-,
6c autres prélats, pour faire lever fur eux 6c fur leur