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a pû n’être occafionnée par aucune autre c oft un
coup de génie qui a produit pour ainfi dire fubite-
ment toute une fcience à la fois. La découverte de
l’Algebre femble être de la fécondé efpece: en effet
.c’étoit une idée abfolument nouvelle, que de représenter
toutes les quantités poflibles par des caraûeres
généraux, & d’imaginer le moyen de calculer ces
quantités, ou plutôt de les préfenter fous l’expreffion
la plus fimple que leur état de généralité puiffe comporter.
Voyc{ A r i t h m é t i q u e u n iv e r s e l l e , &
le Difcours préliminaire du I. Volume. Mais pour remplir
abfolument cette idée, il falloit y joindre le calcul
déjà connu des nombres ou de l’Arithmétique ;
car ce calcul eft prefque toûjours néceffaire dans les
opérations algébriques, pour réduire les quantités à
leur expreflion la plus fimple. Enfin la découverte de
l’application de l’Algebre à la Géométrie eft de la
troifieme efpece ; car cette application a pour fondement
principal la méthode de repréfenter les courbes
par des équations à deux variables. Or quel raisonnement
a-t-il fallu faire pour trouver cette maniéré
de repréfenter les courbes ? Le voici : une
courbe, a-t-on dit, fuivant l’idée qu’on en a toujours
eu e, eft le lieu d’une infinité de points qui Satisfont
à un même problème. Voye^ C o u r b e . Or un
problème qui a une infinité de Solutions eft un problème
indéterminé ; & l’on fait qu’un problème indéterminé
en Algèbre eft représenté par une équation à
deux variables. Foye^ E q u a t i o n . Donc on peut fe
fervir d’une équation à deux variables pour repréfenter
une courbe. Voilà un raifonnement dont les
deux prémiffes, comme l’on vo it, étoient connues ;
il femble que la conféquence étoit aifée à tirer : cependant
Defcartes eft le premier qui ait tiré cette
conféquence : c’eft qu’en matière de découvertes le
dernier pas, quoique facile à faire en apparence,
eft Souvent celui qu’on fait le plus tard. La découverte
du calcul différentiel eft à-peu-près dans le même
cas que celle de l’application de l’Algebre à la
Géométrie, Foye^ D i f f é r e n t i e l , A p p l i c a t i o n ,
& G é o m é t r i e .
A u refte les découvertes qui confiftent dans la réunion
de deux idées dont aucune n’eft nouvelle, ne
doivent être regardées comme des découvertes, que
quand il en réfulte quelque chofe d’important, ou
quand cette réunion étoit difficile à faire. On peut
remarquer auffi que fouvent une découverte confifte
dans la réunion de deux ou plufieurs idées, dont
chacune en particulier étoit ou fembloit être ftérile,
quoiqu’elle eût beaucoup coûté aux inventeurs.
Ceux-ci pourroient dire en ce cas de l’auteur de la
découverte ,Jic vos non nobis ; mais ils ne feroient
pas toujours en droit d’ajoûter, tulit alter honores :
car la véritable gloire eft à celui qui achevé, quoique
la peine foit fouvent pour ceux qui commencent.
Les Sciences font un grand édifice auquel plufieurs
perfonnes travaillent de concert : les uns à la fueur
de leur corps tirent la pierre de la carrière ; d’autres
la traînent avec effort jufqu’au pié du bâtiment ;
d’autres l’éleverit à force de bras & de machines ;
mais l’archite&e qui la met en oeuvre & en place a
tout le mérite de la conftruâion.
En matière d’éruditiqn les découvertes proprement
dites font rares, parce que les faits qui font l’objet
de i’érudition ne fe devinent & ne s’inventent pas,
& que ces faits par conféquent doivent être déjà
écrits par quelqu’auteur. Cependant on peut donner
le nom de découverte, par exemple, à l’explication
folide & ingénieufe de quelque monument antique
qui auroit jufqu’alors inutilement exercé les favans ;
à la preuve & à la difeuffion d’un fait fingulier ou
important jufqu’alors inconnu ou difputé ; & ainfi
du refte. Voyt^ D é c h i f f r e r .
Il paroît que les deux feules fciences qui ne foient
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pasfufceptibles de découvertes d’aucune efpece,font
la Théologie & la Métaphyfique : la première, parce
que les objets de la révélation font fixés depuis
la naiffance du Chriftianifme, & que tout ce que les
Théologiens y ont ajoûté d’ailleurs fe réduit à de
purs fyflèmes plus ou moins heureux, mais fur lef-
quels on eft libre de fe divifer, tels que les fyftèmes
pour expliquer l’aôion de la grâce, & tant d’autres
objets ; matière perpétuelle de difputes , & quelquefois
de troûbles. A l’égard de la Métaphyfique, u on
en ôte un petit nombre de vérités connues & démontrées
depuis long-tems, tout le refte eft aufîi
purement contentieux*. D ’ailleurs, les hommes ayant
toûjours eu le même fond de fentimens & d’idées primitives
, les combinaifons en doivent être bien-tôt
épuifées. En Métaphyfique les faits font pour ainfi
dire au-dedans de chacun ; un peu d’attention fuffit
pour les y voir : en Phyfique au contraire, comme
ils font hors de nous, il faut d’ordinaire plus de fa-
"gacité pour les découvrir ; & quelquefois même en
combinant des corps d’une maniéré nouvelle, on
peut créer pour ainfi dire des faits entièrement nouveaux
: telles font, par exemple, plufieurs expé»
riencesde l’éleflricité, plufieurs manoeuvres de Chimie,
&c. Je ne prétends pas conclure de-là qu’il y
ait peu de mérite à éçrire clairement fur la Métaphyfique
; Locke & l’auteur du traité des fyftèmes fuffi-
roient pour prouver le contraire : &c on pourroit
leur appliquer le paffage d’Horace, difficile eftproprié
communia d ic e r e , il eft difficile de fe rendre propre ce
qui femble être à tout le monde. (O)
D é c o u v e r t e , (Marine.) ê tr e à la découverte, fç
d it d’u n m a te lo t q u ’o n m e t dan s la h u ne o u h a u t du
m â t p o u r d é c o u v r ir d e lo in en m e r . (Z)
DECOUVRIR, TROUVER, v. aft. ( Gramm,
Synon:) ces mots lignifient en général, acquérir p af
foi-même la connoiffance d’une chofe qui eft cachée
aux autres. Voici lès nuancés qui les diftinguent. En
cherchant à découvrir, en matière de Sciences, ce
qu’on cherche, on trouve fouvent ce qu’on ne cher*
choit pas ; nous découvrons ce qui eft hors de nous ,
nous trouvons ce qui n’eft proprement que dans no*
tre entendement, & qui dépend uniquement de lui ;
ainfi on découvre un phénomène de phyfique ; on trouve
la folution d’une difficulté. Trouver, fe dit auffi des
chofes que plufieurs perfonnes cherchent, & découvrir,
de celles qui ne font cherchées que par un feule
c’eft pour cela qu’on dit, trouver la pierre philofo-
phale, les longitudes, le mouvement perpétuel, &c,
& non pas les découvrir: on peut dire en ce Cens que
Newton a trouvé le fyftème du monde, & qu’il à découvert
la gravitation univerfelle, parce que le fyftème
du monde a été cherché par tous les philofophes,
& que la gravitation eft le moyen particulier dont
Newton s’eft fervi*pour y parvenir. Découvrir, fe dit
auffi lorfque ce que l’on cherche a beaucoup d’importance
, & trouver, lorfque l’importance eft moindre.
Ainfi en Mathématique, & dans les autres Sciences
, on doit fe fervir du mot de découvrir, lorfqu’il
eft queftion de propofitions & de méthodes générales,
& du mot trouver, lorfqu’il eft queftion de proportions
ou de méthodes particulières, dont l'ufage
eft moins étendu. C ’eft dans ce même fens qu’on distingue
une découverte d’une fimple invention. Voyeç
Découverte. On dit auffi, tel navigateur a découvert
un tel pays, & il y a trouvé des habitans ; & ainfi
du refte. (G )
D écouvrir, ( Architecl.) c’eft ôter la couverture
d’une maifon, pour en conferver à part fes matériaux.
( P )
Découvrir les terres, (Marine.) c’eft com«
mencer à les voir & à les diftinguer. (Z )
D É C O U V R I R , en terme de Ckauderonnier, c’eft
donner le luftre aux pièces de chauderonnerie. Cela
Vexécute, pour celles de cuivre jaune, en les faifant
boiiillir dans de l’eau-, de la gravelle, & de l’alun,
&: les y remuant à plufieurs reprifes. Pour les pièces
de rouge, oriles frotte d’une faumure quelconque,
on les chauffe fur le feu, & on les jette dans l’eau.
D écouvrir , v . a£t. (Metteur en oeuvre.) c’eft enlever
avec le poinçon propre à cet effet, les parties
fuperflues de la fertiflure qui couvrent la pierre au-
deffus de fon feuilleti,& qui lui ôteroient de fon étendue
: le poinçon dont on fe fert pour cela, eft nommé
fer à découvrir, & n’eft autre chofe qu’un morceau
d’acier quarré non trempé, armé d).m bouchon
de liege par le milieu, afin que l’ouvrier puiffe s’en
fervir commodément, & limé en pointe aux deux
extrémités, l’une en s’arrondiffant, &; l’autre quar-
rément ; c’eft de l’extrémité ronde qu’on fe fert le
plus fréquemment ;. la quarrée n’eft que pour enlever
les parties qui réfiftent à l’aftion du côté rond;
car cette opération fe fait en appuyant avec force,
avec le poinçon, fur la fertiflure par un mouvement
de bas en-haut ; d’où il arrive que l’extrémité de la
fertiflure du côté de la pierre à force d’être comprimée
s’amincit & vient enfin à fe couper fur le feuillet!
de la pierre, qui eft un angle, & à s’en détacher.
D é co u v r ir , en terme de Rafineur, c’eft lever les
efquires de deffus les formes, pour les retourner &
les rafraîchir, ouïes changer. Foye[ Ra fraîchir.
D E CR A S SE R . Décraffer un cuir, terme de Cor-
royeur; c’eft une façon que ces ouvriers donnent aux
cuirs ; lorfqu’ils en ôtent, tant du côté de chair que
du côté de fleur, ce qu’il peut y avoir de trop de
fuif, d’huile, & autres matières qu’on a employées
pour les préparer. Cette opération fe fait avec une
pontelle de bois ou de liège, félon la qualité de la
peau ou de l’ouvrage. Foye^ C orroyeur.
D écrasser , v . aâ. ( Orfèvrerie.) ce terme a deux
acceptions : il fignifie i°. l’aélion d’épurer les matières
lorfqu’elles font en fiifion , & d’enlever de deffus
le bain toutes les matières terreufes quifpourroient
faire corps, & rendre les lingots poreux. Du fa von
jetté dans l’argent immédiatement avant que de le
verfer dans la lingotiere, achevé de le nettoyer; il
rend même le lingot brillant.
Pour l’or, l’adouciffement au borax eft le plus fûr
moyen de rendre le lingot fain,
11 fignifie 2°. l’a&ion de bien nettoyer , décraffer
les ouvrages deftinés à être foudés aux endroits que
doit couvrir la foudure, &c où la craffe pourroit empêcher
la fiifion , ou du moins la rendre imparfaite ;
& l’attention à ne pas ménager les lotions fur les bijoux
d’or qu’on eft obligé de mettre en couleur, à
caufe du mat ; dans ce cas les faletés occafionnent
des taches, & obligent fouvent de recommencer l’opération.
•: , _•.
DECREDITÉ, qui na plus de crédit. Un négociant
dècrèditè eft un homme qui ne trouve pas à
emprunter la .moindre fomme. Une boutique décréditée
eft une boutique où l’on ne voit plus'de chalands.
Une étoffe décréditée eft celle qui n’eft plus
démodé. Diçlionn.duCornm.èc de Trév. (G )
DECREDÎTER, ôter le crédit à quelqu’un, lui
faire perdre fa réputation ; cette expreflion a lieu
dans le Commerce: par exemple, les envieux de ce
négociant le dècrèditent par-tout par leurs calomnies.
DÉçrÉditer ( fe ') , perdre foi-même fon crédit
ou par fa mauvaife conduite ou par des accidens qui
dérangent les affaires. Diction. du Comm. 6* de Trév.
Fctyei C réd it. (G ) >
DECREPITATION, (. f. (Chimie.) on entend
par ce mot l’efpece d’explofion fucceffive ou par
coups fecs & fouvent répétés , de certains fels ex-
pofés au feu. Jufqu’ici on ne connoît communément
que deux fels qui ayent cette propriété ; favoir le fel
marin & le tartre vitriolé.
Tome IF .
Dans la décrèpitation ces feïs perdent l’eau dé leur
cryftallifation ; & la fymmétrie de leurs cryftaux fe
dérangé totalement,
L ’opération par laquelle on fait décrépiter uri fel,
s appelle auffi décrèpitation dans les laboratoires ; &
lé fel privé de l’eau de fa cryftallifation, & réduit en
poudre ou en petits éclats, s’appelle fe l décrepité.
Cette opération n’eft ufitée que pour le fel marin ;
en voici le manuel : « Faites rougir entre les char-
>» bons ardens un pot qui ne foit point verni ; jette2
v dedans environ une once de fel marin, puis le cou-
» vrez ; il pétillera & fe réduira en poudre : quand
» le bruit fera ceffé, vous mettrez encore autant de
» fel dans le pôt, & vous continuerez de même juf-
» qu’à ce que vous en ayez affez, Lorfqu’il ne pétil-
» lera plus, vous le retirerez du feu ; & étant encore
» chaud, vous le mettrez dans une bouteille que vous
» boucherez bien, afin d’empêcher que l’air ne l’hu*
» me&e ». Lemery, cours de chimie,
Le but de la décrèpitation du fel marin eft de lui
faire perdre l’eau de fa cryftallifation, mais fur-tout
de lui ôter cette propriété même de décrépiter, qui
deviendroit incommode dans la plûpart des opérations
chimiques où ce fel eft employé. Voye^ S e l
marin. .(£)
DECREPITUDE, f. f. (Médecine.) fuite;düdé-
croiffement de l’âge , qui fe fait par degrés ; terme
de la vieilleffe, eft l’état de defféchement de tout le
corps, effet inévitable de la vie faine même, en conféquence
de laquelle tous les vaiffeaux acquièrent
un tel degré de folidité, de rigidité, qu’ils font une
réfiftance prefqu’invincible aux fluides qui font pouf-
fés dans leurs cavités, enforte qu’ils fe contrarient,
& fe refferrent pour la plûpart au point, que tout le
corps devient aride, fans fuc ; prefque toute la graif-
fe fe confume , ce qui faifoit auparavant une grande
partie du volume du corps ; d’où il réfulte que l’on
voit fur le dos de la main & au poignet des vieillards,.
les tendons faillàns & recouverts de la feule
peau rude, écailleufe : les cartilages intervertébraux
fe raccorniffent, s’aminciffent jufqu’à devenir pref-
qùe nuis, & laiffér les corps des vertebres fe toucher
entr’eux, ce qui diminue confidérablement la
hauteur du corps, fait courber en-avant l’épine du
dos , rend les vieillards comme boffus , en fait des
fqueletes vivans par, un vrai marafme dont la caufe
eft naturelle, & dont la vie dure, laborieufe, &
trop exercée peut hâter les progrès , qui fe terminent
par la mort; effet naturel de la conftitution du
corps, dont les parties ayant perdu la flexibilité re-
quife pour entretenir le mouvement qui fait la vie ,
ceffent d’agir, & reftent dans l’état de repos: d’où
l’on peut conclure que les promeffes de ceux qui fe
flattent d’avoir des moyens de prolonger la vie prefi
que jufqu’à l’immortalité, ne font que jaâance &
dupperie. Foye^ Marasme, (d)
DECR ET, f. m. (Jurifprud. canoniq.) on appelle
ainfi plufieurs compilations d’anciens canons ; tels
font le decret de Bouchard de Wormes, ceux d’Yves
de Chartres. , & de Gratien : nous allons donner une
idée :de^chacune de ces colleftions.
■ Bouchard évêque de Wormes, s’eft rendu célébré,
non- feulement par le zele avec lequel il rem-
pliffoit tous les devoirs de l’épifcopat, mais encore
parle recueil de canons qu’il compofa vers l’an 1008,
& qü’ilnous a laiflé. Plufieurs làvans avec lefquels
il étoit lié, l’aiderent dans ce travail. Les anciens
exemplaires; de cet ouvrage ne portent aucun titre;
néanmoins divers paffages de Sigebert, chronicon.
circa annum 1008, & deferiptor. ecclef. donnent lieil
de croire qu’il eut celui de magnum decretorum volu-
men y comme faifant un volume plus confidérable
que la colleôion de Réginon & autres précédentes.
Mais par la fuite on fe contenta de l’appeller decret.