<?22 D E V quel il marchoit, défignoit les armes des ennemis
qu’il confacroit aux dieux infernaux, & quiferoient
bien-tôt renverfés par terre. Dans cette fituation,
armé de toutes pièces, il fe jettoit dans le fort de la
mêlée, & s’y faifoit tuer. On appelloit cette attion
(e^évouer à la terre & aux dieux infernaux. C ’efl
pourquoi Juvenal dit en faifant l’éloge des Décius,
Pro legionibus, auxiliis, & plebe latinâ
Sufficiunt dis in ferais , terroeque parenti.
Le grand prêtre faifoit la cérémonie du dévoue-
■ ment. La peine qu’il prononçoit alors, étoit répétée
-mot pour mot par celui qui fe dévouoit. Tite-Live
( liv. VIII. ch. jx.') nous' l’a confervée, & elle efl
trop curieufe pour ne pas l’inférer ici.
«''Janus, Jupiter, Mars, Quirinus, Bellone,
•» dieux domefliques , dieux nouvellement reçus- ,
» dieux du pays ; dieux qui difpofez de nous & de
-» nos ennemis, dieux mânes, je vous adore, je vous
» demande grâce avec confiance, 8c vous conjure
» de favorifer les efforts des Romains, & de leur
•» accorder la v iâo ire , de répandre la terreur, l’é-
» pouvante, la mort fur les ennemis. C ’efl le voeu
» que je fais en dévoilant avec moi aux dieux ma-
» nés & à la terre, leurs légions & celles de leurs
» alliés , pour la république romaine ».
L’opinion que les payens avoient de la nature de
ces dieux incapables de faire du b ien, les engageoit
d’offrir à leur vengeance de perfides ennemis, qu’ils
fuppofoient être les auteurs de la guerre , & mériter
•ainfi toutes leurs imprécations. Elles paffoient toujours
pour efficaces, lorfqu’elles étoient prononcées
avec toutes les folennités requifes par les minières
de la religion, & par les hommes qu’on croyoit fa-
vorifés des dieux.
On rie doit donc pas être furpris des révolutions
foudaines qui fuivoient les dévouemens pour la patrie.
L’appareil extraordinaire de la cérémonie, l’au-
corité du grand-prêtre , qui promettoit une vi&oire
certaine, le courage héroïque du général qui couroit
avec tant d’ardeur à une mort affûrée, étoient affez
capables de faire impreffion fur l’efprit des foldats,
de ranimer leur valeur, & de relever leurs efperan-
ces. Leur imagination remplie de tous les préjugés
de la religion payenne, & de toutes les fables que la
fuperflition avoit inventées , leur faifoit voir ces
mêmes dieux, auparavant fi animés à leur perte,
changer tout d'un coup l’objet de leur haine , &
combattre pour eux.
Leur général en s’éloignant leur' paroiffoit d’une
forme plus qu’humaine ; ils le regardoient comme
un génie envoyé du ciel pour appaifer la colere divine
, 8c renvoyer fur leurs ennemis les traits qui
leur étoient lancés. Sa mort, au lieu de confterner
les liens, ralfuroit leurs efprits : c’étoit la confom-
mation de fori facrifîce, 8c le gage affûré de leur
réconciliation avec les dieux.
Les ennemis mêmes prévenus des mêmes erreurs,
lorfqu’ils s’étoient apperçus de ce qui s’étoit paffé ,
■ croyoient s’être attirés tous les enfers fur les bras.,
en immolant la viétime qui leur étoit confacrée. Ainfi
Pyrrhus ayant été informé du projet du dévouement
de Décius, employa tous fes talens 8c tout fon art
pour effacer les mauvaifes impreffions que pouvoit
produire cet événement. Il écrivit même à Décius
de ne point s’amufer à des puérilités indignes d’un
homme de guerre, & dont la nouvelle faifoit l’objet
de la raillerie de fes foldats. Cicéron voyant les dévouemens
avec plus de fang-froid, & étant encore
moins crédule que le roi d’Epire, ne croyoit nullement
que les dieux fuffent affez injuftes pour pouvoir
être appaifés par la mort des grands hommes,
ni que des gens fi fages prodiguaffent leur v ie fur un
û faux principe ; mais il confidéroit avec Pyrrhus
D E V leur a£fion comme un flratagême d’un général qui
n’épargne point fon fang lorfqu’il s’agit du falut de
fa patrie, étant bien perfuadé qu’en fe jettant au milieu
des ennemis il feroit fuivi de fes foldats, 8c que
ce dernier effort regagneroit la viftoire ; ce qui ne
manquoit guere d’arriver.
Quand le général qui s’étoit dévoilé pour l’armée
périffoitdans le combat, fon voeu étant accompli, il
ne refloit qu’à en recueillir le fruit, 8c à lui rendre
les derniers devoirs avec toute la pompe dûe à fori
mérite, & au fervice qu’il venoit de rendre. Mais
s’il arrivoit qu’il furvécut à fa gloire , les exécrations
qu’il avoit prononcées contre lui-même , &
qu’il n’avoit pas expiées , le faifoierit confidérer
comme une perfonne abominable 8c haie des dieux,
ce qui le rendoit incapable de leur offrir aucun fa-
crifice public ou particulier. Il étoit obligé pour effacer
cette tache , & fe purifier de cette abomination
, de confacrer fes armes à Vulcain , ou à tel
dieu qu’il lui plairoit, en immolant une viûime , ou
lui faifant quelqu’autre offrande.
Si le foldat qui avoit été dévoilé par fon général
perdoit la v ie , tout paroiffoit confommé heureufe-
ment ; fi au contraire il en réchappoit, on enterroit
une ftatue haute de fept piés 8c plus , 8c l’on offroit
un facrifîce expiatoire. Cette figure étoit apparemment
la repréfentation de celui qui avoit été con-
facré à la terre , 8c la cérémonie de l’enfoiiir étoit
l’accompliffement myflique du voeu qui n’avoit
point été acquitté.
Il ri’étoit point permis aux magiflrats romains
qui y affiftoient de defcendre dans la foffe où cette
ftatue étoit enterrée , pour ne pas fouiller la pureté
de leur miniftere par l’air infeété de ce lieu profane
8c maudit, femblable à celui qu’on appelloit bidental.
Le javelot que le conful avoit fous fes piés en
faifant fon dévouement, devoit être gardé foigneu-
fement, de peur qu’il ne tombât entre les mains des
ennemis : c’eût été un trille préfage de leur fupério-
rité fur les armes romaines. Si cependant la chofe
arrivoit malgré toutes les précautions qu’on avoit
prifes , il n’y avoit point d’autre, remede que de
faire un facrifîce folemnel d’un porc , d’un taureau ,
8c d’une brebis , appellé fuovetaurilia , en l’honneur
de Mars.
Les Romains ne fe contentoient pas de fe dévoiler à
la mort pour la République , 8c de livrer en même
tems leurs ennemis à la rigueur des divinités malfai-
fantes toujours prêtes à punir & à détruire , ils tâ-
choient encore d’enlever à ces mêmes ennemis la
proteftion des dieux maîtres de leur fo r t , ils évo-
quoient ces dieux , ils les invitoient à abandonner
leurs anciens fujets , indignes par leur foibleffe de
la proteélion qu’ils leur avoient accordée, 8c à venir
s’établir à Rome, où ils trouveroient des fer-
viteurs plus zélés & .plus en état de leur rendre les
honneurs qui leur étoient dûs. C’efl ainfi qu’ils en
ufoient avant la prife des villes lorfqu’ils les voyoient
réduites à l’extrémité. Après ces évocations, dont
Macrobe nous a confervé la formule , ils ne dou-*
toient point de leurs vi&oires 8c de leurs fuccès.
Voye^ Ev o c a t io n .
Chacun aimant fa patrie , rien ne fembloitles empêcher
de facrifier leur vie au bien de l’état, 8c au
falut de leurs citoyens. La République ayant auffi
un pouvoir abfolu fur tous les particuliers qui la
compofoient, il ne faut pas s’étonner que les Romains
dévoilaffent quelquefois aux dieux des enfers
des fujets pernicieux dont ils ne pouvoient pas fe défaire
d’une autre maniéré, & qui pouvoient par ce
dévouement être tués impunément.
Ajoutons à cette pratique les enchantemens 8c les
conjurations appelles dévotions, que les magiciens
D E V ‘efriployoïent -contre ceux qu’ils avoient deffein dé
perdre. Ils évoquoient pour cet effet par des. facri-
fices abominables les ombres. malheureufes |de ceux
qui venoient de faire unè fin tragique , 8c préten-
doient lés obliger par des promefîes encore plus af-
freufes à exécuter leur vengeance. On croyoit que
les gens ainfi dévoués, ou enforcelés périffoient mal-
heureufement, les uns par des maladies de langueur,
les autres par une mort fubite ou violente. Mais il
y a bien de l ’apparence que les différentes qualités
des poifons qu’ils employoient pour appuyer leurs
charmes , étoient la véritable caufe de ces événe-
mens.
„ Nous fôirimes , comme, on v o i t , grâces :aùx historiens
du premier ordre, exa&ement. inflruits de
toutes les particularités qui concernent les dévoue-
mèns des Romains. L ’expofitionde ceux qui fe pratiquent
aux Indes, au Tonquin , en Arabie , 8c dans
d’autres pays du monde , mériteroit d’avoir ici fa
place ,fi l’on en avoit des relations fideles ; mais
les rapports finguliers qu’en font les voyageurs font
trop fulpeéls pour en charger cet ouvrage. Il efl vrai
que nous connoiffons affez les effets de la fuperflition
pour concevoir qu’il n’efl point d’extravagances qu’elle
ne puiffe infpirer aux peuples qui vivent fous
fon empire ; mais il ne faut pas par cette raifon
tranfcrire des faits très-incertains, & peut-être des
contes, pour des vérités authentiques.
. Les lumières du Chriflianifme ont fait ceffer en
Europe toutes fortes de dévouemens femblables à ceux
qui ont eu cours chez les Payens , ■ ou qui régnent
encore chez les nations idolâtres. La religion chrétienne
n’admet, n’approuve que les dévouemens qui
confiflent dans une. entière confécration au culte
qu’elle recommande , & au fervice du fouverain
maître du monde. Heureux encore fi fur ce fujet on
ne fût jamais tombé dans des extrêmes qui ne font
pas félon l’efprit du Chriflianifme !
Enfin les dévouemens, fi j’ofe encore employer ce
mot au figuré , ont pris tant de faveur dans la république
des lettres, qu’il n’efl point de parties , ni
d’objets de fcience où l’on ne puiffe citer des exemples
,- d’admirables , d’utiles, d’étranges , ou d’inutiles
dévouemens. Article de M. le Chevalier DE Jau-
CO U R T .
DÉVOYEMENT, f. m. Voye^ D i a r r h é e , &c.
D ÉVOYER, v. a£l. ( Hydr. ) c’efl détourner un
tuyau de fon aplomb perpendiculaire , foit d’une
cheminée ou d’une chauffe d’aifance. Dans les pompes
foulantes, on efl obligé de dévoya- le tuyau montant
, à caufe des tringles de la manivelle qui def-
cendent en ligne droite. ( K')
DEUTÊROCANONIQUE, adj. ( Théol. ) efl le
nom que l’on donne en Théologie à certains livres
de l’Ecriture qui ont été mis plûtard que les autres
dans les canons, foit parce qu’ils ont été écrits après
que les autres y étoient déjà , foit parce qu’il y a
eu „quelques doutes au fujet de leur canonicité.
Voye^ C anon. Ce mot efl grec , 8c compofé. de
S'tvTipoç, fécond, 8c Kttvoviitoç , canonique.
Les Juifs reconnoiffent dans leur canon des livres
qui n’y ont été mis qu’après les autres» Ils difènt
que fous Efdras une grande affemblée de leurs docteurs
, qu’ils appellent par excellence la grande fyna-
gogue , fit le recueil des livres faints que nous avons
encore aujourd’hui dans l’ancien Teflament hébreu.
Ils conviennent qu’elle y mit des livres qui
n’y étoient point avant la captivité de Babylone ,
comme ceux de Daniel, d’Ezéchiel, d’Aggée , &
ceux d’Efdras & de Néhémias.
De iriêirie l’Eglife en a mis quelques-uns dans le
canon, qui ne font point dans celui des Juifs, & qui
n’ont pû y être, puifque plufieurs n’ont été compo-
fés _que depuis le canon fait du tems d’Efdras. Tels
Tome IV,
D E U m
font ceux delaSageffe, l ’Eccléfiafîiqiie, les Mac*
chabées , &c. D ’autres n’y ont pas été mis fi-tôt >
parce que l’Eglife n’avoit point encore examiné leur
canonicité ; ainfi jufqu’à fon examen & fon juge*
ment bn a pû en douter
Mais depuis qu’elle a prononcé fur la èariônicité
“ vres \ * n e^- Pas plus permis d’en douter ,
qu il fut permis aux Juifs de douter de ceux du ta*
non d Efdras , & les deuterôcaaoniques rie font pas
moins canoniques que les proto-canoniques, puifque
la foule différence qu’il y a entre les uns & les aU-
tres', c ’efl que la canonicité de ceux-là n’a pas été
reconnue généralement, examinée & décidée paf
l’Eglife , auffi-tôt que telle des autres^
Les livres deutérùcanoniques font, les livres d’Ef*’
ther, ou tout entiers, ou pour lè moins les fept derniers
chapitres ; l ’épitre aux Hébreux' ; celle de SI
Jacques & de S. Jude ; la fécondé de S. Pierre ; la
féconde & la troifieme de S. Jean , avec fon apoca-
lypfe. Les parties deutérocanoniques de livres font
dans Daniel, l’hymrie des trois enfans , & l’orai*
fon d’Azarie ; les hifloires de Suzanne ■, de Be l, Sc
du dragon ; le dernier chapitre de S. Marc ; là fueur
de fang qu’eut Jefus-Ghrifl, rapportée daris lé chap}
x x ij. de S. Marc , & l’hifloire de îa femme àdülteré-
qu’on lit au commencement du viij. <kap. de l’évangile
félon S. Jean. Dicl. de Trév. & Chàmbers. ( G ) ‘
DEUTÉRONOME , f. m. f Théol. ) un des livres
facrés de l’ancien Teflament, & le dernier dé ceux
q u ’a écrit Moyfe. Voye^ P e n t a t Eü q u e .
' Ce mot efl grec, compofé de J'eimpç, fécond , 8c
de Vûfxeç, réglé ou loi, parce qu’en effet le deutèrono*
me contient une répétition des'lois comprifes dans
les premiers livres de Moyfe , & c’efl pour cette raifon
que les Rabbins lê nomment quelquefois mifna
c’efl-à-dire répétition de la loi.
Il ne p.aroît pas que Moyfe ait divifé en livreâ
les ouvrages qU il a écrits -3 ni qu’il ait donné des
noms & .des titres différens aux diverfes parties qui
les compofent. Aujourdî’hui même, les Juifs ne mettent
point-ces divifions aux livres répandus dans
leurs fynagogues; ils les écrivent de fuite comme
on feroit un même ouvrage, fans les diflinguer au*
trement que par grands ou petits parafches. Il efl
vrai que dans les autres copies dont fe fervent les
particuliers , ils font divifés en cinq parties , comme
parmi nous , mais ils n’ont point d’autre nom
que le premier mot par lequel commence chaque livre
: on divifoit à-peu-près comme nous fàifons ert
citant une loi ou un chapitre du droit canon. Ainfi
ils appellent la genefe berejîth ou berefchith, parce
qu’elle commence par ce mot. Par la même raifon
l’exode efl appellé veellefemoth ;le Iévitique, vaïcra ;
lés nombres , vaicdabber ; & le deuterOnome , elle
haddebarim. Cette coûtume efl fort ancienne parmi
les rabbins, comme il paroît par les anciens commentaires
faits fur ces livres , 8c qui forit intitulés*
Berefchith Rabba, veelle fenioth Rabba ; & par l’ou-
Vrage de S. Jerôme intitulé , Prologus galçatus ,
qu’on trouve à la tête de toutes les bibles. Ce.furent
les Septante qui donnèrent aux cinq parties du pen-
tateuque les noms de genefe, d’exode, de Iévitique *
des nombres, & de deutéronome, qui font grecs ( excepté
celui de Iévitique qui efl originairement hébreu)
& qui expriment en général ce qu’il y a de plus
remarquable contenu dans ces livres , fiuvant la
forme des titres que les Grecs avoient eoûtumê de
mettre à la tête de leurs ouvrages.
Le livre du deutéronome, comme riOüs l’avofts in*
finué , fut ainfi nommé , parce qu’il renferme une
récapitulation de la loi. Les Juifs le nomment encore
le livre des réprimandés, à caufe du xxviij chapitre
qui contient les bénédiélions promifes à ceux qui*
A A A a a a ij
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