évêques^ mais cela ne changea ^rien pour les autres
eccléfiaftiques; & depuis, les empereurs Valens, Gra-
•tien, & Valentinien, révoquèrent l’exception qui
avoit été-faite pour -les évêques, 8c ordonnèrent que
pour crimes eccléfiaftiques tous clercs, foit évêques
ou autres, feroient juges dans le fynode de leur dio~
cèfe ; niais que pour les crimes communs 8c civils,
qui font précifément ceux que l’on appelle aujourd’hui
improprement cas privilégiés, ils feroient pourfuivis
devant les. juges féculiers.
Les empereurs Honorius & Théodofe rétablirent
le privilège qui avoit été accordé aux évêques, & l’étendirent
même à tous eccléfiaftiques en général
pour quelque délit que ce fût.
Le tyran nommé Jean qui effaya d’ufurper l ’empire
d’Occident, révoqua tous ces privilèges, 8c
fournit les eccléfiaftiques à la juftice féculiere, tant
.pour le -civil que pour toutes fortes de crimes indif-
tin&ement.
MaisThéodofe & Valentinien II. qui fuccéderent
à Honorius, rendirent aux eccléfiaftiques lè privilège
de ne pouvoir être jugés qu’en la jurifdi&ion
eccléfiaftique, tant pour le civil que pour le criminel.
Tel fut l’état de la jurifdi&ion eccléfiaftique pour
les matières criminelles julqu’au tems de Juftinien,
lequel par fa novelle 8 3 diftingua expreffément les
délits civils des délits eccléfiaftiques. Par les délits civils
il entend les délits communs, c’eft-à-dire ceux
qui font commis contre les lois civiles, & dont la
punition eftrefervée aux.lois civiles. C ’eft ce que
le dofre Cujas a remarqué fur cette novelle , oit il
employé comme fynonymes ces deux mots civil &
commun, & les oppofe au délit eccléfiaftique.
Juftinien ordonna donc que fi le crime étoit eccléfiaftique
, & fujet à quelqu’une des peines que
l ’Eglife peut infliger, la connoiffance en appartien-
droit à l’évêque feul ; que fi au contraire le crime
étoit civil & commun, le préfident fi c’étoit en province,
ou le préfet du prétoire fi c’étoit dans la
v ille , en connoîtroient, & que s’ils jugeoient l’ac-
eufé digne de punition, ils le livreraient aux minif-
tres de la juftice après qu’il auroit été dégradé de
l ’état de prêtrife par fon évêque.
Peu de tems après, Juftinien changea lui-même cet
ordre par fa novelle 123 , oii il permit à celui qui
accuferoit un eccléfiaftique de fe pourvoir, pour
quelque délit que ce fût, devant l’évêque : fi le crime
fe trouvoit eccléfiaftique, l’évêque puniffoit le
coupable félon les canons ; fi au contraire l’accufé
fe trouvoit convaincu d’un crime civil, l’évêque le
dégradoit, après quoi le juge laïc faifoit le procès à
l’acculé.
L’accufateur pouvoit aufïi fe pourvoir devant le
juge féculier ; auquel cas fi le crime civil étoit prouve
, avant de juger le procès on le communiquoit à
l’évêque, & fi celui-ci trouvoit que le délit fût commun
& c ivil, il dégradoit l’accufé, qui étoit enfuite
. remis au juge féculier : mais fi l’évêque ne trouvoit
pas le délit fuffifamment prouvé, ou que la qualité
du délit lui parût équivoque, il fufpendoit la dégradation
, 8c les deux juges s’adreffoient à l’empereur,
qui en connoiffance de caufe ordonnoit ce qu’il
croyoit convenable.
En France fous les deux premières races de nos
rois, 8c même encore allez avant fous la troifieme,
les eccléfiaftiques qui avoient beaucoup empiété fur
la jurifdi&ion féculiere, ne la reconnoiffoient aucunement
pour les matières criminelles, de telle nature
que fut le délit ; c’eft pourquoi Prétextât archevêque
de Rouen étant accufé par Chilperic de crime
de léfe-majefté, le roi permit qu’il fût jugé par les
évêques §c prélats du royaume ; il leur obferva néanmoins
en même tems que les juges royaux auroîent
pû le condamner pour un tel crime.
Grégoire de Tours rapporte plufieurs exemples
femblables, entre autres que Salonius 8c Sagittarius
accufés d’homicide, dm d te re , 8c autres crimes
énormes, Rirent renvoyés au jugement des évêques.
On trouve aufïi dans Monftrelet qu’en 141s ,
1460, 8c (aux additions) en 1467, des clercs accufés
de léfe-majefté, fortiléges, homicides, étoient
renvoyés au juge d’églife , qui les condamnoit à
une prifon perpétuelle , 8c à jeûner au pain & à
l’eau.
Les capitulaires de Charlemagne, de Louis le
Débonnaire, & autres princes leurs fucceffeurs, contiennent
plufieurs défenfes de pourfuivre les eccléfiaftiques
dans les tribunaux féculiers pour quelque
crime que ce fût.
Philippe III. ordonna en 1274 qu’on auroit recours
au droit écrit, pour favoir fi un clerc accufé
d’homicide feroit pourfuivi devant le juge eccléfiaftique
ou laïc.
De tous ces différens faits il réfulte que l’on n’i-
gnoroit point dès-lors en France la diftin&ion des
délits civils & communs d’avec les délits eccléfiaftiques
, qui fe trouve établie par les lois romaines, 8c
notamment par les novelles de Juftinien qui forment
le dernier état du droit romain fur cette matière ;
que fi l’on renvoyoit aux évêques la connoiffance
de tous les délits commis par les eccléfiaftiques, c ’étoit
par déférence pour les évêques, 8c par refpeéfc
pour les anciens decrets des conciles.
Mais bientôt après les gens d’églife commencèrent
à reconnoître l’autorité des juges féculiers pour
les délits graves : on en trouve un exemple fous le
régné de Charles V. Pierre d’Eftaing évêque de
Saint-Flour, 8c depuis archevêque de Bourges ,8c
cardinal, ayant fait décider dans un fynode qu’il
convoqua à Bourges, que les clercs ne pouvoient
être pourfuivis en la juftice féculiere pour aucun
crime, fut contraint de révoquer ce decret, 8c d’en
donner fa déclaration par écrit en 1369, qui fut re-
çûe par Jean duc de Berri, & enfuite acceptée par
le roi.
Il paroît donc par-là que les eccléfiaftiques fe re-
connoiffoient dès-lors fujets à la juftice féculiere
quant aux crimes graves, qu’ils appelèrent improprement
délits privilégiés ; comme fi les juges fecu-
liers n’en connoiffoient que par privilège, quoique
ce fût tout le contraire, les juges féculiers connoif-
fant par droit commun de tous les délits, 8c les juges
d’églife feulement par privilège des délits eccléfiaftiques.
L’exercice de la jurifdiftion féculiere fur les eccléfiaftiques
accufés de cas privilégiés, c’eft-à-dire
de crimes graves 8c dont la punition n’appartient
qu’à la juftice féculiere, n’eft même point un ufage
particulier à la France, mais un droit commun à
toutes les nations chrétiennes.
En Efpagne autrefois les eccléfiaftiques ne pouvoient
être pourfuivis, pour quelque crime que ce
fût, que devant le juge d’églife; mais l’impunité
qui relïiltoit de ce privilège fut caufé que les rois
d’Efpagne le révoquèrent par rapport aux crimes
atroces, tels que les affaffmats, adultérés, concubinages
publics, 8c autres femblables, dont Philippe
II. par un édit de 1597 donna pouvoir à fes juges
d’informer contre toutes fortes de perfonnes fans
exception.
La même chofe eft arrivée en Angleterre, oit les
eccléfiaftiques accufés de crimes étoient aufïi
exempts de la juftice féculiere : ce privilège occa-
fiortnoit un tel defordre, que fous le régné d’Henri
II. il y eut plus de cent affaffinats commis par des
clercs ; ce qui engagea Henri 11. à donner un édit
portant que les clerCs accufés de crimes eccléfiaftiques
répondroient devant les juges d’églife ; & devant
les juges féculiers pour les crimes graves 8c
qualifiés ; ce qui fut confirmé par Edouard II.
Damhoudere en fa pratique de Flandre , obferve
aufïi que les eccléfiaftiques y font foûmis à la juftice
féculiere pour les crimes graves , tels que l’homicide,
l’affamnat, port d’armes, 8c autres femblables.
Il eft donc étrange que l’on traite de délits 8c cas
privilégiés j des faits dont la connoiffance appartient
de droit commun au juge royal, 8c dont il eft le juge
naturel, 8c de traiter de délits communs ceux dont
le juge d’églife connoît feulement par exception 8c
par privilège.
Cependant l’ufage a prévalu âu contraire, même
dans les tribunaux féculiers, pour l’application de
ees termes délit commun 8c délit ou cas privilégié; &C
fi nous avons relevé cette erreur, c’eft moins pour
reclamer la véritable Lignification de ces termes,
que pour foûtenir les vrais principes par rapport à
la jurifdi&ion que le Roi a de droit commun lur les
eccléfiaftiques, 8c non pas feulement par exception
8c par privilège.
Au refte, félon la façon commune de parler, on
met dans la claffe des délits privilégiés tous ceux
qui fè commettent contre le bien 8c le repos public*
8c que le Roi a intérêt de faire punir pour l’exemple
8c la fûreté de fes fujets, comme font les crimes de
léfe-majefté divine 8c humaine, l’incendie, la fauffe
monnoie, l’homicide de guet-à-pens, le vol fur les
grands-chemins, le vol noûurne, le port d’armes
défendues, la force 8c la violence publique, la contravention
aux défenfes faites par un juge royal, 8c
autres délits femblables.
Les délits communs font tous ceux qui ne font
point privilégiés, tels que le fimple larcin, l’homicide
fait fans deffein prémédité, les injures faites à
des particuliers, 8c autres femblables délits dont
les juges d’églife connoiffent quand ils font commis
par des eccléfiaftiques.
Il y a aufïi des délits purement eccléfiaftiques,
c’eft-à-dire qui font des contraventions aux faints
decrets 8c conftitutions canoniques, tels que la fi-
monie, la confidence, le facrilége commis fans violence
; tels font aufïi les délits commis par des eccléfiaftiques
, tant en omettant à faire ce qui eft de leur
devoir ou en faifant ce qui leur eft défendu, comme
fi un curé omettoit malicieufement de dire la meffe
8c faire le fervice divin les jours de fêtes 8c dimanches
, s’il refufoit d’adminiftrer les facremens à fes
paroifliens, s’il célebroit les faints myfteres d’une
maniéré indécente, s’il exerçoit quelqu’art ou métier
indigne de fon caraftere. Quoique ces délits
foient de la compétence du juge d’eglife, le juge
royal en peut aufïi connoître lorfqu’il y a fcandale
public, & que l’ordre public y eft intéreffé.
Un eccléfiaftique peut donc pour un même fait
être jufticiable du juge d’églife 8c du juge royal,
lorfque le fait participe tout à la fois du délit commun
8c du délit privilégié.
Les juges des feigneurs ne peuvent connoître d’aucuns
délits commis par les eccléfiaftiques, mais feulement
en informer, 8c enfuite renvoyer l’information
au greffe royal.
Suivant l’ordonnance de Moulins, quand il y
avoit délit commun 8c privilégié, le juge royal de-
voit d’abord faire le procès à l’eccléfiaftique pour le
cas privilégié, 8c enfuite le renvoyer au juge d’églife
pour le délit commun ; 8c en attendant le jugement
de l’official, l’accufé devoit tenir prifon pour
la peine du cas privilégié, dont le juge d’églife étoit
refponfable fuppolé qu’il élargît le prifonnier.
Mais depuis par l’édit de Melun il a-été ordonné
que le procès pour le délit commun 8c le délit priyilégié
fera Fait par lé juge d’églife 8c par le jugé royal
conjointement; 8c en ce cas le juge royal doit fe
tranfporter au fiége du juge d’égiife, ils y inftruifent
conjointement le procès > mais ils rendent chacun
féparément leur fentcnce.
La forme de cette procédure a encoré été réglée
par deux déclarations des mois de Février 1682 &C
Juillet 1684, & par l'art. gS de l'édit de /(fyb, qui
ordonne l’execution des précédentes ordonnances ,
notamment de l’édit de Melun 8c de la déclaration de
1684.
La déclaration dü 4 Février 1711 ordonne que
dans les procès qui feront faits conjointement par le
juge d’églife pour le délit commun, 8c par le juge
royal pour le cas privilégié, le juge d’églife aura la
parole, prendra le ferment des accufés 8c des témoins,
8c fera en préfence du juge royal les interrogatoires
, recollemens 8c confrontations.
Quand l’eccléfiaftique eft jugé par le jugé d’églife
feul, 8c condamné pour le délit commun, il peut,
quoiqu’il ait fatisfait à la condamnation, être encore
repris par le juge royal, 8cpuni de nouveau paf lui
pour le cas privilégié.
Il en feroit de même fi l’eccléfiaftiquê aVoit été
abfous par le juge d’églife ; le juge royal pourroir
néanmoins encore lui faire fon procès.
Mais fi l’eccléfiaftique avoit été renvoyé abfous
par le juge royal, ou qu’il eût obtenu grâce du Roi
qui eût été entérinée, le' juge d’églife ne pourroit
plus intenter procès à l’âceufe pour le délit commun ;
8c s’il le faifoit il y auroit abus.
Les peines que le juge d’églife peut infliger pour1
le délit commun font la fufpenfion, l’interdit, l’ex-
communication, les jeûnes * les prières, la privation
pour un tems du rang dans l’églife * de voix délibérative
dans le chapitre, des diftributions manuelles ou
d’une partie des gros fruits, la privation des bénéfices
, la prifon pour un tems, 8c la prifon perpétuelle.
L’Eglife n’a point de punition qui puiffe aller au-delà.
Voyeq^ Juge d’Eglise.
Voyez la loi xxiij. au code Théod. de épifeop. 8c
cleric. la novel. 123. de Juftinien ; le tr. du délit commun
& cas privilégié ; celui de l'abus par Fevret, livre
VIII. ch. j. ij. iij. & jv . Bouchel, bibliotk. du droit
franç. au mot C as ; & la bibliot. canon, au mot C as
p r iv ilég ié . Leprêtre, cent. 20. Henrys, tome I I ,
liv. I . quejl. i(T. Le tr, de L'abus par Fevret, liv. V I I I*
wÊÈBm
D é l it e c clé siast iqu e , eft celui qui eft commis
fingulierement contre les faints decrets 8c conftitutions
canoniques, comme lafimonie, la confidence
, l’héréfie. Voye^ ce qui en eft dit ci-devant au
motDÉLIT COMMUN. (A )
D é l i t , (flagrantJ) eft le moment même où le
coupable vient de commettre le crime ou le dommage
dont on fe plaint. On dit qu’il eft pris en flagrant
délit, lorfqu’il eft faifi 8c arrêté, ou du moins
furpris en commettant le fait dont il s’agit. Voye^
l'art, jx . du tit. 10. de Vordonnance criminelle; Julius
Clarus, lib. V./entent, quafl, viij. n. S . (fl')
D élit grave , eft celui qui mérite une punition'
févere : on dit en ce cas plutôt crime que délit. (A )
D é l it im p a r f a it , eft celui que l’on a eu deffein
de commettre, ou même qui a été commencé ,
mais qui n’a pas été achevé. Pour favoir comment
on punit ces fortes de délits, voyeç ce qui en eft dit
au mot C rime. (A )
D élit leger , eft celui qui ne mérite pas une
punition bien rigoureufe : telles font la plûpart des
injures, lorfqu’elles n’ont pas caufé d’ailleurs un préjudice
notable. (A')
D élit m il ita ire , eft une faute commife contre
la difciplinç militaire, Voyelle titre de r* militari*