D e u x r a p p o r t s -g én é r a u x entre les. mots
•dans la tonflruclcon : I. rapport d'identité : II. rapport
\de détermination. Tous les rapports particuliers de
conjlruclion fe rédnifent à deux fortes de rapports
^généraux.
I. Rapport d'identité. C ’eft le fondement de Pac-
<ord de l’adjeétif avec fon fubftantif, car l’adje&if ne
fait qu’énoncer ou déclarer ce que l’on dit qu’eft le
fubftantif; enforte que Padjeétifc’eft le fubftantif
analyfé, c’eft-à-dire confidéré comme étant de telle
•ou telle façon, comme ayant telle ou telle qualité:
ainfi l’adje&if ne doit pas marquer, par rapport au
genre., au nombre, & au cas, des vûes qui foient
différentes de celles fous lefqueiles l’efprit confidere
le fubftantif.
Il en eft de même entre le verbe & le ftijet de la
proportion, parce le verbe énonce que l’efprit confidere
le fujet comme étant, ayant, ou faifant quelque
chofe : ainft le verbe doit indiquer le même nombre
& la même perfonne que le fujet indique ; & il
y a des langues, tel eft l’hébreu, oii le verbe indiqué
même le genre. Voilà ce que j’appelle rapport ou
raifon d'identité, du latin idem.
II. La fécondé forte de rapport qui réglé la conf-
trucîion âes mots, c’eft le rapport de détermination.
Le fervice des mots dans le difcours, ne conftfte
qu’en deux points :
i°. A énoncer une idée ; lumen, lumière ; f o l , foleil,
2°. A faire connoître le rapport qu’une idée a avec
unè autre idée ; ce qui fe fait par les lignes établis en
chaque langue, pour étendre ou reftreindre les idées
& en faire des applications particulières.
L’efprit conçoit une penfée tout d’un coup , par
la fimple intelligence, comme nous l’avons déjà remarqué
; mais quand il s’agit d’énoncer une penfée,
nous fommes obligés de la divifer, de la préfenter en
détail .par les mots, & de nous fervir des lignes établis
, pour en marquer les divers rapports. Si je veux
parler de la lumière du foleil, je dirai en latin , lumen
Jolis , & en françois de le foleil, & par contraction
, du foleil, félon la conjlruction ufuelle : ainft en
latin, la terminaifon de Jolis détermine lumen à ne
lignifier alors que la lumière du foleil. Cette.déter-
mination fe marque en françois par la prépofition
de, dont les Latins ont fouvent fait le même ufage,
comme nous l’avons fait voir en parlant de l’article,
templum d e marrnore, un temple de marbre. Virg.
&c.L
a détermination qui fe fait en latin par la termi-
naifon de l’accufatif, diliges Dominum Deum tuurn.
ou Dominum Deum tuum diliges ; cette détermination
, dis-je, fe marque en françois par la place ou
pofition du mot, qui félon la conjlruction ordinaire
fe met après le verbe, tu aimeras le Seigneur ton Dieu.
Les autres déterminations ne fe font aujourd’hui en
françois que par le focours des prépofitions. Je dis
aujourd'hui, parce qu’autrefois un nom fubftantif
placé immédiatement après un autre nom fubftantif,
le determinoit de la même maniéré qu’en latin ; un
nom qui a la terminaifon du génitif, détermine le
nom auquel il fe rapporte, Uimenfolis, liber Pétri,
al tens Innocent III. (Villehardouin.) au tems ^’Innocent
III. Y Incarnation notre Seigneur (Idem), pour
l’Incarnation-^ notre Seigneur ; le fervice Deti (Id.),
pour le fervice-^« Dieu ; le frere Cempereor (Baudoin,
id.p. z 6 3 .) , pour le frere de l ’empereur : & c’eft de
là que l’on dit encore Yhôtel-Dieu, •&c. Voye{ la préface
des antiquités gauloifes de Borel. Ainii nos pe-
res ont d’abord imité L’ime & l’autre maniéré des Latins
: premièrement, en fe fervant en ces occafions
xle la prépofition de ; templum de marrnore, un temple
de marbre : feconclement, en plaçant le fubftantif
^nodifiant. immédiatement après le modifié ; frater
imperatons, le frere l’empereor; dormis Dei, l’hô*
tel- Dieu. Mais alors le latin défignoit par une terminaifon
particulière l’effet du nom modifiant ; avantage
qui ne fe trouvoit point dans les noms françois,
dont la terminaifon ne varie point. On a enfin don7
né la préférence à la première maniéré qui marque
cette forte de détermination par le fecours de la pré-
pofition d e la gloire de Dieu.
La fyntaxe d’une langue ne conftfte que dans les
lignes de ces différentes déterminations. Quand on
connoît bien Tufage & la deftination de ces fignes,
on fait la fyntaxe de la langue-: j’entens la Jyntaxe
néceffaire, car la fyntaxe ufuelle & élégante demande
encore d’autres obfervations ; mais tes obferva-
tions fuppofent toujours celles de la fyntaxe néceffaire
, & ne regardent que la netteté, la vivacité ;
& les grâces de l’élocution ; ce qui n’eft pas maintenant
de notre fujet.
Un mot doit être fuivi d’un ou. de plufieurs autres
mots déterminans, toutes les fois que par lui-
même il ne fait qu’une partie de l ’analyfe d’un fens
particulier ; l’efprit fe trouve alors dans la néceflite
d’attendre & de demander le mot déterminant, pour
avoir tout le fens particulier que le premier mot ne
lui annonce qu’en partie. C ’eft ce qui arrive à toutes
les prépofitions, & à tous les verbes attifs tran-
fitifs : il ejh allé à ; à n’énonce pas tout le fens particulier
: & je demande où ? on répond, à la chajfe,
a Verfailles, félon le fens particulier qu’on a à dé-
figner. Alors le mot qui achevé le fens, dont la prépofition
n’a énoncé qu’une partie, eft le complément
de la prépofition ; c’eft-à-dire que la prépofition
& le mot qui la détermine, font enfemble un
fens partiel, qui eft enfuite adapté aux autres mots
de la phrafe.; enforte que la prépofition eft , pour
ainfi dire, un mot d’elpece ou de forte, qui doit
enfuite être déterminé individuellement : par exemple
, cela ejl dans ; dans marque une forte de maniéré
d’être par rapport au lieu : & fi j’ajoute dans
la maifon , je détermine, j’individualife , pour ainfi
dire , cette maniéré fpécifique d'être dans.
Il en eft de même des verbes aûifs : quelqu’un'
me dit que le Roi a donné; ces mots a donné ne font
qu’une, partie du fens particulier, l’efprit n’eft pas
latisfait , il n’eft qu’ému, on attend, ou l’on demande
, 10 ce que le Roi a donné, x° à qui il a donnée
On répond, par exemple, à la première queftion
que le Roi a donné un régiment : voilà l’efprit fatisfait
par rapport à la chofe donnée ; régiment eft donc
à cet égard le déterminant de a donné, il détermine
a donné. On demande enfuite, à qui le sRoi a-
t-il donné ce régiment ? on répond à monjîeur N. ainfi
la prépofition à , fuivie du nom qui la détermine ,
fait un fens partiel qui eft le déterminant de adonné
par rapport à la perfonne, à qui. Ces deux fortes
de relations font encore plus fenfibles en latin
où elles font marquées par des terminaifons parti-'
culieres. Reddite (ilia) qu<e funt Ccefaris 3 Ccefari ; &
(ilia) qute funt Dei, Deo.
Voilà deux fortes de déterminations auffi nécef-
faires & auffi directes l’une que l’autre, chacune dans
fon efpece. On peut, à la vérité, ajouter d’autres
circonftances à l’aétion, comme le tems, le motif,
la maniéré. Les mots qui marquent ces circonftances
ne font que des adjoints, que les mots précedens
n’exigent pas néceffairement. Il faut donc bien distinguer
les déterminations néceffaires d’avec celles
qui n’influent en rien à l’effence de la propofition
grammaticale, enforte que fans ces adjoints on per-
droit à la vérité quelques circonftances de fens ;
mais la propofition n’en feroit pas moins .telle propofition.
A l’occafion du rapport de détermination, il ne
fera pas'inutile d’obferver qu’un nom fubftantif ne
peut déterminer que trois fortes de mots : un autre
nom, 20 un verbe, 30 ou enfin une prépofition.
Voilà les feules parties du difcours qui ayent befoin
d’être déterminées ; car l’adverbe ajoute quelquecir-
conftance de tems, de lieu, ou de maniéré ; ainfi il
détermine lui-même i’attion ou ce qu’on dit du fujet,
& n’a pas befoin d’être déterminé. Les conjonctions
lient les propofitions ; & à l’égard de l’adjeCtif , il fe
conftruit avec fon fubftantif par le rapport d’identité.
i° . Lorfqu’un nom fubftantif détermine un autre
nom fubftantif, le fubftantif déterminant fe met au
génitif en latin lumen folis ; & en françois ce rapport
fe marque par la prépofition de : furquoi il faut remarquer
que lorfque le nom déterminant eft un individu
de l’efpece qu’il détermine,. pn peut confide-
rer le nom d’efpece comme un adjeCtif, & alors on
met les deux noms au même cas par rapport d’idem
tité : urbs Roma, Roma qua efl urbs ; c’eft ce que les
Grammairiens appellent appofition. C ’eft ainfi que
nous difons le mont Parndffe, le fleuve D o n , le cheval
Pegafe, &c. Mais en dépit des Grammairiens modernes
, les meilleurs auteuts Latins ont auffi mis au
génitif le nom de l’individu , par rapport de détermination:
f u oppido Andochice ( Çic. ) ; & (Virg. )
celjam Butroti afeendimus urbem (^Æn. I. III.v. 293.);
exemple remarquable, car urbem Butroti eft à la queftion
quo. Auffi les commentateurs qui préfèrent lare-
glede nos Grammairiens ^Virgile, n’ont pas manqué
de mettre dans leurs notes , afeendimus in urbem Bu-
trotum. Pour nous qui préférons l’autorité incontef-
table & foutenue des auteurs Latins, aux remarques
frivoles de nos Grammairiens, nous croyons que
quand on dit maneo Lutetia, il faut foufentendre in
wbe.
20. Quand un nom détermine un verbe, il faut
fuivre l’ufage établi dans une langue pour marquer
cette détermination. Un verbe doit être fuivi d’autant
de noms déterminans, qu’il y a de fortes d’émotions
que le verbe excite néceffairement dans
l’efprit. J'ai donné : quoi ? & à qui ?
3 °. A l’égard de la prépofition, nous venons d’en
parler. Nous obferverons feulement ici qu’une prépofition
ne détermine qu’un nom fubftantif, ou un
mot pris fubftantivement ; & que quand on trouve
une prépofition fuivie d’une autre, comme quand on
dit pour du pain, par des hommes, &c. alors il y a el-
lipfe pour quelque partie du pain , par quelques-uns des
hommes.
Autres remarques pour bien faire la conjlruction.
I. Quand on veut faire la conjlruction d’une période,
on doit d’abord la lire entièrement ; & s’il y a quelque
mot de foufentendu, le fens doit aider à le fup-
pléer. Ainfi l’exemple trivial des rudimens , Deus
quem adoramus, eft défectueux. On ne voit pas pourquoi
Deus eft au nominatif ; il faut dire Deus quem
adoramus ejt omnipotens : Deus eft omnipotens , voilà
une propofition ; quem adoramus en eft une autre.
II. Dans les propofitions abfolues ou complettes,
il faut toujours commencer par le fujet de la propo-
lition ; & ce fujet eft toujours ou un individu, foit
réel, foit métaphyfiqfte, ou bien un fens total exprimé
par plufieurs mots.
III. Mais lorfque les propofitions font relatives,
& qu’elles forment des périodes, on commence par
les conjonctions ou par les adverbes conjonCtifs qui
les rendent relatives ; par exemple ,J i , quand., lorfque
, pendant q u e & c . on met à part la conjonction
ou l’adverbe conjonCtif, & l’on examine enfuite
chaque.propofition féparément ; car il faut bien ob-
ferver qu’un mot n’a aucun accident grammatical,
qu’à caufe de fon fervice dans la feule propofition
où il eft employé.
IV. Divifez d’abord la propofition en fujet & en
atfribivt le plus Amplement qu’il fera poffible ; après
quoi ajoutez au fujet perfonnel, ou réel, pu abftrait,
chaque mot qui y a rapport, foit par la raifon ae
dentité, ou par la raifon de la détermination ; en-
fuite paffez à l’attribut en commençant parle verbe,
& ajoutant chaque mot qui y a rapport félon l’ordre
le plus fimple, & félon les déterminations que les
mots fe donnent fucceffivement.
S’il y a quelque adjoint ou incife qui ajoûte à la
propofition quelque circonftance de tems, de maniéré
, ou quelqir autre ; après avoir fait la conf.rue-
don de cet incife, & .après avoir connu la raifon de
la modification qu’il a , placez-le aù commencement
ou à la fin de la propofition ou de la période, félon
que cela vous paroîtra plus fimple & plus naturel.
Par exemple, imperarïte Cafare Augufo, unigenitüs
Dei filius Chriflus , in civitate David, qua vocatur
Bethleem, natus efl. Je cherche d’abord le fujet perfonnel
, & je trouve Chriflus ; je paffe à l’attribut, &
je vois efl natus : je dis d’abord Chriflus efl natus. En-
fuite je connois par la terminaifon, que filius unige-
nitus fe rapporte à Chriflus par rapport d’identité ; &
je vois que Dei étant au génitif , le rapporte à filius
par rapport de détermination : ce mot Dri détermi-
ne filius à fignifier ici le fils unique de Dieu ; ainfi j’écris
le fujet total, Chiflus uni genit us filius Dei.
Efl natus, voilà l’attribut neceffaire. Natus eft au
nominatif, par rapport d’identité avec Chriflus ; car
le verbe efl marque Amplement que le fujet eft, & le
mot natus dit ce qu’il eft né ; efl natus, eft né, eft celui
qui naquit ; efl natus, comme nous difons il efl venu ,
il efl allé. L'indication du tems paffé eft dans le participe
venu , allé, natus, &c.
In civitate David, voilà un adjoint qui marque la
circonftance du lieu de la naiffance. In, prépofition
de lieu déterminée par civitate David. David, nom
propre qui détermine civitate. David, ce mot fe trouve
quelquefois décliné à la maniéré des Latins, David,
Davidis; mais ici il eft employé comme nom
hébreu, qui paffant dans la langue latine fans en
prendre les inflexions, eft confidéré comme indéclinable.
Cette cité de David eft déterminée plus fingulie-
rement par la propofition incidente , quee vocatur
Bethleem.
Il y a de plus ici un autre adjoint qui énonce une
circonftance de tems, imperante Cafare Auguflo. On
place ces fortes d’adjoints ou au commencement ou
à la fin de la propofition, félon que l’on fent la maniéré
de les placer apporte ou plus de grâce ou plus
de clarté.
Je ne voudrois pas que l’on fâtigât les jeunes gens
qui commencent, en les obligeant de faire ainfi eux-
mêmes la conftruciion , ni d’en rendre raifon de la
maniéré que nous venons de le faire ; leur cerveau
n’a pas encore affez de confiftance pour ces opérations
refléchies. Je voudrois feulement qu’on ne les
occupât d’abord qu’à expliquer un texte fuivi, conftruit
félon ces idees ; ils commenceront ainfi à les
faifir par fentiment : & Iorfqu’ils feront en état de
concevoir les raifons de la conjlruction, on ne leur
en apprendra point d’autres que celles dont la nature
& leurs propres lumières leur feront fentir la
vérité. Rien de plus facile que de les leur faire entendre
peu-à-peu fur un latin où elles font obfervées,
& qu’on leur a fait expliquer plufieurs fois. Il en ré-
fulte deux grands avantages ; i° . moins de dégoût
& moins de peine ; 20. leur raifon fe forme , leur ef-
prit ne fe gâte point, & ne s’accoutume pas à prendre
le faux pour le vrai, les ténèbres pour la lumière
, ni à admettre des mots pour des chofes. Quand
on connoît bien les fondemens de la conjlruclion, on
prend le goût de l’élégance par de fréquentes leûu-
res des auteurs qui ont le plus de réputation, .