
-dans certaiiies manoeuvres qui font 'arrêtées par les
■ deux bouts, comme'les haubans, il rendroit les hé-
iices plus courtes , ce qui eft toujours defavanta-
■ geux. Enfin par-ce tortillement on fait fouffrir aux
tfils un effort confidérable qu’on poutroit leur épargner
: tout cela prouve qu’il feroit à propos de le
Supprimer»
Mais on peut remarquer, ï °. que fouvent le tor-
-îillement fe perd par le fervice , & conféquemment
que la dureté qu’il petit communiquer à la corde ,
«’évanoüit lorlcjue les hélices s’allongent, & l’in-
•convénient ceffe. 2°. Quelacordedétortillée, com-
■ me;on vient de le dire, en devient phislongue , ce
•qui contribue à la-rendre plus forte, puifqu’alors
"elle fe trouve moins commife ; if; eft vrai que les
■ maîtres cordiers pourroient lui procurer cet avantage
fur le chantier ;wiais comme leur préjugé s’y
•oppof'e, nous pourrions, en confervant cette pratique
, les rapprocher de nos principes fans qu’ils
s ’en apperçuuent. 30. Comme il n’eft prefque pas
poflible que le toupin coule & s’avance uniformément
le long des torons, on égalife à peu de chofe
.près toutes les hélices qui fe trouvent le long de la
corde, par le tortillement qu’on donne en dernier
lieu, puifqu’il eft clair que ce feront les parties de
la corde les plus molles ou les moins tortillées, qui
recevront plus de ce dernier tortillement. 40. Il arrive
fouvent que la force élaftique occasionnée par
-le tortillement des torons , n’eft pas entièrement
•confommée par le commettage. En donnant à la
piece le tortillement dont ils ’agit, on répare cette
inégalité, qui eft toujours un défaut pour. le cordage.
Cela arrive affez fouvent dans les cordes où l’on
:prend les deux tiers du raccourciffement de la corde
pour tordre les torons ; mais cela eft encore plus visible
dans les, cordages de main torfe ; car quand on
-ne leur donne pas le tortillement dont il s’agit, après
»qu’elles ont été commifes, on les voit (quand elles
l'ont abandonnées à elles-mêmes) fe travailler & fe
■ replier comme des ferpens, & cela dans le fens du
•commettage, comme fi elles vouloient fe tordre davantage,
a quoi elles ne peuvent parvenir, foit par
-leur propre poids, foit par la fituation où elles fe
trouvent.
On peut conclure de tout ce qui vient d’être dit,
qu’il eft bon de donner aux pièces , lorfqu’elles feront
commifes , un tortillement capable de les rac-
'courcir d’une braffe ou deux, pourvû qu’on ait foin
-de le leur faire perdre avant que de les roiier.
Du mouvement de la manivelle du quarré.Nous avons
-dit qu’on n’employoit la manivelle du quarré que
pour tenir lieu de l’émerillon , qui fuftit quand on
commet du bitord ou du merlin, & que cette grande
•manivelle devoit agir de concert avec l’élafticité des
rtorons, pour les faire rouler les uns fur les autres,
-en un mot pour les commettre. Mais fi la manivelle
'duquarré tourne trop lentement, eu égard à la force
élaftique que les torons ont acquife, quand la corde
tfera-abandonnée à elle-même, elle tendra à fe tor-
-dre, &c elle fera des plis femblables à ceux d’une
couleuvre, ce qui eft un défaut ;■ fi au contraire la
»manivelle du quarré tourne.plus vite qu’il ne con-
-X'ient, elle donnera aux cordages plus de tortille-
jnent que l ’.élafticité des torons ne l’exige, & il en
aéfultera le même effet que fi l’on avoit tortillé la
,piece après qu’elleja été commife, c’eft-à-direque
Je cordage aura une certaine quantité de tortille-
anent, qui n’étant point l’effet de l’élafticité des fils,
•ne pourraffubfifter, & ne-fervina qu’à fatiguer les
«fils, & à rendre les cordages moins flexibles. Ce ne
dont cependantpas là les feuls inconvéniens qui résultent
de cette mauvaife pratique : nous en allons
-faire appercevoir d’autres.
P our mieux reconnoître la défe&uoûté des ;pratiques
que nous venons de blâmer, examinons ce qui
doit arriver à Une manoeuvre courante, à une grande
écoute, par exemple, à un gros cable, &c. en un
mot, à un cordage qui foit retenu fermement par un
de fes bouts, & qui foit libre par l’autre ; & pour le
voir fenfiblementjimaginonsun quarantenier qui foit
attaché par un de fes bouts à un émerillon , & qui
réponde par l’autre à un cabeftan. Si ce.cabeftan
vient à faire force fur le quarantenier, de quelque façon
qu’il foit; commis, aufli-tôt le crochet de l ’éme-
rjllon tournera, mais avec cette différence, que fi
le quarantenier a été commis un peu mou, & s’il n’a
été tortillé que proportionnellement à l’élafticité de
fes torons , le crochet de l’émerillon tournera fort
peu, au lieu qu’il tournera beaucoup plus, fi le quarantenier
a été commis fort ferré , & s’il a été plus
tortillé que ne l’exigeoit l’élafticité des torons ; c’eft
une chofe évidente par elle-même, 8c que l’expérience
prouve.
Cette petite expérience, toute fimple qu’elle eft,’
fait appercevoir lenfiblement que les cables des ancres
très-tords, qui l’ont été plus que ne l’exigeoit
l’élafticité des torons , font un grand effort fur les
ancres pour les faire tourner, fur-tout quand à l’oc-
cafion du vent & de la lame les vaiffeaux forceront
beaucoup fur leur ancre ; or comme le tranchant de
la patte des ancres peut aifément couper le fable > la
v afe, la glaife, & les fonds de la meilleure tenue,
il s’enfuit que pour cette feule raifon les ancres
pourront déraper & expofer les vaiffeaux aux plus
grands dangers. Tout le tortillement que la manivelle
du quarré fait prendre à une piece de cordage,
au-delà de ce qu’exige l ’élafticité des torons, donne
à ce cordage un degré de force élaftique qui fait que
quand on en plie une portion en deux, elles fe roulent
l’une fur l’autre, & fe commettent d’elles - mêmes
: or il eft bien difficile, quand on manie beaucoup
de manoeuvres, d’empêcher qu’il ne fe faffe de
tems en tems des plis. Si la corde eft peu tortillée ,
ces plis fe défont aifément & promptement ; mais fi
elle a été beaucoup tortillée, & fur-tout fi elle l’a
plus été que ne l’exigent les torons dont elle eft com-
pofée, la portion de la corde qui forme le p li, étant
roulée comme nous venons de l’expliquer, il en ré-
fulte une efpece de noeud qui fe ferre d’autant plus,
qu’on force davantage fur la corde ; ' ç ’eft cette efpece
de noeud, ou plutôt ce tortillement bien ferré,
que les marins appellent une coque. Quand un. cordage
qui a une coque, doit paffer dans une poulie,
fouvent les étropes, ou la poulie elle - même , font
brifés ; la manoeuvre eft toujours interrompue. Un
homme adroit a bien de la peine à défaire ces coques
avec un épiffoir ; fouvent les matelots font eftropiés,
& le cordage en eft prefque toujours endommagé ;
ce qui fait que les marins redoutent beaucoup , 8c
avec raifon, les cordages qui font fujets à faire des
coques.
De la charge du quarré. Nous nous fommies contentés
d’expliquer ce que c’étoit que le quarré ou la
traîne, en donnant fa defeription , & de rapporter
en général quels font fes ufages. Nous ayons dit à
cette occafion qu’on le rendoit affez pefant par des
poids dont on le chargeoit, pour qu’il tînt les fils
dans un degré de tenfion convenable ; mais nous
n’avons point fixé quelle charge il falloir mettre fur
le quarré.
Pour entendre ce que nous avions à dire à ce fu-
je t, il étoit néceffaire d’être plus inftruit de l’art du
cordier. Il convient donc de traiter cette matière ,
qui eft. regardée comme fort importante par quelques
cordiers. Le quarré doit par fa réfiftance tenir les
torons , à melure qu’ils fe raccourcirent, dans un
degré de tenfion qui permette au cordier de les bien
commettre : voilà quel eft fon objet d’utilité. Si le
quarré n’avoit pas une certaine pefariteur, il eft clair
qu’il ne fatisferoit pas à ce qu’on en attend ; les torons
ne feraient pas tendus, 8c le cordier ne pour-
roit pas juger fi fa corde a été bien ourdie. Pour peu
qu’un des torons fût plus tendu que les autres, la
direftion du quarré feroit changée , il fe mettroit de
côté. Comme le traîneau éprouve néceffairement
plus de frottement dans des tems que dans d’autres ,
quand, après que le quarré auroit éprouvé quelque
réfiftance, il fe trouveroit fur un plan bien uni, les
torons élaftiques le tirerôient par une fecouffe à laquelle
il obéirôit à eaufe de fa légèreté, 8c bientôt
fa marche feroit dérangée. Enfin, pour que le tpupin
courre bien, ce qui eft toujours avantageux, il faut
que le quarré faffe quelque réfiftance ; car qui eft-ce
qui fait marcher le toupin ? c’eft la prelfion des torons
, c’eft l ’effort qu’ils font pour fe commettre, ou
par leur élafticité, ou par l’effet de la manivelle du
quarré, qui fait qu’ils s’enveloppent les uns dans les
autres. Si le quarré ne réfiftoit pas à un certain
point, s’il obeiffoit trop aifément à la tenfion des
torons, il fe rapprocheront trop vîte du chantier,
pendant que le toupin iroit lentement, à caufe qu’il«
feroit moins preffé par les torons : il eft donc évident
qu’il faut que le quarré faffe une certaine réfiftance.
Mais fi au contraire le quarré étoit extrêmement
chargé, il en réfulteroit d’autres inconvéniens : car.
comme c’eft le raccourciffement des torons caule
par le tortillement, qui oblige le quarré de fe rapprocher
du chantier ; comme il faut, par exemple,
plus de force pour tirer fix qyintaux fur un plan que
pour en tirer trois , il faudra que la tenfion des torons
foit double pour faire ayancer le quarré qui pe-
fera fix quintaux, de ce qu’elle feroit pour le faire
avancer d’une pareille quantité s’il ne pefoit que trois
quintaux. Les torons font donc tendus proportionnellement
à la charge du quarré, parce que la tenfion
des torons vient du tortillement qu’on leur donne :
donc le tortillement augmente proportionnellement
à la tenfion , & la tenfion proportionnellement à la
réfiftance du quarré ou à fon poids, de forte que le
poids du quarré pourroit être tel que fa réfiftance feroit
fupérieure à la force des tenons, alors ils rom-
proient plutôt que de le faire avancer. C ’eft ce qui
eft arrivé plufieurs fois dans les corderies, fans que
pour cela les Cordiers qui voyaient rompre un toron
fur leur chantier, penfaffent à chercher la caufe
de cet accident : ils envifagent feulement que plus un
cordage eft ferré, plus il paroît uni, mieux arrondi,
& qu’on apperçoit moins fes défauts ; mais ils
ne font pas attention que ce cordage eft tellement
affoibli par l’énorme tenfion que fes fils ont éprouvée
, que quantité de ces fils font rompus, & que
les autres font tout prêts à rompre par les efforts
qu’ils auront à éprouver. Cependant on voit les tour-
nevires, les rides de haubans , les haubans même ,
&c. fe rompre; on examine les cordages, on voit
que la matière en eft bonne , que le ni eft uni &
ferré, que la corde eft bien ronde, 8t cela fuffit pour
difculper le cordier ; l’on ne veut pas voir que ce fil
n’eft uni que parce qu’il eft très-tortillé, 8c que la corde
n’eft bien ronde que parce que les fibres du chan-;
vre qui la compofent, font dans une tenfion fi pro-
digieufe qu’ils font tout prêts à fe rompre ; le maître
cordier lui-même qui a vu les fils & même les torons
rompre fur fon chantier, ne fait pas des réflexions fi
naturelles, 8c continue obftinément à fuivre fa mauvaife
pratique.
Nous ne prétendons paseque pour faire de bonnes
cordes il fuffife de diminuer la charge du quarré; car
il paroît évident qu’en mettant une grande charge
fur le quarré, 8t raccourciffant peu les torons, on
pourroit avoir une corde de même force que fi l’on
Tome i r .
chargêoit peu le quarré, 8c qu’on raccourcît les to-
rons d’une plus grande quantité. Par exemple, fi pour
avoir deux auflieres de 120 braffes on eii ourdit une
à 180 , & .qu’on charge le quarré feulement de 320
livres ;, qu’on ourdiffe l’autrè feulement à . 160 braffes
, mais qu’on charge le quarré de 360 livres, peut-
être ces deux cordes étant réduites à 120 braffes feront
elles d’égale force. Nous difonspeut-être, parce
que nous ne.lommes pas sûrs que dans cet exemple
la charge du quarré foit affez différente pour com-
penfer la différence que nous, avons fuppofée dans
le raccourciffement; des ferons ; nous voulons feule-
ment donner à entendre par cet exemple l’effet qui
peut réfulter de la différente charge qu’on met fur le
quarré : mais pour être encore plus certain de l’effet
que la charge du quarré peut faire fur la force des
cordes,,il faut confulter l’expérience.
On a fait faire avec de pareil fil deux auflieres tout-
à-fait femblables, qui toutes deux étoient commifes
au tiers , mais la charge du quarré étoit differente
pour l’une & pour l’autre ; fi l’on avoit fuivi l’ufage.
du cordier, ônauroit mis, y compris le poids du
quarré , 550 livres. Pour une de nos auflieres nous
avions augmenté ce poids de 200 livres, ce.qui fai-
foit 750 livres, 8t pour l ’autre nous l’avions diminué
de 200 livres ; ainfi le poids du quarré n’étoit
que de 3 50 livres, & la différence de la charge du
quarré pour ces deux cordages étoit de 400 livres :
c’étoit la feule, car chaque bout de ces cordages pe-
foit, poids moyen, 7 livres 11 onces 4 gros. Voyons
quelle a été leur force. Chaque bout du cordage dont
le quarré n’avoit été chargé que de 3 50 livres, a porté
5425 livres. Et chaque bout du cordage dont le
quarré avoit été chargé de 750 livres, n’a pu porter
force moyenne, plus.-de 4150 livres. D ’où l’on voit
combien il eft dangereux de trop charger le quarré..
Mais il convient de rapporter ici quel eft l’ufage de
la plûpartjdes maîtres Cordiers. Il y en a qui mettent
fur le quarré le double du poids du cordage ; par
exemple, s’ils veulent commettre un cable de douze
pouces de circonférence,.fachant qu’un cordage de
cette groffeur 8c de 120 brafles de longueur pefe à-
peu-près 3 400 à 3 500 livres, ils mettront fur le quar-;
ré 6800 livres. D ’autres diminuent un douzième , 8c
ils mettront fur le quarré 623 5 livres. A Rochefort,
on met fur le quarré le poids de la piece, plus la moitié
de ce poids ; ainfi fuppofant toûjours que le cable
de 12 pouces pefe 3400 livres, ils chargent le quarré.
de 5100 livres. Affûrément cette méthode ne fatigue
pas tant’ les fils que la précédente. Cependant on a
trouvé que quand les cordes étoient moins longues ,
elles fe commettoient très-bien en n’ajoutant que le
tiers ou le quart au poids de la corde ; ainfi dans le
cas dont il s’agit, fi la corde n’avoit que 60 braffes
de long, on pourroit ne mettre fur le quarré que 4535
livres ; ou même fi elle étoit encore plus courre ,3825
livres fufliroient : en un mot, pourvû que l’on ne
tombe pas dans l’excès de charger le quarré dé prefque
le double du poids de la piece, il n’y a pas grand
inconvénient à fuivre la méthode de Rochefort, fur-
tout pour les cordages qu’on ne commet pas bien
ferré ; car ayant fait commettre un cordage au quart
avec le quarré plus chargé qu’à l’ordinaire, & un pa-.
reil cordage au tiers, le quarré étant moins chargé
qu’à l’ordinaire , le cordage commis au quart s’eft
trouvé le plus fort : ce qui prouve qu’il y a plus d’avantage
pour la force des cordes, de diminuer de
leur raccourciffement, que de diminuer de la charge
du quarré.
Nous croyons qu’on eft maintenant affez inftruit
de la Corderie pour comprendre les confidérations
fuivantes, que l’on peut regarder comme les vrais
principes de l’art.
De la force des cordes ? comparée à la fomme des for-
F f ij ■