fnorrhoîdes. Mais l’expérience & les épreuves trop
réitérées que la liberté ou plutôt la licence de raûon-
ner & d’agir ainfi, font naître, prouvent affez combien
ces foi tes d’aflertions font peu fondées , & côm-
bien M. Bouillet, qui eft fort attaché aux principes
de Chirac, a eu tort de fe perfuader qu’elles avoient
les qualités néceffaires à des axiomes ou à des poflu-
latum de Mathématique.
Il l'eroit ailé de faire les mêmes remarques fur la
plupart des proportions qui en ont impoié a beaucoup
de modernes ; mais il fuffit de dire en un mot,
qu’une hémorrhagie ou toute autre évacuation critique
ou même fymptomatique, ménagée par la nature,
a des effets bien différens de ceux qu’elle produit
lorfqu’elle eft due à l’art. Quelques gouttes de
fan g qui fe vuideront par les narines, par l’une des
deux par préférence ; quelques crachats , trois ou
q iatre croûtes fur les levres, très-peu de lèdiment
dans les urines ; ces évacuations , qui femblent de
peu de conséquence , feront beaucoup d’effet, &
auront un fuccès fort heureux lorfque la nature les
aura préparées, comme elle fair le faire : & des livres
de fang répandues, des féaux de tifanne rendus
par les urines, des évacuations reiterees par les fel-
les, que l’art s’efforcera de procurer, ne changeront
pas la marche d’une maladie ; ou fi elles font quelque
changement, ce fera de la mafquer ou de 1 empirer.
I
Ne nous égarons pas nous-mêmes dans le labyrinthe
des raifonnemens. Je ne fais, comme on voit;
qu’ébaucher très-légerement cette matière, que l’ob-
lervation feule peut éclaircir & décider, & qu’il eft
dangereux de prétendre examiner autrement que
parla comparaifon des faits bien confiâtes» Je ne
puis oublier ce qu’a dit fur une matière à-peu-près
fembiable un auteur moderne; ç’eft M. de Bordeu
pere, do&eur de Montpellier, & célébré médecin
de Pau en Béarn. Il eft fort partifan des remedes
actifs, même dans les maladies chroniques du poumon
; & il paroît avoir abandonné le fyftème de
Chirac, quant à la façon d’appliquer la théorie & le
raifonnement phyfique à la Medecine. Un théoricien
(dit-il dans fon excellente differtation fur les eaux
minérales du Béarn), un théoricien ne prouverait-il
pas , ne démontreroit-il pas au befoin que des emetiques
& des purgatifs doivent néceffairement augmenter les embarras
du poumon dans toutes lesjflripneumonies; effaroucher
l'inflammation & proetmr' la gangrené ? Qui
pourroit réflfler aux raifonnemens puifés dans la théorie
fur cette matière ? Mais il efl fur que quelque fpécieux
qu'ils paroiffent, ils font démentis par la pratique. En
un mot il faut convenir qu’on s’égare prefque néceffairement
, lorfqu’on fe livre fans réferve au raifonnement
en Medecine. La difpute entre les anciens
& les modernes, dont je viens de dire quelque chofe,
ne peut & ne doit être vuidée que par l’obfervation.
Or fi, comme je l’ai remarqué ci-deffus, le Chi-
racifme ou la Medecine active eft le fyftème généralement
reçu aujourd’hui, fur-tout en France, il y a
àuffi des praticiens refpe&ables des pays étrangers,
tels que M.Tronchin médecin célèbre à Amfterdam,
qui font expectauurs, & qui ménagent les crifes dans
les maladies aiguës ; ainfi la doétrine des anciens eft:
pour ainfi dire prête à reparoître en Europe. Atta-
chons-nous uniquement à ce qui regarde la France.
Nous devons à l’attention & au goût de M~. Lavi-
rotte médecin de Montpellier & de Paris, très-connu
dans larépublique des Lettres, la conrtoiffance d’une
découverte fort remarquable, publiée en Anglois par
M.Nihell, au fujet des obfervationsfurles crifes, faites
principalement par le docteur Don Solano médecin
efpagnol. Je ne parlerai pas ici de ces obfervations,
qui mettront, fi elles font bien conftatées, Solano à
côté des plus grands médecins; elles regardent Thén
to r rh a g ie d u n e z , le co u r s d e v e n t r e & la fu e u r ;
é v a c u a t io n s c r itiq u e s q u e S o la n o f e fla te d e p o u v o ir
p ré d ire p a r le p o u ls . Poye^ POULS.
Je parlerai feulement ici d’une differtation que M.
Nihell a faite fur la nature des crifes, fur l’attention
des anciens & la négligence des modernes au fujet
des crifes; c’eft le quatrième chapitre de fon ouvrage
, qui a paru en françois/ous le titre à'obfervations
nouvelles & extraordinaires fur la prédiction des
crif es par le pouls, annee i y qS.
M. Nihell avance d’abord qu’o« n'a jamais démontré
publiquement la fauffeté des obfervations des anciens
fur les crifes, ni juflifié le peu de cas qu'on en fait aujourd'hui,
& cela eft vrai ; mais il eft aifé de répondre
à M. Nihell, qu’il s’agit de démontrer la vérité ,
& fur-tout l’utilité des obfervations des anciens, ôc
non point de dire qu’on n’en a pas prouvé la fauffeté.
Il a lui-même fenti la difficulté qu’il y avoit de le
faire ; car il commence par prévenir fon leéteur qu’il
eft éloigné de fes livres : mais ce ne font pas les livres
qui nous manquent à cet égard, ce font les faits évir
dens & bien difeutés.
Il fe réduit enfuite à avancer, i° . que les jours
feptenaires & demi-fepten aires font particulièrement con-
Jacrés aux révolutions critiques, fans exclufion des autres
jours : x°. que les crifes peuvent être prédites par
les flgnes que les anciens ont donnés pour cela. La pre-s
miere propofition de M. Nihell eft contenue en termes
au moins équivalens dans ce que nous avons
rapporté de Chirac, & dans plufieurs autres ; ainfi
elle apprend feulement que M. Nihell eft de cet avis,
& on peut la regarder comme la principale queftion.
Quant à ce que M. Nihell ajoute, que les crifes peuvent
être prédites par lesfignes que les anciens ont donnés
pour cela, il l’avance, mais il ne le prouve pas. D ’ailleurs
il ne fuffit pas que les crifes puiffent être prédites;
il faudroit, pour pourfuivre les anti-critiques
dans leurs derniers retranchemens , prouver que les.
crifts doivent être attendues.
I l efl évident, dit M. N ihell, que les objections tirées
des différentes façons de compter les jours des fievres aiguës
, font nulles & de nulle valeur, puifque les différences
ne font pas pojitivement prouvées dans les faits
particuliers rapportés en faveur des anciennes obfervations
fur les crifes. M. Nihell ne s’eft pas rappelle
qu’Hippocrate fe contredit, comme je l’ai dit ci-
deffus , & qu’on l’a vivement attaqué en faifant vo ir
le peu de rapport qu’avoient fes propres obfervations
dans les épidémies, avec fon fyftème des jours
critiques, & celui de Galien.
M. Nihell obferve enfuite que de quarante-huit
hiftoires de maladies dont Foreftus fait mention, les
trois quarts furent accompagnées de crifes; cinq arrivèrent
au quatrième jour, & des cinq malades trois
moururent: vingt-deux, dont trois malades moururent
, furent terminées au feptieme, & toutes les
antres fe terminèrent heureufement ; fept au quatorzième,
deux au onzième, une au dix-feptieme,
& une au vingt-unierae ; ce qui eft en effet très* favorable
au fyftème des anciens, auquel Foreftus
étoit attaché.
M. Nihell, après avoir fait quelques remarques
qui ne font pastout-à-fait concluantes contre la méthode
des modernes, rappelle un fait arrive à Galien
, qui s’oppofa à une faignée ordonnée par fes
confrères, prévoyant une hémorrhagie critique du.
nez , qui arriva en effet. M. Nihell a peine à croire
qu'il y eut aucun médecin moderne qui n eut voulu être
à la place de Galien ; mais on pourroit lui demander
s’il auroit lui-même voulu être à la. place .du malade;
& s’il Voudroit encore dans ce moment-ci rifquer
pareille avantufe, fachant la vérité du prognoftic
de Galien , & de ceux de Solano même. Pitcarne
n’auroit pas manqué de faire cette demande, lui qui
avançoit fans façon qu’il y auroit p'eti de médecins
qui ‘vouluffent rifquer leur bien en faveur de leurs
opinions particulières.
M. Nihell continue fes remarques contré les modernes
; elles peuvent fé réduire la plupart à des reproches
ou à des raifonnemens > tels que ceux que
j ’ai obfervé ci-deffus devoir être évités fur cette mâ-
tie're. Il s’appuie de ce qu’Albertinus a fait'inférer
dans les mémoires de l’académie de Boulogne , au
fujet de l’aâion du quinquina , qu’il dit ne pas empêcher
qu’il n’arrive des évacuations critiques dans
les fievres d’accès ; ce qui ne paroît pas directement
oppofé au fyftème des modernes fur les crifes,
( voyei Q u i n q u i n a ) . Car enfin , fi les remedes
n’empêchent pas les crifes > il eft inutile de s’élever
contre leur ufage, fur-tout s’ils font utiles ou néceffaires
d’ailleurs, ne fut-ce que comme le quinquina
qu’il faut donner dans de certaines fievres, pour ar-
rêterou modérer les accès, à moins qu’on ne veuille
expofer les malades à un danger évident, difent bien
des praticiens.
Enfin M. Nihell finit en remarquant fort judicie’u-
fèiîient, que toutes les difputes entre les anciens & les
modernes , fe réduifent à des faits de part & d'autre. Il
avance que i'observation fles crifes' n'efl aucunement
oppofée à une vigoureufe méthode de pratiquer y ce qui
ne paroît pas bien oonféquent à tout ce qu’il a voulu
établir contre Y activité de la Medecine des modernes»
II fait encore quelques autres remarques dans lef-
quelles je ne le fuivrai point. Il feroit à fouhaiter
que ce médecin eût continué fes recherches, qui ne
pouvoient manquer d’être utiles, étant faites avec la
précaution qu’il a prife dans l’examen des obfervations
de, Solano. P o u l s . Jedoisajoûter, par
rapport à ce dernier médecin, qu’il eft très-décidé
en faveur des crifes & des jours critiques, & qu’il a
même fait, des remarques importantes à cet égard :
mais l’intérêt qu’il auroit à faire valoir fes fignes particuliers
,;pourroit bien affoiblir fon témoignage ; &
dans ce cas-là M. Nihell qui â fait un voyage en Ef-
pagne pour confulter Solano, doit être regardé corn-,
me fon difciple, & non point comme un juge dans
toutes ces difputes. Je parlerai plus bas des carac-i
teres néceffaires à un juge de ces matières ; ils me;
paroiffent biendifférens de ceux d’un fimple témoin.
Il y a encore des auteurs plus modernes que M.
Nihell, qui femblent annoncer quelque chofe.de nouveau
fur toutes ces importantes queftions, & qui
font préfumer que la Medecine françoife poürroit
bien changer de face, ou du moins n’être pas auffi
uniforme qu’elle l’eft, fur le peu de cas qu’on paroît
faire de la doctrine des crifes, , .
L’un de ces auteurs eft celui dùfpecimen novi Me- ,
dicina confpeçlusy, . C ’eft ainfi qu’il s’explique
Omnis motus febrilis , quia tendit ad fuperandum morÉ
boftim obicem , criiicus cenfendüs efl , vel tendens ad crifes
: « Tout.mouvement fébrile .doit:être regardé
1 comme critique, ou tendant à procurer des crifes
♦ ».parce qu’il tend à la deftruétion de l’arrêt qui caufe
» ou qui fait, la maladie. » Crifium typus, ajoute le
même auteur., dierümque criticorum, quorum ab Hippocrate
traditus ordo , non tam facile quàm plerique clamant
clinici, venez fectionibus & medicamentis patitur .
immutari feu accéléran t « Il n’eft pas auffi aifé que la
» plupart des médecins le penfenty de changer ou-
» d’accélerer. l’ordre -des jours critiques établi par
» Hippocrate. ». Ce qui fait affez voir que cet excellent
obfervateur,' très-connu, quoiqu-il ne fe nomme.
pas dans fon. ouvrage, n’eft pas éloigné dé l’opinion-
des anciens fur ïtscrifes, & qui doitic faire regarder
en France. comme Un des premiers qui ayent trouvé
a redire à la méthode des .modernes»'
• M. Quefnay médecin confultant dû Roi, « confi-
*> dere la n a tu r e ls cri/« ayec une très-grande faga-
Tome
» cité fdans fon traité des Fievres , l j 6 f ) . Il paroît
» avôir profondément réfléchi fur cette matière im-
» portante ; & tout ce qu’il dit à cet égard, mérite
» d’être lu avec beaucoup d’attention. Il y a en gé-
» néral trois fortes de jours critiques ; les jours in-
» dicatifs 9 les jours confirmatifs, & les décififs. Les
W S ^nc^catifs ceux qui annoncent la crife par
» les premières marques de coftion 9 comme le qua-
» trieme , le onzième, le dix-feptieme, &c. Les
»jours confirmatifs font ceux oîi on obferve les
» figneÿ qui affûrent du progrès de la coftion ; tels
» font les jours de redoublement > qui arrivent entre
» les jours indicatifs & les jours décififs. Ces der-
» niers font ceux auxquels la crife arrive, comme le
» feptieme, le quatorzième & le vingt-unieme. Les
» jours décififs font aflujettis à une période de fept
» jours ; & fi la maladie dure plufieurs feptenaires,
» il n’y a quç le dernier qui foit regardé comme cri-
» tique. Ce tems de crife avance plus ou moins, félon
» que les redoublemens font plus ou moins vifs ; &
» pour que la crife foit bien régulière, elle ne doit ar-
» river que les jours impairs ; mais pour ne pas s’y
» tromper il fautfuivre l’énumération des jours me-*
» mes du feptenaire critique, & non pas fimplement
» celle des jours de la maladie : car l’exacerbation du
» jour critique décifif, qui arrive le quatorzième jour
» de la maladie, fe trouveroit, félon cette derniere
» énumération, dans un jour pair ; mais félon celle
» du feptenaire critique, elle fe trouve dans un jour
» impair, parce qu’en quatorze jours il y a deux fep-
» tenaires ; & le dernier, qui eft le feptenaire criti-
» que, ne commence qu’à la fin du premier, c’eft-
» à-dire au huitième jour. Ainfi la derniere exacer-
» bation de ce fécond feptenaire fe trouve dans le
» feptieme jour, & par conféquent dans un jour im-
» pair. Ces deux premiers feptenaires font ceux que
» lés anciens nommoient disjoints ; ils appelloient
» les autres conjoints, parce que le dernier jour du
» troifiéme feptenaire, par exemple, étoit en même
» tems le premier jour du quatrième, & ainfi de
» fuite ; énforte qu’ils comptoient fix feptenaires-
» dans l’elpaee de quarante jours naturels : mais
» dans ces quarante jours il y a vingt jours de re-
» miffion& vingt-un jours de redoublement, & par
» conféquent quarante-un jours de maladie. C ’eft
» en partant de4à que l’auteur établit que le jour de.
» maladie doit être à-peu-prqs de vingt-trois heures
» ou vingt-deux heures cinquante-une minutes ; le
» quartenaire de trois jours naturels & huit heures 5
»'le feptenaire de fix jours & feize heures, &c.
» M. Quefnay obferve ici que cette fupputation
» des anciens, eft défeétueufe, en ce qu’ils paroiffent
» avoir eu plus d’égard aux rapports numériques des.
» jours des maladies, qu’à l’ordre périodique des re-
» doüblemens, qui cependant réglé celui des jours
» critiques. Par leur divifion il fe trouve quatre re-1
» doüblemens dans les deux premiers feptenaires:,
» tandis qu’il-n’y en a que trois'dans les autres. L ’a un
» teur donne ici line maniéré de compter fort ingé-
» nieüfe, par laquelle on aliie l’ordre & le nombre
» des redoublemens avec les révolutions feptenai-,
» res, & cela en faifant toûjours commencer & fi-.
» nir chaque feptenaire par un jour de redouble-
» ment ; car les jours de remiffion doivent être ré-
» putés nuis. Ainfi, par exemple, on laiffera le hui-
» tieme jour, comme un jour interfeptenaire, & on
» fera commencer le fécond feptenaire au neuvième
» jour, & finir aq quinzième ; & ce dernier fera le
» premier jour du troifieme feptenaire, & ainfi de
» fuite. Par ce moyen il fe trouvera fix feptenaires
» en quarante jours'naturels, & dans chacun quatre
» redoublemens ; car fi le fécond feptenaire étoit le
» critique, la derniere exacerbation feroit celle du
» quinzième de la maladie ; ou s’il y a d’autre fep-j