«hé d’une vérité qu’il étoit important même pour ta
-poftérité de faire venir jufqu’à nous , fe crut obligé
«de découvrir au pape , que dans -le tems qu’il gou-
’vernoit l ’abbaye de S. Médard, un de fes moines
«nommé Guernon s’étoit confeffé publiquement avant
ofa mort d’avoir été un infigne fauflaire , fur - tout
-dans la fabrication de doux ailes effentiels qu’il avok
iaits fous le nom du pape même ; l’un étoit le privi>
■ lége-de S. Oüen de Rouen, 6c l’autre celui de S. Au-
.guftin de Gantorbéri. Et comme les hommes récom-
-penfent fouvent les crimes utiles plus libéralement
qu’ils ne font les allions vertueufes , il avoiia qu’on
lui avoit donné quelques ornemens d’églife affez
.précieux pour méritend’être offerts à fbn abbaye de
•S. Médard. C ’eft ce qu’on trouve dans une lettre ori-
-ginale de Gilles évêque d’Evreux au pape Alexandre
, quelefavant M. Warthon a fait imprimer dans
ion anglia facra, in-folio i f y i . La voici : ait cataiau-
inenfsepifeopus, dum in ecclejiafïcis bcatï Medardi officio
■ ebbatis fungeretur, querndam Guernonem nomine ex mo-
nachisfuis in nltimo confejjionis hrticulofefalfariumfuif-
f t eonfejfum , & inter -calera quæ per diverfas ecclejias
frequentando , tranfcripfirat , ecclejiam beati Audoeni
<6* ecclejiam beati Àugujlini de Cantuaria , adulterinis
.privilegiisfub apojlolico nomine fe muniiffe lamentabili-
ter.pcenittndo afferuit. Quin & ob mercedem iniquitatis
quadamfe preetiofa ornamtnta recepijfe, confeffus ejl r&
■ in B . Medardi ecclejiam contulife. Je m’étonne que
-M. Languet^ évêque de Soiffons, n’ait point rapporté
ce fa it, qui auroit extrêmement figuré dans les
iaûums qu’il a publiés contre l’abbaye de S. Corneille
de Compiegne.
Venons maintenant aux réglés qu’on a données
pour diftinguer dans ces anciens allés ceux qui font
faux ou altérés , d’avec ceux dont on croit que la
vérité n’eft pas fufpelle.
I. La première e ft , dit-on , d’avoir des titres authentiques
pour en comparer l’écriture avec celle
des diplômes de la vérité defquels on eft en doute.
Mais ce fera une difficulté d’être aflïïré de la certitude
de celui qui doit fervir de piece de compa-
raifon. On en trouve la preuve même dans cette
conteftation diplomatique. Le pere Papebroeck apporte
comme véritable le diplôme de Dagobert pour
l ’abbaye de S. Maximin de Trêves , au lieu que le
pere Mabiltan le croit faux 6c fuppofé. Il en eft de
mêmededeux titres produits par le pere Papebroeck
comme certains , & comme pouvant fervir de pièces
de comparaifon. L’un regarde l’empereur Charlemagne
, 6c l’autre Lothaire II. fils de Lothaire I.
empereur. Le pere Papebroeck les préfente l’un 6c
l ’autre comme des titres inconteftables, fur la vérité
defquels on peut compter ; au lieu que le pere Mabillon
donne des preuves fuffifantes pour rejetter le
premier, 6c fait naître de légitimes foupçons fur c elui
de Lothaire : auquel croire de ces deux favans ?
On voit par-là que tous leurs égaux feront toujours
en difpute f ur cette première réglé , parce qu’ils fe- ,
ront rarement d’accord fur le titre qui doit les conduire
6c les guider dans leur examen. Les écritures
d’un même fiecle ont entr’elles quelque reffemblan-
ce , mais ce n’eft pas la même main. C ’eft néanmoins
cette main qu’il faudroit trouver pour en faire
Jurement la comparaifon ; chofe abfolument impof-
fible. Et dès qu’il s’agit des huit ou neuf premiers
liecles de notre ere chrétienne, on fait combien il
eft difficile d’affûrer la vérité des titres qu’on attribue
à ces anciens tems. Je n’ignore pas que l’homme
intelligent & verfé dans les différentes écritures
, diftinguera le titre faux d’avec celui qui eft in-
conteftable. Le fauflaire, quoiqu’iriduftrieux, ne fau-
roit toujours imiter exaUement cette liberté d’upe
main originale : on y trouve ou de la contrainte ,
Qu des différences qui font lenfibles à l’homme prafie
dans Péxamèrt dès écritures : la précipitation , là
crainte même de ne pas imiter aflez bien fon modèle
, empêche & embarraffe quelquefois le fauflaire.
Je ne dis rien de la différence qui fe trouve en un
même tems entre les écritures des divers pays, qui
eft encore plus fenfible que celles des différens fie-
cles.
Peut-être ne fera*t-on pas fâché de favôir un fait
flngulier qui m’eft arrivé à Amfterdam en i j n fur
la reffemblance des écritures. On vintpropofer à un
prince curieux 6c amateur , que j’accompagnois
alors, le faux évangile de Si Barnabé ; c’eft celui
dont fe fervent les Mahométans , pour connoître
l’hiftoire de J. C. qu’ils ne peuvent s’empêcher de
regarder comme un grand prophète. Ce faux évangile
qui manque au recueil de Fabricius, eft en italien
corrompu, ou plutôt en langue franque , grand
in-dix-huit, ou petit in-oclavo quarré , écrit il y a
bien quatre cents ans. J’et\s ordre de chercher un
copifte pour le faire écrire ; j ’en trouvai un, qui »
pour preuve de fon favoir & de fon talent, en écrivit
une page, que l’on ne put pas diftinguer de l’original
, tant l’un 6c l’autre avoient de reflemblance
; ü n’y avoit que le papier qui pût faire connoître
la différence ; mais pour faire ceffer le doute, il apporta
le lendemain la même page imitée ^ au papier
de laquelle il avoit donné le ton 6c la couleur de
l’original qui étoit en papier du Levant. On peut
conjelturer par ce fa it , qui eft certain, combien il
eft facile à quelques perfonnes d’imiter les écritures
anciennes. Le prince acheta le faux évangile , &
conferva la page imitée, & le tout eft à prélènt dans
ta bibliothèque impériale de Vienne en Autriche.
Ainfi cette première réglé a fes difficultés, 6c ne peut
etre pratiquée que très-difficilement 6c avec beau«
coup de circonipeliion. Paffons à une autre.
II. Il eft néceffaire , en fécond lieu, d’examiner la
conformité ou 1a différence du ftyle d’une piece à
l’autre. Il faut favoir de quelle maniéré les princes
ont commencé & fini leurs diplômes, de quels termes
particuliers ils fe font fervis : toutes ces chofes
n’ont pas été les mêmes dans les divers tems 6c dans
les différens pays : & même chaque référendaire ou
chancelier peut avoir changé en quelque chofe la
maniéré de fon prédécefleur, quoiqu’il y eût alors
des formules, mais qui n’ont pas toujours été feru-
puleufement fui vies. Autre fource d’obfetintés.
Quand on parle de fty le , 6c même d’ortographe^
il ne faut pas croire que les commis prépofés pour
drefler ou copier un aile , ou un diplôme, fuffent
dans le même fiecle également verfés dans le latin
qui eft 1a tangue de ces diplômes. Depuis que les
François, les Bourguignons, 6c les Saxons pafferent
dans les Gaules , ils y introduifirent le tangage de
leur nation qui devint 1a tangue vulgaire : par-là le
latin fe corrompit beaucoup. Les commis & les co-
piftes des chartes partaient comme les autres cette
tangue vulgaire ; 6c lorfqu’il falloit drefler ou copier
un aile , ils introduifoient dans lelatin & dans
l’ortographe, celle qui étoit en ufage dans ta langue
qui leur étoit 1a plus familière.
Ne voyons-nous pas quelque chofe de femblable
dans les nations qui fubfiftent ? Qu’un anglois dille
ou prononce un difeours latin , j e défie un fran-
çois, ou de l’entendre, ou de l’écrire avec l’exaûi-
tude qu’exige cette tangue ; j’en ai eu 1a preuve par
moi-même : ce font néanmoins des perfonnes du même
tems. Le ftyle auffi - bien que l’ortographe & ta
prononciation s’accommodoient à 1a tangue qui fe
partait vulgairement. Ainfi en Efpagne , en Angleterre
,en Hongrie, en Italie, le même mot s’écrivoit
autrement que dans les Gaules. On connoît ces
différences pour peu qu’on ait l’ufage des manuferits*
Les fautes dtartographe ne fopt poiift par çonféquent
une preuve de 1a fauffeté d’une charte , ou
d’un diplôme, commentant prétendu quelques modernes
: fur-tout dès que les autres conditions fe trouvent
obfervéès. Cette négligence du copifte ne porte
aucun préjûdice à 1a vérité des titres, qui font vrais
pour le fond , quoique mal difpofés pour ta forme
extérieure. On les entendoit alors, 6c l’on ne croyoit
pas que dans 1a fuite ils puffent être expofés à aucune
difficulté.
III. La troifieme réglé, mais effentielle, eft d’examiner
ta date ou 1a chronologie des ailes ou des lettres
: c’eft à quoi fouvent, & prefque toujours, manque
un fauflaire , qui eft ordinairement plus habil'e
dans les coups de main que dans l’hiftoire des princes
: il fe fert prefque toujours des dates reçues de
fon tems pour marquer des fiecles antérieurs au fien,
6c s’imagine que ces fortes de dates ont toujours été
en ufage. Alors il faut faire ufage de l’hiftoire 6c de 1a chronologie qu’elle nous préfente. C’eft un aile
public qui doit fervir à corriger ou à vérifier ta certitude
des ailes particuliers , tels que font les chartes
6c les diplômes.
Il faut néanmoins faire attention que comme
plufieurs rois avant que d’être poflefleurs duthrone,
y ont quelquefois été affociés ; on a commencé fou-
vent à compter leurs années de 1a première affocia-
tion au throne ; mais cependant on a daté plus communément
du jour qu’ils ont commencé à en être
feuls poflefleurs. On en a l’exemple dans Robert ,
fils de Hugues.Capet, qui fut affocié au throne le
premier Janvier 988 ; cependant il n’en fut unique
poffeffeur que le.24 Octobre 996. L’homme attentif
ne doit pas manquer à cette remarque. L’indiltion
eft une autre obfervation chronologique que le cen-
feur des chartes ne doit pas négliger ; s’il s’agit de
celles des empereurs , elles commencent le 24 Septembre
; en Occident 6c en Orient, le premier jour
du même mois ; au lieu que celles des papes fe datent
du 25 Décembre, premier1 jour de l’année eç-
cléfiaftique de Rome. Quant aux années de J. C.
elles n’ont été en ufage pour les1 chartes 6c les diplômes
que dans l’onzieme fiecle , comme nous l’avons
déjà marqué.
IV. Une quatrième réglé qui fuit 1a chronologie
eft celle des fignatures des perlonnes ; favoir ;fi elles
n’étoientpas mortes au tems delà date marquée dans
le diplôme. L’hiftoire alors rend témoignage ou pour
ou coptre le diplôme : nous avons déjà fait quelques
remarques à ce fujet, qu’il eft inutile de repéter
ici.
Mais qu’on ne crôyè pas que les rois des deux
premières races fignaffent leur nom dans les chartes.
Ç ’étoit un monogramme , c’eft-à-dire plufieurs
lettres figurées & entrelaffées qui faifoient ou tout,
ou partie de leurs noms. Mais le chancelier ou référendaire
avoit foin de marquer ces mots pour dëfi-
gnêr cette fignature : jzgnum Càroli , Ou Ludovicï régis
, fuivant le prince dont le monogramme fé trou-
volt fur 1a charté.-
V. La cinquième réglé confifte à:, examiner l’hiftoire
certaine de la nation & de fes'rois , auffi-bieri
que les moeurs du tems, les coutumes , les ufages dit
peuple , au fiecle oh l’on prétend que ta charte a été
donnée. Cette réglé demande une grande con-
noiffance d e l’hiftoire , 6c même de l’hiftoiré particulière
, autant que de 1a générale , parce que les
moeurs n’ont pas toujours été les memes dans le
corps entier de 1a nation ; les parties, ou lés provinces
d’un empire ou d’un royaume étoient fouvent
plus différentes en ce point qu’elles ne l’étoient dans
le langage. On voit par-là combien il eft difficile de
fuivre exallement cette réglé , qu’ilhé faut pas trop
preffer, pour ne point acculer defaüffeté une charte
dreffée en un pays ou en une province, quand on ne
connoît pas exallement les moeurs , us, 6c coûtu-
mes du tems.
VI. Une fixieme règle eft d’examiner les monogrammes
6c les fignatures des rois, aufli-bien que de
leurs chanceliers ou référendaires ; il faut confronter
celles des ailes douteux avec les ailes véritables
qu’on en peut avoir. Il eft certain qu’on en a de vrais,
fur-tout des que l’intérêt n’y eft pas mêlé : on fait
que c’eft ta pierre de touche des allions humaines :
c’eft-là ce qui a porté tant de fauffaires à facrifier
leur honneur & leur confcience pour fe conferver à
eux ou à leur communauté un bien & des droits qu’ils
appréhendoient qu’on ne leur difputât dans ta
fuite.
VII. La feptieme réglé regarde les fceaux : il faut
examiner s’ils font fains 6c entiers , fans aucune
frallure, fans altération , 6c fans défauts. S’ils n’ont
point été tranfportés d’un aile véritable pour l’appliquer
à un aile faux 6c fuppofé. Cette derniere remarque
mérite d’autant plus d’attention , que j’ai
connu un homme qui cependant fans aucune littérature
, m’avoit affüré qu’il avoit le moyen de détacher
le fceau d’une piece authentique pour le porter
fur une autre : moyen dangereux & fatal, mais
heureufement celui qui s’en vantoit n.’avoit pasl’oc-
eafion de s’en fervir ; & je ne crois pas qu’il ait communiqué
à quelqu’autre le moyen dont il fe difoit
poffeffeur.
Nos premiers rois n’avoient pas d’autre fceau que
celui qui étoit à leur anneau. Nous en avons un
exemple au cabinet du R o i, oiil’on voit l’anneau du
roi Childeric, pere de Clovis , fur lequel font gravés
le portrait 6c le nom de ce roi.- Ces anneaux font
fort anciens dans l’hiftoire. Celui de Childeric fut
trouvé en 1653 dans 1a ville de Tournai, près l’é-
'glife de S. Brice , oit étoit autrefois un grand chemin
; St l’on n’ignore pas que 1a plûpart des princes
étoient inhumés près les grands chemins. On trouve
même encore aujourd’hui en France beaucoup de
tombeaux dans des campagnes.
Après les anneaux vinrent les grands fceaux qui
furent appliqués fur des cires jaunes , blanches, vertes,
ou rouges, 6c même fur le plomb, l’or 6c l’argent.
Le plomb eft refté en ufage à Rome. Nous avons la
célébré bulle d’or de l’empereur Charles IV. qui depuis
plus de' qüâtre cents âns fait loi dans l’empire.
Mais communément on employé la cire , dont la
couleur varie même en France félon la diverfité des
affaires fur lefquélles nos rois font expédier des lettres
patentes, des déclarations , & des édits.
Les évêques, les abbés ,.les chapitres , 6c même
les feigneurs avoient leurs fceaux particuliers , fur
Tefquels On les voit différemment repréfentes. Les
hiftoires particulières que l’on s’eft attaché à publier
depuis plus de cinquante ans,nous en ont donné
quantité de modèles & de deffeins ; 6c dès qu’un titre
regardoit plufieurs perfonnes , chacun y appliquoit
fon fceau particulier, lequel fouvent pendoit an diplôme
même avec un lacet de foie.
VIII. Enfin','il’'faut marquer pour huitième réglé
ta matière fur laquelle s ’écrivoientles chartes & les
diplômes. Depuis un très-long tems on s’eft ièrvi' de
parchemin : c’eft 1a matière 1a plus commune , '& qui
fubfifte encore aujourd’hui dans les ailes émanés de
l’autorité du r o i, foit en grande, foit en petite chancellerie.
Mais les premières matières étoient'ordinaî-
rement du papier d’Egypte , qui fiibfiftdir encore
en France au onzième fiecle. Et comme*;cé' papier
étoit affez. fragile , on employa en même teins
le parchemin , qui a beaucoup plus de confiftance 8t
qui réfifte mieux à l’injure des tems 6c des années. Où
fe fervoit même des peaux de poiffons, 6c à cé qutan
dit, des intentas de dragons.; c’eft pouffer 1a chofé
bien Ipta. Quant au papier commun, il eft modernej