Veut nous ôter la vie par la violence, fe trouve être
un fupérieur : car du moment que ce fupérieur fe
porte malicieufement ou de propos délibéré à cet
excès de fureur, il fe liiet ëft état de guerre avec
celui qu’il attaque ; de forte que l’inférieur prêt à
périr, rentre dès-lors dans les droits de la nature.
Nous avons dit ci-deffus que l’on peut fe défendre
à main armée , pour prévenir la perte de quelque
membre de notre corps. En effet, les lois civiles,
d’accord avec les lois naturelles, n’obligent point
les citoyens à fe iaiffer mutiler, plutôt que de prévenir
les effets d’une pareille violence : car comment
s’affûrer qu’on ne mourra pas de la mutilation ou de
la bleffure ? & le légiflateur peut-il favorifer les en-
treprifes d’un fcélérat, quoique par les entreprifes
il n?ôte pas néceffairement la vie ? 4
La défenfe de l’honneur autorife pareillement à en
venir aux dernieres extrémités, tout de même que
li l’on étoit attaqué dans la perte de fes membres
ou dans fa propre vie. Le bien de la fociété demande
que l ’honneur du fexe, qui eft fon plus bel ornement,
foit mis au même rang que la v ie , parce que c’eft
un afte infâme d’hoftUité , une chofe irréparable,
qui par conféquent autorife l’a&ion de fe porter
dans ce moment aux dernieres extrémités contre
le coupable : l’ affront eft d’autant plus grand, qu’il
peut réduire une femme vertueufe à la dure nécefli-
té de fufciter de fon propre fang des enfans à un
homme qui agit avec elle en ennemi.
Mais, d’un autre côté, il faut bien fe garder de
placer Yhonneur dans des objets fiftifs , dans de
faitffes vues du point d'honneur, qui font le fruit de la
barbarie, le triomphe de la mode, dont la raifon &c
la religion condamnent la vengeance, parce que ce
ne font que des outrages vains & chimériques qui ne
peuvent véritablement deshonorer. L’honneur fe-
roit fans contredit quelque chofe de bien fragile, fi
la moindre infulte , un propos injurieux, ou info-
lent, étoit capable de nous le ravir. D ’ailleurs, s’il
y a quelque honte à recevoir une infulte ou un affront
, les lois civiles y ont pourvu, & nous ne fom-
mes pas en droit de tuer un aggreffeur pour toute
forte d’outrage, ni de nous faire juftice à notre fan-
taifie.
Pour ce qui eft des biens, dans l’indépendance de
l’état de nature , on peut les défendre jufqu’à tuer
l’injufte raviffeur, parce que celui qui veut les enlever
injuftement à quelqu’un, ne fe montre pas
moins fon ennemi que s’il attentoit direûement à fa
vie ; mais dans une fociété c ivile, oit l’on peut avec
le fecours du magiftrat recouvrer ce qui aura été
pris, les hommes n’ont jamais la permiffion de défendre
leurs biens à toute outrance, que dans les
cas rares où l’on ne peut appeller en juftice le ravifi
feur qui s’en empare avec violence dans certaines
conjon&ures , & fans que nous ayons d’autres
moyens de les défendre que la force ouverte , qui
concourt en même tems au bien public : c’eft pour
cette raifon qu’il eft permis de tuer un corfaire, un
voleur de nuit ou de grand chemin.
Voilà pour ce qui regarde la défenfe de foi-même,
de fes membres & de lès biens contre ceux qui les
attaquent. Mais il y a un cas où l’aggreffeur même
acquiert à fon tour le droit de fe défendre ; c’eft lorf-
qu’il offre la réparation du dommage, avec toutes
les Puretés néceffaires pour l’avenir : alors fila per-
fonne offenfée fe porte contre lui à une injufte violence
, elle dgyient elle-même aggreffeur, eu égard
aux lois naturelles & civiles qui lui défëndent cette
v o ie , & qui lui en ouvrent d’autres.
Les maximes que nous venons d’établir , fe dé-
duifent yifiblement des principes de la raifon ; &
nous penfons que les préceptes de la religion chrétienne
, ne contiennent rien qui y foit contraire. 11
eft vrai que Notfe-Seigneur nous ordonne d’aimer
notre prochain comme nous-mêmes ; mais ce pré;-
cepte de Jefus-Chrift eft un précepte général, qui ne
fauroit fervir à décider un cas particulier & revêtu
de circonftances particulières , tel qu’eft celui où
l ’on fe rencontre, lorfqu’on ne peut fatisfaire en même
tems à l’amour de foi-même & à l ’amour du
prochain.
Si toutes les fois qu’on fe trouve dans le même
danger qu’üne autre perfonne , on devoit indifpen-
fablement fe réfoudre à périr pour la fauver, on ferait
obligé d’aimer fon prochain plus que foi-même.
Concluons que celui qui tue un aggreffeur dans une
jufte défenfe de fa vie ou de fes membres, eft inno-;
cent. Mais concluons en même tems qu’il n’y a point
d’honnête homme qui fe voyant contraint de tuer
un aggreffeur, quelqu’innocemment qu’il le faffe ,
ne regarde comme une chofe fort trifte cette nécef-
fité où il eft réduit.
Entre les queftions les plus délicates & les plus
importantes qu’on puiffe faire fur la jufte défenfe de
foi-même, je mets celle d’un fils qui tue fon pere ou
fa mere à fon corps défendant : furquoi voye^ Pari»
Ri cide.
Quant aux droits que chacun a de défendre fa liberté
, je m’étonne que Grotius & Puffendorf n’en
parlent pas ; mais M. Loke établit la juftice & l’étendue
de ce droit, par rapport à la défenfe légitime
de foi-même, dans fon ouvrage du gouvernement
civil. Enfin le leûeur curieux de s’éclairer complet-,
tement fur cette matière, peut confulter avec fruit
Puffendorf, droit de la nature & des gens; Gundiin-,
gius , jus naturce & gentium ; & Wollafton, ébauche
de la religion naturelle. Article de M. le Chevalier DE
Jaucourt.
D éfense, (Jurifpr.) ce terme a plufieurs lignifications
: on entend par-là quelquefois la prohibition
portée par une lo i , par un jugement, ou autre a&e
de faire quelque chofe. (A}
D éfense , eft aufli tout ce que l’on employé pour
foutenir fon droit : on appelle défenfe péremptoire ,
celle qui tranche toute difficulté. (A )
Défenses , font une procédure que le procureur
du défendeur lignifie, contenant la réponfe fur le
fond de la demande formée contre lui. Ce qui ca-
ra&érife ces défenfes proprement dites , eft qu’après
les qualités en ces termes, un tel défendeur contre un
tel demandeur, on met ces mots : dit pour défenfes ,
&c. Les exceptions different des défenfes en ce que
les premières font fur la forme , au lieu que les défenfes
font fur le fond. Quand le défendeur fournit
des exceptions déclinatoires ou dilatoires, il faut y
ftatuer préalablement avant de pouvoir obliger le
défendeur à fournir des défenfes. Lorfque le défendeur
n’a point d’exception à propofer, ou que l’on
y a fatisfait, ou ftatue autrement, il doit fournir fes
défenfes dans le délai de l’ordonnance ; autrement on
peut prendre contre lui un défaut faute de défendre.
Dans les défenfes, doivent être employées les
fins de non-recevoir, nullités des exploits, ou autres
exceptions péremptoires, s’il y en a , pour y
être préalablement fait droit. Le demandeur peut,
fi bon lui femble , fournir des répliqués aux défenfes:
mais elles ne font pas néceffaires ; car dès qu’il
a eu des défenfes fournies, on peut porter la caufe
l’audience. L ’ufage des dupliques, tripliques, additions
premières & fécondés, & autres écritures
femblables, a été abrogé par l’ordonnance, qui défend
aux juges d’y avoir egard, & de les paner en
taxe. Dans les tribunaux où le miniftere des procureurs
n’eft pas néceffaire, le défendeur n’éft pas non
plus obligé de fournir de défenfes. A l’échéance de
î’affignation , les parties peuvent fe préfenter à l’audience
»
dience, où le défendeur propofe verbalement fes
exceptions, défenfes, & autres moyens. {A)
D éfenses ; arrêt de défenfes, fentence ou autre
jugement de défenfes ,. qu’on appelle communément
défenfes fimplement, font des jugemëns portant défenfes
d’exécuter une fentence, foit indéfiniment ou
iufqu’à ce qu’il en ait été autrement ordonné. {A')
Défenses par atténuation , font des exceptions
en matière criminelle, propofées par l’ac-
cufé pour détruire les preuves & moyens dont fe
fert l’accufateur, pour prouver que l’accufé a commis
le crime dont eft queftion.
Ces fortes de défenfes ont été abrogées par le tit.
xxiij. de l’ordonnance criminelle, art. i. mais l’ac-
cufé peut répondre par requête lignifiée, avec copie
de fes pièces juftificatives, fans néanmoins que le
défaut de donner une telle requête de la part de l’ac-
cùfé , puiffe retarder le jugement du procès. Ibid.
B 8 E H k & H
D efenses AU contraire , c eft une claufe que
l ’on inféré dans des jugemens qui contiennent quelque
réglement provifoire , fans ftatuer fur les in-
cidens formés refpefrivement par les parties ; par
exemple fur un appel, lorlque l’intimé foûtient que
l’appellant eft non - recevable , & que fans, ftatuer
fur les fins de non-recevoir, on appointe les parties :
en ce cas le même jugement joint les fins de non-recevoir
de l’intimé, defenfes au contraire, c ’eft-à-dire
que le juge réferve aufli à l’appellant la liberté de
propofer fes défenfes contre les prétendues fins de
non-recevoir; de maniéré que par cette claufe les
chofes relient entières , & que l’appointement ne
fait aucun préjugé ni pour ni contre les fins de non-
recevoir. (A )
D éfenses generales , font des lettres de chancellerie
, ou un jugement obtenu par un débiteur
contre tous fes créanciers pendant un tems, pour
faire omologuer le contrat qu’il a fait avec la plus
■ grande partie d’entr’eux, ou pour faire entériner les
lettres de répi qu’il a obtenues.
Ceux qui ont obtenu' de telles défenfes, ne peuvent
plus être confuls, adminiftrateurs d’hôpitaux,
échevins , ni parvenir à aucunes charges ou fonctions
publiques, à moins qu’ils n’obtiennent des lettres
de réhabilitation, & tje prouvent qu’ils ont depuis
entièrement payé leurs créanciers. Foy. Répi ,
&C Yordonn. de /673. tit.jx. (A )
DÉFENSES ( fentence de') , voye^ .ci-devant DÊFEN-
SES , arrêt de défenfes. (A )
DÉFENSE (la) , dans la guerre des fiéges ; eft la re-
fiftance que font les troupes enfermées dans une place
aux attaques de l’ennemi. (Q)
DÉFENSES , en terme de Fortification , fe dit de tout
ce qui fert à conferver & à couvrir les ouvrages &
les foldats qui défendent une place. Ainfi les parà-
pets, les flancs, les demi-lunes, & tous-ies autres
ouvrages de la place, en font les défenfes. Foy. 'Parapet,
Flanc, 6-c..
On appelle particulièrement les défenfes d’un ouvrage
, les parties d’un autre ouvrage ou du même,
par lesquelles le premier eft défendu. Ainfi on dit
que les flancs font les défenfes du baftion; les faces,
celles des demi-lunes, &c.
Lorfque le canon a battu ces fortes d’ouvrages,
de maniéré qu’ils ne peuvent plus couvrir les foldats
, ni avoir d’embrafures , on dit que les défenfes
de la place font ruinées.
Il y a deux fortes de défenfes ; favoir, la défenfe de
front, & celle de fianc. .
, La défenfe de front eft commune à tous les ouvrages
: c’eft celle que font les foldats placés fur les parties
faillantes de l’ouvrage, comme celle des foldats
placés fur les faces du baftion, qui ne peuvent tirer
Tome I F .
devant eitx qu’à une certaine diftancc du pié du revêtement,
Lâ défenfe de fianc eft celle qui découvre le flanc
des foldats qui attaquent un ouvrage : c ’eft la plus
eflèntielle de la fortification, & elle eft infiniment
préférable à la défenfe de front.
Pour le prouver, foit A D C (Pi. I» de Fort.fig.3.')
la coupe ou le profil d’une enceinte formée d’un
rempart & d’un parapet : le foldat qui eft placé.der-
riere le parapet en A , ne peut à caufe de l ’épaif-
feur A D du parapet, découvrir le pié C du revêtement
C D ; il ne peut même découvrir la campagne
qu’à l’extrémité B du prolongement de la partie
fupérieure A D du parapet : ainfi la défenfe directe
de cette enceinte ne commence qu’au point
B , enforte que l’efpace C B n’eft point défendu. La
défenfe de flanc n’a pas cet inconvénient ; elle découvre
toute la longueur des parties qu’elle défend, &
c’eft elle qui contribue, pour ainfi dire, uniquement
à la défenfe des ouvrages.
La défenfe de fianc peut être de, deux efpeces , favoir
direfre ou oblique.
Elle eft direûe, lorfque les parties qui fervent de
flancs font à-peu-près perpendiculaires à celles
qu’ils défendent ; & elle eft oblique, quand ce» parties
font dans une fituation oblique, ou inclinée à
l’égard des parties défendues.
Ainfi, dans les fyftèmes de M. de Pagan & de M.'
de Vauban, où le flanc eft à-peu-près perpendiculaire
à la ligne de défenfe, les flancs défendent directement
les faces des baftions oppofés, parce que le
foldat en s’appuyant ou en fe plaçant parallèlement
au côté intérieur du parapet des flancs, découvre
devant lui les faces qu’il doit défendre.
Dans les fyftèmes cl’Errard, de Marolois. du çhe-,
valier de Ville, &c. où le flanc fait un angle aigu
avec la ligne de défenfe, la défenfe eft oblique, attendu
que le foldat placé fur le flanc , ne peut* découvrir
la face du baftion oppofé qu’en fe mettant de
■ côté, dans une pofture gênante, & qui demande de
l’attention. Cette forte de défenfe eft généralement-
méprifée, parce que l’expérience fait voir dans les
attaques, que les foldats tirent toujours vis - à - vis
d’eux, fans fe donner la peine de fe placer de côté
pour tirer fur l ’ennemi : ainfi la défenfe oblique ne
doit être employée que lorfqu’on ne peut faire autrement
, ou que le foldat eft peu expofé à l’ennemi,
comme dans les tenailles du foffé, fur-tout dans les
Amples, qui n’ont qu’une défenfe très-oblique. Voyez
T enailles. (Q)
• D éfense des Places , c’eft l’art de refifter aux:
attaques de l’ennemi, qui veut s’emparer de lâ ville
parunfiége èn forme. F. Attaque, Siège , &ç.
Cette partie de l’art militaire étoit beaucoup plus
parfaite chez les anciens que chez les modernes : il
étoit ordinaire , avant l’invention de la poudre à
canon, de voir des villes médiocres fe défendreiplu-
fieurs années. L’ufage du canon & des mines a donné
depuis une fi grande fupériorité à l ’attaque, que
les villes les plus fortes & les mieux défendues ne
peuvent guere fe foutenir plus de deux ou trois mois ,
malgré la défenfe d’une nombreufe & courageufe gar-
nifon.
Il eft aifé de conclure de-là, que notre fortification
aéhielle a befoin d’une rectification, qui remette
plus d’équilibre entre la défenfe.& l’attaque. Depuis
la fortification avec des baftions, c’eft-à-dire depuis
que la poudre a fait fubftituer le canon aux anciennes
machines avec lefquelles on battoit les places,
la fortification a fait peu de progrès. Les ingénieurs
fe font occupés d’abord d#e la difpofition & de la
grandeur des angles, & des autres parties du baftion.
Lorfque la nombreufe artillerie employée dans
les fiéges a rendu ces fortes de çonfiderations peu