nous avons fuivi celui qui a été le premier employé,
comme Je plus fimple. Aujourd’hui on met ordinairement
un bouchon dans la bouteille , au-travers
duquel pafle un fil-de-fer qui va tremper dans l’eau,
6c dont l’extrémité qui débordé le bouchon , eft
courbée comme un anneau : on l’appelle le crochet.
Par ce moyen on fe fert plus commodément de cette
bouteille; & l’ayant chargée, on peut la tranlporter
où l’on vent.
Après avoir donné notre explication des caufes
“de l’expérience du coup foudroyant, il eft à propos
•de dire, comme nous l’avons promis, deux mots de
celles qu’en ont donné les plus habiles phyficiens,
comme MM. l’abbé Nolet, Jallabert, Watfon 6c
Franklin,
-Selon le premier, tout dans cette expérience con-
lifte à éleûrifer un corps fortement, lequel cependant
onpuiffe toucher & manier fans lui rien faire
perdre de fa vertu ; & la commotion que l’on refilent
, vient de ce que la matière éleârique du corps
non-éleârilé qui fait l’expérience, eft vivement 6c
en meme tems choquée d’un côté par celle qui fort
du conducteur ; & de l’autre, par celle qui s’élance
de la bouteille. Selon M. Jallabert, au moment de
l’expérience, deux eourans d’un fluide très-élaftique
mus avec violence, entrent & fe précipitent dans le
corps par deux routes oppolées, fe rencontrent, fe
heurtent, 6c leur mutuelle répulfion caufe une con-
denlation forcée de ce fluide en diverfes parties du
corps. Selon M. W atfon, lorfque la perfonne qui
fait Vexpérience de Leyde ou du coup foudroyant, tire
Tétincelle du conducteur, elle perd au moment de
l ’explofion qui fe fait alors, autant de feu de fon
corps , qu’il y en avoit d’accumulé dans l’eau 6c
dans le canon de fùfil ; & elle fent dans fes deux.bras
l ’effet du courant de fon feu qui pafle à-travers l’un,
au canon de fufil ; & à - travers l’autre, à la phiole
ou à la bouteille. Enfin, félon M. Franklin, la commotion
n’adieu qu’en conféquence de la prodigieufe
c-ondenfation du fluide éleCtrique dans la furface du
verre touchée par le corps éle&rifable par communication
éleftrifë, comme l’eau, le métal, &c. 6c
raréfié au même degré dans la furface oppofée ; &
ce fluide, pour fe rétablir en équilibre, ne pouvant
.paffer à-travers le verre, qui, félon cet auteur, y
eft imperméable ; ce fluide, dis-je , dans l’inftant
que l’on tire l’étincelle, fe précipite avec une rapidité
inexprimable à-travers le corps éleûrifable par
communication, qui fait la jonftion du conduCteur
à la bouteille, pour entrer dans la furface du verre
de cette bouteille, dans laquelle il avoit été tant
raréfié, t
On voit par cet expofé de la doCtrine de M. Franklin
fur la caufe du coup foudroyant, que la nôtre y
a affez de rapport. Nous prétendons en effet, comme
lui, qu’il fe fait un mouvement du fluide électrique ,
du crochet de la bouteille vers fon ventre ; 6c il faut -
en convenir. Il eft le premier qui à cet égard ait bien
obfervé ce qui fe pafle dans cette expérience , 6c
nous fommes d’accord avec lui, quant aux effets en
général, mais d’une opinion très - différente de la
ficnne. On vient de voir que, félon lui, le verre eft
imperméable à la matière éleCtrique ; que lorfqu’on
charge la bouteille, il fort autant de fluide électrique
de fa furface intérieure, qu’il en entre par l'extérieure.
Or il ne. prouve nullement l’imperméabi-
Jite du verre à lamatiere éleCtrique, d’une maniéré
décifive, non plus que.la fécondé propofition: tous
Jes faits qu’il allégué A ce ûijet étant équivoques, 6c
.pouvant tout aufli-bien provenir d’autres caufes.
.Enfin on ne voit pas comment dans fon fyftème il
pourroit expliquer ce qui arrive dans l’expérience
•que j ’ai rapportée, où deux perfonnes ayant tout à
Ja fois les. mains fur la bouteille 3 celle qui ne tire pas
l’étincelle du conducteur, fie laiffe pas de fentirune
fecouffe , 6c même affez vive , dans la partie qui
communique avec la bouteille : car dans la fuppofi-
tion de M. Franklin , n’y ayant aucun fluide qui la
traversât, elle ne devrait reffentir aucun cnoc ;
mais c’eft ce qui eft directement contraire à l’expérience.
Quoi qu’il en foit, il faut rendre à cet habile
phyficien la juftice de dire qu’il eft le premier qui
par un grand nombre d’expériences ingénieufes nous
ait mis fur la voie de bien analyfer ce qui fe pafle
dans l’expérience du coup foudroyant ; 6c en cela on
peut dire qu’il n’a pas rendu un petit fervice à l’électricité.
En effet, parmi tous fes différens phénomènes
, il n’en eft point dont il foit plus effentiel d’ avoir
une connoiffance exaCte, que de celui-ci, au moins
quant à la route qu’y tient le fluide éleCtrique. J’exhorte
tous les Phyficiens à la chercher, 6c à tâcher
de la reconnoître ; câr comme on a cru qu’une expérience
de cette nature devoit fùremënt agir fur le
corps humain , 6c qu’en conféquence on a crû en
devoir faire l’application à différentes maladies', il
eft de la plus grande conféquence de favoir quelle
route prend le fluide éleCtrique ; s’il va de la bouteille
à-travers la perfonne au conducteur, ou de celui
ci à travers la perfonne à la bouteille. Pour peu
effectivement qu’on y faffe attention, on voit que fi
l’on n’a pas une connoiffance exaCte de cette route ,
on peut, en appliquant cette expérience au corps
humain , donner lieu à des effets directement contraires
à ceux que l’on fe propofoit de produire.
Après avoir donné une idée de ce qui fe paffe dans
l’expérience du coup foudroyant, il fait voir qu’elle
n’eft qu’une fuite des différentes propriétés du verre ,
6c des corps non électriques par eüx- mêmes qu’on y
employe.il ne fera pas difficile de fatisfaire à plufieurs
queftions que l’on peut faire par rapport à cette expérience
, & au procédé que l’on obferve pour la
faire. Ces queftions nous paroiffent pouvoir fe ré- ‘
duire aux fuivantes : i° . fi on peut fubftituer indifféremment
toutes fortes de matieies à l’eau que l’on
met dans la bouteille: 2°. fila grandeur ou la forme du
vafe n’y change rien : 30. fi l’on peut en augmenter
la force , 6c comment : enfin fi plufieurs perfonnes
peuvent faire cette expérience tout à la fois comme
une feule ; ou, ce qui revient au même, fi le circuit,
le cercle ou la chaîne des corps non électriques par'
eux-mêmes, qui font la communication du ventre
de la bouteille avec le conduCteur dont on tire l’étincelle,
peut avoir telle étendue qu’on veut; & fi alors
dans cette grande étendue l’effet eft inftantané.
On a vu qu’il n’étoit queftion dans cette expérience
, que d’éleCtrifer le verre de communication. Toutes
les fubftances capables de s’éleCtrifer de cette façon
, 6c difpofées fous une forme à toucher le verre
en un grand nombre de points tout à la fois, y feront
donc propres ; ainfi tous les métaux réduits en limaille
ou en feuilles, le plomb en grains,le mercure,
un corps animé, &c. y conviendront fort bien &
enfin toutes les matières bien éleCtrifables par communication.
Il y a cependant une remarque affez
intéreffante à cefujet, par rapport aux métaux : e’eft
que lorsqu’ils font calcinés on ne peut plus les y employer;
quoique réduits en limaille, ils y fervent
très-bien : ainfi la cérufe, le minium, 6c en général
toutes les chaux de métaux, n’y conviennent pas ,
comme l’a obfervé M. Watfon. Cela eft d’autant plus
fingulier, que pour revivifier un métal de fa chaux,
il ne faut, comme on fait, qu’ajouter à celle-ci un
peu de phlogiftique. Or comme il y a toute appa^«
rence que c’eft le phlogiftique qui fait les corps originairement
électriques, puifque nous voyons que la
plupart de ceux qui en contiennent beaucoup, font
dans ce cas, il fembleroit que cette addition devrait
rendre le métal »oms éjettrifable par communication
vient de le voir, eft contrairè à 1/expérience. Nous
avons dit en parlant des propriétés du verre, que
lorfqu’on ôtoit le contaCt de l’air d’une de fes furfaces
, que fa chaux : ce qui cependant, comme on
, c’étoit comme fi on la touchoit par des corps
électriques par communication.Donc,fi au lieu d’eau
dans la bouteille, on y fubftituoit le vùide, fi cela
fe peut dire ; ou plutôt fi épuifant la bouteille d’air,
on la fcelloit hermétiquement, & qu’on éleCtrisât
bien fon cou pendant qu’on la tiendrait par fon ventre
, on ferait avec cette bouteille ainfi préparée,
l’expérience de Leyde, de même que fi l’on y avoit
mis de l’eau. Nous devons cette ctirieufe expérience
à M. l’abbé Nolet. Enfin on la ferait encore, fi au
lieu de vuider la bouteille d’air, on l’empliffoit ou
d’eau ou de limaille, &c. 6c qu’on la fcellât hermétiquement,
ainfi que je l’ai éprouvé. J’ai dit que les
matières fubftituées à l’eau dans cette expérience,
dévoient être des plus éleCtrifables, &ce la eft ainfi ;
car le bois 6c d’autres fubftances , qui d’ailleurs ne
laiffcnt pas de s’éleCtrifer beaucoup par communication
, n’y font pas propres.
Ayant montré que la bouteille ne produifoit le
eoup foudroyant que par la propriété qu’a le verre,
lorfqu’il a été fortement éleCtrifé, de donner de l’é-
leCtricité par le côté qui en a reçu, & d’en pomper
par celui qui en a donné , on voit par rapport à la
fécondé queftion, que la forme du vafe ou celle fous
laquelle .vous employez le verre, n’y fait rien ; puifque
cela ne peut apporter aucun changement à
la propriété dont nous venons de parler : ainfi
qu’il foit formé en bouteille, en cylindre, qu’il foit
rond ou plat , &c. pourvu que les corps éleCtrifables
par communication'qui touchent fes deux furfaces,
laiffent de chaqtie côté, comme nous l ’avons dit,
deux efpeces de rebords ou marges tout-autour pour
empêcher l’éleCtricité de paffer d’une furface à l’autre
le long de ces corps, on fera- toujours l’expérience
de Leyde. En effet, on voit que le verre difpofé
en forme de carreau n’eft, à le bien prendre, que la
bouteille ou le vafe développé 6c étendu. Cependant
, quoique cette idée paroiffe aujourd’hui fort
fimple, nous fommes en général fi fort attachés à l’imitation
, qu’il s’écoula près de deux ans depuis la
première découverte de cette expérience jufqu’ au
tems où l’on penfâ à la faire de cette maniéré. Le
doCteur Bevis 6c M. Jallabert furent les premiers
qui s’en aviferent ; mais il ferait difficile de décider
lequel de ces deux favans a la date fur l’autre : car
dans un mémoire que lut M. Watfon à la fociété
royale de Londres, le 21 Janv. (vieux ftyle) 1748 ;
il dit avoir tenté l’expérience de Leyde de cette maniéré,
fur ce que le doCteur Bevis lui en avoit dit
quelque tems auparavant; 6c M. Jallabert nous en
parle dans fon livre imprimé en Mars 1748, en nous
difant qu’il ,ne fâche pas que perfonne l’ait tentée
ayant lui de cette façon. Il eft plus que vraiffembla-
ble que ces deux habiles phyficiens fe font rencontrés
; ce qui eft arrivé déjà plufieurs fois, & qui arrivera
apparemment encore fouvent, fi la même émulation
à cultiver la Phyfique continue. Quoi qu’il en
foit, il faut remarquer que le procédé du doCteur
Bevis différé en une circonftance effentielle de celui
de M. Jallabert : celui-ci n’a fait fon expérience qu’avec
des glaces de miroir, dont l’étain aïloit jufqu’au
bord; celui-là au contraire laiffe de chaque côté du
verre deux rebords ou marges, femblables à ceux
dont j’ai déjà parlé, & qui rendent par - là fon procédé
plus fur que celui de M. Jallabert.
Pour répondre à la troifîeme queftion, nous dirons
que fi l’on fuppofe le globe ou les globes que
l’on employé capables de fournir une affez grande
quantité d’éleCtricité, plus le vafe ou plutôt le morceau
de verre dont yous vous fervirez pour faire
Inexpérience fera grand, plus l’expérience fera forte
, ou plus les effets en feront confidérables. En voici
la raifon. On ne peut enlever au verre fon éleCtri-
cite, comme nous l’avons fait vo ir, qu’en le touchant
tout-à-la-fois dans un grand nombre de parties,
parce qu’alors vous enlevez, & dans un inftanf,
l’eleCtricité de chacune de fes parties : il s’enfuit donc
que^plus il y aura de parties du verre qui feront élec-
trifées en même tems, plus yous enleverez d’électricité
tout-à-la-fois, 6c par conféquent plus vous
aurez d’effet. Il réfultedeux chofes de cette confidë-
ration, non-feulement qu’il faut que le verre foit
grand, mais encore que le métal, &c. qui le couvre
le touche dans le plus grand nombre de points poffi-
bles, en fuppofant toujours qu’on réferve les marges
dont nous avons parlé. C ’eft M. Watfon qui a
découvert le premier que quand on augmentoit ainfi
la quantité des points de la furface du verre touchée
par le corps éleCtrifable par communication, on augmentoit
la force de l’expérience. Par ce que nous
venons de dire, on conçoit que fi l’on enleve dans
un inftant l’éleCtricité d’une furface de 12 pouces en
quarré, on aura un effet beaucotip plus grand que fi
l’on enlevoit celle d’une furface de 6 pouces, quoiqu’il
fut fort difficile de déterminer dans quel rapport.
Cependant , félon l’expérience ordinaire, il
paraît que l’effet ne fuit pas ici la loi des furfaces ;
car s’il la fuivoit, il devrait être quadruple', 6c c’eft
ce qui ne paraît pas être : mais, comme nous venons
de le dire, il eft fort difficile de s’aflïirer de ce qui en
eft. En effet, il faudrait pour cela être certain que la
force du globe augmente comme la réfiftance du
verre à s’éleCtrifer par communication, ee verre pa-
roiffant,comme nous l’avons dit,oppofer dans cette
opération une véritable réfiftance à 1’aCtion de l’éleCtricité
qui vient du globe. M.Watfon a , je crois,
pouffé ces expériences plus loin que perfonne ; ayant
fait faire des jarres ou cylindres de verre de 16 pouces
de haut & de 18 pouces de circonférence, 6c de
22 pouces de haut fur 41 de circonférence, qu’il fai-
foit argenter avec des feuilles depuis le haut jufque
en-bas, à la referve d’une marge au-haut d’un pouce.
Selon ce phyficien, lorfqu’on les déchargeoit
d’un feul coup, les effets en étoient très-confidérables
; mais il ne nous dit rien là-deffus qui nous montre
dans quel rapport cette grande furface augmentoit
la force. On augmentera encore la force du coup
foudroyant, fi l’on combine enfemble plufieurs bouteilles
ou plufieurs carreaux , que l’on déchargera
tout-à-la-fois, pourvu cependant que ces bouteilles
ou ces carreaux ne foient pas tellement arrangés que
l’on reçoive le fluide éleCtrique qui fort de la furface
non éleCtrifée de l’autre ; car alors on aurait tout
au plus l’effet ordinaire d’une feule bouteille. Enfin
voici une circonftance qui eft en quelque forte étrangère
, mais cependant qui peut beaucoup augmenter
ou diminuer la force du coup foudroyant ; c’eft que le
corps éleCtrifable par communication avec lequel
vous tirez l’étincelle 'du conduCteur pour décharger
la bouteille, ne fôit pas pointu, qu’au contraire il
foit rond, 6c d’une certaine groffeur. On verra à
l’article Électricité , que les étincelles augmentent
de force jufqu’à un certain degré, à mefure que
les corps dont on les tire, 6c qui les tire, ont plus
de volume & plus de rondeur. Or il en eft de même
dans cette expérience.; caron peut décharger la bouteille
la plus éleCtrifée ou la plus chargée fans crainte,
lorfqu’en la tenant d’une main au lieu de tirer de
l’autre avec la jointure du doigt ou un corps obtus,
l’étincelle du conduCteur, on en approche une pointe
de métal, cette pointe tirant fucceffivement l’elec-
tricité de la bouteille, 6c par-là la déchargeant in-
• fenfiblement.
Après avoir fait voir que d’après les propriétés