être intéreffé perfonneilement à la vengeance du
crime, le dénonce à la juftice qui fait feule la pour-
fuite ; au lieu que l’accufateur eft celui qui étant m-
téreffé à la vengeance du crime en rend une plainte
à la juftice, & en pourfuit la réparation pour ce qui
le concerne comme partie civile. .
Il y a toujours eu des délateurs, & leur conduite a
été envifagée différemment félon les tems.
Les plus fameux délateurs qui font connus dans
l’hiftoire, font ceux qui fe rendoient dénonciateurs
du crime de léfe - majefté ; ils avoient le quart du
bien des condamnés* ; r>
Cneius Lentulus, homme qualifie, fut accufe par
fon fils.
Caïus permit aux efclaves d’accufer leurs maîtres.
Claude au contraire défendit d’écouter même les
affranchis. ■
Galba fit punir les délateurs efclaves ou libres.
Ils furent pareillement punis fous l’empereur Ma-
crin : les efclaves qui avoient accufé leurs maîtres
étoiertt mis en croix.
Conftantin par deux loix faites en 312 & en 319,
défendit abfolument d’écouter les délateurs , & ordonna
qu’ils feroient punis du dernier fupplice.
Les chofes furent réglées tout différemment par
le code Théodofien ; car outre les dénonciateurs
particuliers qui étoient autorifés , il y en avoit de
publics appelles curioji & ftaùonarii ; on y yoit aufli
qu’il y avoit des gens qui fe denonçoient eux-me-
me pour avoir la part du dénonciateur.
Suivant les lois du digefte & du code , les délateurs
étoient odieux ; & le nom en etoit honteux
tellement que c’étoit une injure grave d’avoir à tort
traité quelqu’un de délateur.
Les efclaves ne pouvoient accufer leurs maîtres,
ni les affranchis leurs patrons ; ceux qui contreve-
noient à cette loi dévoient être punis.
Le patron qui avoit accufé fon affranchi étoit exclus
de la poifeflion de fes biens.
Cependant les délateurs non-feulement etoient
autorifés, mais il y avoit plufieurs cas dans lefquels
il n’étoient point réputés infâmes ; c’eft ce qu’explique
la loi 2 au digefte de jurefifci ; c ’étoient ceux qui
ne s’étoient point rendus dénonciateurs par aucun
efpoir de récompenfe ; ceux qui avoient dénoncé
leur ennemi pour en obtenir réparation , ou qui
avoient eu pour objet l’intérêt public ; enfin ceux
qui avoient été obligés de faire la dénonciation à
caufe de leur miniftere , ou qui l’avoient faite par
ordonnance de juftice.
L ’empereur Adrien avoit même décidé que celui
qui avoit des titres néceffaires à la caufe du fifc, &
ne les repréfentoit pas, quoiqu’il pût le faire > étoit
coupable de fouftra&ion de pièces.
En France les délateurs ou dénonciateurs font
regardés peu favorablement ; ils font néanmoins
autorifés , tant en matière criminelle qu’en matière
de police , & de contravention aux édits & déclarations
concernant la perception des deniers publics
, ou pour les contraventions aux ftatuts & re-
glemens des Arts & Métiers.
Dans les matières de contraventions, les reglemens
attribuent au dénonciateur une portion des amendes
& confifcations.
Lors de la chambre de juftice établie en 1716,
les dénonciateurs furent mis fous la proteftion &
fauve-garde du roi par un arrêt du confeil du 20 Octobre
de la même année , qui prononçoit peine de
mort contre ceux qui pourroient les intimider , menacer
, fequeftrer , féduire, & détourner.
Il y a parmi.nous deux fortes de dénonciateurs,
les uns volontaires , les autres forcés : les premiers
font ceux qui 1e portent volontairement à faire une
dénonciation fans y être obligés par état ni par aucune
loi : les dénonciateurs forcés font ceux qui
par état font obligés de dénoncer les délits dont ils
ont connoiffance ; tels font les fergens-foreftiers,
le meffiers, & autres prépofés femblables , qtti prêtent
même ferment à cet effet. Il y a aufli certain cas
oit la loi oblige tous ceux qui ont connoiffance d’un
crime à le dénoncer, comme en fait de crime de léfe—
majefté humaine ; ce qui comprend toutes les conf-
pirations faites contre le roi ou contre l’état. Celui
qui auroit connoiffance de ces fortes de crimes , &
ne les dénonceroit pas, feroit puniffable aux termes
des ordonnances.
Il y a néanmoins certaines perfonnes qui ne font
pas obligées d’en dénoncer d’autres, comme la femme
à l’égard de fon mari & vice versa, le pere à l’égard
de fon fils, & le fils pour fon pere.
On ne doit recevoir aucune dénonciation de la
part des perfonnes notées d’infamie , c’eft-à-dire
que le miniftere public ne doit point affeoir une procédure
fur une telle dénonciation ; il peut feulement
la regarder comme un mémoire, & s’informer
d’ailleurs des faits qu’elle contient.
L’ordonnance criminelle veut que les procureurs
du roi & ceux des feigneurs ayent un regiftre pour
recevoir & faire écrire les dénonciations, qui feront
circonftanciées & fignées parles dénonciateurs;fin©n
qu’elles foient écrites en leur préfence par le greffier
du fiége qui en fera réception : il n’eft pas permis
de faire des dénonciations fous des noms empruntés
, comme de Titius & de Moevius ; il faut
que le dénonciateur fe faflfe connoître.
Les dénonciateurs dont la déclaration fe trouve
mal fondée, doivent être condamnés aux dépens ,
dommages'& intérêts des accufés, & à plus grande
peine s’il y échet : s’il paroît que la dénonciation
ait été faite de mauvaife f o i , par vengeance ,
& à deffein de perdre l’accufé , le dénonciateur doit
être puni comme calomniateur.
Celui qui ne feroit plus recevable à fe porter partie
c ivile , parce qu’il auroit tranfigé avec l’accu-,
f é , peut encore fe rendre dénonciateur.
Si le dénonciateur fe défifte de fa dénonciation ,
il peut être pourfuivi par FaCcufé pour fes dommages
& intérêts ; ce qui eft conforme à la difpofition
du fénatufconfulte Turpillien , dont il eft parlé au
digefte, liv. X LV III. tit. xvj. & au code, liv. IX ,
tit. xlv.
Les procureurs généraux, les procureurs du roi
& procureurs fifeaux , font tenus en fin de caufe de
nommer leurs dénonciateurs à l’accufé lorfqu’il eft:
pleinement déchargé de l’accufation , mais non pas
s’il eft feulement reçu en procès ordinaire ; on renvoie
à la charge de fe repréfenter toutes fois & quan-
tes.S
i le procureur du roi ou fifcal refufoit de nommer
fon dénonciateur au oas qu’il en ait eu quelqu’un
, il feroit tenu perfonneilement des dommages
& intérêts & dépens des accufés ; mais le miniftere
public peut rendre plainte d’office fans dénonciateur.
Quoique le regiftre du miniftere ne fît pas men-,
tion de celui qui s’eft rendu dénonciateur , l’accu-
fé peut être admis à en faire preuve , tant par titres
que par témoins. Voye1 au code le tit. de delatori-
busy & au digefte, liv. X L 1X . tit. xiv. Bouchel, au
mot délateur & dénonciateur ; Vordonnance de 1 Gyo ,
tit. iij. & Bornier, ibid. Bouvot, quafi. not. part. 3 ,
let. D. verbo défifter, quaft. /.Guy Pape, quoejt. t6gé
Imbert, injlit.for. liv. III. p. 334. & en fon enchi-
ridion au mot accufer ; Papon, liv. X X IV . tit. j . n,
2. Journal des aud. tome I. liv. I. chap. c. Le Prêtre, arrêts
célébrés ; Boniface , tom. V , liv. III. tit. ix. ch.ij•
Coquille , quaft. xij. Voye{ aufli A CCU SAT EU R , A C CUSÉ
, P a r t i e c i v i l e , P a r t i e p u b l i q u e , M i -
NISTERE P U B L IC , PROCUREUR G ÉN É R A L , DU
R o i , & F i s c a l . ( A )
DELAYANT, adj. (Therapeut. Mat. médic.) nom
que les Humoriftes ont donné à une clafle de re-
xnedes altérans qu’ils ont crû agir, en fourniflant de
la férofité à la maffe des humeurs, en les hume&ant,
en les détrempant, en diffolvant leurs fels maflifs &
groflîers, & les rendant par-là non feulement moins
irritans, mais même plus propres à être évacués par
les différens couloirs, &c.
Les Solidifies ont appelle les mêmes remedes émoi-
liens & relâchans. Voye{ EM OL L IEN T 6* R E-
LArC H A N T .
Quoi qu’il en foit de la préférence que mérite l’une
ou l’autre de ces dénominations, & du plus ou du
moins de réalité de la vertu que chacune défigne ;
l ’eau commune & toutes les boiflons dont l’eau eft
le principe dominant, & n’eft chargée d’aucupe fub-
ftance qui ait une vertu médicinale connue, ou, en
deux mots, l’eau & les boiflons aqueufes comme
telles, font les vrais remedes délayans, hume&ans,
relâchans ,-émoIliens.
Les fubftances qui peuvent fe trouver mêlées à
l’eau en petite quantité, fans altérer fa vertu délayante
, font les farineux, les émulfifs, les doux, les
aigrelets végétaux, les extraits légers faits par infu-
fion theiforme, les eaux diftillées aromatiques, les
fucs gélatineux des jeunes animaux, &c.
La théorie moderne a prétendu que ces fubftances
(qu’il me paroît très-raifonnable de regarder comme
indifférentes, relativement à l’effet délayant) a prétendu,
dis-je, que ces fubftances étoient au contraire
fort effentielles, & qu’elles fervoient de moyen,
medium, par lequel l’eau mouilloit les humeurs ; car
l’eau pure, dit cette théorie, ne les pénétré point,
mais giiffe inutilement fur elles. Voye^ Ea u , en Médecine.
Les délayans font indiqués, ou du moins employés
prefque généralement dans toutes les maladies aigues.
Ce font des délayans qu’on donne aux malades
qu’on fait boire, qu’il faut faire boire, à qui on ne
fauroit trop recommander de boire. C ’eft prefque uniquement
fous la forme de tifane qu’on donne les délayans.
Voye^ T i s a n e .
Les délayans font encore employés dans toutes
les maladies chroniques, qui ne dépendent point de
relâchement ou de férofités épanchées. 11 n’y a que
les affedions oedémateufes vraies & la plûpart des
hydropifies qui n’en admettent pas l’ufage.
Dans toutes les incommodités qui font regardées
comme dépendant d’échauffement & d'aridité, telles
que la fenfibilité exceffive, le fentiment incommode
de chaleur, les légères ophthalmies, les demangeai-
fons & les picottemens de la peau, la chaleur, la-
rougeur, & la paucité des urines, la foif habituelle,
la maigreur fpontanée , ou fans caufe fenfible, &c.
l’ufage des délayans eft regardé comme très-falu-
taire.
Les délayans font des diurétiques faux. Voye{
D i u r é t i q u e .
Le bain eft un grand délayant ou relâchant. Voyc{
B a in & R e l â c h a n t . ('b)
DELBRUGH, (Géogr. mod. ) ville d’Allemagne
au.cercle de Weftphalie, proche lesfources del’Ems,
dans l’évêché de Paderborn.
DÉLECTATION VICTORIEUSE, {ThéologieJ)
terme fameux dans le fyftème de Janfenius, qui par
cette expreffion entend un fentiment doux & agréable
, un attrait qui pouffe la volonté à agir, & la
porte vers le bien qui lui convient ou qui lui plaît.
Janfenius diftingue deux fortes de délectations :
l?une pure & célefte, qui porte au bien & à l’amour
de la juftice ; l’autre terreftre, qui incline au vice &
à l’amour des chofes fenfibles.. II. prétend que ces
Tome IV .
deux délectations produifent trois effets dans la volonté
: i°, un plaifir indélibéré & involontaire : 20.
Un plaifir délibéré qui attire & porte doucement &
agréablement la volonté à la recherche de l’objet de
la délectation : 30. une joie qui fait qu’on fe plaît dans
fon état.
Cette délectation peut être victorieufe ou. abfolument
, c’eft-à-dire par des moyens ineffables, & que
Dieu feul peut employer : miris & ineffabilibus modes
, dit S. Auguftin , lib. de corrept. 6* gratiâ, cap. v.
ou relativement, entant que la délectation célefte
par exemple, lurpaffe en degfes la délectation terreftre
, & réciproquement.
Janfenius, dans tout fon ouvrage de gratiâ Chrifii,
& nommément liv. IV. ch.vj. jx . &cx. liv. V. ch. v.
& liv. VIII. chap. ij. fe déclare pour cette délectation
relativement victorieufe, & prétend que, dans toutes
fes aélions, la volonté eft foûmife à l’impreflion né-
celfitante & alternative des deux délectations, c’eft-
à-dire de la concupifcence & de la grâce. D ’où il
conclut que celle des deux délectations qui dans le
moment décifif de l’aélion fe trouve aéluellement
fuperieure à l’autre en degrés, détermine nos volontés
, & les décide néceffairement pour le bien ou
pour le mal. Si la cupidité l’emporte d’un degré fur
la grâce, le coeur fe livre néceffairement aux objets
terreftres. Si, au contraire, la grâce l’emporte d’un
degré fur la concupifcence, alors la grâce eft viclo-
rieufe, elle incline néceffairement la volonté à l’amour
de la juftice. Enfin, dans le cas où les deux
délectations font égales en degrés, la volonté refte
en équilibre fans pouvoir agir. Dans ce fyfteme le
coeur humain eft une vraie balance, dont les baflins
montent, defeendent ou demeurent au niveau l’un
de l’autre , fuivànt l’égalité ou l’inégalité des poids
dont ils font chargés.
Il n’eft pas étonnant que de ces principes Janfenius
inféré qu’il eft impoflible que l’homme faffe le
bien quand îa cupidité eft plus forte que la grâce ;
que l’aéle oppofé au péché n’eft pas en fon pouvoir,
lorfque la cupidité le domine; que l’homme, fans
l’empire de la grâce, plus forte en degrés que la concupifcence
, ne peut non plus fe refufer à la motion
du fecours divin, dans l’état préfent où il fe trouve,
que les bienheureux qui font dans le ciel peuvent fe
refufer à l’amour de Dieu. Janfen. lib. VIII, de grat.
Chrifliy c.xv. & lib. IV. deJlat. natures lapfe, c. xxjy.
C’eft par cette découverte de la délectation relativement
victorieufe, qui eft la bafe de tout fon fyfteme,
que Janfenius eft parvenu à réduire lemyftere
de l’a&ion de la grâce fur la volonté, à une explication
fondée fur les lois de la méchanique. Voyeç
JANSENISME. ( G)
DÉLÉGATION, f. f. ('Jurijprud.) en général, eft
l’afte par lequel quelqu’un fubftitue un autre en fa
place.
Il y en a de deux fortes ; fçavoir, celle faite par
un officier public, & celle que fait un débiteur.
Nous allons expliquer chacune de ces deux délégations
féparément.
Délégation faite par un officier public, eft celle par
laquelle cet officier commet quelqu’un pour exercer
fes fondions en tout ou partie.
Pour bien enténdre cette matière, il faut obfer-
var qu’à Rome, où les offices n’étoient d’abord que
des commiflions annales, & enluite fous les empereurs
des commiflions à v ie , tous officiers, grands
ou petits, foit de juftice , militaires ou de finance,
avoient la liberté de déléguer ou commettre à d’autres
perfonnes tout ce qui dépendoit de leur office ,
de forte que la plûpart déléguoient une partie de
leurs fondions , & pour cet effet fe choififloient des
commis ou lieutenans. Déléguer ainfi ou commettre,
s’appelait alors mandare.
F F f f f ij