'Quelques exemples cle ce'qtns’ eft pafleà cefiijet
fous chaque régné juftifieront ce que l’on vient d’a-
.vancer.
Nous reprendrons la fuite des faits à Philippe Au-
gufte , fous lequel il y eut quatre décimes lovées en
France.
La première fut la dixme faladine en 1 188, qui fe
le v a , comme on l’a vû ci-devant, fur toutes fortes
de perfonnes.
La fécondé fut l’aide qu’il accorda en 1210 à Innocent
III. pour la-guerre que ce pape avoit contre
Othon IV. Üj
Il y en eut une troifieme à Foccafioti d’un fécond
voyage d’outremer , pour lequel le pape & le roi
permirent de lever fur toutes fortes de perfonnes le
vingtième de leurs biens. Baudouin, comte Flandres,
s’étant.croifé avec plufieurs princes & feigneurs de
tous les états chrétiens, au lieu d’aller à la terre fain-
t e , s’étant par occafton arrêté à Conftantinople, prit
cette v ille, &: fe rendit maître de l’empire d’Orient:
Innocent III. pour faciliter cette expédition , fe taxa
lui-même aufli-bien que les cardinaux , & ordonna
que tous les eccléfiaftiques payeroient pendant trois
ans le vingtième de tous leurs revenus ; il modéra
depuis cette taxe au quarantième, du moins pour les
églifes de France. Honorius III. fon fucceffeur, dans
une lettre par lui écrite aux archevêques du royaume
en 1217 ou 1218 , dit que pour la guerre d’outremer
, il avoit, dès fon avènement au pontificat,
ordonné la levée d’un vingtième fur tous les biens
dii clergé de France & de tous les autres états de la
chrétienté ; que le roi qui s’étoit croifé pour la guerre
des Albigeois lui demandoit le vingtième qui de-
voit fe prendre fur les eccléfiaftiques de fon royaume
; & après avoir exprimé fon embarras, ne voulant
ni éconduire le ro i, ni détourner les deniers de
leur deftination , il applique la moitié de ce vingtième
pour la guerre d’outremer , & l ’autre pour la
guerre des Albigeois.
Enfin , il paroît par des lettres de Philippe Au-
gufte, de l’an 1214, qu’en faveur de la croifade en-
treprife par Jean , roi d’Angleterre , il y eut fous ce
régné une quatrième décime ; que le roi avoit promis
d’employer la quarantième partie.de fes revenus
d’une année ; que cela fe fit à la priere des croifés
& de tout le clergé ; que perfonne ne devoit être
exempt de cette contribution , mais que le roi en
s’engageant d’envoyer ce fecours marqua que c’étoit
abfque confuetudine , c’eft-à-dire fans tirer à confé-
quence pour l’avànir.
Le régné de Louis VIII. qui ne fut pas de longue
durée, ne nous offre quTm feul exemple de levée
faite fur le clergé en 1226, & qui fut probablement
employée à la guerre des Albigeois:
Depuis ce tems les befoinsde l’état fe multipliant,
les levées fur le clergé devinrent auffi plus fréquentes.
•Les mémoriaux de la chambre des comptes font
mention que S. Louis s’étant croifé en 1245 , le pape
lui accorda en cette confidération premièrement
les décimes de fix années , & enfuite de trois autres
années.
Innocent IV. dans une bulle de l’an 1252, dit qu’il
avoit ci - devant accordé à ce prince pour fa délivrance
deux décimes entier es, c ’eft-à-dire»qui étoient
réellement du dixième du revenu du clergé, au lieu
que -la plupart des décimes étoient beaucoup moindres
; le pape ajoute que ces deux décimes n’étoient
pas encore tout-à-fait payées , & il permet d’ache-
vër de les lever en la maniéré que le royaume avi-
fera, à condition que ceux qui avoient payé les deux
décimes ne payeroient rien fur ce nouvel ordre de
le v é e , & que ceux qui payeroient fur ce nouvel ordre
ne payeroient rien des deux décimes.
Urbain IV. accorda, du confentementde S. Louis,
à Charles d’Anjou fon frere , comte de Provence^'
& depuis roi de Naples; une autre décime pour la guerre
contre Mainfroy qui avoit ufurpé le royaume
de Naples ; c’eft ce que l’on voit dans deux lettres
écrites par Urbain IV. à S. Louis, vers l ’an 1263 011
1264, dans lefquelles le pape prie le roi d’avancer
à fon frere l’argent qui devoit revenir de cette décime
qui ne pourroit être levée qu’avec beaucoup
de tems, ce que l’état des affaires ne permettoit pas
d’attendre.
Dans une autre lettre que ce même pape écrivit
encore à S. Louis à - peu - près vers le même tems ,
On voit qu’Alexandre IV. fon prédéceffeur % avoit du
confentement du roi, impofé un centième fur le clergé
pour la terre-fainte ; en effet le pape prie S. Louis
d’aider au plutôt d’une partie d<f ce centième Godefroy
de Sarcenes qui foutenoit alors prefque feul les
affaires d’outremer.
Ainfi en moins de 20 ans , S. Louis tira du clergé
treize décimes ou fubventions;
Sous Philippe III. dit le Hardi, fon fils & fon fucceffeur
, il y en eut deux différentes. 1
L’une fut celle qu’il obtint de Grégoire X. au
concile de Lyon en 1274 : elle étoit deftinée pour
la terre-fainte, & fut accordée pour fix années : l’exécution
en fut donnée au cardinal Simon , alors
légat en France, qui fut depuis le pape Martin IV.
L’autre lui fut accordée en 1283 dans une célébré
affemblée d’états tenus à Paris , oîi le roi accepta
pour fon fils le royaume d’Arragon, & prit la croix
des mains du cardinal Cholet légat du pape.
Les longues guerres que Philippe-le-Bel eutàfoû-
tenir tant contre Pierre d’Arragon que contre les
Flamands, l’Angleterre, & l’Empire, l’obligerent de
lever plufieurs décimes , tant fur le clergé que fur fes
autres fujets. On en compte .au moins 21 dans le
cours de fon r.egne, qui fut d’environ 28 années.
On voit dans l’hiftoire de Verdun c[ue Martin IV.
accorda à ce prince une. décime fur toutes les églifes
du diocèfe de Verdun, & de plufieurs autres de l’Allemagne
; & qu’Honorius IV. en accorda la quatrième
partie à l’empereur Rodolphe.
Nicolas IV. en accorda une autre à Philippe-le-Bel
en 1289 pour la guerre d’Arragon, &c fuivant le mémorial
crux , le roi prêta au pape le quart des
deniers de cette décime qui n’avoit été accordée qu’à
condition que le pape en auroit 200000 liv.
Le même mémorial fait mention d’une autre décime
de quatre ans qui fut accordée au roi pour les afr
faires d’Arragon & de Valence.
Ce même prince, pour fubvenir, tant aux frais
de la guerre contre les Anglois , qu’aux autres né-
ceflités de l’état, fit en. 129 5 une impofition d’abord
du centième, & enfuite du cinquantième fur tous
les biens du royaume , tant du clergé du royaume
que fur fes autres fujets : ces impofitions ne le per-
cevoient pas feulement à proportion du revenu,
mais du fond des biens - meubles & immeubles , de
forte que le centième du fond revenoit à-peu-près à
la décime ou dixième du revenu , & le cinquantième
à une double décime.
Boniface VIII. voulut de fà part lever auflipour lui
une décime, mais Philippe-le-Bel s’y oppofa , comme
on l’a déjà obfervé en parlant des décimés papales
: le reffentiment que le pape en conçut contre
Philippe-le-Bel, fit qu’il chercna à le traverfer dans
la levée du centième & du cinquantième, du moins
par rapport au clergé ; ce fut dans cette vue qu’il
donna en 1296 la fameufë bulle clericis laicos, par
laquelle il défendoit aux eccléfiaftiques de payer aucun
fubfide aux princes fans l’autorité du faint fié-
ge , à peine d’excommunication dont l’abfolution
feroit réfervée au pape feul. Cette bulle fit agiter
pour la première fois fi les biens de l ’églife étoient
tenus
tenus de contribuer aux charges de l’état. Edotiard •
roi d’Angleterre, irrité de ce que le clergé refufpit
de lui accorder un fubfide dans la crainte de l’ex-
communiCation portée par la bulle clericis laicos , fit
faifir tous les biens eccléfiaftiques qui fe trouvoient
fur les fiefs laïcs : la bulle n’excita pas moins de murmures
en France.
Enfin en 1297, à la priere des pré.lats, le pape en
donna une autre datée du dernier Juillet en explication
de l'a précédente, par laquelle après en,avoir
rappellé la teneur, il déclaré que cette conftitution
ne s’étend point aux dons , prêts & autres chofes
volontaires que les eccléfiaftiques peuvent donner
au roi, pourvu que ce foit fans aucune contrainte ni
exaftion ; il excepte aufti les droits féodaux , cen-
fuels , & autres qui peuvent avoir été retenus dans
la cefîion des biens eccléfiaftiques, ou autres fervi-
ces dus , tant de droit que de coutume , au roi & à
fes fucceffeurs , ainfi qu’aux comtes, barons, nobles
, & autres feigneurs temporels. Il ajoute que
fi le roi ou fes fucceffeurs, pour la défenfe générale
ou particulière du royaume, fe trouvoient dans une
néceflité preffante , la précédente bulle ne s’étend
point à ce cas de néceffité ; même que le roi & fes
fucceffeurs peuvent demander aux prélats, & autres
perfonnes eccléfiaftiques , & recevoir d’eu x, pour
la défenfe du royaume, un fubfide ou contribution,
& que les prélats & autres perfonnes eccléfiaftiques
feront tenus de le donner au roi & à fes fucceffeurs,
foit par forme de quotité ou autrement, même faps
confulter le faint fiége , & nonobftant toute exemption
ou autre privilège tel qu’il pût être. Si le roi &
fes fucceffeurs reçoivent quelque chofe au-delà de
ce qui fera néceffaire, il en charge leur confcience.
Enfin il déclare que par cette bulle ni par la précédente
, il n’a point eu intention de faire aucune diminution
, changement, ni dérogation aux droits ,
libertés , franchifes, ou coutumes , qui au tems de
la première bulle, ou même avant, appartenoient
au roi & au royaume , aux ducs , comtes, barons,
nobles , & autres feigneurs , ni d’impofer aucunes
nouvelles fervitudes ni foûmiffions , mais de con-
ferver en leur entier ces mèmès droits, libertés ,
franchifes, & coûtumes.
Les derniers termes de cette bulle méritent d’autant
plus d’attention, que Boniface V I I I . y recon-
noît formellement que l’ufage dans lequel eft le roi
de demander au clergé des fubventions, n’eft point
un privilège, mais un droit attaché à la couronne,
dont il peut ufer même fans confulter le pape ; droit
dont nos rois ne fe font jamais dépouillés comme ont
pu faire quelques autres fouverains, qui fe font fournis
au decret du concile de Latran tenu fous le pape
Innocent III.
Ainfi nos rois n’ont pas befoin de s’aider de cette
fécondé bulle de Boniface V I I I , ni d’une troifieme
qu’il donna l’année fuivante, par laquelle il étendit
encore l’exception , au cas où les fubventions fe-
roient levées pour la rançon du roi, de la reine, ou
de leurs enfans ; étant inconteftable que nos rois par
le droit de leur couronne & fuivant les principes du
droit naturel, font fondés à lever, comme ils ont toujours
fait, fur le clergé de même que fur leurs autres
fujets, des fubventions, foit ordinaires ou extraordinaires
, toutes les fois que les befoins de l’état le
demandent.
Après la reconnoiffance authentique faite par Boniface
V Ï I I , que le roi pouvoit fans fon confente-
ment lever des fubfides fur le clergé de France, il lui
accorda dans la même année des décimés, qui continuèrent
jufqu’en 1300 ou environ.
Benoît XI. fucceffeur de Boniface VIII, accorda
encore à Philippe le Bel trois années de décimés, fa-
yoir depuis Noël 1304 jufqu’à Noël 1307.
Tome IVS
Clément V..ajouta d’abord deux années à cette
conceffion, ce qui fit cinq années ; & par une bulle
du 6 Février 1309, il lui accorda encore une année
de décimes.
Indépendamment de, ces différentes décimes accordées
par les papes à Philippe le Be l, il en leva
encore une autre em 303 pour la guerre de Flandres;
c etoit alors le fort des démêlés du roi avec Boniface
VIII ; auffi cette décime fut elle levée de l’autorité
feule du roi fans le confentement du pape : il avoit
écrit des lettres circulaires à tous les évêques &c archevêques
de fon royaume, pour qu’ils euffent à fe
rendre à fon armée de Flandres ; & par d’autres lettres
du 3 Ofrobre de la même année, il ordonna que
tous archevêques , évêques, abbés, & autres prélats
, doyens, chapitres, couvents, collèges, & tous,
autres gens d’églife, religieux & féculiers, exempts
& non exempts, ducs, comtes, barons, dames, da-
moifclles, & autres nobles du royaume, de quelque
état &c condition qu’ils fuffent, feroient tenus de lui
faire fubvention & aide du leur pour la guerre pendant
quatre mois; favoir, Juin, Juillet, Août, & Septembre
lors prochains ; que ceux qui auroient 500 livres
de terre, fourniroient un homme d’armes ou gentilhomme
bien armé & monté ; que celui qui auroit
1000 livres de terre, en fourniroit deux, & ainfi des
autres à proportion.
Philippe le Bel demanda auffi dans le même tems
aux prélats & barons un fubfide en argent, qui lui
fut accordé.
Ce fubfide en argent frit qualifié de décime par rapport
aux eccléfiaftiques, comme il paroît par des lettres
de Philippe le Bel, du 15 Août 1393 , adreffées
à l’évêque d’Amiens, portant ordonnance de faire,
lever une décimé dans fon diocèfe, comme e.lle fe
payoit dans les autres, pour fubvenir aux dépenfes
de la guerre de Flandres.
II y eut auffi une double décimé ou cinquième im-
pofée par Philippe le Bel fur tous fes fujets en 1305.
Il paroît par des lettres de ce prince du 10 Ofrobre,
que pour tenir lieu de ce cinquième on lui offrit une
certaine fomme, & que ces offres font qualifiées de
don gratuit ; mais cette expreffion ne concerne pas
les eccléfiaftiques en particulier, elle eft également
relative aux offres des fujets laïcs. Cette décime levée
de l’autorité feule du roi ne doit point être confondue
avec celle que Benoît X I . lui accorda en
1304 jufqu’en 1307 : on peut voir les raifons qu’en
donne M. Patru en fon mémoire fur les décimes.
Philippe le Bel leva encore d!autres décimes dans
les années fuivantes : en effet, on trouve une com-
miffion du 25 Août 1313, adreffée par ce Prince an
colleûeur des décimes qui fe levoient alors dans le
pays Bordelois. Ordonn. de la troifieme race 9 tom. /.
page Sfy. ‘ ; ;
M. Patru , loc. cit. a cru que fous Louis Hutin if
n’avoit été fait aucune levée de cette efpece : il paroît
néanmoins qu’en 1315 on levoit encore des décimes
pour le voyage d’outremer, fuivant des lettres
de ce prince du 3 Août de cette année, par lefquelles
il permet au colleâeur des décimes qui étoient
levées dans le diocèfe de Reims, de créer des fergens
& de les révoquer.
On en leyoit encore fur tout le clergé en 13 10 ,
ainfi que l’obferve M. le préfident Henault.
Philippe V. dit le Long, frere & fucceffeur de Louis
Hutin, obtint dans la même année de Jean XXII. la
permiffion de lever auffi des décimes pour le paffage
d’outremer; mais celles-ci n’eurent pas lieu, le roi
s’en étant déporté volontairement par des raifons
d’état. La difficulté que firent les eccléfiaftiques de
payer cette levée ne fut pas fondée fur une exemption
particulière pour eux ; car les hiftoriens de ce
tems font mention que le peuple fe défendit auffi de
. Q Q n