
les piaftres, les fequins, les ducats , les roupies »
les abaflis, &c.
La monnoie imaginaire ou de compte, eft celle qui
n’a jamais exifté, ou du moins qui n’exifte plus en
efpèces réelles, mais qui a été inventée ou retenue
pour faciliter les comptes en les dreffant toujours
fur un prix fixe & invariable.
La monnoie de compte peut être compofée de
certain nombre d’efpèces qui changent dans leurs
iubftances, mais qui font les mêmes dans leur
qualité. Par exemple, cinquante livres font com-
pofées de cinquante pièces appelées livres, qui
ne font point réelles, mais qui peuvent être payées
en diverfes efpèces effe&ives, comme en pièces
d’o r , en écus d’argent, en monnoies de billon.
On doit confidérer pluiieurs qualités dans les
monnoies réelles : les unes, qui font comme effen-
îielles & intrinféques aux efpèces ; favoir , la
matière & la forme ; les autres, feulement arbitraires
& en quelque forte accidentelles, mais qui
ne laiffent pas d'être féparables, comme le volume
, la figure, le nom, le grenetis, la légende,
le milléfime, le différent, le point fecret & le
lieu de fabrication.
La qualité la plus effentielle de la monnoie eft
la matière. En Europe, on n’y emploie que l’o r ,
l’argent & le cuivre. De ces trois métaux il n’y a
phis que l e . cuivre qu’on y emploie pur ; les
autres s’allient enfemble, l’or avec l’argent & le
cuivre , & l’argent feulement avec le cuivre.
C ’eft de l’alliage de ces deux derniers métaux
que fe compofe cette matière ou ce métal qu’on
appelle billon.
Les degrés de bonté de l’or & de l’argent mon-
noyés, s’eftiment & s’expriment différemment.
Pour l’or, on fe fert du terme de karats, & pour
l’argent de celui de deniers.
Plufieurs raifons femblent avoir engagé à ne pas
travailler les monnoies fur le fin, & à fe fervir
d'alliage ; entr’autres, le mélange naturel des métaux,
la dépenfe qu’il faudrait faire pour les affiner,
.la néceflité de les rendre plus durs, pour
empêcher que le fret ne les diminue, la rareté
de l’or & de l’argent dans certains pays, & la
proportion qu’il eft néceffaire d’établir entre les
monnoies des. différentes nations.
L’autre chofe effentielle à la monnoie, après la
matière , eft ce que les monnoyeurs appellent la
forme, qui confifte au poids de l’efpèce, en la
taille, au remède de poids, en l’impreflion qu’elle
porte, & en la valeur qu’on lui donne.
Par le poids, on entend la pefanteur que le Souverain
a fixée pour chaque efpèce ; ce qui fert, en
les comparant, à reconnoître celles qui font altérées
, ou même les bonnes d’avec celles qui font
fauffes ou fourrées.
La taille eft la quantité des efpèces que le
Prince ordonne qui foient faites d’un marc d’or,
d’argent ou de cuivre.
Le remède de poids eft la permiflion qui eft acj
cordée aux maîtres des monnoies de pouvait* tenir
le marc d’efpèces plus foible d’une certaine quantité
de grains que le poids jufte, ce-qui s’appelle
foiblage.
L'imprejfion, qu’on nomme aufli image, eft l’empreinte
que reçoit chaque morceau de métal, la
marque qui lui donne cours dans le public, qui
le fait devenir denier de monnoyage, en un mot,
qui le fait pièce de monnoie ; marque fans laquelle
il ne ferait qu’un fimple morceau d’or,
d’argent ou de cuivre, qui peut être bien employé
à divers ouvrages , ou vendu pour une
autre marchandife, mais non pas être reçu fur
le pied de ceux qui portent cette impreflîèn ordonnée
par le Souverain.
La valeur de la monnoie, c’eft le pied fur le-;
quel les efpèces font reçues dans le commerce ^
pied différent de leur prix intrinféque, à caufe
qu’outre la valeur de la matière, les droits du
Prince qu’on appelle feigneuriage, & les frais de
fabrication, qu’on nomme braffage, y doivent être
ajoutés.
A l’égard des qualités moins effentielles, le volume
de la monnoie n’eft autre chofe que la
grandeur & l’épaiffeur de chaque pièce.
La figure, c’eft la forme extérieure que la monnoie
offre à la vue : ronde en France ; irrégulière
& à plufieurs angles en Efpagne ; quarrée
en quelques lieux des Indes ; prefque fphérique
dans d’autres, ou de la forme d’une petite navette
en plufieurs.
Le nom de la monnoie lui vient tantôt de ce
que repréfente l’empreinte, comme les mouons,
les angelots ; tantôt du nom du Prince, comme les
Louis, les Philippes, les Henris ; quelquefois de
leur valeur, comme les quarts d'écus, les pièces
de dou^e fols, 8c d’autres fois du lieu où les efpèces
font frappées, comme jadis les Parifis &
les Tournois.
Le grenetis eft un petit cordon fait en forme
de grain, qui règne autour de la pièce, & qui
enferme les légendes des deux côtés. Outre l’ornement
que les pièces en reçoivent, il rend
plus difficile l’altération des monnoies qui fe fait
par la rognure. On a depuis ajouté les légendes
ou les cordonnets fur la tranche, qui achèvent
de rendre cette forte d’altération impoffible.
La légende eft l’infcription qui eft gravée d’un
côté autour de l’effigie, & de l’autre autoui* de l’é-
cuffon, ou qui quelquefois remplit tout un des
cotés d’une pièce de monnoie. On vient de dire
qu’il y a une troifième légende qui fe met fur
la tranche.
La légende de l’effigie contient le nom & les
qualités du Prince qui y eft repréfenté. Les autres
font fouvent compofées de quelque paffage de
l’écriture fainte, on de quelques mots, comme
ceux des devifes, ou même du prix de la pièce.
On ne parle que de ce qui fe pratique préfente-
ment en Europe.
Le milléfime marque l’année que chaque piècè
été frappée. Depuis l’ordonnance de Henri II, de
lU 9 , elle fe met dans ce royaume en chiffres
Arabes du côté de l’écuffon : auparavant on ne
connoiffoit guère le temps du monnoyage que
par le nom du prince, ou par celui des monétaires.
.
Le différent eft une petite marque que les tailleurs
particuliers & les maîtres des monnoies choi-
fiffent à leur fantaifie, comme un foleil, une
rofe,‘ une étoile, un croiffant. Elle ne peut.être
changée que par l’ordre de la cour des monnoies
ou des juges-gardes. Elle fe change néceffaire-
ment à la mort des tailleurs & des maîtres, ou
quand il y a de nouveaux juges-gardes ou eflayeurs.
. I . ,,
Le point Jecret étoit autrefois un point qui n e-
toit connu que des officiers de chaque hôtel des
monnoies. Il fe mettoit fous quelque lettre des
légendes pour indiquer le lieu des fabriques.
Le point fecret de Paris fe plaçoit fur le dernier
e de Benediéhim ; & celui de Rouen fous
le b du même mot.
Ce point n’eft plus d’ufage ; on fe contente
préfentement de la lettre de l’alphabet romain ,
que les ordonnances de nos Rois ont attribuée à
chaque ville de ce royaume où il fe fabrique
des monnoies.
Enfin, les monnoies réelles peuvent être fauf-
Jes, altérées y fourrées, faibles.
La fauffe monnoie elt celle qui n’eft pas fabriquée
avec les métaux ordonnés par le Souverain
, comme feraient des louis d’or de cuivre
doré; des louis d’argent d’étain, couverts de
quelques feuilles de fin.
La monnoie altérée eft celle qui n’eft point faite
au titre & du poids portés par les ordonnances,
ou qui ayant été fabriquée de bonne qualité, a
été diminuée de fon poids en la rognant, en la
limant fur la tranche , ou en enlevant quelque
partie de la fuperficie avec de l’eau régale, fi
c ’eft de l’or; ou avec de l’eau forte, fi c’eft de
l’argent.
La monnoie fourrée eft celle qui tient le milieu,
pour ainfi dire, entre la fauffe monnoie 8c la monnoie
altérée. Elle eft faite d’un morceau de fer,
de cuivre, ou de quelqu’autre métal, que le faux-
monnoyeur couvre des deux côtés de lames d’or
ou d’argent, fuiVant l’efpèce qu’il veut contrefaire,
& qu’il foude proprement & avec jufteffe autour
de la tranche.
Le faux flan fe frappe comme les véritables, &
peut même recevoir la légende & le cotdonnet
de la tranche. On peut découvrir la fauffeté de
ces fortes de pièces par la couleur, par le poids,
ou par le volume, qui eft toujours plus épais ou
plus étendu que dans les bonnes efpèces.
On doit aulfi .fe défier de certaines pièces telles
que des liards, ou des pièces de deux liards
blanchies avec de l’arfenic, & que l’on fait paffer
pour des pièces de douze fols ou 'de vingt-
quatre fols ufées.
Le moyen de les reconnoître eft à la qualité
du fon, & à l'épreuve du feu, qui volatilife à
l’inftant l’arfenic; celui-ci, en s’évaporant, répand
une odeur d’ail, & la pièce de cuivre revient
à fon premier état.
La monnoie foible eft celle où il y a beaucoup
d’alliage.
La monnoie blanche eft celle d’argent.
La monnoie noire, ou monnoie grife, eft celle de
billon.
Obfervations à faire dans le cours d'une fabrication
de monnoie•
Le direâeur doit avoir foin, avant toutes cho-
fes, que tous les ateliers, uftenfiles & outils foient
en bon état ; ne prendre pour ouvriers & manoeuvres
que des gens dont la fidelité lui foit
connue.
Quand il délivre des matières au fondeur, il
doit être préfent à la fonte d’icelles , & lorf-
qu’elles font en bains, en faire faire un effai par
l’effayeur général prépofé de la cour pour cet effet,
afin que fi la matière effayée eft rapportée par
l’effayeur au-deflùs ou au-deffous du titre, on y
puiffe ajouter le cuivre ou le fin que l’effayeur
aura jugé à propos qu’on y mette, pour que les
efpèces foient au titre de l’ordonnance.
Il faut que le direéleur prenne garde que. les
matières que l’on met dans le creuiet ne l’emplif-
fent pas, pour plufieurs raifons ; la première, afin
qu’il y ait de la place pour joindre le fin ou l’alliage
fixé par le rapport de l’effayeur; la fécondé,
afin que le creulet étant trop rempli , & la
matière venant à pétiller, ne s’écarte en fortant
du creufet, ce qui occafionne des déchets & des
frais pour les récupérer par le moyen des lavures.
Quand l’effayeur a trouvé la matière au titre,
on la jette en lames : le fondeur fe fert d’une
grande cuiller dont le manche eft très - relevé,
& fait exprès pour pouvoir prendre la matière
fans en verfer en la coulant dans des châflis faits
exprès. Cette matière coule dans les vides qu’elle
trouve dans l’épaiffeur & largeur à-peu-près des
efpèces à fabriquer;
Après quoi il a foin de ramaffer les gouttes
qui font tombées, de même que celles qui ont
demeuré fur le bord des châflis , & les met a
part pour conftater le poids des matières qu il a
reçues du direéfeur ; & dans la fuite on les confond
avec les ébarbures , rognures , cifailles, limailles
& lavures; & tout ce qui eft de rebut,
comme les lames crevées pour avoir été mal recuites,
flans mal coupés, mal ajuftés, ou pièces
mal monnoyées.
Quand le fondeur fait qu’à-peu près les lames
font refroidies dans les châflis, on les démonte,
on en lève les lames , l’on jette au rebut celles