
ensemble , il arrive fouvent qu’on fait plus de pain
que chacun n’en produiroit féparément , & il
apporte pour exemple , l. x v i n , c. v u , que les
blés de Cypre & d’Alexandrie n’en donnent pas
plus de vingt livres chacun au boiffeau ; qu’outre
cela le blé de Cypre eft brun , & produit du
pain noir ; mais que fi on le mêle avec celui
d’Alexandrie, qui le donne très-blanc , ils font
enfemble du pain blanc , & qu’ils en donnent
ving-cinq livres par boiffeau. Pline ajoute que le
froment de la Thébaïde , mêlé avec un autre,
en rend ving-fix livres.
On ne veut cependant pas conclure de ces
expériences, que le mélange des grains avant de
les moudre, & la combinaifon des farines avant
de les pétrir, produifent toujours une augmentation
en pain ; on ne peut en être certain qu’après
avoir fait l’effai des grains & des farines qu’on
doit employer.
C ’elfc une bonne méthode que de faire féparément
toutes les farines ; mais il eft bon après
cela de les combiner enfemble avant de les employer.
Toutes les farines d’un même grain fem-
blent avoir été faites pour être enfemble ; elles
font analogues les unes aux autres, & fe prêtent
mutuellement.
Les trois premières farines mêlées enfemble
font de très-bon & de très-beau pain. La quatrième
farine en fait auffi de bon ( mais d’une
qualité inférieure ) , en la mêlant avec la troi-
fième ou avec la première.
Il y a des boulangers q u i, après avoir bluté,
remêlent enfemble les farines, les gruaux , les
recoupettes, & même les recoupes, & qui les
combinent pour en compofer les diverfes fortes de
pain qu’ils ont coutume de vendre. Ils font remoudre
feulement le premier gruau pour faire le
pain mollet. Ils fo fervent de la première farine de
blé pour faire le pain blanc , 8c ils mêlent les autres
farines & gruaux pour en faire le pain bis-
blanc ; mais il en mieux de remoudre les gruaux ,
& de fe fervir de plus de bluteaux.
Ils emploient les farines une quinzaine de jours
après qu’elles ont étés moulues ; ils n’emploient
que des blés qui ont fait leur effet : le plus fou-
vent , à Paris, ils mêlent enfemble des blés de
Brie & de Beauce.
Le plus grand art des marchands de farine n’eff
pas feulement de connoître les différentes farines
& leurs qualités, mais auffi de les combiner fuivant
les différentes proportions relativement à ces diverfes
qualités, pour en faire ce qu’on nomme une
bonne marchandife. C ’eff de cette habileté à combiner
les différentes farines, après les avoir mou-
.ues & blutées à profit, que dépend la richeffe
des.boulangers 8c des fariniers , parce que, pour
faire de bon pain, il faut le compofer de toutes
les farines qu’on tire du même grain, qui, par la
mouture & le blutage, donne quatre fortes de
farines plus parfaites les unes que les autres»
Le mélange de farines , qui eft fi néceffaire pour
faire de bon pain, fe trouve dans la mouture pour
le bourgeois; c’eft pourquoi le pain de ménage
a le meilleur goût en général : mais ce mélange
ne fe fait ni fi bien, ni fi à profit, que quand on
a féparé d’abord les farines du fo n , avant de les
mêler»
La plupart des boulangers de Paris achètent des
meuniers les . farines toutes mélangées différemment
, pour en faire les diverfes fortes de pains
qui font en ufage dans cette ville.
Il faut que les farines aient non - feulement
perdu la chaleur & l’odeur des meules , mais encore
qu’elles aient produit leur effet avant d’en
faire le mélange, à moins ^ue ces farines ne
viennent des blés qui, avant de les moudre *
avoient fait leur effet.
Il faut auffi combiner, ce mélange des farines dans
le grenier, & non pas dans le pétrin, pour plus
grande commodité.
On ne doit mêler enfemble des farines bien
différentes, que lorqu’on eft fur le point de les
employer, comme lorfqu’on eft obligé de mêler
. de nouvelles farines avec des vieilles, des farines
de blés nouveaux avec des farines de vieux blés,
qui fe gâteroient enfemble.
On fe fert, félon les différens pays ou l’on eft *
de diverfes farines mêlées enfemble ; mais il en
faut toujours au moins deux , comme celles de
Senlis & de Pontoife. D ’autres mêlent celles de
Rambouillet, qui font bonnes & qui font le pain
jaune, avec des farines de Picardie , qui ne font
pas fi bonnes. Il y en a qui emploient les farines
de Pontoife & de Beauce enfemble.
On fait de très-bon pain avec le gruau gris ,
qui eft le fécond gruau, mêlé avec la première
farine de b lé , • qui eft la plus blanche : & pour
faire un bon pain bis , on doit mêler trois parties
de la première farine de blé avec huit de la
quatrième farine.
Les farines de Melun , du Soiffonnois, de l’Ifte
de France, font douces : elles font bien propres
à être mêlées avec.celles des blés de Beauce , qui
font revêches : ceux du Vexin François % entre'
Rouen & Magni font plus revêches encore.
Il y a des farines qui étoient réputées autrefois
les meilleures, & qui ne font plus aujourd’hui
regardées que comme médiocres, parce qu’on
a depuis perfectionné ailleurs la mouture, le
blutage & l’affortiment des farines , & peut-
être auffi parce que le choix des blés , & le
mélange des farines ne fe fait plus fi bien', dans
les lieux qui ont perdu leur renommée pour la
bonne farine.
Ce n’eft pas feulement pour faire le pain, qu’il
eft à propos d’affortir différentes farines ; il eft
bon auffi de le faire pour bien préparer les bouillies.
Les Romains , qui étoient de grands mangeurs
de bouillies, & qui par conféquent s’y connoif-
foient | avoient coutume de la compofer avec parties
égales de farine d’orge & de celle, de froment ;
ils y mêloienr auffi;#de celle de fève.
Les Çrecs mêloient fur vingt livres d’orge,^
trois livres de graine de lin, demi-livre de co,-
riandre & deux onces de fel ; 8c fuiyant Galien,
du millet.
Le Son.
Comme l’on peut diftinguef quatre fortes de
farines en général tirées du même grain, il eft
poffible auffi d’en féparer trois fons différens ;
favoir, i °. le fon commun, 2°i le remoulage
ou fleurage, 3 °. les recoupes.
Le fon ordinaire eft pour la plus grande partie
la première écorce du blé, & il eft fouvent
joint à de la_ farine : lorfqu’il eft dans cet état,
on le nomme fon gras\ 8c lorfqu’au contraire il
eft bien féparé de la farine, on le nomme gros
fon , ou fon fe c , ou brçn. Le fon gras eft ce qui
fort après la première farine de blé par la mouture
ruftique. Le gros fon ou fon fec a été féparé des
farines & des gruaux, foit par la mouture-en-
groffe proprement dite, foit par la mouture économique,
foit par la mouture méridionale.
Le fécond fon eft compofé, pour la plus grande
partie, de la fécondé écorce du grain, qui eft
Comme une fine pelure d’oignon; c’eft pourquoi
il eft moins jaune que le premier fon. Ce fécond
Ion eft le produit de la mouture économique,
reftant des gruaux qu’on nomme reprifes, parce
qu’on les reprend pour les remoudre ; c’eft pourquoi
on nomme auffi ce fécond fon, remoulage-, on le
nomme encore fteurage, parce qu’on s’en fert
pôur fleurer le deffous des pains, en les mettant
dans les pannetons, dans les plateaux, & dans
lés febiles; c’eft auffi du fleurage qu’il faut jeter
fur la pelle avant d’y mettre le pain pour l’enfourner.
lent en Bretagne furfas, ce qu’on nomme recoupes
pilleurs ; c’eff le fon féparé du gruau 8c des recoupettes
par le blutoir. Ce fon eft le moins jaupe,
il eft plus blanchâtre, parce qu’il eft compofé
de farine, du germe du grain, & d’un peu de
fes écorces.
^ons ^ont plus ou moins jaunes, comme
les farines font plus ou moins blanches. La farine
contient toujours plus ou moins de fon, & le fon
pms ou moins de farine : la farine eft d’autant
contient plus de fon, & le fon
j d’autant plus blanchâtre, qu’il contient plus
de farine, foit que cette farine y foit attachée,
ou qu’elle y foit Amplement mêlée. Lorfqu’on
repaffe plufieurs fois les recoupes, il ne refte
que la balle, qui eft pur fon.
. V jj qui-a plus d’écorce & qui l ’a plus
epatffe, donne plus de fon par la mouture ; c’eft
Ce 5 “ *l0mnie M fonneux 8c blé bouffi-, plus
«n ble eft fonneux, plu» il eft léger; de lorte
que moins un blé péfe, plus il dopne de fon à
proportion, 81 moins il produit de,farine.
Non -feulement le^ blés donnent d’autant plus
de fon, qu’ils font plus légers; mais auffi ils le
donnent d’autant plus mauvais ; les fons des blés
de 22.0 liyres le fetier ne fe confervent que
huit jours, ceux -de 230 livres,- fe confervent
quinze, jours. ' Çeux , de 240 livres., un mois; &
ceux de 250 livres, deux mois. Il faut avoir
foin de remuer les, fons plus fouvent que le*
farines : il faut les remuer tous les deux ou trois
jours,.
Les vieux blés font moins ’ fonneux que les
nouveaux; les fons des blés nouveaux font plus
pefans que les fons des vieilx blés, parce que
les fons des vieux blés font plus fe.cs , & parce
qu’ils tiennent à moins de farine , qui eft plus
pefante que le fon.
On rire» ordinairement par la mouture économique
de 12 boiffeaux de b lé , neuf boiffeaux de
fon ; favoir, fix boiffeaux de gros fon , un boil-
féau de remoulage, & deux boiffeaux de recoupes.
Suivant la gradation du produit en fon par les
blés de differens poids, le fotier de blé pefant 210
livres , rend foixante-dix livres de fon des trois
fortes :1e blé pefant deux - cents -vingt livres
donne 67 à 68 livres de fon : le blé de 230
livres , en donne 65 livres : le blé de 240
livres donne 62 à 63 livres de fon? & le bled
de 250 livres n’en donne que 60 livres. Quand
on moud bien, & que Fon blute bien, ces quantités
relatives de fon, font 'encore moindres. Les
blés des pays chauds', qui pêfent jufqu’à 270
livres le iétier, ne donnent que 35 à 40 livres
de fon. Le blé d’Andaloufie donne un fon d’une
fineffe extraordinaire : ce fon ne pèfe que trois
livres le boiffeau, au lieu que le fon des blés
de France pèfe quatre livres le boiffeau.
Il faut que le fon ne pèfe que quatre livres
le boiffeau ; s’il pèfe davantage, c’eft, ou qu’il
a été mal mefuré, ou qu’on l’a mal moulu &
mal bluté ; lorfqu’il pèfe plus de 5 livres &
demie- à quatre livres, on eft certain qu’il y
eft refté de la farine, comme cela arrive toujours
par la mouture ruftique, qui donne un fon gras,
pefant ordinairement fept livres le boiffeau ; favoir ’
le double du fon fec , produit ou parla mouture en
groffe proprement dite, ou par la mouture économique
, ou par la mouture méridionale. C ’eft-
à-dire, chaque boiffeau de fon gras de la mouture
ruftique contient environ trois livres & demie
de farine & de gruau, qui feroient environ cinq
livres de pain; 8c de très-bon pain, parce que
c’eft la meilleure farine du grain qu’on laiffe
ainfi dans le fon gras par la* mouture ruftique»
Le gros fon doit être bien évidé & tortillé ,:
comme des oublies ou des gauffres, ce qui dénote
un bon moulin, & ce fon fe mefure bien.
Plus le fon proprement dit eft léger, moins
il contient de farine, moins il eft haché & moins