
verfé dans un moule, j’en obtins une maffe d’or
pur , haute en couleur , malléable, pelant entre
18 ou 19 grains.
De VHiJloire minérale de la platine.
#On ne fait encore rien de certain fur l’hiftoire
minérale de ce métal. Quoiqu’il foit nouveau
pour l’Europe, l’Hiftoire même de fa découverte
eft aufli obfcure que celle des métaux de l ufagè
le plus ancien : on peut préfumer que le peu d’avantage
qui promettoit en devoir réfulter à caufe
de ion défaut de fufibilité, l’a fait négliger d’abord;
& que les intentions frauduleufes auxquelles
on a trouvé enfuite qu’il fe pouvoit appliquer
, furent caufe qu’on chercha à en dérober la
connoiflance.
Quelques-uns prétendent que la platine eft une
produ&ion des Indes Orientales auffi bien que des
Indes Occidentales ; & que fon analogie avec l’or
a été connue aufli depuis un temps confidérable ,
dans les premières, aufli bien que dans les dernières.
Ce qui a-donné lieu à ce foupçon , c’eft que
feu M. S’gravefende , profefleur, avoir en fa pof-
feflion un corps métallique fort lourd, qu’on ef-
timoit même plus pefant que l’or ; & qu’on fup-
pofoit être un mélange d’o r . d e platine, que
l’on difoit avoir été apporté de la Chine par les
vaifleaux Hollandois de la compagnie des Indes
Orientales, & y avoir été vendu à un prix très-
confidèrable.
Le dofteur Brownrigg m’apprend cependant ,
qu’ayant fait depuis peu des recherches en Hollande
fur cette fubftance, il avoit appris du pro-
fefieur Allemand, que c’eft à la vérité un mélange
de platine & d’or ; mais qu’il y avoit de
l’erreur par rapport au pays d’où il étoit venu ,
qui n’étoit pas les Indes Orientales, mais les Indes
Occidentales.
Il paroît hors de doute que la platine qui a
été apportée en Angleterre eft du produit des
Indes Occidentales Efpagnoles ; mais il s*en faut
bien qu’on connoiffe clairement dans quels lieux
particuliers elle vient, ni fous qu’elle fdrme on
l’y trouve.
Quelques uns prétendent qu’on en trouve en
grande abondance comme le fable dans certaines
rivières de 1% province de Quito. Une perfonne
qui a voyagé fur les lieux m’a appris qu’elle ve-
Boit des montagnes près de Quit®, ou entre
Quito & la mer du Sud ; qu’une grande pzrtie
delà terre qui eft au pied de ces montagnes en eft
couverte , parce que les torrens. qui viennent
avec de grofles pluies, entraînent le minéral avec
eux.
Une autre perfonne qui eft intéreffée aufli dans
fon exportation, a afliiré qu’on la trouvoit dans
le Pérou, dans une mine d’or qui avoit été précédemment
détruite par une innondation , & def-
féchée depuis peu ; & qu’on ne favoit pas fi
originairement elle étoit conteriùé dans la mine,
ou fi elle y fut apportée par l’innondation.
On a rapporté, & fans aucune contradiction,
toujours depiïis le temps que la platine a été connue
ic i, que pour empêcher les fraudes qu’on
pouvoit pratiquer avec une fubftance douée de
ces qualités, le Roi d’Efpagne avoit ordonné .de
combler les mines qui la (ourniffenr ; fi on prend
ce rapport à la lettre, il femble fignifier que la
platine ne fe trouve pas abondamment fur la fur-
face de la terre.
Quoi qu’il en puifle être, foit que la défenfe
ait été faite d’exploiter les mines de platine, ou
d’exporter la platine qui étoit en évidence , ou
tous les deux enfemb'e-; on peut obferver qu’en
répendant même la petite quantité qui a été rendue
publique jufqu’ic i, loin de p'rôduire aucune mau-
vaifes fuites , ç a été un moyen d’empêcher aufli
efficacement les abus auxquels la platine n’auroit
pas manqué de donner occafion, tandis qu’elle
étoit confinée dans une partie feule du monde ,
& qu’en général on ignoroit par-tout ailleurs l’exif-
tence d’une telle fubftance.
Dans les mémoires qui ont été préfentés à la
Société Roya’e aufli-tôt après que la platine fut
arrivée à Londres , il eft rapporté que l’on avoit
pris en paiement de quelques Efpagnols, de l’or qui,
étant mélé de platine, étoit fi caftant,que l’on ne
pouvoit en rien faire ; & que n’ayant pu être
affiné à Londres, il y etolt refté inutile.
J’ai été informé que les affineurs Hollandois
à Dort fe font plaint depuis long temps de rencontrer
de l’or falfifié1 avec une fubftance qu’ils
ne pouvoient pas- en féparer, à qui ils avoient
donné le nom de diabolus métallorum , ( diable des
métaux, ) & quMs jugent aCtuelement n’avoir
pas été autre chofe que la platine ; & que nos
Jouaübers, depuis bien des années, ont évité
de fe fervir de l’or des Efpagnols pour aucuns ouvrages
curieux , parce qu’il étoit fréquemment
mê.é avec une fubftance qui le rend intraitable,
& qui eft fouvent vifible à. l’oeil par de petits
grains diftinCts femblabies à ceux de platine .;
comme fi l'or eût été fondu un dégré de chaleur
trop foible pour dtflbudrc parfaitement la
platine, qui étant diftoute , auroit donné à la maffe
une mauvaile couleur.
Plus la platine-eft devenue connue , moins il y
avoit à craindre aucunes fraudes de cette efpèce;
& nous n’avons à préfent rien à redouter.
Les expériences déjà, faites nous ont découvert
des moyens faciles pour diftinguer avec certitude,
l’or falfifié avec la platine, & pour départir
complètement les deux métaux, de quelque
manière qu’ils, aient pu être mêlés ènfemble , par
hafard ou à deffein.
L’affinage de l’or d’avec la platine n’eft pas
plus difficile maintenant, que de le purifier de
tout autre métal.
L’opinion générale eft que la platine fe trouve
fous la même forme qu’elle nous eft apportée.
Les obfervations fur l’apparence des grains &
fur les matières qui y font mêlées , dont j’ai fait
mention au commencement de cet eflai, m’ont
porté à croire, au premier examen , qu’elle avoit
été broyée au moulin avec du mercure. Marg-
graf dont la piadne venoit de Lond es, & probablement
de la même provifion que celle dans
laquelle j’avois remarqué des goûtes de vif-argent
, paroit avoir conçu un foupçon de la même
efpèce ; car il doute fi la platine eft un minéral
natif, ou un récréaient métallique dont les Efpagnols
ont extrait le métal parfait qu’il conre-
noit.''
J’ai été informé depuis que le vif-argent que
nous y avions remarqué, & qui fans doute avoit
frappé Marggraf aufli bien que moin*êtoit point
venu des Indes occidentales mélé avec la platine,
mais y avoit été ajouté parle propriétaire,
dans le deftein d’en tirer les particules d’or.
Il y a cependant des relations qui femblent
appuyer la conjecture ci-deflus ; favoir, que la
platine fe trouve en grofles maffes, & qu on l’a
réduit en grains unis à force de la battre & de
la broyer au moulin.'
Dom Antoine de Uiloa appelle la platine une
pierre ; or il paroît affez difljcile de donner ce
nom à une fubftance en petits grains, telle qu’on
nous apporte la platine. -
Uiloa eft le premier auteur que j’aie encore
rencontré qui ait parlé de la platine fous fon
nom.
Dans un voyage qu’il fit dans l’Amérique méridionale
en 1735 & les années fuivantes, il rapporte,
en parlant des mines d’or & d’argent de J
Quito,, qu’il y a dans le territoire de Choco , 1
des mines où l’or fè trouve fi enveloppé dans d’autres
fiibflances minérales , des bitumes & des pierres
, qu’on fcft obligé d’employer le vif-argent
pour l’en féparer.; que quelquefois on trouve
des fubftances minérales qu’on aime mieux abandonner
, parce qu’elles font mêlées avec la pla- -
tine ; que cette platine eft une pierre ( piedra )
d’une telle réfiftance , qu’un coup de marteau a
de. la peine à la cafter fur l’enclume ; qu’elle
n’eft point fufceptible de calcination ; &. qu’il eft
fort difficile d’en extraire le métal qu’elle contient,
m.me avec beaucoup de travail & de dé-
penfe.
Quelques-uns ont foupçonné que les piedras
del inga ou inc a , décrites par le même Auteur
comme non tran (parentes, & d’une couleur de
plomb, & dont.les anciens Indiens fe fervoient
pour faire des miroirs, étoient compofées de platine
mêlée avec, une irçatière pierreufe.
Ce minéral ne peut pas être le même à qui
il donne le nom de platine dans le paragraphe
fuivant ; car il fait mention expreflement que la
pierre del inga eft tendre , Sc qu’il ne faut qu’un
coup léger pour la cafter.
La pierre inca eft actuellement fort commune,
& , comme obferve le Traducteur François
des Mémoires fur la platine, ne paroît pas autre
chofe qu’un minéral ferrugineux, de l’efpèce
des pyrites, ou plutôt du mundick.
Alonzo Barba fait mention d’une fubftance
fous le nom de chnmpi, qui paroît avoir plus
de reftemblance avec la platine de Uiloa. Il décrit
bî chuinpi comme une pierre dure de la nr.-
ture de l’èmeril , qui tient de celle du fer ,
d’une couleur grife & un peu brillante , fort dure
à travailler, parce qu’elle réfifte beaucoup au feu ,
qui fe trouve au Pctofi, à Choyaca , & dans
d’autre lieux, avec des mines noirâtres & rougeâtres
qui tiennent de l’or/
Si la • platine fe trouve réellement en grofles
maftes, foit communément, ou même de fois à
autre, on peut, avec raifon , compter que ces
maftes font telles qu’on les décrit ici.
C’eft peut-être aufli un minéral de la même efpèce
dont plufieurs Auteurs ont parlé fous le
nom d’émeril Efpagnol , fmiris Hifpanica, qui ,
d’après le compte qu’on en rend , fembleroit
n’êrre autre chofe que la platine ou fa matrice.
On dit que le fmiris fe trouve dans les mines
d*or, & que l’exportation en eft prohibée :
qu’elle contient des filandres ou veines d’or natif
; qu’elle eft fort recherchée chez les Alchy-
miftes ; que fouvent on s’en eft fervi pour fai-
fifier l'or ; qu’elle fupporte, ainfi que le noble
métal, la coupellation, la quartation , l’antimoine
& le ciment royal ; .qu’elle en eft féparable par
l’amalgamation avec le mercure, quirej ttele fni-
ris & retient l’or ; propriétés qui font les caractères
conftans de la platine , & qui n’appartiennent
à -aucune autre fubftance connue. Becker a
fait mention de cette falfificaîion de l’or per ex-
traceum fmiridis Hijpanici, dans fon Minera arenaria
& il l’a indiquée bien des fois dans fa Phyfica
fubterranea.
A la vérité , Becker- & Stahl appellent tous
deux la fubftance que l’or reçoit de l’émeril ,
■ une terre , au lieu que la platine eft incontefia-
blement un métal ; mais cela n’affoiblit point du
tout notre jfuppofitiou ; car ils donnent aufli le
nom de terre à la fubftance que le cuivre reçoit
i de la calamine quand on le transforme en airain ,
laquelle eft actuellement connue pour être métallique.