
nemens fe dérangent au feu , ou que l’ouvrier ne
les trouve pas placées comme il défireroit, il faut
alors les dejfouder, fans riuire au refte de l’ouvrage.
Cette opération fe fait en garniffant d’une
terre délayée , à laquelle on aura joint un peu de
fe l, pour lui donner plus de confiftance , tous les
endroits foudés, à l’exception de celui que l’on
veut dejfouder. On gratte bien les à-l’entours de
cette partie, & on la garnit de borax, comme fi
on vouloit la fouder. On place la pièce au feu ,
& on affujettit tout le corps de rouvrage, foit
avec un poids , foit avec des liens, de façon qu’il
foit difficile à mouvoir. On donne enfuite à fa pièce
tout le feu dont elle a befoin pour mettre la fou-
dure en fufion ; & dès qu’on l’y v o it, on happe
la part-.e que l’on veut détacher avec une pince ,
& on l’enlève : l’aftion de la foudure qui eft en
fufion , & qui cherche à fe gripper, fait qu’il faut
un certain effort pour opérer cette disjon&ion. Si
la partie que l’on, veut dejfouder n’eft pas de nature
à pouvoir être happée, on l’attache préliminairement
avec un fil-d’archal un peu fort & un peu
long , avec lequel on puiffe l’enlever commodément.
Po l ir , en terme de bijoutier, c’eft, comme dans
tout autre art, effacer les traits que peuvent avoir
faits les différens outils dont on s’eft fervi ; toutes
les pierres , potées , ou autres ingrédiens dont on
fe fert à cet effet, ne fon- que fubftituer des traits
plus fins à ceux qu’ils enlèvent, & tout l’art con-
fifte à fe fervir de pierres ou de poudres qui en laif-
fent dé tellement fins & tellement raccourcis, que
l’oeil ne puiffe les apercevoir.
Le poliment de l’or fe fait ainfi. On fe fert d’abord
de pierres vertes qui fe tirent de Bohème ,
pour dreffer les filets, gravures, ornemens & les
champs du deffus des tabatières.
Pour le dedans des tabatières, on emploie également
de grandes pierres vertes & larges, & de grof-
fes pierres c!e ponce ; après cette opération, qui a
enlevé les traits de la lime & les inégalités de
l’outil, on fe fert de pierre-ponce réduite en poudre,
broyée & amalgamée avec de l’huile d’olive
qui adoucit les traits de la pierre , & de la groffe
ponce ; à cette fécondé opération fuccède celle du
tripoli : rien n’eft plus difficile que le choix de
la pierre de tripoli & fa préparation ; il faut la
choifir douce , & cependant mordante ; il faut la
piler avec attention, la laver de même ; & ce
n’efl que du réfultat de fept à huit lotions faites
avec grand foin, dont on fe fert, & que l’on
conferve bien proprement : le moindre mélange
de mal-propreté nuit, & fait qu’on eft fouvent
obligé de recommencer : on emploie cette poudre
fine de tripoli avec du vinaigre, où de l’eau-de-
vie ; lorfqu’on a effacé avec cette poudre les traits
de la ponce à l’huile, on finit par donner le vif
à l’ouvrage. On fe fervoit autrefois , pour cette
dernière opération, de la corne de cerf réduite en
poudre & employée avec l’efprit-de-vin ; mais
depuis quelques années on s’eft fixé à une poudre
rouge , qu’on appeloit d’abord rouge à*Angleterre
mais qui s’eft depuis multipliée à Paris, & qui n’eft
autre chofe que le caput mortuum dès acides nitreux
quicompofent l’eau-forte ; cette poudre, employée
avec l’eau-de-vie ou l’efprit-de-vin, donne un beau
v i f , & termine le poliment de l’or.
N. B. Nous allons employer, en continuant la
rédaction de l’art de l’orfèvrerie, un excellent mémoire
qui nous a été fourni par M. Lecain, ancien
garde de l’orfèvrerie, artifte très-inftruit, qui joint
une pratique raifonnéeà unethéorie lumineufe. C’eft
donc la do&rine même du maître que nous avons
l’avantage de mettre fous les yeux de nos le&eurs.
L’O rfévre - Bijoutier -Planeur , eft tout-à-
la-fo:s artifte, fabricant, négociant & marchand:
il eft auffi TIREUR & BATTEUR d’or ; ( voye^ à
ces mots dans l’ordre alphabétique de ce dictionnaire.
)
Son privilège eft de vendre, fabriquer & acheter
toutes fortes de vaiffelles , ouvrages & bijoux
d’or ou d’argent ; de même les diamans montés
ou n®n montés , les perles fines, & tous les ouvrages
de joaillerie en pierres fauffes, montés
en argent.
Il feroit moralement impoffible à tout orfèvre
quelconque de faire chacun en particulier, foit en
fabrique, foit en commerce, toutes les parties que
l’on vient d’annoncer. Non-feulement les fortunes
les plus grandes n’y fuffiroient pas , mais le phy-
fique de l’homme le plus fort, la tête la mieux
crganifée n’y tiendroient pas ; auffi chacun d’eux,
en général, s’attache-t-il à une de ces parties. C’eft
ce qui les fait connoître fous les dénominations
ci-après.
On entend par orfèvre, celui qui n’entreprend
que de fabriquer & vendre la vaiffelle, les couverts
, les autres ouvrages qui font partie des meubles
d’ornemens , les tabatières d’argent, les boucles
de fouliers, & un grand nombre d’autres petites
pièces.
Par orfèvre-bijoutier, celui qui fabrique & vend
tous les bijoux d’o r ,» m,ême ceux qui font enrichis
de diamans fins.
Ef par orfèvre-joaillier, celui qui vend & met
en oeuvre les diamans , les.pierres précieufes,
& particulièrement les perles fines dont on a
enrichi depuis quelques années certains bijoux.
Ces derniers font auffi connus fous le nom de
metteurs-en-oeuvre. (V o y e z dans ce dictionnaire l’art
du diamantaire, lapidaire, joaillier, metteur-en-
oeuvre ).
Il y a lieu de croire que l’art de l’orfèvrerie remonte
à des temps très-reculés, puifque les hif-
toriens les plusjanciens font mention des ouvrages
d’or & d’argent qui fervoient à la décoration des
temples, & quelquefois même à la création des
divinités chez les Egyptiens , puifqu’ils adoroient
un veau d’or. On peut juger aifément des progrès
de cet art, par la comparaifon des ouvrages]
d’étdife qui fe trouvent encore dans les plus ancien-
nesamétropoles & maifons réligieufes, d’avec ceux
qui fe font aujourd’hui. - .
Le luxe & la fplendeur des fouverams le lont
augmentés à raifon de la quantité des matières
d’or & d’argent qui fe font répandues dans toutes
les parties du monde par la voie du commerce.
Les orfèvres qui en faifoient l’emploi, ont été né-
ceffairement des premiers acquéreurs de cette denrée.
On peut donc donner juftement à l’orfévre
les qualités d’artifte , marchand & négociant tout
enfemble.
Et quelle autre, en effet, que celle de négociant
pourroit-t-on donner aujourd’hui à des orfèvres
qui ne font que le commercé des matières,
d’or & d’argent directement, & à l’inftar des plus
grandes maifons de banque ?
Parfucceffion de temps, le nombre des orfèvres
s’eft multiplié par-tout. Mais en France feulement
il s’eft formé des fujets qui, par la fupérjorité de
leurs talens, ont honoré cet art & l’ont rendu très-
recommandable.
L’art de l’orfèvrerie, quoique mécanique dans
fon principe , fe trouvant lié aux arts libéraux , il
y a lieu de croire que rétabliffement de l’académie
royale de peinture & fculpture a beaucoup
contribué aux progrès des talens , & par fuite
à l’agrandiffement de cette branche de commerce,
de même qu’à la formation des artiftes fupérieurs
dans cette partie, qui ont fait paffer leur nom à
la poftérité.
Tel a été, dans le dernier fiècle, Claude Ba-
lin, orfèvre du roi fous Louis XIV. Il exécuta
pour ce prince les fuperbes meubles en argent
qui furent fondus à la paix de Rifvick. Il eut pour
fucceffeur Pierre Germain , qui fut également orfèvre
du roi ; mais l’homme le plus remarquable
dans cette partie , fut Thomas Germain , orfèvre
du roi j & fils de celui que l’on vient de citer. Cet
artifte fut le créateur de la belle orfèvrerie, & fes
ouvrages ferviront éternellement de modèles à tous
fes fucceffeurs. C ’eft donc une juftice de rendre
à cet homme illuftre, à cet artifte ineftimable le
tribut de louanges qui4 lui eft dû. Il eft inconcevable
que le portrait ou le bufte d’un fi grand
homme , en qualité d’artifte & d’ancien garde-ôr-
févre, ne fe trouve point placé dans la maifon commune
& bureau des orfèvres.
Les pièces majeures de cette partie de l'orfèvrerie
, qui peuvent procurer aux artiftes les oc-
cafions de fe diftinguer & de fe faire connoître,
font lés terrines, les pots a oëille , les fur-touts, les
flambeaux , les girandoles , & particulièrement
les ouvrages d’êglife.
Pour exceller dans l’art de l'orfèvrerie, il faut
favoir deffiner & modeler fupérieurement. Ces
deux fciences mènent naturellement à celle de la
cifelure , fans laquelle un orfèvre ne peut jamais
rien faire par lui-même de fupérieur. Cette fçience
de la cifelure eft la compagne prefque inféparable
de celle de la gravure. ( Voyez dans ce di&ion-
naire l’art du cifeleur-damafquineur ).
Ces deux talens fe font trouvés tellement réunis
de nos jours dans la perfonne de feu M.
Marteau, que Louis XV le nomma fon graveur
de médailles , après avoir exercé long-temps l’or-
févrerie , & occupé les dignités ordinaires dans
ce corps en qualité de garde. _
Un orfèvre doit connoître encore les principes
de la perfpeâive & de l’architeâure , afin de donner
à fes ouvrages de juftes proportions dans le
choix des formes qu’il compofe, Sô ne pas les charger
d’ornemens fuperflus j mais , au contraire,
les décorer d’une manière agréable, & qui cadre
convenablement avec les formes qu’il a imaginées.
Ces connoiffances , ces lumières , & des talens
particuliers, ont fait diftinguer le fils de Thomas
Germain que l’on a cité ci-devant.
Une autre fcience encore bien importante dans
cet art,, eft eelle de la retrainte, qui confifte à
favoir élever une pièce emboutie a telle hauteur
qu’on veut. C ’eft par le moyen de cette opération
mécanique , qui marche la première, que l’ar-
tifte fe procure l’emploi des autres, qui deviennent
fecondaires après la compofition.
Le réda&eur de cet article croit devoir , avec
confiance, avancer que cette capitale a 1 avantage
de procurer à la nation un homme illuftre dans
cette partie ; & c’eft une juftice & un devoir de
citer un artifte qtie la fupériorité feule de fes talens
a fait juftement nommer l’orfévre du roi. Il
réunit à une compofition favante & facile, des proportions
raifonnées dans tous fes ouvrages , une
exécution mâle & brillante, & les cara&ères de la
vérité dans les figures qui fervent d’ornemens aux
pièces qu’il compofe, M. Augufle enfin, a crée des
ouvrages d’orfèvrerie , qui fervent aujourd’hui
chez le roi, chez les princes & dans les cours étrangères
, & qui font en même ternes fa gloire & celle
de fa patrie.
Outils de l’orfèvrerie.
Les outils principaux pour l’exécution des pièces
de l’orfèvrerie, peuvent fe divifer en deux
claffes. '
Les enclumes , les marteaux à forger, le laminoir,
la forge , les fourneaux à fondre, le creufet,
& les lingotières pour recevoir l’argent que l’on
jette de fon état de fufion en forme de barre.
Toutes ces pièces font les premiers inftrumens
néceffaires aux opérations mécaniques de l’art de
l’orfèvrerie.
Les autres outils font les limes, grandes & petites
, les marteaux moyens , petits, & beaucoup
d’autres qui doivent être de différentes formes
pour la retrainte *, le burin, le trufquîn , les ri-
floirs , qui fervent ordinairement à réparer les fou-
! dures, & à préparer le poli dans les moulures df*