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La mouture clés blés' étuvès demande une attention
particulière. Autant qu’il eft poflible , il
faut avoir des meules très-douces, à caufe de la
féchereffe du grain ; il faut faire des rayons fort
larges, afin que le blé ne foit point haché en le
moulant. Si les meules ne font pas aufli "douces
qu’on pouroit le défirer , il faut y faire des
rayons de vingt à vingt-quatre lignes de largeur
fur la feuillure , & de trois pouces de diftance,
au moins,
Il faut une r'habillure très-douce , & avoir foin
de bien garnir les trous des meules avec le maltic
de farine, de feigle & de chaux v iv e , afin que
l’on puiffe faire un gros fon.
Il faut aufli tenir les meules ouvertes de manière
qu’elles ne puiffent moudre que huit à dix
pouces, afin que le blé fe concaffe moins &
faffe le fon plus gros.
Il faut en outre avoir foin de fe fervir de bluteaux
très-fins, parce qu’en général les blés fecs
l’exigent. [ V- \ • 1 : ' .
Ces bluteaux fins donneront une bonne quantité
de gruaux, & des farines très-fines .& de
bonne qualité; en remoulant les gruaux jufqu’à
quatre fois, on eft fûr de tirer tout le produit
poflible,- & de l’avoir de bonne qualité.
Ces procédés ne font confeillés, ainfi que tous
les autres, que d’après les épreuves qui en ont
été faites avec foin.
Mouture économique des blés méridionaux.
Les blés d’Italie, d’Afrique ou de Barbarie, &
même des provinces méridionales de la France,
exigent d’autres^>rocédés en raifon de leur grande
féchereffe & dureté.
Il y a quarante ans, on ne favoit point affleurer
ces blés par la meule , & pour les moudre on
étoit obligé d’en attendrir l’écorce en les humectant.
C ’ètoit une mauvaife opération ; car la farine
des blés qui ont pris de l’eau avant la moud
r e , en prend moins au pétrin ; d’ailleurs cette
eau fait fermenter les grains, & leur fait perdre leur
goût.
Voici comment il faut moudre ces blés.
Difpofez les meules'comme pour la mouture
des blés étvués ; ne les r’habillez que de deux
rayons l’un ; le rayon rhabillé concaffe le grain,
l’autre fait la fleur, & la feuillure nettoie Je fon ;
la farine en fera longue & point grauleufe, comme
dans la mouture ordinaire.
Les blés de Barbarie étant encore plus durs
que ceux d’Italie, il faut un r’habillage plus doux ,
il fera de deux rayons l’un, ainfi qu’il eff dit ci-
deffus, mais à la meule courante feulement.
Laiffez le coeur des meules .& l’entre-pied bien
ouverts ; les meules ne moulant qu’environ un
pied, il faut les bien garnir de pâte de feigle
& de chaux v iv e , fi l’on veut avoir une farine
longue.
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Les blés du midi font ordinairement la farine
jaune, mais elle le fera moins par les procédés
que je confeiile ; elle fera bien dilatée, fans l’etre
trop, elle fera plus de pain, il fera meilleur &
plus blanc, le gruau fera fec & le fon doux. Les
moulins d’une rotation un peu forte affleurent
mieux le blé de cette efpèce, dilatent mieux leur
farine, & en nettoient mieux le fon que les moulins
foiblés.
Mouture économique des feigles, orges, mèteils,, &c.
Tout ce qu’on a dit jufqu’ici fur la mouture
économique, ne.concerne que les fromens ; à l’égard
des menus grains, les procédés & les refultats
en font un peu différens................
Comme il y a plus d’un cinquième du royaume
qui ne vit que de feigle, il eft effentiel de faire
connoître la mouture de ce grain , qui par fa;
forme mince & alongée perd bien plus que le froment
par la mouture ordinaire.
Pour la bonne mouture des feigles, il faut:
i° . Tenir les rayons des meules plus près les
uns des autres & plus petits que pour moudre le
froment; le moulage affleurera mieux, fera plus
doux, produira plus de farine & un petit fon
mieux évidé.
2°. On commence par moudre fans dodinage.
3°. Après le premier broiement, on en fait un
fécond de la totalité des Tons & des gruaux , &
l’on ne fait aller le dodinage ou la bluterie que
cette fécondé fois, pour en tirer tous les gruaux
& recoupes.
4°; On remoud ces gruaux & recoupes féparé-
ment deux fois, afin de les tirer à fée. La- raifon
effentielle des différens procédés de cette mouture
des feigles, c eft que leur écorce ou fon,
tient mieux à la farine que celle du froment. Un
premier broiement fuffit pour détacher le fon du
froment, au lieu que celui du feigle refte toujours
chargé de farine ; c’eft pourquoi il faut le
faire repaffer fous-la -meule, avec les recoupes
& gruaux.
Dans les provinces où l’on fait ufage de la
mouture ruftique, elle caufe une très - grande
perte dans la mouture des feigles , ainfi qu’on le
voit par le troifième tableau de comparaifon ci-
devant ; la farine en eft compofée, -pour là majeure
partie , de gruaux entiers & de recoupes
-qui ne prennent pas l’eau au pétrin , ne lèvent
point, empêchent le bouffement de la pâte' & la
bonne fabrication du pam, qui par fa mauvàife
qualité, eft préjudiciable à'la fanté des citoyens
les plus utiles. Enfin, en employant les gros &
petits gruaux en nature, il y a un douzième ou
quinzième de perte fur la quantité dans la fabrication
du pain. Ainfi ceux qui font üfâge de la mouture
ruftique, devroient aü moins remoudre toute
la quantité de fons & gruaux une ou deux fois-, &
bien alonger la farine.
Quant
M E U
Quant à la mouture à la groffe, comme on
ne fepare pas les fons au moulin , on ne peut
pas les faire remoudre, & la perte qu’elle fait
fur les feigles eft inévitable & beaucoup plus con-
fidérable. jj • • j
Puifque la mouture des feigles doit etre diffe- ■
rente de celle des fromens, que le r’habillage &
le rayonnement des meules doivent varier en raifon
des différentes formes & qualités des grains ;
il eft évident que les mélanges de feigles & de
froment, connus fous le nom de méteïl, méléard,
mécle, conceau, coffeguel, &c. font toujours d’une
mouture défavantageufe.
Le défavantage eft fenfible, fi l’on réfléchit d’une
part qu’à chaque broiement des parties de froment
, foit entiers, foit en gruaux, l’adreffe du
meunier confifte dans l’art d’enlever légèrement la
pellicule extérieure; d’autre part, que dans le
feigle, le fon étant plus adhérent à la farine qui
eft graffe, il faut un broiement plus fort & plus
ferré pour l’en détacher.
Il eft donc intéreffant de faire moudre les
feigles & les fromens chacun féparément; fans
cela, les différences en forme & qualité de ces
deux efpèces de grains, font que l’un eft broyé &
haché fous la meule , tandis que l’autre eft à
peine concaffé ; ce qui produit une perte confi-
dérable dans les moulins ordinaires & même dans
la mouture économique , quoique moins grande
dans celle-ci, parce qu’elle tamife & remoud les
gruaux à plufieurs reprifes. La mouture économique
des orges demande auffi des attentions particulières;
il faut bien fe garder de remoudre la
totalité des fons, comme dans celle des feigles,
parce que la paille de l’orge pafferoit dans le
bluteau & feroit préjudiciable à la confervaîion
des farines & .à la bonté du pain , excepté lorf-
que les orges font très-humides. Il faut nécef-
fairement mettre un dodinage ou un bluteau,
pour en tirer la paille.; enfuite on fait remoudre
deux fois l.es gruaux bis & blancs , en ayant foin
de les bien affleurer. Puis on remoud les recoupes
Une feule fois & fort légèrement, en n’approchant
lés meules que très-peu, afin qu’en repaffant toute
la maffe au dodinage ou à la bluterie, on puiffe
encore en tirer les petits gruaux qui pourroient
s’y trouver.
Pour la mouture des blocailles, farrafin ou blé
noir & des avoines , il faut fuivre les mêmes
procédés que pour celle des orges.
ObjeElions contre la mouture ^économique, o*
Réponfes. ■
On a critiqué la mouture. économique, & on
lui a reproché de faire une farine chaude qui fe
blute mal , d’occafionner beaucoup d’évaporation
& de déchet, & que fon attirail de bluterie gê^
»oit le moulin.
Réponfes. Le premier- reproche ne convient
Arts 6» Métiers. Tome V. Partie I .
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point à la mouture économique, qui va toujours
en allégeant, mais bien à la mouture brute ordinaire
, qui broie fouvent mal le grain, qui moud
en approchant, qui brûle là farine, & fépare mal
le fon.
Le fecoitd reproche eft aufli mal fondé, & convient
particulièrement à la mouture à la groffe,
parce qu’outre la perte des recoupes.& gruaux,
il y a bien plus de déchet dans les biuteries qui
fe font hors du moulin, comme il fe pratique pour
cette mouture.
Le troifième reproche eft aufli mal fondé,
puifque tout ce prétendu attirail de bluterie eft
renfermé dans une feule huche de fept -à huit
pieds de longueur.
Pour nous, nous reprochons avec la plus exaôe
vérité à toutes les moutures ordinaires, de eon-
fommer en pure perte un quart, un fixième, un'
huitième, un dixième de grains de plus qu’elles
ne le devroient , ce que j’ai prouvé par mes
tableaux de comparaifon, & cela fuffit pour prouver
l’utilité de la mouture économique, & de la
connoiffance de fes différens procédés, félon les
différentes qualités des grains.
Réformes à faire aux Moulins ordinaires, à ceux
à cuvette, 6* aux'Moulins pendans.
Pour exécuter à peu de frais la mouture économique
dans les moulins ordinaires, il eft nécef-
faire d’y faire quelques changémens.
. Si l’on peut élever un étage au-deffus des
meules, on y placera au moins un crible normand,
un crible de fer-blanc piqué & un tarare,
& l’on fera mouvoir les deux derniers par le
même moteur des meules.
S’il eft impoflible de pratiquer cet étage fupé-
rieur au-deffus de la trémie des meules, il faudra
apporter les grains au moulin bien nettoyés; fans
cela on né peut faire de bonne farine.
Pour la mouture du blé, il faut que les meules
foient piquées, non à coups perdus, mais en éven*-
tail ou rayons compaffés du centre à la circonférence.
Il faut ajouter fous les meules une huche di-
vifée fur fa largeur en deux parties. Dans la
partie fupérieure de la huche, on placera un
bluteau d’une feule étamine, pour tirer toute la
farine de blé. Dans la partie inférieure de la
huche il faut mettre une bluterie cylindrique,
garnie de trois différentes étoffes , la première
de foie, la fécondé de quintin, & la troifième
de canevas, ou un dodinage.
Ces bluteaux feront également mis en mouvement.
par le même-moteur des meules.
Tel eft le méeanifme à ajouter aux moulins
ordinaires à eau & de pied ferme , pour y pratiquer
la mouture économique, après en avoir
réformé les défauts dont je vais parler.
C ’eft effentiellement dans les proportions &