
*
les dimenfions preferites par le tarif de 1741. J’eus
la facilité de m’en convaincre en examinant les r
formes j & d’ailleurs , étant parvenu-par la fuite [
à raffurer les fabricans fur l’objet de leurs frayeurs,
&. à gagner leur confiance, ils m’ont procuré d’eilx-
mêmes toutes les preuves que je pouvois défirer
de cette contravention prefquè générale. Je pus
voir à mon aife que les fortes de papiers les plus
en ufage n’étoient pas conformes au tarif , & que
les débitans & les confommateurs fpécifioient exactement
les dimenfions prohibées ou non-prévues .
par l’arrêt, dans les demandes qu’ils faifoient aux
fabricans de telle ou telle forte de papier.
Pour me mettre en état de reconnoitre toutes les
fortes qui s’écartoient ainfi du p< ids & des dimenfions
fixés par le tarif , ils me firent une colle&ion
d’échantillons , & y joignirent un parallèle de leurs
poids & dimenfions avec celles preferites par le
tarif.
Enfin ces fabricans me repréfentèrent avec force
la gêne & les entraves où ils fe trouvoient depuis
long-temps , & ils m’avouèrent que, dans l’alternative
d'être punis ou de ne pas fuivre le goût des
confommateurs , ils avoient préféré d’être plutôt
en contradiftion avec la loi , qu’avec leurs intérêts
& cepx de leur fabrique.
Un des grands motdfs qui les avoient déterminés
à s’écarter dë ce règlement, quant aux dimenfions ,
aux poids , & même aux marques, c’eft que la plus
grande partie du papier qu’ils fabriquoient paffoit
à l’étranger , comme il y paffe encore. Les demandes
de leurs correfpondans qui les avoient en-
hardis -, & qui leur avoient fait naitre l’rdée de
plufieurs innovations heureufes , les avoient aufli
engagés à hafarder pourlaconfommation intérieure
des fortes prohibées qui fe débitoient avec faveur
fous le nom de papiers étrangers. Ils y furent
d’ailleurs en quelque forte forcés par la circonftance
où ils fe trouvoient de concourir avec les Hollandais
dans la Flandre françoife & autrichienne ,
dans l’Artois & le Ha naur. Les Hollandois , toujours
libres de varier leurs formats , & fur-tout
les poids qu’ils avoient fidèlement proportionnés
aux befoins , auroientfans cela écarté nos fabricans
d’un commerce qu’ils faifoient feuls autrefois.
Tel eft le précis des repréfentations que je communiquai
dans le temps à M. Potier , & la mort
l’empêcha d’y avoir égard. On voit aifément ,
dans les faits qui précèdent, qu’un d; s grands torts
du tarif , eft d'avoir prétendu rendre fixes des
formes qui doivent naturellement être* aflùjetties
aux caprices de la mode & des befoins qu’elle fait
naitre. Par conléquetn il eft vifible qu’on ne peut
faire un crime à Tinduftrie , toujours attentive à
confulter le goût du public dont elle dépend , de
ce qu’elle a laiffé loin derrière elle une loi gênante
, en anticipant, pour ainfi dire , l’heureux
moment de fa fupprefiion.
On trouvera peut-être que je vais trop loin en
hafardant ce mot de fuppreffion, par rapport à
une loi fi précife & fi folennelle. Je crois q u ’il
eft à p r o p o s de revenir fur mes pas , & de discuter
tous les plans d’adminiftration diff.-rens q u e le
gouvernement peut adopter à ce fujet;je ne v o i s q u e
trois partis à prendre, le premier feroit c e lu i de
la tolérance , le fécond celui d’une réforme, 8c le
trôifième celui de la f u p p r e f f i o n d’une gêne à laquelle
fuceéderoit l’ancienne liberté'.
i°. Puifque l’iriduftrie a pris lès devants? f on
croira peut-être avoir rempli toute juftice , en lui
permettant de fuivre tranquillement, ou plutôt
furtivement fa marche , & en tolérant la tranfgref-
fion du tarif qu’on laifferoit fubfifter à côté d’elle;
mais n’y auroit-il pas lieu de craindre que le fantôme
de la loi ne fût, entre les mains d’un infpec-
reur, un épouvantail qui alarmeroit les fabricans,
& que la timidité de ceux-ci ne fût pas raflùrée
contre les faiftes par une fi triple tolérance ? D’ailleurs
cetteloi peut, tant qu’elle fubfiftera, reprendre
une nouvelle faveur. Enfin , tous les effais que
1 induftrie ,• laiffée à elle-même, feroit en état d’entreprendre
pour perfectionner les procédés de la
papeterie * ne peuvent être encouragés par la tolérance.
Je fais, de plus , que certains fabricans s’au-
torifent du tarif, pour ne pas fournir aux confom-
mateurs des papiers d’un poids au-deffus de celui
qu’il 1 referit , quoiqu’ils foient convaincus que
par cette augmentation légère ces papiers acqué-
reroient une qualité très-dêfirable. 11 eft doncin-
difpénfable que le gouvernement ôte tout prétexte
à la pareffe de ceux-ci, 8t préfente en même
temps à tous un motif puiffant & public d’émulation
; je ne vois pas que la tolérance puiffe opérer
ce double avantage.
2°. La connoiiiance de l’abus & des inconvé-
niens du tarif aâuel, pourroit faire préfumer qu’il
n’a pas été rédigé avec toutes les précautions qu’on
auroit dû apporter dans une opération aufli délicate.
D après cette confidératipn , l’idée de réforme
s’offriroit naturellement à l’efprit , & l’on
feroit peut-être tenté de faire mieux en rédigeant
un nouveau tarif fur le plan que leSHabricans &
les confommateurs traceroient eux-mêmes à l’ad-
miniftration , & où elle preferiroit les formats des
papiers qui font en faveur, & qui ne font pas pref-
crits dans l’ancien.
On me permettra de faire obferver que l’exécution
de ce fécond projet feroit beaucoup plus de-
favamageufe à l’induftrre que la tolérance , paifi
qu’elie refferrcroit les entraves que la tblérance ote
" réellement. D ’ailleurs, fera-t-on plus alluré de fixer
-actuellement, dans une nouvelle légiftation , la bizarrerie
de la mode & les limites des befoins ? bi
l’on nè fe flatte pas de parvenir à ce but imaginaire,
comment ne redouteroit-on pas pour Fave-
- nir , l’embarras où l’on fe trouve maintenant ? Et
fi on le prévoir, efpère-t-on qu’on fera irftruit
afiez tôt du moment précis où la nouvelle loi, devenue
vieille en peu de temps, ceffera de diriger
l’induftrie & commencera à la gêner ?
Au refte', pour faire fentir les inconvéniens de
„lan d'opérations, il fuffit de parcourir les défauts
du tarif aftuel, & de montrer qu on n eft pas
en état de faire mieux. „ . . '
Le tarif aftitel fut rédigé en 174». d»Pres
„„tiques ordinaires1 ufitées dans le plus grand
nombre des papeteries du royaume ; il lemble
nu’après avoir recueilli cet ufage, le légiflateur ait
dit l’art eft parfait; il n’y a plus de recherches a
faire :-de nouveaux effais écarteroient du point de
* nerfeéfion qu’on a atteint; en un mot , tous les
formats les plus agréables & les plus commodes
font trouvés. Fixons les opérations de l’indultrie ;
plaçons-la dans des limites fi étroites, qu’elles l’empêchent
de déchoir, en même temps qu’elles s op-
■ fiques fe réduiroient aux difpofiùons du réglement,
I ne pourra jamais fe perfuader que ces papiers
aient été fabriqués fur la même forme, & criera
à la contravention ; cependant, s’il y a quelque
moyen de prévenir les inconvéniens de ces difformités
poferont à tout effor de fa part. Le légiflateur fe-
roit-il en état de tenir ce langage fur 1 état actuel
de notre papeterie ? au contraire , n’avons-nous
pas une infinité de procèdes à trouver, d autres à
perfectionner, pour être au niveau , & des Hol-
landois & des Anglois ? Que feroit-ce donc fi nous
voulions les furpaffer ?
Les belles idées d’un ordre imaginaire qui
avoient féduit le légiflateur en 1741 , le déterminèrent
à compter par lignes les longueurs &
les largeurs de toutes les fortes de papier , fans
s’être affûté fi l’ouvrier pourroit atteindre aux pré-
cifions qu’il preferivoit. Il eft vrai qu’il admet de
petits mécomptes, eh tolérant comme remede
de variation fur les dimenfions preferites ; mais ce
quarantième peut-il fuffire à toutes les fortes grandes
& petites , & à toutes les qualités de pâtes de
la même forte? Pour ramener tous les cas à des
précifions telles que le tarif les exige, il auroit
fallu fe livrer à un grand nombre d expériences
très-délicates ; alors ces-expériences mêmes , faites
avec le plus grand foin , auroient donné des reful-
tats fi difFérens entre-eux , que l’on auroit été force
d’abandonner le projet d’une loi fi févère. \
Je pourrois citer ici un grand nombre d ob-
fervations , qui prouveroient inconteflablemeht
combien on doit être cirçonfpeft , pour tirer à cet
égard des conclufions générales.; Je fais, par exemple
, que le papier colombier, fabrique en été & fléché
dans certains temps où l’évaporation eft côii-
fidérable, perd un pouce fur fes dimenfions. J ai
reconnu aufli que cette même forte , fabriquée en
hiver, & reftant très-long-tempsàl’étendoiravant
que d’être entièrement fèche, s’y etend de cinq à
fix ligne-. ; o r , le de 39 pouces 9 lignes, longueur
fixée pour" le colombier dans le tarif, eft environ
9 lignes & demie : ainfi tout papier colombier
fait i’été , qui eft le temps propre à ces gran- .
des fortes, eft contre Farrêt, puifqu’il eft plus
petit de 12 lignes que les fo.mes fur lefquellesil
à été ouvré. ï
On peut aufli conclure de ces faits , que d’une
faifon à l’autre on fabriquera fur les mêmes formes
du colombier qui différera de dix-fept lignes. Un
infpe&eur , dont toutes les connoiffances phy- !
, il eft à fouhaitèr que les fabricans
aient la liberté de faire des recherches propres à
J les découvrir en variant les formes, &c. O r , le
nouveau tarif pourroit-il ou indiquer ces moyens ,
ou les fuppofer connus ? On feroit réduit fur ces
faits à la même incertitude où l’on étoit en 1741.
•Je pourrois citer, d’ailleurs, un grand nombre
d’autres faits aufli étonnans , qui prouvent que
le papier fait de différentes pâtes ne conferve pas
des dimenfions fixes , que la loi ne pourroit maî-
trifer. Plus ou moins de pourriffage dans le chiffon,
des pâtes plus ou moins fines , une trituration
plus ou moins foig’née , font la fource d anomalies
qui vont à l’infini. Il paroît cependant convenable
de prévoir toutes ces circonftances avant que de
fe décider à rédiger un nouveau tarif. |
On pourroit ajouter aux raifons qui s’oppofent
à ce qu’on fixe dans un tarif le poids des rames
des différentes fortes de papiers| plufieurs autres
motifs tirés des différentes qualités des pâtes ,
Lavant qu’elles font plus ou moins pourries ou
plus ou moins grattes. • ^ ' J . a:
Une pâte beaucoup pourrie tient tres-peu 1 eau
& gonfle moins à l’eau qu’une pâte qui a éprouvé
un moindre pourriffage ; en confèquence la même
forme, le même cadre employés avec ces deux
fortes de pâtes, produiront une différence notable
dans la quantité de matière de chaque feuille ,
& dans le poids des rames. 11 y a des chiffons
qui donnent des pâtes creufes, & qui pourriffent
difficilement ; cela tient à la nature première des
chanvres,- & aux leffives qu’on donne au linge
pendant l’ufage qu’on en fait. Les papiers qui en
rêfultent font fort légers , mais ont beaucoup de
' main, & une épaifleur fuffifante, avec un poids
au-deffous de celui du tarif, ou du moins près
de la limite.
J’ai vu une grande partie de carre moyen Lt-
monGii, qui ne pefoit que i J livres affez conf-
tammettt ; cependant il a été employé avec fuccès
à ' î’impreflion dont j’ai' fuivi les details, & if
donna des réfultats beaucoup plus fatisfaifans_ que
des carrés de Rouen très-pourris, & qui petoient
lèize livres & au-deffus. Comment fe charger de
régler enfuite le poids des rames de papier ,
pendant que leur thfférence tient à des circonftances.
qui ne dépendent pas des fabricans ? .cax
une loi fuppofe que tout le monde puifle 1 exécuter
avec une attention ordinaire.
Autre défaut du tarif. On y fixe les poids de
la.rame de chaque forte, & l'on exige la ifiême
quantité pour le fin , le moyen & le bulle de
chaque forte; cependant il eft aifè de fentir que
la quantité de pâte fine ou groflière doit fuivre
des proportions .différentes dans la même forte ;