
En général, elles font médiocres lorfqu’elles
font rougeâtres, noirâtres & à grands trous, &
elles font bonnes lorfqu’elles font à petits trous
& bien perfillées ; ôn en trouve de femblables à
Clerac, Nerac & Bergerac. Il y a auffi dans ces
provinces une autre efpèce de pierrre dont on
fait des meules plus tranchantes , & qui fervent
à moudre- enfemble le feigle, le maïs ou blé de
Turquie, les pois & les fèves, dont les pauvres
font leur pain dans ces provinces, Ces meules
font fi tranchantes, quelles ne donnent que quinze
à vingt livres de fon par quintal de grain.
Les meules de la Ferté fous Joùare, en Brie ,
font les meilleures pour la mouture des blés
feptentrionaux , elles développent mieux le fon au
broiement; il y a encore d’affez bonnes carrières
de pierres à faire des meules à Montmirail &
fur les frontières de la Champagne , mais elles
ne font pas li bonnes que celles de la Ferté fous
Jouare.
Il y a une autre carrière meulière à Oulbec
en Normandie ; la pierre en eft trop tendre,
elle fait la farine molle & lourde ; cependant,
étant bien choifies , ces meules feroient un bon
moulage pour les blés étuvés & très-fecs. J’ai
vu employer les meilleures meules d’Oulbec en
gîte avec une meule courante de la Ferté fous
Jouare ; elles faifoient un très-bon moulage.
La meule gifante doit être d’un grain blanc-
bleu foncé, plein & doux ; elle doit être moins
ardente ou moins tranchante que la meule courante
, pour en foutenir l'effort.
Une meule ardente eft une meule coupante par
fes inégalités naturelles, & par celles qu’on y a
faites en la piquant. Les meules font plus ardentes
à proportion que la pierre dont elles font compo-
fées eft plus dure , & qu’il faut les rebattre ,
repiquer ou rhabiller moins fouvent. C ’eft la quantité
& la petiteffe des trous qui rendent une meule
bien ardente. Ces petits trous , en terme de meunerie
, fe nomment éveillures ; ainfi une meule
bien éveillée eft une meule bien ardente. Une meule
à petits trous, s’éclate moins & prend mieux fon
marteau.
Pour les meules ardentes, il faut préférer les
pierres meulières blondes, oeil de perdrix, un peu
tranfparentes, femées de petites parties bleues &
blanches & de petits trous, parce qu’elles font plus
ferrées & plus approchantes de la nature du
caillou.
Comme les meules d’un grain égal font très-
rares, & que la plupart fe. trouvent mêlées de
yeines dures & tendres, de grands & petits trous,
on eft obligé de travailler ces meules, qui après
ce travail ne font pas toujours fans défauts. Les
fabricans dè meules en compofent de plufieurs morceaux
femblables , qu’ils choififfent, appareillent
lient & maftiquent enfemble avec du plâtre. Ces
meules font excellentes lorfqu’elles ont été compo-
fées avec foin ; mais le plâtre employé pour les maftiquer,
retenant beaucoup d’eau, ces meules font
plus long-temps à fécher, & j’en parlerai encore à
l’article du féchement des meules.
Lorfque les deux meules font également ardentes,
cela défavantage le moulin ; il tourne en approchant
, au lieu de tourner en allégeant, ce qui
rougit la farine & les gruaux par les particules de
fon qui s’y mêlent : on confomme le grain en
recoupes.
Les deux meules doivent être abfolument de
même diamètre ; autrement la plus large feroit ufée
par le frottement de la plus étroite , ce qui lui feroit
prendre des lèvres, faillies ou rebords, qui em-
pêcheroient la farine de s’échapper d’entr'elles à
fur & mefure du broiement, l'échaufferoient &
la rendroient fableufe.
Des meules de fix pieds deux ou trois .pouces
de diamètre,fur douze à quinze pouces d’épaiffeur,
pour la meule courante, & de quinze à dix-huit
pouces pour la meule gifante, font d’une bonne
proportion pour un moulin qui doit moudre quinze
à vingt fetiers par jour ; mais au deflbus de quinze
fetiers , elles doivent être plus petites & moins
lourdes, ainfi que toutes les autres pièces du moulin
, dont la force doit être proportionnée à celle
de la chute & du courant d’eau.
Lorfque l’on a fait choix de bonnes meules, il
faut les préparer , les faire fécher, les piquer, les
monter , toutes opérations dont je traiterai lorfque
j’aurai fait la t^efcription des autres pièces du
moulin.
Les archures. Lorfque les meules font bien montées
, on pofe les archures autour d’elles. Les archuf
res font une efpèce de coffre ou de caiffe ronde qui
environne les meules.
Les couverçaux. Les planches avec lefquelles on
couvre & ferme cette caiffe, fe nomment les
couverçaux elles doivent être bien jointes &
bien clofes , pour empêcher l’évaporation de la
farine.
Les trèmïons, potte-trèmipns & frayon. Au deffus
des archures , on place les trèmïons ou chevrons qui
foutiennent la trémie 8c \és porte-trémions ou fup-
ports des trémions, au milieu défquels eft \o frayon,
qui doit être dans le milieu de l’oeillard. Le frayon
eft une efpèce de pignon incrufté dans le bas au
corps de l’anille, & qui frotte contre Vauget pour
faire tomber le blé.
Vauget eft une boîte longue , inclinée, & placée
fous la pointe de la trémie , pour recevoir le blé
& le conduire dans l’oeillard ; il doit être bien
fufpendu , fans toucher au cul de la trémie, pour
qu'il puiffe bien fe régler à prendre également le
blé ou le gruau quand on le remoud.
La trémie eft un entonnoir quarré de bois,
dans lequel on verfe le grain ou le gruau II
doit être placé bien direâement fur i’auget. Faute
de cette précaution on rifque de faire aller le
moulin à deux airs , c’eft-à- dire, plus ou moins
fo r t, ce qui fait battre le frayon plus ou moins
fort contre l’auget. Cela arrive quand le moulin
prend plus ou moins de blé alternativement.
Lorfque le garde-moulin entend que le moulin
va à deux airs, il élève ou baiffe l’auget par le
moyen de deux ficelles, dont l’une fe nomme le
bail-blé, pour donner plus de blé fi le moulin
va trop vite, ou pour en diminuer la chute , fi le
moulin va lentement , afin d’alléger les meules ;
mais , dans tous les cas , il aura grand foin que
l’auget ne donne pas fon bled alternativement &
par fecouffe.
Le moulin va auffi à deux airs quand la meule
courante a des lourds ou des queux par lefquelles
elle déborde, ou bien quand la roue qui prend
l’eau eft inégale & qu’elle paffe plus vite dans
un temps que dans un autre, ou que le tourillon
n’eft pas dans le plein milieu de l’arbre tournant,
ou qu’il eft trop lâche, ce qui donne des fecouffes,
& fait aller le moulin à deux airs , à quoi on
remédie par les moyens que je dirai à l’article de
la monture des meules.
Il faut enfuite placer l’anche convenablement.
Vanche eft un conduit de bois ou de fer-blanc
en forme de languette , qui fert à conduire le blé
moulu dans le bluteau. Il faut que l’anche foit
bien en pente , pour que la farine tombe facilement
dans le bluteau, & qu’elle ne remonte point dans
les meules, ce qui les engraifferoit & échaufferoit
le moulin.
Une meule s’engraiffe ou prend crappe quand
la farine, fuffifamment affinée , paffe plufieurs fois
fur la meule gifante & s’y arrête , ce qui fait
que la farine qui vient après gliffe deffus fans recevoir
fa façon. Lorfque les meules font engraiffées ,
elles donnent la plus mauvaife mouture , le grain
n’eft qu’aplati, le fon n’eft point écuré, la farine
eft graffe & fe corrompt facilement, elle fait peu
de pain , & il eft mauvais.
La huche. A côté & plus bas que les meules eft
une huche de fept à huit pieds de longueur & de
trois à quatre pieds de large , dans laquelle eft un
bluteau à trois grands lés ou à- quatre petits lés d’étamine,
façonnés en forme defac,dont l’ouverture
eft coufue par un bout fur le cerceau qui joint au
trou de la huche, par où fort le fon, qui tombe dans
1 anche, laquelle conduit dans le dodinage ou dans
la bluterie cylindrique placée dans la partie inférieure
de la même huche.
Dans le haut de cette huche, on place un pa-
lonnier fupporté par des accouples de fe r , de cuivre
, ou même de corde , qui tiennent à la huche 8c
au palonnier.
Le palonnier eft un morceau de bois blanc bien
fec & bien léger, d’environ quatre pouces de largeur
; il fert à foutenir la corde du bluteau, qu’il
doit déborder aux deux bouts, tant à caufe dès
accouples qui le foutiennent par des cordons ,
qu a caufe des paffemens qui font le tour du
palonnier. »
Les paffemens font la partie du cordeau qui fou-
tient le bluteau , renforcé d’une longe de cuir de
Hongrie- qui doit aller le long du bluteau 8c foutenir
les attaches de cuir qui tiennent à la baguette.
La dernière attache du bluteau doit être
au bout de la baguette , & l’autre à environ quinze
pouces de diftance ; il eft à propos que la longe
dè cuir ait déjà fervi, afin qu’ayant fait fon effet,-
elle s’alonge moins.
Il faut réduire le palonnier à un pouce d’épaiffeur
entre les deux paffemens ; il fera plus léger, & le
bluteau tamifera mieux ; il fuffit qu’il ait de la force
aux accouples & fous les paffemens.
Il ne faut pas mettre de paffemens de l’autre côté
des attaches, à moins que ce ne foit un moulin
très-fort ; car quand le bîuteau eft fermé d’un paf-
fement des deux côtés, il ne commence fouvent à
bluter qu’aux attaches.
Les bluteaux. Il y en a qui préfèrent les bluteaux
à quatre petits lés & deux palonniers à châffis , en
ce qu’étant bien ouverts, ils doivent mieux bluter ;
mais ces bluteaux font très-lourds pour des moulins
de moyenne force. Le poids de deux palonniers à
châffis furchârge trop , & un blutage ne fauroit être
trop lefte. Quoiqu'il n’y ait qu’un paffement , on ne
doit pas craindre que le bluteau fe déchire, s’il eft
bien monté.
La pente qu’on donne au bluteau doit être d’environ
un pouce par pied, c’eft-à-dire qu’une huche
de huit pieds doit avôir huit pouces-de pente. Si
cependant le moulin va très-fort, on peut donner
quelques pouces de pente de plus au bluteau , afin
qu’il ne fe charge pas tant, & qu’il débite à mefure
que les meules travaillent. En conféquence auffi
la grôffeur du bluteau doit être proportionnée à la
force du moulin.
Quand le moulin moud fort & v ite , le bluteau
doit être un peu plus gros , afin qu’il laiffe paffer
vîte la farine. Un moulin qui affleure bien, fouffre
un bluteau plus gros , fans que la farine'en foit pour
cela plus bife. La qualité & la finèffe des bluteaux
doit auffi varier fuivant la féchereffe des blés, fui-
vant la piqûre des meules , & fuivant qu’un bluteau
eft bien ou mal monté.
Pour les blés fecs , il faut des bluteaux plus
fins , il en faut de plus ronds quand ils font
tendres.
Dés meules piquées convenablement , bien
dreffées & bien montées , peuvent fouffrir un
bluteau plus rond, fans pour cela faire rougir la
farine.
On peut faire bluter également un bluteau de
deux échantillons plus fins l’un que l’autre, avec le
même blé & force égale de moulin ; cela dépend
de la bonne monture des bluteaux.
L'étamine ou étoffe de laine à deux étains ,
dont on fait les bluteaux , fe fabrique fur-tout àr
Rheims & en Auvergne ; elle porte un tiers ou
un quart de large. Il y en a douze échantillons
déterminés pour les bluteaux : ces échantillons