
(le la farine, que fi l’on prend la farine à la mefure ;
puifqu’il y a telle farine dont le boiffeau pèfe
plus que le boiffeau d’une autre farine , non feulement
parce que la farine eft plus ou moins fèche,
mais aufli parce qu’elle eft plus ou moins fub-
ftantielle : or la farine qui eft fèche & qui eft
plus pefante, eft la meilleure, parce qu’elle a plus
de corps, parce qu’elle fait plus de pain , & parce
qu’elle le fournit ordinairement meilleur. De même,
plus le blé eft pefant, à mefures égales, meilleur 11
eft ; plus il donne de farine, meilleure elle eft ; &
plus elle boit d’eau , plus elle donne de pain.
Plus les pays font policés, plus le commerce
s’y fait au poids, & moins il fe fait à la mefure.
A la Chine, prefque tout fe vend au poids :
on a toujours fu qu’il étoit plus fûr de commercer
au poids qu’à la mefure. Il avôit été' ordonné
autrefois aux meuniers de recevoir le grain au
poids, & de rendre aufli la farine & le fon au
poids. Par les Ordonnances du Roi concernant
les munitions des vivres, il eft enjoint aux entrepreneurs
,fourniffeurs&commiflionnaires, délivrer
leur blé fur la balance, pour y être pefés en leur
préfence.
La mefure eft fi peu certaine, que, félon l’opinion
commune, elle eft plus forte au marché,
qu’au grenier, parce qu’on n’a pas au marché,
comme au grenier , la commodité & l’efpace convenables
pour mefurer exaâement ; ce qui va au
détriment du vendeur, qui ordinairement a moins
d’ufage & d’adreffe que n’en a l’acheteur, qui eft
le plus fouvent un marchand ou un faéleur.
La température de l’air fait au poids & à la
mefure : l’humidité augmente en générai le poids
de la marchandife, & la féchereffe le diminue;
mais ce qui augmente encore plus l’incertitude
fur la quantité réelle des grains, des farines,
& des Ions, pris à la mefure, c’eft la manière
de mefurer, qui avec l’apparence d’être la même ,
eft cependant très différente , félon l’adreffe des
perfonnes qui mefurent.
Le mefurage eft la fource principale du profit
des r e n t ie r s , c’e ft-à -d ire , des revendeurs. Il
faut favoir que la quantité du grain , de la farine
& du fon, mefurés à la pelle ou avec la main,
eft plus grande que lorfqu’on fait tomber doucement
du fac dans la mefure ; c’eft ce , qui fait
qu’il entre beaucoup moins de fon dans le boiffeau
fi on le place au bout du bluteau pour recevoir
le fon à mefure qu’il en fort.
Un blé remué remplit plus la mefure qu’un
blé qui ne l’a pas été, parce que l’air, dans un
tas de blé amaffé dépuis long-temps, eft refoulé
par le poids des grains dont l’air occupe les in-
terftices.
L’humidité qui fe fait dans le monceau de
blé pendant qu’il fait fon -effet , ou quand il
s’échauffe, mouillant les parties d’air contenues
dans les intervalles des grains, en ôte le reffort;
elles réfiftent moins au poids du grain, elles
s’affaiffent* elles fe condenfent, & elles occupent
moins de place; jufqu’à ce qu’on les relève, &
qu’on les féche en remuant le bled , & en renouvelant
l’ air, qui reprend fon reffort en fé-
chant en liberté.
Dès *350, le roi Jean avoit donné une ordonnance
pour l’établiffement d’un poids public,
connu aujourd’hui fous le nom de poids-du-roi,
ou poids-le-roi : la guerre empêcha que ce fage
établiffement n’eût lieu. 11 fut encore ordonné
en 1438 & en 1439; mais les troubles qu’apporte
toujours la guerre, s’oppofèrent chaque fois au
bon ordre qu’un objet fi utile demandoit. Cela
eut befoin d’être encore renouvelé en 1546 i
en i 6'3© , 1639 & 1667. Enfin en 1760 le gouvernement
a de nouveau été obligé d’en ordonner
le rétabliffement à Paris.
On doit faire obferver ici qu’il y a cependant
un inconvénient d’acheter la farine au poids, qui
eft qu’o'n peut tromper plus aifément fur la qualité
de cette marchandife en la vendant au poids,
que lorfqu’on la livre à la mefure : la farine eft
renfermée dans des facs lorfqu’on la pèfe, & on
l’expofe à la vue quand on la mefure.
Les anciens fe fervoient de liquides pour exprimer
la continence de leurs mefures, même de
celles qui ne fervoient qu’à mefurer les chofes fondes
; le poids des fluides eft plus certain que
celui deiPxhofes dures, les parties des fluides
ayant plus d’égalités & s’arrangeant mieux dans
la mefure : cependant il y a encore de l’inégalité
dans les fluides ; c’eft pourquoi le poids eft plus
certain que la mefure, pour tout.
Il y a des inconvéniens dans tout, il faut
éviter les plus grands ; o r , ceux d’acheter la farine
à la mefure font plus grands encore que ceux
de la recevoir au poids, parce que le poids eft
toujours plus jufte que la mefure.
On fait que le boiffeau eft de 16 litrons; le
minot de froment , de trois boiffeaux ; la mine , de
deux minots ou de fix boiffeaux ; le fetier, de
quatre minots, de deux mines, de douze boiffeaux
; & le muid , de douze fetiers.
Le fetier de farine -eft comme le fetier de blé ,
de douze boiffeaux ; mais le dernier boiffeau du
fetier fe mefure comble.
Le fetier d’avoine eft de 2.4 boiffeaux, & le
minot de fix.
Le fetier de fon eft encore plus grand ; il
eft de vingt-cinq -boiffeaux.
Le fac de farine eft de 325 livres, & on paffe
cinq livres pour le déchet du fac. Un fac de
farine étoit autrefois le produit de plus de deux
fetiers de blé; aujourd’hui on fait tirer de deux
fetiers de blé plus de 370 livres de farine.
Le muid de bon blé pêfe 4800 livres , le
fetier 240 livres , la mine 120 livres, le minot
60 livres, le boifl’eau 20 livres, & le litron 20
onces, où une livre & un quarteron.O
rdinairement
Ordinairement le poids du boiffeau de blé
froment eft de 20 à 21 livres; celui de la farine
eft de 12 -à 13 livres; celui du gruau de 16 à
17 livres, & celui du gros fon de trois livres &
demie à quatre livres.
Dans le commerce fur mer, il y a une mefure
dont on ne fait point ufage dans le trafic de terre
pour les grains : on compte fur mer par tonneaux,
comme l’on compte fur terre par fetiers : fuivant
l’ordonnance de 1681, le tonneau de mer eft
eftimé pefer, dans toute la France en général,
deux mille livres; il contient quarante-deux pieds
cubes.
Le tonneau de froment eft différent dans les
différens ports de mer : le tonneau de Nantes
contient dix fetiers, & il pèle 2250 livres; au
lieu que celui de Rennes ne pefe que 2120 livres
de blé ordinairement.
Le grain, par la divifion qui s’en fait en le
moulant, occupe plus de place que lorfqu’il étoit
entier. On conçoit aifément que le volume du
grain augmente par la mouture qui le divife;
mais il eft étonnant que ce foit du tiers, même
du double : un fetier de douze boiffeaux de blé
donne, après qu’il eft moulu,dix-huit boiffeaux,
tant en farine qu’en gruau & en fon confondus
enfemble.
Et fi on les fépare par les blutoirs, le volume
en fera encore plus grand. Après avoir remoulu
le gruau & bluté la farine , on a quinze ou feize
boiffeaux de farine, & huit ou neuf boiffeaux
de fon; le tout faifant mefure prefque double de
Icelle du grain qu’on a mis au moulin.
On a encore un exemple de cette augmentation
du volume dans la mouture économique : fi l’on
remoud 25 boiffeaux de gruau gris, on aura 32
boiffeaux de fariné & 3 boiffeaux de fon fin, qui
eft le fleurage.
j Voici un moyen employé avec fuccès pour
I le tranfport des farines fur mer, ou dans des
| pays lointains.
i me* la farine dans un grand tonneau par lits
K de cinq ou fix pouces d’épaiffeur ; on les ferre &
• on les réduit en maffe par le moyen d’un grand
i pilon de bois.
ke tonneau étant ainfi rempli de divers lits
■ de farine, on le ferme avec un couvercle qui
preffe fortement la farine, & on l’enduit extérieu-
- rement de goudron. L’air ne peut plus pénétrer
dans le tonneau.
On peut mettre cette farine à la cave fans^re-
douter 1 humidité. On prétend qu’elle fe confer-
1,7 vera ainfi très long-tems.
,mL®rfqU'0n f n.veut faire ufag e , on coupe avec
un ptc cette farine qui eft en maffe ; on l’écrafe ,
dan a iV ffe “ tamis’ f n qu’elle fe délaie bien
dans 1 eau & on en fait d’excellent pain.
Arts 6* Métiers. Tome V. Partie I.
Ce procédé a été long-tems regardé comme
le meilleur. Cependant, comme la farine du blé
n’eft point par elle-même parfaitement fèche, &
qu’elle retient toujours un peu d’humidité, il
n’arrive que trop fouvent que celle qu’on embarque
, foit pour le fervice des vaiffeaux , foit pour
les colonies, s’altère confidérablemént pendant le
voyage, quelquefois même au point de n’être plus
propre à en faire du pain. M. Duhamel a paré
à cet inconvénient, en appliquant à la farine la méthode
qu’il a donnée pour la confervation du b lé ,
par le moyen de la déification dans une étuve.
Trois parties de farine provenant du même
blé ont été embarquées fur un vaiffeau qui les
a tranfportées en Amérique & rapportées enfuite
en France.
L’une n’avoit reçu d’autre préparation que
celle qu’on a coutume de lui donner pour le
tranfport par mer; elle s’eft trouvée entièrement
gâtée.
Une autre avoit été faite avec du blé féché
par la méthode de M. Duhamel; elle étoit infi-
niment moins altérée.
| Latroifiéme, qui avoit été féchée à l’étuveavant
d’être mife dans les barriques , étoit dans l’état le
plus parfait.'
• Ces différences fi effentielles prouvent que c’eft
l’humidité naturelle de la farine qui contribue principalement
à fa dégradation dans les voyages par
mer, puifque de trois parties de la même farine
embarquées dans le même vaiffeau & dans le
même lieu du vaiffeau, celle qui n avoit reçu aucune
defficcation s’eft abfolument gâtée ; celle
qui avoir été tirée du blé defféché s’eft beaucoup
mieux comportée; & celle enfin qui avoit
été féchée elle-même dans l’étuve de M. Duhamel
n’a reçu aucune efpèce d’altération.
Des différentes efpèces de moulins, leur conflitution
& leur produit.
Il y a des moulins qui font mus par les eaux
& d’autres qui le font par l’air ; ce qui conftitue
deux efpèces principales de moulins , les moulins
à eau , & les moulins à vent.
Moulins a eau. A
On les diftingue en moulins de pied ferme, &
moulins fur bateau.
Les moulins de pied ferme font ainfi nommés
parce qu’ils font bâtis folidement fur le bord des
rivières. Il y en a de quatre fortes; favoir:
i°. Les moulins en dejfous , dont la roue à aubes
tourne dans une reillère , courfier ou courant
d’eau , qui la prend par deflous.
20. Les moulins en dejfus, dont la roue à pots
ou augets reçoit l’eau en deffus par un conduit
au canal, lorfqu’elle a afféz de chûte & pas aflez
de volume pour faire tourner en deflous.