
P A R A T O N N E R R E . (Art du)
L A matière éleCtrique eft renfermée dans le fein
' de la terre : elle nage dans l’atmofphère. Si eHe
confervoit un équilibre parfait entre ces deux régions
, les commotions terreftres & le tonnerre
leroient des phénomènes inconnus.
Mais pendant l’été, dans les climats chauds1, le
foleil élève des fleuves d’eau de la furface du
globe ; condenfée dans les régions froides , cette
eau forme les nuées.
Les conducteurs les plus puiffans de la matière
èleétrique font l’eau réduite en vapeur , l’eau
dans l’état d’agrégation, enfin les fubftances métalliques.
Ceci pofé, on conçoit que le fluide éleCtrique
doit palier continuellement du fein de la terre dans
l’atmofphère, à la faveur de l’eau fans ceffe va-
porifée par le foleil ; que les nuées deviennent
le réfervoir de cette matière éleCtrique , en même
temps qu’elles en font le conducteur.
O r , deux nuages éleCtrifés dans des proportions
différentes , venant à fe heurter , à fe communiquer
, engendrent les éclairs , la.foudre &
tous les autres météores ;car„ comme la démontré
M. Quinquet , la pluie , 1^ neige , la grêle , & c .,
ne font que l’effet de l’éléCtricité de l’atmofphère.
Au moyen d’ une machine éléCtrique & d’un degré
de froid donné, M. Quinquet imite, dit-il , ces
phénomènes de la nature.
Si la nuée eft baffe, fi la matière éleCtrique
qu’elle porte en abondance dans fon., fein, & qui
n’attend , pour faire exploficn , que la^ plus légère
communication , Vient à rencontrer à la.fur-
race du globe un corps électrifable , ce corps ëft
foudroyé, à moins que ce corps , perméable à
la matière du tonnerre-, n’enfavorife la libre circulation.
Or , les Condu&eU's armes de pointes mètaWques ,
ont cette propriété de foutirer continuellement,
fans explofion, & même à une très-grande dif-
tance, la matière du tonnerre ; de ne lui oppo-
fer aucune réfiflance ; de la recevoir comme un
canal , comme un tuyau reçoit l’eau ; d’en diriger
, d’en preferire la marche , & par-là de rendre
abfolument nuis les effets redoutables de la
foudre.
Les accidens fi communs du tonnerre, prouvent
la première de ces propofitions , qu’un corps
éleCtrifable eft foudroyé quand il eft en communication
avec, la nuée qui porte la foudre : en
effet, un arbre au milieu d’un champ, contre lequel
s’abrite un voyageur furpris par l’orage, un
vaiffeau fur mer, un bâtiment ifolé » un monument
élevé , & principalement une églife, foni
des afyles dangereux contre la.foudre ; fur-toutfi
on a l’imprudence de fonner, la corde devientlt
conducteur de la matière éleCtrique , que l’élévi-
tion du clocher & l’état métallique des cloches attirent
puiffamment, & le fonneur eft tué.
L ’expérience prouve également en faveur de h
fécondé propofition ; favoir, que des conducteurs
armés de pointes métalliques, mettent à l’abri des
accidens du tonnerre tout ce qui en eft armé. Lt
fonneur ne feroit pas tué, s’il régnoit un fil de fer
autour de la corde. Un homme expofé au danger
du tonnerre, peut s’en prèferver au moyen d’un
parafol armé.
Maintenant êtabliffons le paratonnerre : une bafe
de fer terminée en pointe de 15 à ao peids de
hauteur, d’un pouce d’épaiffeur, fera élevée fur
le faîte de la maifon. Mais comme le fer fe rouille
aifément, & qu’alors il perd de fa vertu conductrice
> comme d’ailleurs la matière du tonnerre le
fait aifément entrer en fufion, il eft prudent de
fonder à l'extrémité de cette barre une pointe de
cuivre de 5, à 6 pouces. Pour plus de précaution
on la dorera.
La pointe folidement établie , on y ajoute le
condnàiùr-r, c’e ft-à -d ire , une chaîne de fer,
mieux encore une treffe de fil de laiton , ou enfin
des barres de fer viffées l’une dans l’autre, dont
l’extrémité inférieure aboutiffe à-de l’eau , c’efi-
- à -d ir e à une rivière, un ruiffeau , un étang, une
marre , un foffé, un puits, enfin à une profondeur
telle que la terre y foit conftàmment hu-,
mide.
On conçoit que la communication ne doit pa»
être interrompue, & qu'il faut une continuité de
métal depuis la pointe jufqu’à l’extrémité du conducteur.
On préferve de la rouille la partie du con duct
e u r enfouie en terre , »en l’enfermant dans un
tuyau de plomb, ou en l’entourant d e p o u ffiè re de
charbon.
La pointe dans cet appareil foutire la matière
du tonnerre, la fait écouler, & la tranfmet, par le
moyen du conducteur, du fein de la nue où elle
eft accumulée, dans le fein de la terre.
Si toute une ville étoit armée de paratonnerres»
on n’y entendroit jamais le tonnerre , parce que
la matière éleCtrique feroit, par cette multiplicité
de pointes , fans ceffe reportée de l’atmofphère a
la terre.
Tel eft l’art par lequel le célèbre Franklin afo
enlever J# foudre à la nue ( eripuit cczlo fulmen )
1 fc A’en prèferver les bâtimens les plus élevés.
I Ecoutons-le lui-même. Si on place , dit ce grand .
phyficien , une verge de fer à lextrèmite d un ba-
I timent fans interruption depuis fon fommet jul-
ou’à la terre, humide, dans une direftion droite ou
courbe en s’accommodant à la forme du toit ou
Ides autres parties du bâtiment , elle recevra la
I foudre à fon extrémité fupèrieure, en 1 attirant de
manière à l’empêcher de frapper aucun autre en-
! droi* ’ & en lui fourniffant un bon conduit jufque
dans § terre, elle l’empêchera d’endommager une
I grands partie du bâtiment. ,
I ® La verge , ajoute-t-il , doit etre attachée a ,
la muraille , à la cheminée , &c. avec des
! crampons de fer. La foudre n’abandonnera pas
la verge, qui eft un bon condufleur, pour pafler
au travers des crampbns .dans le mur, qui eft un
mauvais condufteur.'S’il y avoir de ce fluide dans
! la muraille , il pafleroit plutôt de-là dans la verge,
pour arriver plus facilement par le conducteur
! dans la terre. f _ . . ,
Si le bâtiment eft fort grand & fort étendu,
on peut y placer deux ou plufieurs verges en dif-
férens endroits , pour plus grande furete. |
Enfin , la partie inférieure de la verge doit pénétrer
affez avant dans la terre, pour arriver à un
endroit humide , peut-être à deux ou trois pieds
d: profondeur ; & fi on la courbe, lorfquelle
eft parvenue au-deffous de la fuperficie, pour
l’étendre en ligne horizonfale à fix ou huit pieds
de diftance du mur, elle garantira de tout dommage
toutes lés pierres de fondation.
L’expérience a confacrè l’utilité des conducteurs
de la foudre. Leur ufage eft adopté prefque généralement
dans les colonies angloifes de 1 Amérique
feptentrionale , où l’eleCtricité de l.air &
la fréquence des orages, beaucoup plus confide-
rables que dans nos climats, rendent cette pre-
caution plus néceffaire, & fourniffent jen même
teins plus d’occafions d’ en prouver 1 utilité.
Ge même ufage s’eft introduit en Angleterre ;
indépendamment de la cathédrale de Saint - Paul
de Londres, qul-eft, comme on le fait, le morceau
d’architeCture le plus vafte & le plus beau qui
foit dans toute la Grande Bretagne, 1 églife de
Saint Jacques , le palais de la reine, le château de
Bleinheim , beaucoup de maifons de gentilshommes
à la campagne & aux environs de la ville ,
font armés de conducteurs ou préfervatifs de la j
foudre. Les vaiffeaux deftinés pour les Indes orientales
& occidentales , pour la côte de Guinéç , &c.
fe munîffent de chaînes deftinées au même effet,
furtowt depuis le retour de MM. Banks & Solander,
qui ont cru avec raifon que leur vaiffeau avoit été
prèfervé par une de ces chaînes, d’un malheur
femblable à celui du vaiffeau le Dutch , mouille
près de la rade de Batavia , & qui fut prefque détruit
par la foudre. Effectivement, il fe trouvoit
en même tems dans cette rade deux vaiffeaux fort
à portée l’un de l’autre ; l’un appartenoit à la.compaen'ie
hoHandoife , l’autre étoit celui du capitaine
Cook, qui avoit fait le tour du monde. La foudre
tomba fur tous deux; celui de la compagniehol-
landoife fut fort endommagé, celui du capitaine
Cook, qui avoit déployé fa chaîne, fut préferve.
Ce même capitaine raconte le fait dans fon voyage.
Le grand-duc de Tofcane ayant reconnu 1 utilité
des conduaeurs de la matière du tonnerre, en a
fait placer fur tous les magafins à poudre de les
états ; ils font fixés à des perches féparées des ma-,
^ L ’exemple de ce fouverain a été fuivl de la plupart
de ceux de l’Europe. Sa majesté Louis XVI a
fait élever de femblables condufteurs, non-leule-
ment fur quelques-uns de fes magafins à poudre,
mais aufli fur plufieurs palais ou châteaux, parmi
lefquels nous diftinguerons l’ancienne demeure de
nos rois, à Paris , le Louvre , dont la belle architecture
& la vafte étendue font l’admiration de
tous les étrangers. Enfin , beaucoup de particuliers
dans cette capitale, dans fes environs & dans dit-
férens pays, ont adopté l’ufage de ces appareils.
Si de fimples fils de fer de fonnettes ont p u , comme
on l’a fi fouvent obfervé, conduire la foudre
à travers tout un bâtiment, & l’empêcher de faire
aucun dégât dans tous les endroits qu elle traver-
foit,que ne doit-on pas attendre dune barre de
fer pointue plantée fur le fommet d’un bâtiment, 6c
à laquelle eft attaché un gros fil de métal, conduit
fans interruption jufque dans l’eau ou la terre humide
? Affurément elle doit lui offrir un paflage libre
& fûr, & l’empçcher de fe porter fur aucun
autre corps. . j c
Un conduâeur, dont la pointe s elevoifc au-del-
fus du toit deM. TFeft, en Penfilvanie, & dont
l’extrémité inférieure s’enfonçoit de quatre a cinq
pieds fur le pavé de la rue, fut frappé d’un coup
de foudre des plus terribles, & qui ne produilit
d’autre effet que d’ en fondre la pointe.
• Cependant M. Barbier c roit qu’il nous manque en-,
cote bien des obfervations pour fixer exaCtment
| les dimenfions d’un conduâeur, tel qu’il ne puiffe
jamais être détruit par la foudre; mais il penfe
qu’on peut, d’après celles qu’on a recueillies juf-
qu’ic i, donner un à-peu-près fuffifant pour la pratique.
, . ,
Dans le petit nombre de relations connues de
coups de foudre tombés fur des maifons armees
de conducteurs, on rapporte que des fils métalliques
minces qui en faifoient partie , ont été fpndus-.
ou diffipés. A. •
Dans d’autres exemples de ce genre, ajoute M.
Barbier, on a vu des coups de foudre , qui paroif-
foient de la plus grande violence, traverfer -des.
conducteurs du diamètre d’une tringle .ordinaire,
& de celui d’un demi-pouce, fans les endommager
; & l’on n’a pas connoiffance que des cqnduc-
teurs de ce volume aient jamais fouffert de la
foudre,- On peut- donc raifounablement croire que
cette dernière . dimenûôn, peut fuffire; néanmoins»
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