
&. l’autre les reçoit à mefure qu’il les met d’é-
paiffeur.
La pofirion des filières devant l’ouvrier doit
être telle que le bout de fer fe trouve à droite,
& la lame du rafoir à gauche , le dos vers l’ouvrier
, qui procède comme on va le voir.
Il prend dans la boîte une poignée des dents
qui ne font que refendues., & les met fur la table ;
il les paffe à la filière l’une après l'autre , ayant
foin que l’écorce touche le bout du fer , & non pas
la lame du rafoir , parce que c’eft cette écorce
qui , par fa dureté, donne de la confiftance aux
dents ; &. Quelquefois même lorfqu’elles doivent
être fort minces , cette écorce refie prefque
feule.
Il n’eft pas poflible de tirer la dent d’épaiffeur
d’un bout à l'autre du premier coup, car il faut
toujours la place des doigts qui la tiennent ; &
même à caufe de l’ effort qu’on a à faire, cette
place peut avoir un pouce ou un pouce & demi
de long.
On ne fait donc guère paffer dans la filière
de la première fois qu’environ les deux tiers de
la longueur , enfuite on la retourne bout pour
bout , l’écorce toujours du côté du fer , &
on enlève l’épaiffeur qui étoît reftée entre les
doigts.
Cette façon n’ eft pas fuffifante pour donner
aux dents l’épaiffeur qu’elles doivent avoir; & , quelque
foin qu’on y apporte, on ne fauroit du premier
coup les rendre parfaitement égales d’un
'bout à l’autre : il faut de toute nécefîité les paffer
dans d’autres filières qui ne mangent que
fort peu , & par ce moyen on eft affuré d’une
égalité d’épaiffeur qu’une opération trop précipitée
ne pourroit jamais leur procurer.
Quoique la filière femble fuffifante pour donner
aux dents la largeur & l’épaiffeur qui leur
font riéceffaires, il eft certain que l’adreffe de
l’ouvrier y^contribue beaucoup : ainfi, fans une
grande attention & même beaucoup d’habitude
de ce travail, il eft affez difficile de tirer les dents
dsune largeur & d’une épaiffeur bien égales :
l’ouvrier termine d’abord toutes les dents fur leur
largeur, puis fur leur épaiffeur, & les met dans
une boîte pour conferver l’affortiment qu’il en avoit
fait d’abord en les refendant à la rofette ou autrement.
Pour opérer, l’ouvrier tient de la main gauche une
poignée de dents qu’il va y paffer, pour n’être pas
obligé de les prendre une à une,. Comme ce travail eft
affez fatigant pour les mains , il eft à propos d'avoir
un doigtier de peau au pouce & à l’index, pour n’être
pas coupé par les vives-arêtes des dents qui
gliffent tant foit peu entre les doigts.
On a vu qu’il falloit que le fer des filières fût
plus élevé que la lame du rafpir d’environ deux
pouces ; il eft à propos d’en ufer ainfi à toutes,
& même au moyen d’un petit coin de bois placê
entre ces deux pièces, on leur procure un peu
plus d’écartement par le haut que par le bas
afin qu’en paffant une dent, on ne foit pas obligé
de la réduire du premier coup à l’épaifleur qu’elle
doit avoir ; & comme il eft à propos , pour
la perfection du travail, d’y parvenir petit à petit
, on en vient à bout en defcendant infenfi-
blement la dent dans la partie plus étroite, ce
qui mange peu-à-peu l ’excédent de ce qu’elle
doit avoir de groffeur.
Pour être fur de defcendre toujours à un même
point, on a foin de tenir ce morceau ou coin
de bois un peu en pente du côté de l’ouvrier :
par ce moyen il n’y a que la partie élevée qui
arrête la dent à une même élévation ; ce qui ne
feroit pas auffi exaCt, fi l’on s’y prenoit de toute
aurre manière.
Ce moyen fournit un expédient prompt & fur pour
donner aux dents un peu plus ou un peu moins de»
paiffeur; car en mettant un morceau de bois d’une
épaiffeur convenable fur le coin qui y eft déjà, la
dent defcendra plus ' ou moins épaiffe , félon le
befoin.
On fera donc maître alors de déterminer à un
degré bien exa& l'épaiffeur des dents ; mais il faut
faire attention d„e ne pas faire décrire par la lame
de rafoir & la pièce de fer un angle bien ouvert ;
car les dents fur leur épaiffeur , au lieu d’être planes
, fe trouveroient avoir une furface inclinée à
l’autre, ce qui feroit défectueux.
Quand même ôn chercheroit à y remédier en
faifant paffer au fond de la filière le côté qui avoit
été au premier coup en-deffus, on n’obtiendroit
pas une furface plane, mais on verroit au milieu
un angle formé par là rencontre de deux plans inclinés
, ce qui devient infenfible lorfque l’écartement
des pièces de la filière eft peu confidérable.
On peut encore-; par un autre moyen , donner
plus ou moins d’épaiffeur aux dents , lors même
qu’on n’a pas de filières de tous les écartemens
poffibles ; & c’eft ainfi que les ouvriers en tout
genre viennent à bout de fuppléer, par un peu
d’ïnduftrie , au nombre d’outils dont ils ne font
pas fuffifamment pourvus.
Ce moyen confifte à tirer la dent obliquement
à la filière du côté du fer ; ce plus ou moins
d’obliquité fait mordre la lame de rafoir plus ou
moins , d’où fuit une épaiffeur telle qu'on la défire.
Il ne faut cependant pas ufer de cet expédient
habituellement ; car comme on ne fauroit régler
parfaitement l’obliquité qu’on prend , on auroit
des dents plus minces , & d’autres plus épaiffes,
ce qui eft d’une très-grande conféquence, comme
nous le dirons lorfque nous en ferons au montage
des peignes.
Comme cette première opération ne fert quà
ébaucher les dents , on n’y apporte pas tous les
foins poffibles ; c’eft à les finir qu’on donne toute
•l’attention qui leur eft néceffaire.
Manière
Manière de paJJer les dents en largeur.
Après avoir tiré les dents d’épaiffeur, cbmme
en vient de le voir , on les paffe en largeur ;
& pour cet effet on fe fert d’une filière.
Elle eft ordinairement compofée de deux lames
de rafoir, & toute la différence ne confifte que
dans l’écartement de ces .deux pièces , plus con-
■ fidérable fuivant la largeur qu’il eft à propos de
donner aux dents. I
Les tranchans de ces lames doivent etre pôles
obliquement l’un à l’autre, comme les deux jambages
d’unV , qui ne feroient pas réunis par en
bas, mais qui tendroient feulement à fe réunir ;
& c’eft l’efpace qui refte entre ces deux lames ,
qui détermine la largeur des dents.
n Voyons la manière de paffer les dents par cette
^On place la filière par fon tenon fur la table.;
l’ouvrier s’aflied en face de la table ; & prenant
les dents l’une après l'autre dans une boite, de
la main droits , il les fait paffer dans la filière
en tirant à lui ; & pour être plus für de ne pas
varier dans ce travail, il tient de la main gauche
un petit bâton qu’il appuie fur la dent ,
ce qui la force d’être bien à plat fur un petit morceau
de bois , qui , comme à là filière dont
nous nous entretenions fur la fin de l’article
précèdent, détermine l’écartement, en forçant les
lames d’être un peu plus écartées du haut pour
faciliter l’entrée de la dent ; & par ce procédé il
eft fûr de donner une largeur parfaitement égale
à toutes celles qu’il paffe dans cette filière.
Il ne faut pas que le petit bâton avance avec
la dent, à mefure que la main droite la tire ;
mais il doit toujours être appuyé ferme fur le coin
de bois entre les deux lames, pour empêcher la
canne de s'élever à droite ou à gauche, & fixer
plus fûrement l’opération.
Lorfque la dent efi/mife de largeur par un bout,
on la paffe par l’autre avec les mêmes précautions
, & ce procédé , qu’il eft affez long de bien
décrire, eft fort court par lui-même.
Il faut avoir attention en finiffant, que l’écorce
de la dent fe trouve en-deffous ; & pour ne
rien laiffer à défirer fur cette opération , il eft
à propos de favoir qu’on doit paffer chaque dent
pour fa largeur, quatre fois à la filière au moins ,
favoir, deux fois par un bout, l’écorce en-deffus
, puis en deffous, & deux fois de la même
façon lorfqu’on l’a changée bout pour bout.
Il femble qu’il devroit fuffire de ne les paffer
que deux fois en tout dans ia filiere ; mais fi
l’on fait attention que les lames font plus écartées
par le haut que par le bas , on fentira la né-
ceffité de corriger par un fécond paffage l'angle
que le premier a laiffé. '
Je n’ai infifté fur les détails de cette opération
, que parce que beaucoup de peîgners ne
portent pas jufque - là leur, attention ; le bifeau
Ans & Métiers. Tome V. Part. IL
ou talut qui refte aux dents , les rend plus foi-
bles à cet endroit ; & quand on vient à monter
les peignes , la force dont on ferre le^ fil pour
arrêter les dents entre les jumelles , fait écailler
cette partie qui fe trouve trop foible ; lés jumelles
fe rapprochent, le ligneul qui les entoure fe relâche
, les dents vacillent & fe couchent enfin
d’un côté oude l’autre.
C ’eft ainfi qu’en rapportant les ufages , je tâche
toujours de corriger les erreurs.
Quel remède eft - il poflible d’apporter à cet
inconvénient, s’il arrive pendant la fabrication
d’une pièce d’étoffe , de toile ? Comment dépaffer
la chaîne ? Et quand cela feroit facile, le changement
de peigne n’opéreroit-il pas toujours quelque
défaut à l’étoffé ? Que de raifons pour donner
aux peignes toute l’attention dont iis font fuf-
ceptibles l
Il faut donc faire avec foin toutes les opérations
qu’on fait fubir aux dents, & prendre garde
de ne pas trop en emporter fur la largeur ni fur
l’épaiffeur.
Si elles font trop étroites, elles n’appuieront pas
fur les jumelles, & ballottant fans ceffe, elles
périront promptement ; fi elles font trop minces,
une même longueur de peigne n’en contiendra
pas une même quantité '.enfin le moindre défaut
dans les parties , entraîne la défeftuofité
totale du peigne.
Voyons maintenant la dernière façon qu’il convient
de donner aux dents avant de monter le
peigne.
Manière de pajfer les dents à la filiere , pour leur
donner T épaiffeur convenable à tel ou tel compte
de peigne auquel on les dejline.
Les filières dans lefquelles on paffe les dents
ne fervent qu’à les préparer, du moins pour leur
épaiffeur. , .
La première fois qu’on les paffe, s appelle
ébaucher ou dégrojjir les dents ; la fécondé fert à
les tirer de largeur, & ia troifième fert à les finir
ou affiner. ^
C’eft: de cette dernière opération qu il faut mettre
le détail fous les yeux du leâeur.
La filière qu’on emploie à cet ufage , diffère de
celles qu’on a vues plus haut , en ce que le
bout de fer eft mobile, & peut s’avancer ou fe
reculer par le fecours d’une vis ; la lame de rafoir
eft immobile comme aux autres.
Par ce moyen on eft affuré de donner à toutes
les dents une parfaite égalité d’épaiffeur qu aucun
autre moyen ne pourroit leur procurer.
La pièce dans laquelle paffe la vis pour faire
mouvoir l’autre pièce , étant très-forte , ne permet
aucun écartement forcé , d’où fuivroit de la
variété dans l’épaiffeur des dents. Du refte , on
paffe les dents comme aux autres filières.^
Il faut, dans toutes les ’opérations qu’on fait
Mmmm