
bergeries ( i) . Il rapporte bien que les pafteurs de
'Varide & brûlante Libie gardent leurs troupeaux
dans des déferts tans aucune retraite pendant des'
mois entiers ; mais il ajoute que les bergers de
la Scythie & tous les peuples feptentrionaux ont
la, bonne coutume de tenir leurs troupeaux renfermés
dans des étables. Vanière donne fur cet
les mêmes préceptes que Virgile,
bergerie faine a pour but de préferver les
bêtes à laine de l’attaque de leurs ennemis , de
leur aflùrer une retraite où le doux printemps les
vivifie fans interruption , & de Amplifier les foins
tju’on prend d’elles. Elle doit donc, fi tout ce que
j'ai expliqué ci-deflùs eft vrai, paroître préférable
au parc en cette province , raffiner la laine faris
occafionner des maladies, effet très-commun des
bergeries mal-fai nés , & entrer dans les vues d’économie
& de commodité de tout bon agriculteur.
Je ne quitte point la queftion. D ’une part,
la commodité que le parcage des bêtes à laine
procure au colon n’eft que partielle ; d’autre
part, le gain qu’il croit en retirer eft plus fpé-
cieux que réel. La litière mêlée avec les excré-
mens, augmente fûrement la quantité des engrais,
& probablement leur qualité.
Seroit-il bien vrai que l’engrais naturel fût auffi
propice aux terres , dépofé par l’animal fur les
jachères., quelorfqu’il a fermenté convenablement
étant rafïemblé en un tas confidérable ? Son huile
& fes fels, enveloppés dans la litière , ne fe
marient-ils pas avantageufement enfemble ?
Je n’ai point dit qu’il n’y ait pas quelques
terres froides & humides, auxquelles le fumier
un peu chaud ne convienne ; cependant, pour ces
terres mêmes , je crois le fumier brûlant moins
bon que l’engrais refroidi jufqu’à un certain point.
Ce dernier, de plus , a l’avantage de pourrir avec
le temps les mauvaifes graines tombées du râtelier
, & de n’en point infefter les terres.
Le tems que vous perdez à tranfporter le fumier
efl une des objections prépondérantes contre la
bergerie ; mais il faut charrier les claies continuellement
du parc , à moins que le berger ne parque
de proche en proçhe, ce qui ne fe peut pas
toujours ; vous ne pouvez fumer les terres baffes
d’un domaine en y faifant parquer votre troupeau
, fans l’expofer aux maladies les plus dan-
gerèufes ; la laine feroit endommagée furies terres
£i) Inc ip tens Jlabulis edico in mollibus herbam
Carperc oves, dum max Jrondofa reducitur aft as ;
Mt mul: a durum fipuld , filicumque maniplis
Sterner e fublpr Tiumum, glacies ne frigida Ixaat
Malle pecus , fcabiemque feral , ntrpefquepodagras*
V I R G I L £,
glaifeufes & argileufes, très-communes : vous *e
pourriez faire parquer votre troupeau , en tonte
failôn , fur les terres labourées à raies profondes;
& combien de terres qu’on laboure toujours de
cette manière en Berry , en Bourbonnois ?
Comment mettre, l’été, à l’abri du foleil vos
bêtes à laine parquées , dans une province dénuée
de haies & de bocages , comme l’eft le Berry
en bien des cantons ? Quel embarras ne préfen-
teroit point la divifion des agneaux, des agnelles,
des béliers & des brebis dans un parc ? ou combien
de parcs différens ne faudroit-il pas ! combien
de bergers ! quelle dépenfe 1
La fécondé obje&ion confidérable contre l’ufage
des befgeries, tient à la conftruétion & à la réparation
des bâtimens à charge aux propriétaires.
On ne peut nier qu’il ne fût très-avantageux de
fupprimer ces dépenfes ; toutefois elles font moindres
qu’on ne croiroit. Quelques greniers font né-
ceflaires pour mettre du moins une partie du fourrage
à couvert , & le rez-de-chauffée fous ces greniers
devient une bergerie à peu de frais. Certainement
ce ne font ni les premières dépenfes,
ni les dépenfes annuelles des réparations des bergeries
qui ont ruiné les anciens propriétaires en
Berry.
Il fuit de cet expofé, que la coutume de parquer
peut convenir à certaines bêtes à laine, en çertains
climats, dans certaines faifons , pour le temps de
l’engrais, fur certains fols , & qu’elle peut être
très-hafardée fur d’autres fols, en d’autres climats
&. dans des hivers rigoureux.
Je regrette d’être en ceci d’un avis contraire à
M. Daubenton ; il eft affligeant pour moi, qui fuis
fi glorieux de m’être rencontré avec lui dans tous
les grands principes , de ne pouvoir, fans trahir
mon fentiment, placer fon parc domeftique &
fon parc des champs , autant au-deffus de mes
bergeries faines , que je mets fes connoiflances au-
deflus des miennes. Je délire que les objeôions
que j’ai l’honneur de lui faire foient dignes de
mériter fon attention.
A tout ce que je viens d’expofer en faveur des
bergeries faines, j’ajouterai que le parc , foit des
champs , foit domeftique , n’eft point entièrement
exempt de ces exhalaifons fubtiles, âcres & pénétrantes
, qui s’élèvent des lieux où les bêtes à
laine demeurent renfermées , ni des maladies con-
tagieufes.
D’abord que tes brebis , h couvert tous leurs toits,
Jufqu’au printems nouveau fe nourriilènt d’herbage ;
Qu’une molle fougère & qu’un épais feuillage
Sous leurs corps délicats , étendus par ta main,
Rendent leur lit moins dur , leur afyle plus fain.
Traduction de M . l'Abbé DE L IL L E .
On a vu régner en Normandie, dans un parc
des champs , une maladie épidémique fi deftruc-
tive, qu’elle emportoit d’un feul troupeau une
douzaine de mputons par femaine. On en attribua
la caufe à la mauvaife afliète du parc fur des
terres trop humides , & à fon trop long féjour fur
des près bas. Il eft par-tout de mauvais bergers,
& le parc des champs a le défaut de ne pouvoir
être auffi-bien furveillé qu’une bergerie qui eft
dans l’enceinte de la ferme.
Dans mes bergeries , les vapeurs ne font guère
plus abondantes & plus aftives- que dans le parc
domeftique, où les murs de la cour & le toit
d’abri les concentrent du moins un peu, puifque
le parc des champs en plein air & entouré defim-
pl es claies , fe fait fentir d’aflez loin.
r J’ai lu quelque part, que , pour bien juger de
la fenfation du froid & du chaud , il ne fuffit pas
de confidérer la température de l’atmofphère, mais
qu’il faut encore avoir égard à fa pureté & à fon
mouvement. Or , dans mes bergeries aérées par
quatre grandes fenêtres, qui font des efoèces de
foufflets fans cefle en aftion, fi l’air eft un peu
moins pur & un peu plus chaud que dans le parc ,
il eft auffi plus agité , & la fenfation que les bêtes
àJaine éprouvent dans ces divers lieux, doit être à
peu-près la même.
Il me femble au furplus qu’il ne faut pas fe per-
fuader que les bêtes à laine foient incommodées
de l’odeur de leurs excrémens & de leurs excrétions
, auffi fortement qu’elle nous incommode. Si
leur fenfibilité à cet égard égaloit la nôtre,il y auroit
long-tems que leur efpèce n’exifteroit plus en Berry.
La vraifemblance ne dit-elle pas que , pourvu
que l’air fe renouvelle librement & continuellement
dans la bergerie tefcue avec propreté , les
bêtes à laine n’y font point malheureufes ? Je ne
perds pas plus de la vingtième partie de mes
agneaux pendant leur nourriture , & je ne vois
point que les propriétaires des parcs en puiffent
dire autant. . . • ,
Une autre raifon eft favorable aux bergeries.
On; croit qu’on , ne:peut faire parquer utilement
moins de cinquante bêtes à.laine, & je penfe-
rois qu’il faudroit en réunir au moins cent cinquante
en Berry pour fe dédommager amplement
de la dépenfe du berger. Combien de manoeuvres
qui :n’ont que vingt-cinq brebis ? ils feroient obligés
de fe réunir fix pour former le parc. Cette
upion... & cette confiance entière de fix pauvres
colons dansde même berger , font ce qu’on ne peut
attendre généralement : mais tous peuvent avoir
une bergerie faine , proportionnée au nombre de
leur troupeau.
Le parc i\q regarde donc que les grands 'propriétaires,
tandis que les bergeries laines peuvent
appartenir au plus pauvre comme au plus
riche. Ne feroit-il point à défirer que tous les
projets d’agriculture fatisfiflent à-peu-près le. pauvre
’ainfi que le riche ?. Sans cela le pauvre fe
rebute , il s’obftine , il ne fait, ni ne tente jamais
. rien pour les progrès de fa fortune & de fon bon-
heur.
Ce q u i, fans réplique , devroit décider pour
les parcs tous propriétaires , feroit le pouvoir que
plusieurs perfonnes aflùrent qu’ils ont de raffiner
la laine. Pour moi, je perfifte à croire que l’ha- \
bitude de tenir jour & nuit les bêtes à laine ex-
pofées en plein air, peut bien fortifier leur laine,
mais non pas la raffiner. Tout peut fe comparer.
Jugeons de la queftion par les obfervations que
l’efpèce humaine nous préfente. Voyons fi l’épiderme
& les cheveux de nos Citadins cafaniers
ne font pas plus doux, même fans a p p r ê tq u e
ceux de nos ruftiques laboureurs. Voyons fi le
poil du cheval fauvage eft auffi fin que le poil du
cheval que panfe un bon palefrenier.
La litière renouvelée à-propos , & les foins
affidus qu’on a des bergeries , font l’étrille, le peigne
& l’éponge pour les bêtes à laine, & la douce
température de leur afyle entretient fur leur épiderme
une moiteur continuelle & abondante , qui
contribue à la douceur & à la finefle de leur laine ,
puifque cette fueur douce eft une huile naturelle-
de laquelle elle eft humeétée fans: cefle.
En fuppofant même , pour un moment , que
la laine s’affinât à l’air , il ne devroit alors y avoir
que de la laine fine dans les pays froids, où les
bêtes à laine relient jour & nuit, en plein, air depuis
des fiècles ; ce qui eft bien éloigné des faits*
Si l’on rétorquoit l’argument contre les bergeries,
je répondrois que 4 ’effet des bergeries faines no
peut encore être affez eonftaté. Elles ne font établies
qu’en peu d’endroits*
L’argument ne peut attaquer que les bergeries
mal tenues , & les extrêmes produifent les mêr
mes effets : la chaleur fuffoquante eft auffi à redouter
que le froid exceflif ; elle defsèche le fang
peu-à-peu, & l’effet de la circulation trop accélérée
, eft de rendre l’épiderme aride. Ce .n’eft
point feulement l’aâion de la chaleur qui contribue
à la. finefle de la laine de certaines races
dans les beaux climats, c’eft cette chaleur modifiée
par les vents tempérés, par les douces rofées f
par la fraîcheur rqftaurante des nuits , -par des -
ombrages épais ; c’eft , en un mot, l’influence du
ciel entièrement favorable , fous lequel ces races,
de bêtes à laine vivent depuis une grande continuité
de fiècles. .
D ’ailleurs * ne.nous le diffimulons point ,dans
la diver.fité -de," nos opinions ; il eft indubitable
que les divers, climats ayant , depuis un temps
imméniorial, modifié cette efpèce , il y aura toujours
des races & des individus de différente laine
que la température de leur afy le, les foins., la
nourriture pourront bien améliorer , mais que le
croifement renouvelé de races a feul le pouvoir
de changer tout-à-fait*.
. Ce n’eft point par efprit de parti que j’^i- adopté
| le fyftême ’ des bergeries faines. Demain toutes