
Pour cet effet, dans la mortaife du bout de
chaque boulon, on place un tenon de fer plus
long que la plus grande hauteur des peignes , &
dont l'épaiffeur doit être égale à la moindre largeur
des dents de canne ; au lieu que,s’ils étoient
trop épais, on ne pourroit pas s’en fervir pour
des dents plus étroites.
Il faut d’abord avoir foin que les jumelles foient
placées bien horifontalement, ce qui dépend en
grande partie de la hauteur des poupées & de
la pofition des tenons. Il faut auffi que les jumelles
, dont l’écorce eft en dehors, foient bien
parallèles, & faffent un angle droit avec les tenons
, car de là dépend la perfection du peigne.
On attache les jumelles deux à deux par leurs
bouts avec de la ficelle ; & pour que la tenfion
des boulons ne la puiffe pas faire gliffer, on fait
une encoche au bout de ces jumelles , où fe loge
la ficelle qui ne peut plus en fortir. Dans cet état
il n’eft plus queftion que de mettre les dents
en place.
Pour s'afTurer d’un écartement égal entre chaque
couple de jumelles, on fe fert d’un infiniment
qu’on nomme foule , qui n’eft autre chofe
qu’un morceau de^bois entaillé deflùs & deffous
de rainures qui reçoivent les jumelles : ces rainures
doivent être bien parallèles entre elles &
avec celles de l’autre face ; c’eft leur écartement
qui règle la hauteur du peigne , & l’on détermine
par une ligne, ce qu’on appelle en terme
de fabrique la hauteur de la foule.
On ne court aucun rifque de faire ces entailles
un peu plus larges que les jumelles qu’on y
place ; car comme elles appuient vers les faces
intérieures, c’eft toujours la ligne, qui règle l’écartement.
Les peigners ont ordinairement plufieurs foules
fuivant les différentes hauteurs qu’ils veulent donner
aux peignes. Ces hauteurs font quelquefois
données par les fabricans eux-mêmes'; mais communément
elles varient fuivant le genre d’étoffe
auquel on doit employer le peigne , ou félon
l’épaiffeur qu’on doit donner aux dents.
Voici comment cela doit s’entendre. Si le peigne
doit contenir les dents très-fines, & par confisquent
plus larges qu’à l’ordinaire, ou qu’on ait
befoin de plus de hauteur, c’eft la foule qui la
règle ; fi au contraire les dents doivent être minces
& étroites , il faut que le peigne foit moins
haut, pour qu’il puiffe réfifter aux coups multipliés
qu’il éprouve contre la trame ; & fi l’on ne
iùivoit pas de règles certaines là-deffus, un peigne
dépèriroit bientôt.
On ne peut s’en écarter qu’en donnant plus
de largeur aux dents quand elles font minces, &
ce qu’on perd d’un côté fe retrouve de l’autre.
Il eft vrai que les fils de la chaîne effuient plus
de frottement entre des dents larges, que quand
elles font plus étroites ; mais la folidité du 'peigne
eft une loi dont on ne fauroit s’écarter. La
règle générale eft que, toutes les dimenfions ob-
fervées, il eft bon de donner plutôt plus de hau-
teur que moins.
Une autre difficulté que tous les peigners ne
font pas en état de furmonter , c’eft le rapport de
la hauteur qu’on doit donner aux peignes avec
leur longueur ; car fi l’on veut donner deux pouces
& demi de foule à un peigne qui doit avoir vingt
pouces de long , & qu’avec de ,pareilles dents on
veuille en faire un de trente pouces de la même
foule , il eft certain que le peigne ne fera pas
affez folide , puifqu’avec les mêmes dimenfions il
eft d’un tiers plus long.
Il faut donc dans ce cas tenir les jumelles un
peu plus larges , & donner un peu moins de foule.
Ce que je dis ici de ces deux peignes, doit s’entendre
en cas qu’ils foient auffi en proportion
par rapport aux dents, & que celui de vingt pou*
ces en ait huit cents , & l’autre douze cents.
Tous ces foins font du reffort du fabricant A
puifqu’il y a fi peu de peigners en état de cpn-
duire des peignes fuivant ces règles.
Il faut encore éviter un défaut dans lequel on
tombe , pour vouloir donner de la folidité à un I
peigne, c’eft de laiffer trop de canne : on doit
l’évider autant qu’il eft pomble ; car fi la foie eft
bouchonneufe , ou qu’elle n’ait pas tout l’apprêt
convenable , fi les dents font trop larges ou trop
épaiffes, elles ne permettent pas aux boucons de
paffer , & même elles écorchent la foie dont le
peu de tors ne lui permet pas de réfifter.
Ce que je dis ici' eft applicable à toutes fortes
de peignes , tant pour les étoffes de foie que pour
tous les autres tiffus , parce qu’il n’eft point de
matière où il ne fe rencontre des inégalités ; ainfi
: on *ne fauroit y donner trop d’attention.
J’en reviens au montage des peignes.
Nous venons de voir que le principal objet 1
de la foule eft de déterminer la hauteur du pei- !
gne ; un autre avantage non moins confidérable,
eft de procurer affez d’écartement entre chaque
couple de jumelles pour y paffer la batte
avec laquelle on ferre les dents les unes contre
les autres^
Cette batte n’eft autre thofe qu’une lame de fer
à peu-près de l’épaiffeur des dents qu’on emploie,
& dont la largeur d’environ deux pouces eft égale
d’un bout à l’autre ; fa longueur eft de fept à huit
pouces. On y réferve une foie pour l’emmancher
comme un couteau. ,
Lorfque tout eft difpofé comme on vient de le
dire , on place la première garde, & on en arrête
les tenons entre les quatre jumelles au moyen de
trois ou quatre tours de ligneul qui fe croifent
les uns les autres , & qu’on ferre avec force.
Il eft effentiel que les tenons de ces gardes excèdent
la largeur des jumelles, tant pour arrêter
le ligneul, que pour fervir de mefure à la hauteur
des dents dans toute la longueur du peigne ;
& le corps de ces gardes doit être parfaitement
égal à la hauteur de la foule , puifqu’une fois
placées par un bout , elles en fervent elles-
mêmes. ^ > '
Quand la première garde eft ainfi arrêtée, on
fait encore deux ou trois tours de ligneul, tant
pour lui donner plus de folidité > que pour mettre
une diftance entrée elle & la première dent ; oh
ferre ce ligneul, & prenant la batte de la main
droite, on la fait paffer entre les quatre jumelles,
& JM» frappe fur le ligneul pour approcher
les tours les uns des autres : on fe fert de
battes de différentes épaiffeurs félon la largeur des
dents, pour que le coup porte par-tout également.
La première dent, qu’on nomme dent de force,
n’eft pas une de celles qui compoferont le peigne,
& eft beaucoup plus épaiffe fur la même
largeur ; on l’arrête par deux tours de ligneul ,
en frappant à chacun ; puis on met huit ou dix
dents de lifière , entre chacune dsfquelles on
place un tour de ligneul en frappant toujours avec
la. batte : ces dints de lifière doivent avoir environ
le double d’épaiffeur de celles du corps
du peigne.
La méthode de ceux qui font ces dents avec
du fil d’archal aplati , eft préférable à celle de
ne mettre que de la canne, parce que ces dents
fupportent la plus grande fatigue ; il feroit même
plus à propos de les faire avec du fil d’acier
aplati , qui eft toujours plus uni que le fer.
Il faut, apres avoir mis les denrs à des
lifières en place , examiner fi elles occupent l’ef-
pace qu’elles doivent y occuper fur chaque couple
de jumelles ; & fi elles font plus écartées fur les
unes que fur les autres, oh les force avec la
■ batte à s’arranger comme il convient.
Quand cette opération eft faite, on marque
un point fur chaque jumelle en-deflus, tour contre
la dernière dent qu’on vient de placer, & c’eit
delà qu’on fixe la longueur que le peigne doit
i avoir, en pofarit fur ce point le bout de la mefure
qui doit lui fervir de règle ; & l’extrémité
de cette mefure qu’on marque par un point, eft
| l’endroit où on doit placer la dernière dent du
Peigne. 1 '
Enfuite, avec un compas, on prend la diftance
qu’occupent les dents des lifières qu’on a déjà
placées , & on la porte à l’autre bout pour
ne rien faire que de très - fymétrique & d’égal.
Il faut après cela divifer tout cet efpace en
pouces, demi-pouces & quarts de pouces , &
m a r q u e r toutes ces divi'fions par des fignes diffé-
rens , pour ne lés pas confondre.
On peut , par exemple, marquer toutes les
diftances d’un pouce par quelque ligne. Cette
manière de marquer les divifions fur les jumelles
varie à l’infini, fuivant l’ idée de chaque ou-
! vrier ; les uns font toutes les diftances & ne
les Marquent pas par des points : d’âutres font
trois points en largeur aux pouces , deux aux demi-
pouces , & un aux quarts de pouce. D ’autres di-
vifent leurs peignes par portées & par demi-*
portées.
Ces portées ne font autre chofe qu’un nombre
déterminé & connu de dents , comme par
vingt ou par quarante : il y a des provinces
où la portée eft de quarante dents, dans d’autres
elle eft de vingt, & dans d’autres elle eft
de dbî.
Ainfi ceux qui divifent la portée en quarante
dents , ayant à fabriquer un peigne de mille
dents, par exemple , l’appelleront de ving-cinq
portées ; ceux qui la divifent en vingt, l’appelleront
de cinquante portées ; & enfin , fi la portée
en contient dix , ce même peigne: fe nommera
cent portées : j’ai dû prévenir de toutes ces
différences, pour rendre compte des ufages de
tous les pays.
Cette détermination des portées eft fufceptible
de repréfënter différens nombres , même parmi
les ouvriers d’une même province , fuivant le dénominateur
des fraâions qu’elles repréfentent :
ainfi la portée que nous venons de voir être le
vingt-cinquieme d’un peigne de mille dents, &
en contenir quarante ; fi le peigne eft à huit cents,
la portée de quarante dents fera un vingtième ,
celle de vingt , un quarantième, &c. enforte
que c'e rapport fuit celui de la fraâion a la portée
.O
n a auffi coutume de fe fervir dans les fabriques
, d’expreflions qui indiquent le nombre
de dents dont un peigne eft compofë, la portée
étant, comme on d it, un vingt de peigne , un
quarante , &c. fans les lifières, ou avec les lifières
, parce qu’elles paffent ordinairement pour
une , pour deux ou pour quatre portées.
Ceux qui comptent les portées d’un peigne par
quarante dents, regardent les deux lifières comme
une portée ; ceux qui les comptent par vingt, la.
comptent par deux portées , &c.
On a jugé à propos de divifer ainfi les dents
des peignes par portées , par rapport au nombre
des fils des chaînes auxquelles ils doivent fervir;
on trouvera que dans certaines provinces les
portées font de quarante fils , & dans d autres
elles font de quatre-vingts, tandis que beaucoup
de fabricans d’étoffes de laine & de tifferands
les fixent toutes à vingt.
Il eft peu de genres d’étoffes , de la chaîne de
laquelle on puiffe placer moins de deux fils dans
chaque dent du peigne : il fuit de là que ce
font les comptes des portées des chaînes qui
ont déterminé ceux des dents ; & pour s’en
convaincre, il ne faut que faire attention qu’une
portée de quatre-vingts fils occupe quarante dents
dans le peigne , une de quarante en occupe vingt,
& ainfi des autres : de là vient que ceux qui
cùmpofent la portée d’une chaîne de quarante fils ,