
mes bêtes à laine parqueroient, fi je croyoiscette
coutume la meilleure , fi je ne voyois qu’elle n’eft
même pas dans la nature. Tous les êtres animés
craignent le froid extrême & l’extrême chaleur.
A Pétersbourg, neuf mois de l’année, des poêles
très-ardens réchauffent les maifons ; à Alexandrie,
une chambre aërée > fans feu , eft toujours l’habitation
des hommes. Les chevaux, les boeufs 1
livrés à eux-mêmes , cherchent les ombrages en
juillet , & les rayons du foleil en janvier. Ce
n’eft pas tout, les bêtes à laine craignent principalement
l’humidité.
On lit dans tin mémoire fur la Rumination.,
l’obfervation fuivante : « J’ai écarté les flocons
»» de la toifon des bêtes à laine pour toucher leur
. *• peau, jamais je ne l’ai fentie mouillée ,• la laine
** étoit toujours chaude & fèche autant qu’elle peut
« l’être, fur la longueur de près d’un pouce au-
« deffus de fa racine- ». Une même obfervation
peut-elle avoir lieu pour nos bêtes à laine brionnes,
qui n’ont à peine à la tonte qu’un pouce de hauteur
de laine ?
L’humidité de la terre & de l’air, dans une
province couverte d-uné immenfe quantité d’étangs
& de marais , & l’herbe de leur pâturage
imprégnée trop -fouvent de cette humidité, ne
produiroiènt-elles point, dans les bêtes à lainer ces
véficules d’eau , caufes fi fréquentes de leur vie
languiffante & de leur mort fubite ?
On veut les rendre à la nature, mais ce ri’eft
les livrer qu’à fes excès : mais la nature conferve-
t’elle dans tous les climats également tout ce qu’elle
produit ? A Montreuil, fur ce beau pêcher efpalé,
je vois éclore mille charmantes fleurs , dont aucune
ne fe nouera, s’il n’eft revêtu d’un fur abrù
Cet arbre, en plein vent dans la Perfe , auroit
autant de fruits que de fleurs.
Le climat heureux & les belles plaines de l’Afie
font fans doute très-propices à la multiplication
& à la famé des bêtes à laine , & là le parc eft la
feule bergerie néceffaire. Les plaines du Berry &
fon climat ont-ils les mêmes avantages ? C ’eft à
quoi fe réduit la queftion.
Le complément de mon opinion eft, que non-
feulement par rapport à la fineffe de la laine 9.
mais encore pour la confervation des animaux
qui la portent, le degré de froid auquel on les
expofe l’h iver, doit être proportionné à la bonté
de la nourriture qu’on leur donne.
Il fe pourroit qu’cn élevât - des agneaux fur la
glace avec fuccès , en les nourriffant, ainfi que
leurs mères, de luzerne & d’avoine non battue ;
mais un payfan , qui à peine peut faire fubfifter
fes brebis dans les hivers rigoureux , rifqueroit
trop de les expofer à toutes les injures de l’air.
Ce font les alimens feuls qui empêchent le mouvement
du fang de ceffer ; & nous ne voyons
que trop fouvent parmi nou^un homme indigent
faible vaincu par le degré de froid auquel l’hom-
tne qui ne manque de rien, fait réfifter.
Enfin , je crois qu’on fe trompera prefque tou.
jours eh jugeant, par la robe d’un animal, de fa
fenfibilité plus ou moins grande aux diverfes tem.
pératures. Je penfe qu’on pourroit, en beaucoup
de circonftances , interpréter, tout autrement qu’on
ne fait, l’intention de la nature à cet égard. Si
un homme eft plus vêtu que le climat ne le comporte
, ne dites-vous pas qu'il eft frileux , c’eft-à-
dire, que fon épiderme eft foible ?
La bête à laine reffemble à cet homme trop vêtu
à vos yeux ; fous la laine longue, elle a réellement
la peau mince : un daim & un cerf, au contraire
, ne vous donnent-ils point, fous un poil raz
une peau très-épaiffe & très-forte ? C’eft donc la
peau, bien plutôt que la robe , qui prouve fi un
animal eft armé ou non contre le froid.
Si je me demande maintenant comment les hommes
font parvenus en agriculture à des excès con-
traires , je crois m’expliquer ainfi cette contradiction.
Les animaux, dans l’état de nature , ne font
point fans abri.
Les peuples chaffeurs en pourroient rendre témoignage.
Les peuples pafteurs , n’ayant pour
abri que des toits très-fragiles & très-bornés dans
leurs courfes vagabondes , furent les premiers à
s’écarter de l’ordre naturel, à gêner la liberté des
animaux, & à les obliger d’affronter , couchés
au-dehors de leurs tentes, toutes les. rigueurs des
climats ou ils. erroient. /
L’homme, devenu agriculteur, (e créa un domicile
permanent, & , par fûreté, par intérêt, le
partagea, avec fes troupeaux. Sa mifère & fa négligence
firent bientôt un cloaque infeâe des étables
; & des hommes éclairés , révoltés de cet
afpeâ dégoûtant , ne virent plus de remède à
ce mal, que dans une extrémité toute oppofée.
Obfervations fur des brebis tenues toute Vannée en
plein air , dans des bergeries à claires-voies } po>r
M . V E H e l l .
A u mois de novembre 1766 , je formai un
petit parc de 10 à 12 toifes carrées , entouré de
paliffades, dans lequel je mis, le 11 du même
mois, 13 brebis ordinaires du pays , dont l’efpèce
eft petite. Elles n’en fortoient que pour aller à la
pâture avec le troupeau , & paffoient toutes les
nuits fous le ciel dans ce parc.
Elles mirent bas vers Noël : tous leurs petits
moururent. J’en fis part à M. Daubemon : il hi’éx-
horta, dans fa réponfe, à continuer mon expérience.
L’exemple de plufieurs efpèces de gibier
vêtu beaucoup moins chaudement que les brebis,
& le défir ardent de favoir fi je ne ferois pas plus
heureux avec les agneaux, apfès que les mères
auroient pafle toute l’année fous lë c iel, me firent
réfifter aiix lamentations du berger , de toute ma
famille & de tous les habita ns du lieu. Les 13
brebis relièrent en plein air ; & vers Noël de
l’année
•Tannée fuivante, j’eus la fatisfaélion de voir naître
& de conferver les agneaux dans la neige.
Ce fuccès m'engagea d’agrandir le parc > & de
le placer à côté de la principale rue du village
d’Hufingen, où je demeurois alors. Je ne le fermai
qu’avec des lattes du côté de la rue , quoiqu’elle
fût1 au nord , pour lé mettre fous les yeux
de tous'les paffans. Depuis cette époque.» .je n’ai
plus eu d’autre bercail, & toutes mçs bêtes ,à laine
ontréfté ëxpoféés à la pluie & à la neige durant
toute l’année. Il n’y avoit dans tout le parc rien,
de couvert que le râtelier ou la crèche , qui l’ètpit
avec des planches , dans làr largeur d’environ 2
pieds.«
Pendant 13 ou 14 ans que cette expérience a
duré, je n'ai pas perdu une feule bêté , ni eu de
malade. Je ne crois pas avoir obtenu plus de petits
qu’à l’ordinaire ; mais on trouvoit les agneaux.
& les -moutons beaucoup meilleurs que ceux ren-'
fermés dans lés étables.
J’ai fait faire, en ma préfence , l’anatomie d’un
mouton de trois ans par le fieur Simon , Médecin
vétérinaire , & qui a. reconnu l’animal très-
fain , ne lui a trouvé dans; la véficlile du fiel
que trois vers plats , dont le nombre , fuivant
LouisBeglin , boucher ^ qtiî avoit tué ce mouton,
va quelquefois à plus d e ' 60 dans/ une bête du
même âge-,
.Quant* à îa laine , je l’ài fait examiner par des
Fabricans de drap de Balle & de Muihaufen
qui* ont/unanimement reconnu qu’ellè,,ètoit de
beaucoup fùpérieure à celle des bêtes élevées de
la manière ordinaire du pays.
• Par la compaïaifort que j’ en ai faite moi-même,
j’ai trouvé que lès foies de mes toifons étoient
fort.liffes ; fi j’en firOis une entre lés doigts , elle
gliffoit légèrement & rèndoijt un petit fon clair ;
au lieu qü’une foie'‘des moutons élevés dans les
étables, rendoit un petit fon plus obfcur & cra-
quètoit fous les doigts. .
La cauCe de cette différence s’apercevoit à la
vue fimple, aufli bien qu’au taâ : on remarquoit
facilement que les foies des bêtes élevées dans
les étables, étoient plus épaiffes que .les miennes ,
qu’elles étoient raboteufes.
La différence étoit frappante à la loupe : les
miennes reffemblent à ce verre capillaire dont on
fait les aigrettes , tant elles étoient nettes & diaphanes
Hes autres étoient ternes 8c couvertes de
corps étrangers , que j’ai regardés comme une ef-
pece de tartre ; même après les avoir fortement
lavées , on apercevoir des taches qui m’ont paru
etre les^ places où ce tartre étoit attaché.
Je n’ai pas eu l’attention de faire évaporer l’eau
dans laquelle j’ai lavé ces laines.
Quant à la force , j’ai remarqué quejna laine
t emportoit de beaucoup fûr l’autre. Voici comment
je m’y fuis pris ; j’ai arrêté des foies par un bout
'00 . & Métiers, Tome V, Part. I l,
avec de la cire d’Eïpagne à une règle fixée ho-"
rifooralement ; j’ai attaché à l’autre extrémité un
fil pàr les deux bouts , & formé un anneau auquel
j’ai fufpendu d,es clous & des épingles recourbés
du côté de la pointe, & j’en ai ajouté jufqu’à ce
que les foies le foient caffées. Je ne me rappelle
pas la différence de poids qui a caufé la caffure ;
je fais très-bien qu’il en a fallu au moins un quart
de plus pour caffer les miennes , que pour caffer
lès autres. Il m’a encore paru que les premières s’a-
loUgeôient plus que les fécondés avant leur cafi-
fiirè ; ce qhi eft un avantage particulier , en ce
qu’elles font élaftiques , 8t conféquemment plus
propres à faire de bonne marchandife.
Il y a cinq ans que ces effais , & beaucoup
d’autres fur l’économie rurale dont j’étois occupé,
ont été intèrr.ompus. A mon retbûr en A'.face ,
jè n-ai Vu d’autre changement, dans le traitement
des bêtes à laine, que/ceux arrivés avant mon départ'.
M. le Comte de Montjoye Seigneur d’Hir-
fingén au lieu' de tenir durant la nuit fon troupeau
dans des étables prefque hermétiquement,
ainfi qu’on le pratique ordinairement en Alface,
a fait faire une bergerie fermée avec des lattes
des'quatre côtés ,'8t couvérte d'un toit , de ma-
: nière que tous les vents la traverfent, & qu’elle
n’eft à l’abri que de la pluie & en partie de la
neige.
Je fais que depuis ce temps-là , il n’a plus eu de
maladie dans fa bergerie. Quant à la laine, je n’ai
1 pas été à portée de l’examiner.
D’un autre côté, M.' l’Evêque de Baffe a fait
; faite dan$ fes bergeries à Bonfol, p.rès de Poren-
trui, des" cheminées ,, croyant que J’âir. méphitique
que refpirent, les àriimküx qui font renfermés
& laiffés; pendant ciriqa.fix mois fur leur fumier,
s’éyaporeroit. par. les tuyaux.. Je ydoute que cetre
précaution ait amélioré les laines & la fanté de fet
moutons. ^
Lettre fur une façon, particulière •<Vélever les brebis 6*
les agneaux ; par M. Re g n a u d -L a g a r d e t t e ,
à Véditeur de la Bibl, Phyfico-économique.
L e choix du bon rend votre ouvrage précieux
aux artiftes , au phyficien ^ au médëcinc& à i’A-
griculteur ; c’eft en cette dernière qualité que j’ai
l’honneur de vous communiquer , pour la rendre
• publique, une manière d’élever les brebis & les
agneaux-, qui, loin d’être oppofée à celle de M.
d’isjonval , peut parer à divers inconvéniens qui
pourroient réfulter de cette éducation. Je ne doute
point que la méthode d’élever les bêtes à laine en
plein air , n’àit les avantages dont parle ce philofo-
phe agriculteur, & qu’à la longue elle ne foie adoptée
dans toute les provinces de France. Je dis à la
longue, car la marche lente de l’inoculation, par
exemple, annonce combien difficilement le peuple
quitte fes anciennes erreurs.
K k k lc