
L’ufage du biberon , confeillê dans l’iNSTRUC-
TION pour faire avaler du lait aux agneaux q u i.
refufent de téter, ne doit pas être admis.
11 exige plus d’adreffe & de patience qu’on n’en
peut efpérer des domeftiques de ferme. Il faut
le contenter d’introduire dans la bouche de l’agneau
un doigt mouillé de lait, & de lui préfen-
ter enfuite un vafe rempli de lait tiède.
Le Ber GPR ne croit pas bonne la première manière
, que donne In s t r u c t io n , de châtrer les '
agneaux mâles , parce qu’il refte fouvent affez
des organes de la génération pour qu’ils confer-
vent la même ardeur que le bélier ; ils tourmentent
les brebis fans utilité , fe battent avec les béliers
, & s’excèdent de fatigues.
Selon l in s t r u c t io n y chaque bête peut fumer
dix pieds carrés : le Berger réduit cette étendue à
trois pieds.
Examen des Çonfeils quon a publiés y de tenir les
moutons au p ire toute Vannée ou dans des cours avec
hangars ' ouverts , & manière ujitée de les gouverner
che{ de bons propriétaires ou fermiers de troupeaux ; par
M. de Lameryille.
E x t r a i t de fes ebfervaùons fur les bêtes à laine
dans le Berry.
Ceux qui ont avancé que la laine s’affine à l’a ir,
fe font, je crois, trompés pour les climats froids
& orageux, pour les nôtres, il m’a paru qu’elle
etoit plus propre habituellement & plus fine dans
les bergeries faines. Je ne fuis pas le feul Agriculteur
qui penfe ainfi. Le Guide du Fermier dit, page
aaz : « Ils ont, dans la province de Glocefter, la
bonne méthode de faire rentrer les moutons dans
la bergerie pour paffer la nuit 9 & de leur faire
chaque foir une bonne litière. On a beau dire
que la laine s’affine à l’air , elle y prend au contraire
de la rudeffe. Elle s’adoucit dans la bergerie
& devient plus fine. »
Il n’en eft pas des bêtes à laine comme du
lapin, de la belette, du chevreuil & de tous les
animaux fauvages à poil ras. La brebis n’a ni l ’inf-
tinéfc, ni les mnfcles flexibles de ces quadrupèdes
pour fe foigner comme eux. Se couche-t-elle après
la pluie fur une terre légère ? elle offre l’image
d’un animal qui a été traîné dans la boue.
La laine fe charge de terre , de pouffière & de
toutes les ordures que les vents difperfent, & que
les pluies délaient ; & plus la laine eft groffière, &
plus elle s’en charge.
Quand les brebis feroient nuit & jour fans
abri, &, qu’expofées à toute l’aftion de l’air , elles
feroient plus robuftes , cela ne proüvercit point
que cette coutume fût par-tout fans inconvénient ;
cela ne prouveroit point que leur toifon y fort
plus propre, meilleure & plus fine que Wlqu’el-
les fe repofent à l’abri, au moins là nuit, fous
des hangars fermés & garnis de litière.
Ce fut & c’eft encore l’ufage de beaucoup de
propriétaires chez les Anglois, long-temps nos
maîtres, mais non pas infaillibles en agriculture, j
Si l’on n’eft pas tout-à-fait d’accord fur la manière
dont ils conduifent leurs bêtes à laine, c’eft parce
qu’on n’a pas affez diftingué qu’il y en a trois races
en Angleterre : les brebis de race Efpagnole, les
grandes brebis indigènes, & les métiffes de ces deux
races.
Or , les Anglois traitent beaucoup moins rigou-
reufement leurs étrangères & leurs métiffes, que i
les indigènes : les unès ont des hangars , & les
autres n’ont, en beaucoup d'endroits, qu’un parc
pour retraite , & la voûte dés deux pour toit.
S’ils refufoient un abri aux bêtes à laine qui
viennent de quitter un pays plus chaud que l’Angleterre
, je les plaindrois : ils trahiroient leurs
i intérêts. Ils les ferviroient, félon moi , en les
mettant toutes à couvert, à moins qu’ils n’aient
pour but de fortifier toujours le tempérament de
quelques individus, au rifque d’en perdre beaucoup,
pour entretenir leur race la plus précieufe
dans tbute la vigueur naturelle , pa^ le ciroifement
des animaux qui réfiftent aux outrages des hivers.
Je vois que la nature a habille lès bêtes à laine
d’un tiffu capable de les garantir du froid ; mais
je vois auffi que le même vêtement eft une éponge
prompte à s’imbiber de l’humidité , de la pluie &
des brouillards pernicieux. La graiffe de cette
éponge n’empêcheroit pas les pluies froides^fréquentes
des hivers de pénétrer jufqu’à l'a peau
des bêtes à laine, de tremper leurs jambes & leur
tête, & de les difpofer à des maladies putrides.
Ce*te graiffe ou le fuint qu’on dit être trop
abondant dans les bergeries , me paroît utile à la
bonté & à la foupleffe des ouvrages auxquels la
1 laine eft employée. C ’eft la perfection de l’artifte
manufaâurier de l’en dégager fans la rendre aride.
La difficulté n’eft vaincue que lorfque la préparation
de l’art a eu lieu , & n’a point altéré la matière
première.
L’ufage apprend qu’un drap moëlleux eft bien
fupérieur à un drap fec , quoique bien teint. Ceft
à la main & non à l'oeil à juger de fa bonté. On
diftingué tout de fuite , au toucher , les draps de
' Ségovie de ceux d’Angleterre même. La don*
; ceur & la fouplêftê de la laine d’Efpagne font ce
qui la fait tant rechercher.
Il eft connu que les plus beaux béliers de laine
fuperfine & les plus belles brebis des thèmes-races,
• nous viennent de Indes orientales , de Barbarie»
d’Efpagne>.& de tout pays où la laine a plus de
fuint que dans les bergeries faines, •
La laine fèche feroit plus facile à. teindre , Ie
parc feroit ainfi plus avantageux aux artiftes ma-
nufa&uriers ; mais la fueur eft inséparable de a
laine fins de vivante. Ainfi l’a voulu la nature ,
en plaçant cet animal dans des climats chauds , Ss
lui donnant un habit très-épais.
Au refte, le bélier à laine’ fine n’eft!pas le feul
animal de qui la robe foit en contradiction avec
la température du climat qu’il habite. La nature
forme les efpèces ; les événemens en tranfplantent
quelques individus, & il fe forme de nouvelles
races.
De plus, les climats changent peut-être , & ce
qui nous paroît une erreur de la nature n’eft
alors qu’un effet néceffaire de l’immutabilité des
principes phyfiques qui conftituent les êtres divers,
& une fuite des 'révolutions lentes & continuelles
que notre globe éprouve , en vieilliffant, par
les: mouvemens de fon axe. Formés d’abord pour
un tel climat, les animaux peuvent ainfi fe trouver
dans un autre.'Ils doivent, en ces révolutions
infenfibles, & perdre & gagner des avantages.
On obferve en effet que la taille de ces animaux
augmente fouvent, & que leur laine s’a-
longe en allant du midi au nord dans de meilleurs
pâturages , mais que leur laine perd toujours
un peu de fa fineffe ; ce qui fembleroit annoncer
que , malgré qu’ils foient répandus aujourd’hui fur
toute la terre par les foins & les befoins de 1 homme
, ils ont été formés pour les climats froids,
mais avec une laine groffière ; s’il eft vrai que 1 endroit
du globe où la taille d’une efpèce d’animaux
acquiert un plus grand développement,
foit le lieu de fon origne.
Quoi qu’il en foit, que les bêtes à laine aient
ou n’aient pas originairement habité des pays
froids , quoiqu’elles foient du nombre des animaux
qui peuvent vivre fous toutes les zones ,
avec quelques différences dans leur taille & dans
leur robe , j’ai lieu de penfer qu’un climat tempéré
eft celui qui maintenant leur convient ^ le
mieux ; & fi je ne nie point que le froid fortifie
leurs corps ( ce que je crois avec des reftriétions ) , i
on ne peut pas contefter que la chaleur adoucit
leur laine.
Vous pouvez lire dans le Dictionnaire d hiftoire
naturelle de M. de Baumare , que « plus les cli-
» mats font froids & peu herbeux, & plus les
» moutons font couverts d’une laine roide, peu
» blanche / courte & mauvaife ; mais que plus les
» climats font doux & les pâturages abondans, &
» plus la laine des moutons & le poil des chèvres
» font fins, tendres, longs & de belle qualité »
Ce qui prouve que les climats tempérés & les
fols à herbe délicate font les plus propices à la.
bqauté de leur laine. ^
Tout ainfi me porte à croire, je le répété ,'
que leur efpèce , fatiguée des différences qu elle a
éprouvées dans lés diverfes températures où elle a
paffé,préfère aujourd’hui celle qui, fans doute, convient
le plus à beaucoup d’êtres , la température
qui eft à une égale diftance des extremes, ou le
règne du printemps. Enfin il m’a femblé qu’il fal-
loit opter entre une laine fuperfine, & une race
de la plus grande taille, parmi ces animaux bien
gouvernés ou totalement abandonnés à la nature.
Ainfi , dans l’împofïibilité de faire jouir les bêtes
à laine de tous les avantages que les diflérens
climats pourraient leur procurer , jé me fuis décidé
pour la manière de les gouverner qui préfente
moins de rifques , & q u i, fans altérer leur conf-
titution , permet à leur laine d’acquérir à-peu-près
toute la fineffe dont elle eft fufceptible, qualité
très-précieufe pour les riches dans toute fociété
où les arts & le luxe ont pénétré.
Mais , pourroit-on m’objeCter , n’ayons du
moins, à l’exemple des Anglois, que des appentis
, ou des hangars, ou des parcs portatifs & couverts.
Je dirois alors que ce qui eft 11 fi té en Angleterre
, ifle d’où la race des loups a été extirpée,
n’eft pas facile à exécuter en Berry, où ils font
très-communs, & que cette raifon fuffiroit feule
pour déterminer en faveur de la bergerie tou*
propriétaire animé d’une fage inquiétude.
J’ajouterois que tous les appentis femblables aux
chenils ordinaires , avec une cour entourée de
murs , feroient auffi coûteux que la bergerie , &
que les brebis n’auroient pas l’inftinCt de s’y mettre
à couvert. Je montrerois que les appentis moins
fimples , foutenus de trois murs , & fermés par
une large barrière obéiffante , en place du quatrième
mur, ne feroient ni plus aérés, ni plus fains
que mes bergeries.
J’obferverois que les parcs couverts & portatifs
font embarraffans , fujet-s à beaucoup de petites
réparations , & peu défenfifs par eux-mêmes.
Je conviendrois que le hangar vafte , placé au milieu
d’une cour murée, foutenu par de forts po*-
teaux , & entouré de barreaux très-hauts & de1
réfiftance , & que dépafferoit de beaucoup un
toit de chaume fort épais, me paroîtroit le feul
abri préférable à tout autre, s’il n’entraînoit plus
de premières dépenfes , plus de réparation« de
la part des propriétaires en général peu riches , &
v s’il ne demandoit plus de foins conftans , dont
les Colons du Berry font peu capables , & que
par-tout peut-être on exigeroit en vain des gens
de la campagne.
J’expoferois qu’un changement fi extrême , fût-il
praticable , ne pourrait s’opérer tout de fuite,
& que , dans tous les cas , il feroit falutaire pour
les brebis , que les propriétaires commençaflent
par leur faire habiter des bergeries faines.
Les leCteurs qui auront les Géorgiques préfentes
à l’efprit, ne feront point furpris de me voir attaché
aux bergeries. Virgile , véritablement agriculteur
dans fonpoëme recommande , cm beaux
vers de tenir , durant l’hiver , les brebis dans des