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Si le grain étoît exceflivémerit fe c , on laveroit
le boiffeaw tout entier, & on le laifferoit couvert
pendant un jour.
Quand le froment eft trop fec lorfqu’on^ le
met lur le moulin, non feulement la farine s en
va en poufiière, mais elle eft moins blanche &
l’écorce ne fe fépare pas fi bien;
Pour fa voir fi le mélange de froment eft affez
humeété, les boulangers plongent la main dans le
fac ; il s'y attache beaucoup de grain lorfqu il eft
affez humide ; s’il ne s’en attache que peu ou
point, c’eft une marque que le grain eft encore
trop fec; dans ce cas, on y remet de l’eau , on
agite de nouveau le grain , après quoi on laiffe
écouler l’eau.
Afin que cet écoulement puiffe fe faire plus
exa&ement, les boulangers ont une caiffe faite
exprès , que l’on nomme à Leipfick , la fcience &
dans d’autres lieux de Saxe VhumeStoir.
Cette machine porte un fond de fil-de-fer, &
fur les côtés, on y adapte deux perches pour la
transporter plus commodément d’un lieu à un
autre : elle eft affez grande pour contenir à l’aife
un boiffeau de Drefde.
Lorfqu'on a fait écouler l’eau du tonneau dans
lequel on lave le grain , on pofe la caiffe ou l’hu-
meâoir près du tonneau : on jette le grain ; &
quand il eft bien égoutté, on y mêle la portion
qu’on a réfervée sèche.
Après avoir laiffé repofer le grain affez longtemps
pour que l’humidité fe répande également
par-tout, on le met fur le moulin. On ne prend
pas pour cela un feul boiffeau à la fois , on
engrène dans les grands moulins jufqu’à fix ou
même fept boiffeaux. Communément on en livre
vingt-huit boiffeaux pour quatre moutures.
Cette méthode eft devenue néceffaire à caufe
de la grande confommation qu’en font les boulangers;
car la farine de ce grain hurneâé ne fe
conferve pas long-temps ; il faut 1 employer immédiatement
après.
D’ailleurs les boulangers font bien aifes que
l’on repique les meules avant que d’engrener pour
eux. Lorfque les meules font émouffées, elles
écrafent le grain plutôt que .de le caffer, enfbrte
qu’il n’eft point moulu comme il faut. ^
Après que les meules ont été repiquées, on
engrene du fon, pour enlever les petites particules
de pierre qui fe détachent aux premiers
tours , après le r’habillement. ^
On continue à remoudre du fon , jufqu a ce
qu’on le refforte aufii net qu’on l’a mis fur le
moulin : alors on jette fur le moulin les fept boiffeaux
deftinés pour le premier tour.
Si le froment a quelque défaut, fur-tout s il
eft attaqué de ta nielle, on met un bluteau exprès,
fait de fil-de-fer, ou de quelqu’étoffe groffière.
Ceux de fil-de-fer font les meilleurs, ils élèvent
tellement la meule, que le grain paffe le plus
fouyent tout entier.
M E U
Le frottement fait tomber la pointé des graiïîSi
Les faletés , qui font abfolument noires lorfque
le grain eft fort attaqué de cette maladie, tombent
dans la huche à travers le bluteau, tandis
que le froment fort par l’ouverture du blutoir.
On appelle le grain ainft préparé , du froment
épointé. ■ ■ A
Lorfqu’ileft tout paffe, on le raffemble* on ote
le bluteau de fil-d é - fe r , on enlève exactement
toutes les faletés , & l’on met fur le mounn un
bluteau plus clair. . ,,
Si le froment eft bien pur & fans aucun defaut,
l’opération que l’on vient de décrire devient
inutile. ..
Après cette préparation, on remet fur *e moulin
le froment épointé , & on le fait égruger* On e
paffe enfuite dans un crible exprès fait de hl-decrible
à gruau. . K ,
Le fon qui refte dans le crible eft mis de cote ;
on l’appelle fon égrugé; ce qui paffe au travers du
crible eft le gruau. , , ,
Après que tout le froment a ete égrugé, on
met pour lx première fois le gruau fur le mou-
lin , & on remoud : on tire de la huche la farine
qui porte le nom de farine égrugée. , . , ,
Quant au gruau qui tombe par 1 extrenr.te du
blutoir, on le fait paffer par un tamis plus fin
que le précédent. Le gruau qui refte dans le tamis
s’appelle du fon épointé ; on le met_de co tç ,
comme on a fait pour le fon égrugé. Toutes ces
opérations fe nomment là première pajfee.
On remet après cela pour la fécondé lois e
gruau qui a paffé au moulin, pour en tirer la
Farine ; c’eft la meilleure efpèce, à qui l’on donne
le nom de première farine de gruau. - ,,
Quand le gruau a paffé pour la fécondé fois au
moulin, c’eft ce qu’on appelle la fécondé pajfee ; on
tire de nouveau la farine de la huche, & on remet
le gruau pour la trtj^ème fois. Si la farine qui
en fort eft encore fine, on la mele avec la blanche,
& cette paffée fe nommé I* troifùme pajfee pour
la fine farine. Cela ne peut avoir Ueu que quand
le blé eft bon & farineux ; s’il a beaucoup dç-
. corce, la farine qui fort à cette troifieme paflee
n’eft pas affez blanche pour être mêlee avec la
fine farine. , * r 1
On mêle enfemble toutes ces differentes fortes
de farines; & l’on juge fans peine ,k l’excellente
qualité du ’pain compofè dès' farines d,Ç-la première
ou des deux premières paffées.
On reprend les gruaux épointés dont nous avons
parlé plus haut, que l’on melè avec le gruau qui
a paffé pour la troifième fois fur le moulin ; on
fait paffer ce mélange encore deux ou trois fois ,
& l’on en tire de trois fortes de farines, qui font
une fécondé farine de gruau. Le gruau qui refte
après toutes ces opérations fe nomme fond: gruau.
Après avoir tiré du gruau tout ce qu il eft
poflible* on fait paffer deux ou même trois M f
..
M’EU
le fon égrugé; on prend enfemble le produit de
ces deux ou trois paffées ; on les moud, & on
en retire une bonne farine moyenne, que l’on
mêle avec la fécondé farine de gruau , dont nous
venons ’de parler.
On peut encore faire paffer le fon deux & trois
fois, ou même davantage, pour en tirer de la
bifaille, qui eft une farine noire.
Suivant cette méthode, on retire d’un boiffeau
de froment douze mefures de farine blanche, trois
ou même quatre mefures de farine moyenne ,
une ou deux mefures de bifaille. Chaque méfure
de farine blanche pèfe jufqu’à fept livres trois
quarts ; la bifaille un peu moins, & le fon quatre
livres & demie jufqu’à cinq livres, fuivant qu’on
la repafie avec plps ou moins d’exaétitude & de.
foin.
Du feigh.
On commence par le nettoyer foigneufement,
enfuite on l’humeéte avec-de l’eau au point qu’il
s’attache aux doigts lorfqu’on y met la main : on
le laiffe dans les facs vingt-quatre heures & plus
après cette préparation ; au bout de ce temps il
eft prêt à être .moulu.
Si l’on veut faire un pain blanc de la première
qualité, on commence par l’épointer, comme on
a pu le voir ci*deflus, ou nous avons rapporté
la manière de moudre le froment. ^
Lorfque l’on a pris toutes ces précautions , on
tire la farine de la huche, on met au moulin un
bluteau très-fin, après quoi on jette dans la trémie
la farine égrugée , & on la moud régulièrement.
Lorfqu’elle a paffé pouf la fécondé fois par le
moulin , on emporte la farine blanche qui eft def-
tinée à faire le pain le plus blanc. On ôte, -alors'
le bluteau fin, & on en fubftitue un orditiaïre ,
qui n’eft pas de la même finefle. On remet la
farine quatre , cinq fois ou même davantage,
fuivant l’ufage qu’on en veut faire, & on la fait
paffer.
La farine qu’on tire de ces quatre paffées eft
mêlée enfemble pour en faire du pain de méfiage,
ou de gros pains que l’on porte au marché,
La Marine qu’on a tirée de la fécondé paffée
donne un pain plus blanc, mais qui n’eft pas fi
bon que lorfqu’on moud toute la provifion à la
fois, & qu’on, mêle toutes les paffées.
De cette manière on tire toute la farine d’un
boiffeau de feigle; il ne refte que neuf ou dix livres
de fon, fouvent mêmé il n’y en a que fix ou
fept livres. Le déchet fur chaque boiffeaû, à caufe
de la farine qui s’en va en poufiière, eft d’environ
cinq livres.
Quant au droit du meûnier , il y a une différence
qu’il faut remarquer. Si des particuliers qui
ne font pas boulangers de profeflion font moudre
du grain, on en retient la feizième partie pour
le falaire du meunier.,
Pour les autres droits du moulin,"le boulanger
Arts 6* Métiers. Tome V. Part. /.
M E U
donne , fut ving-huit boiffeaux de froment, un
tdnheau de fon qui contient à peu près deux
boiffeaux de Drefde; il en délivre tout autant pour
lé féi'gle. • ,
Le premier garçon du moulin retire de chaque
boiffeau de grain qui vient au moulin, une grofehe
d’étrennes ; & fi le propriétaire du grain ne moud
pas lui-même, on donne encore une grofehe par
boiffeau pour lé travail de toutes les opérations
que nous venons de décrire.
Manière de moudre à Wittemberg.
La table fuivante montre exaftement les divers
procédés établis dans cette ville , lorfqu on veut
moudre du froment. Il fera facile de les comprendre,
après, la defçription détaillée que nous
avons donnée ci-deffus de la manière de moudre
à Leipfick & en d’autres lieux de la Saxe. ,
P a ssées Oh ehcréne
I l p a s s e
DANS
LE BLUTEAU
I l s o r t 1
PAR L’EXTRÉMITÉ!
DU BLUTEAU 1
I. Froment. '. Farine
épointée.
Blé épointé , 1 que Von passe au
tamis ;' et il res,te
dans le crible du
son épointé , ou
l’écorcè du grain.
II.
Froment .
épointé. \
Farine
égrugée.'
Blé égrugé , on
le tamise ; le son
de gruau demeure
dans lë tamis,
et le gruau en
^sort.
III. Gruau,
Fariné de
gruau,la plus
fine farine.
■ 1 Gruau.
IV. Gruau.
Farine
blanche
"ordinaire.
Son de gruau.
V.
Son de gruau
auquel on
ajoute le son
de gruau
du n°. 2e.
Farine -
moyenne.'
Fin son. '
VI. Fin son.
Farine noire.
Farine grossière
ou bi-
■ saille.
Gros son.
Obfervez que la farine épointée du n».. I. fe
joint à la bifaille du n°. IV. Le froment pur &
de bonne qualité n’a pas befotn d etre épointé.
La première. & la fécondé paffée du gruau fe
prennent toujours enfemble, & donnent de la
farine blanche ordinaire. . . c
La farine moyenne eft paffée deux fois. Souvent
même la farine noire ou bifaille fe met auffi deux