
l’apprend la géométrie, les furfaces font entre-elles
comme les quarrés des diamètres, qui font ici les
lignes homologues. O r , un obje&if dioptique ordinaire
de trois pieds fupporte à peine une ouverture
d’un pouce, tandis qu’un télescope à réflexion de
même foyer, peut fupporter une ouverture de fix
pouces & trois lignes : leurs furfaces font donc
entr’elles comme l’unité eft à quarante, à très - peu
près.
D ’où il eft facile de conclure; qu’un miroir de
verre dont on n’emploieroit que la furface concave
feule, en fupprimant la furfece étamée, ne fourni-
roi.t à fon foyer que le tiers de la lumière que fournit
un miroir métallique de même dimenfion. Par
conféquent on ne pourroit y employer qu’un oculaire
d’un plus long foyer, & fous la même longueur
fon effet feroit triple; mais auffi , fur mer, on
n’a pas befoin d’un télefcope qui grofliffe confidéra-
blement. Les plus grands vaiffeaux difparoiffent aux
yeux du fpeâateur avant d’être à quatre lieues du
rivage, i °. Il ne faut pas qu’un télescopé foit d’une
rande longueur pour apercevoir les fatellites de
upiter, dont les éclipfes peuvent déterminer les
longitudes. z°. Sur terre ,les aftronomes peuvent en
avoir aifément & à peu de frais, de telle longueur
qu’il leur plaira, fuivant la nature des obfervàtions
qu’ils auront à faire. Il fuffiroit, pour l’odinaire, d’en
avoir de fix pieds. 30. Ces miroirs auroient de plus
un avantage, qui compenferoit d’une part une partie
de ce qu’ils perdent de l’autre; car on peut donner
au verre qu’on travaille dans desbaffins exafts &
faits au tour une fphéricité beaucoup plus exaâe que
celle des miroirs de métal. Les plus habiles fondeurs
conviennent qu’un métal fondu, jeté dans le moule,
fe retire en fe refroidifiant, & ne fe retire pas également,
fur-tout quand l’épaiffeur n’ eft pas égale partout.
Or les miroirs métalliques ayant une fois pris
la forme du moule, ne peuvent plus qu’être polis.
On ne fauroit remédier au défaut de parfaite fphéricité
fans les remettre à la fonte : de-là vient que
l’erreur inévitable de la fphéricité devient par cet
inconvénient double & quelquefois triple de celle
d’un miroir concave de verre.
D’après cette confidération, & de cette théorie
.pratique, j’ai conftruit deux miroirs concaves de
verre, l’un de dix-neuf pouces de foy e r , l’autre
de quarante-fix ; & au lieu d’étamer la furface pofté-
rieure, comme avoit fait infruôueufement Newton
& plufieurs autres, je n’ai fait que lui ôter fon
poli pour rendre fa réfleâion nulle; c’eft-à-dire,
qu’en lui donnant une courbure convexe arbitraire,
je l’ai Amplement mife en état d’être polie, ou, comme
parlent les ouvriers -, je lui ai Amplement donné
le dernier doucis. Plaçant enfuite ce miroir perpendiculairement
fur le bout d’une longue règle,
& dans l’axe de ce miroir, à une diftance convenable
, un petit miroir plan étamé, incline à cét axe
de quarante - cinq degrés, fuivant la méthode de
Newton, j’ai vu avec plaifir que l’effet eft le même
que celui des telefcopes a miroir de métal. Il m a
femblé que la diftin&ion étoit plus marquée. Mais
comme le jugement dépend d’un coup-d’oeii, je
crains de me faite illufion ; & l’expérience, avec
la confrontation, apprendra mieux ce qu’il en faut
croire.
Je ne doute point qu’en plaçant, au lieu de ce
miroir plan, un miroir concave de Verre d’un foyer
beaucoup plus court, & fuivant les proportions
ordinaires, à la manière de Gregori, qui eft la forme
qu’on leur donne a&uellement, le télefcope ne
réufliffe tout auffi bien.
Il eft facile de voir que cette efpèce de miroir
peut également fervir à la chambre d’ombre, &
pour réfléchir ;la lumière du foleil dans les microf-
copes folaires, en lui donnant la forme qu’on defire,
plan ou fphérique, pourvu qu’on ait le foin de rendre
nulle la réflexion de la furface poftérieure en lui
donnant un fin poli. Comme je ne propofe point
ici une nouvelle compofition de matière à faire des
miroirs, ni un procédé nouveau de les polir, il
feroit inutile d’en parler. On verra fans peine, qu’en
faifant faire au verre la fonction de métal, c’eft-à-
dire, en;n’employant qu’une feule furface, toute
forte de verre, même de rebut pour tout autre
ufage, eft également bon pour les miroirs, les verres
filandreux, gélatineux, ceux qui ont des ftries, des
bulles, &c. ; car ces défauts, très-grands quand il eft
queftion de réfraéfion, deviennent nuis quand il
n’y a qu’une Ample réfleélion. Ainfi ces miroirs auront
l’avantage' des miroirs métalliques, fans en
avoir les inconvéniens. Ils feront légers, peu dispendieux,
durables, quoique plus fragiles, faciles
à être remplacés dans la même monture en cas d’accident.
L’avantage dont on vient de parler, n’empêche
pas qu’on ne continue à faire des recherches fur la
compofition du flintglafs ; cette fécondé découverte
feroit toujours très-précieufe, parce qu’avec les
meilleurs télefcopes de métal ou de verre, on eft
long-temps à pointer, principalement fur mer; au
lieu qu’avec les télefcopes dioptriques acromatiques,
quoique moins parfaits , on découvre l’objet avec
plus d’aifance & de promptitude.. Ceux qui ont
voyagé fur mer nous diroient que le mouvement
du vaiffeau, provenant dujroulis & du tangage,
augmente la première difficulté, & fe fait moins
fentir dans les télefcopes dioptriques acromatiques.
Crijlaux de Montre.
Les criftaux anglois font préfentement imités
par les François de façon à ne laiffer rien à
défirer. .
Les verres de montre formpient feuls une branche
de commerce confidérable, dont l’Angleterre étoit
! en pofïeffion, & qu’on eftime à environ un million
par année. . V . •
M. Alard, horloger, s’eft livré à ce genre d’in-
duftrie avec autant de zèle que de fucces ; fes
criftaux ne le cèdent pas aux plus beaux: criftaux
de montre anglois. Il a fu dréffer des ouvriers
en état d’entrer en concurrence avec les étrangers
, & de former par la fuite des établiflemens
dans nos provinces, où'la main-d’oeuvre, moins
chère qu’à Paris , rendra la concurrence des criftaux
de montre françois difficile & même impof-
fible à fou tenir.
Mais il falloit à M. Alard la matière première,
un criftal parfait, & c’eft la manufacture royale
de Saint-Louis en Lorraine qui le lui fournit.
Voici quelques détails relatifs à l’art de fabriquer
les criftaux de montre.
On fait que la matière première confifte en
des boules creufes de criftal parfait; ces boules
doivent être parfaitement fphériques ; leur vo--
lume eft proportionné à la grandeur des criftaux.
Un criftal d’une grande furface , fur-tout s’il
eft aplati, exige une boule d’un grand diamètre,
chaque boule fournit plufieurs criftaux. Telle eft
la manière de les féparer.
Cinq ou fix tuyaux, de pipe font placés dans
un petit fourneau , au „milieu de charbons allumés.
Une femme prend une boule de la main
gauche, pofe à la furface un modèle ; à l’aide
d’un tuyau de pipe qu’celle retire du feu tout
rouge, elle fait éclater circulairement le criftal
& le détache ; elle reporte fon modèle plus loin ,
& répète la même opération jufqu’à ce. que la
totalité de la boule foit divifée en autant de
criftaux de montre qu’elle a dû en détacher,
Une autre femme prend des cifeaux coupe
les bords irréguliers dii criftal qui s’égrife & vole
en pouffière fous le coup des cifeaux.
Les criftaux portés à l’atelier, on les affùjettit
avec du maftic, par la partie concave , fur une
poupée (une petite bobine en bois) ; on ébauche
le bifeau du bord; au moyen de la pierre ponce
& à l’aide du tour, on leur donne une parfaite
égalité dans la circonférence.
Enfin on les détache de defliis la poupée, on
enlève le maftic, on les polit à deux divers po-
liffoirs, & le criftal eft fabriqué.
Communauté des Miroitiers-Lunettiers - opticiens.
La communauté des miroitiers eft compofée de
celle des bimblbtiers, & de celle des doreurs
fur cuir.
Par cette union, les miroitiers ont la qualité de
miroiùers-lunéttiers-bimblotiers, doreurs fur cuir,
garniffeurs & enjoliveurs, de la ville , faubourgs,
vicomté & prévôté de Paris.
De plus , .par l’Edit du 2.3 Août 1776, il font
communauté avec les tapiffiers , & les frippïers
en meublés & uftenfiles.
Ils ont quatre jurés, dont l’éleCtion de deux fe
ait chaque’ année-, enforte qu’ils reftent chacun
eux années de fuite en charge , gouvernent la
communauté, donnent les chef-d’oeuvres, reçoivent
les maîtres, & font les yifires, dans lefquelle^
, lorfqu’il fe fait quelque faifie , ils font
obligés d’en faire le rapport dans les vingt-quatre
heures.
Nul ne peut vendre miroirs, lunettes ou bim-
blots, s’il n’eft maître, & s’il n’a fait chef-d’oeuvre
de l’un de ces trois, auquel tous font tenus, à
laréfervedes fils de maîtres, qui ne doivent que
fimple expérience, mais qui font néanmoins obligés
de payer les droits du Roi & des jurés.
Chaque maître ne peut obliger qu’un feul apprenti
à la fois : il eft toutefois permis d’en prendre un
fécond la dernière année du premier.
L’apprentiflage eft de cinq années entières &
confècutives ,aprèslesqu elles l’apprenti peut afpirer
à maîtrife, & demander chef-d’oeuvre, qu’on lui
donne fuivant la partie du métier qu’il a choifte
& qu’il a apprife.
Les compagnons, même ceux qui font aprentis
de Paris, ne peuvent travailler pour eux, mais
feulement pour les maîtres ; & les maîtres ne
peuvent non plus leur donner d’ouvrage à faire
en chambre, ni autre part qu’en leur boutique.
Les veuves ont droit de tenir boutique ouverte,
& d’y faire travailler par des compagnons
& apprentis.
Les ouvrages permis aux maîtres de la communauté,
à l’exclufion de tous autres, font des
miroirs d’acier & de tous autres métaux; comme
auffi des miroirs de verre , de criffal & de
criftallin, avec leurs montures, bordures, couvertures
, & enrichiflemens ; des boutons pareillement
de verre & de criftal ; dés lunettes & des
béficles de toutes fortes, montées en cuivre, corne
& écaille de tortue, les unes & les autres de
criftal de roche, de criftalin ou de fimple verre;
enfin tout ce qu’on peut appeler ouvrage de bim-
bloterie d’étain mêlé d’aloi, comme boutons, fon-
nettes, annelets, aiguilles & autres petits jouets
d’enfansg qu’ils nomment leur ménage & leur
chapelle, même des flacons d’étain fervantà mettre
vin & eau, cuillers., falières & autres légères
bagatelles d’étain de petit poids, & à la charge
que les falières entre autres ne feront hautes que
d’un demi-doigt , & ne pourront pefer qu’une
livre & demi la douzaine.
Les jurés font obligés de faire la vifite des ouvrages
apportés par les marchands forains, & de
vaquer au lotiffage de ces marchandifes & matières
propres au métier, arrivant dans la ville de Paris.
Pour cette raifon, ils font déchargés pendant les
deux années de leur jurande, du foin des boues &
lanternes.
Les découvertes d’optique & d’aftronomie ont
beaucoup augmenté les ouvrages des maîtres miroitiers
- lunettiers, à caufe de la taille des verres
& de la fabrique des miroirs de métal, dont les
aftronomes & les opticiens ont befoin, les uns pour
leurs expériences & les autres pour leurs obferva-
tions céleftes ; c’eft pourquoi ils ont pris la qualité
de miroitiers-lunettiers-opticiens.