
Par la manière dont le coucheur faifit la forme j
& la pofe fur le feutre, les parties de la feuille
cpii recouvrent les verjures & qui font engagées
dans leurs intervalles, fe détachent de toute leur
longueur à-la-fois , ce qui allure le fuccès de cette
opération hardie & délicate ; car li le coucheur
préfentoit la feuille par le petit côté , & tentoit
de la détacher en découvrant à-la-fois une petite
portion de toutes les verjures , & vidant aulïi tous
les intervalles, il efl de fait qu’il nepourroit vaincre
tant d obftacles fans cafter la feuille. D ’après ces
principes , le coucheur applique toujours fes
formes fur le côté parallèle aux brins de la ver-
jure, ,& fuit dans le'mouvement qu’il fait pour
coucher toute fa feuille, une marche perpendiculaire
à ces brins & à leurs intervalles.
Outre ce premier avantage, tiré de la facilité
ou a le coucheur de détacher la feuille de la
forme en l’appliquant par le grand côté, il eft
viable qu’il en trouve encore un autre bien important,
qui efi de ne faire parcourir à la forme
lur le feutre que la longueur des petits côtés, &
en général la plus petite dimenfion des formes,.
ce qui accélère fori travail confidérablement.
O efi fur ces principes qu’on s’eft réglé auffi
dans l’arrangement des brins de la toile des formes
doubles & dans leur travail. On a été forcé à
les doubler fur la grande dimenfion, afin de ne
rencontrer aucun des inconvéniens que nous venons
de faire envifager ci-deffus.
Nous^ avons déjà dit que. lorfque la porfe eft
faite, c’eft - à - dire , que le coucheur a interpofè
entre un certain nombre de feutres un égal nombre
de feuilles de papier , il efi queftion de la mettre
fous la prefle, & qu’alors tous lès ouvriers de la
cuve fe réunifient; j’ajoute ici qu’on ne peut trop
recommander la plus grande attention pour que
le preliage des feuilles foit auffi complet qu’il eft
néceffaire, qu’elles'fe fcchent convenablement,
& acquièrent une certaine confifiance égale partout.
Si-tôt que la porfe eft bien preflee , on pâlie
tout autour un racloir de bois, pour exprimer du
bord des feutres une partie de l’eau dont j l eft
pénétré, puis en lâchant la vis. & la faifant remonter
d’elle-même , la porfe , par le refforf des
feutres, remonte auffi, & ce qui relie de l’eau
q ui, lors de l’aétion de la preffe, s’étoit portée
abondamment dans toutes les bordures des feuilles,
rentre aufli-tôt dans le corps de ces feuilles: au
moyen de cette diftribution rapide de l’eau, les
bordures des feuilles me font pas plus molles que
le centre, & pas plus adhérentes aux feutres, ce
qui facilite les opérations du leveur.
Leveur,
Les fondions du leveur font, comme nous l ’avons
dit, t°. de détacher les feuilles de papier des.feutres
auxquels le coucheur & l’aéHon vivo-de la prefle lès
j ont appliquées ; en fécond lieu d’en former des pa.
quets , en les plaçant immédiatement les unes fur
les autres.
Dans certaines-fabriques, 1 q vireür ou apprenti
commence par lever les feutres , afin que le
leveur puiffe plus .aifément détacher les fenil-
les. Ils opèrent ainfi l’un,. fur les feutres qu’il enlève
& qu’il jette à fa gauche fur la mule , &
1 autre fur les feuilles dont il forme des paquets
qu’on nomme porfes blanches. Fort fouvent le leveur
eft privé du fecôurs de l’apprenti ; cependant
les manoeuvres du leveur ont befoin de ce
feccurs , parce qu’elles exigent beaucoup d’adreffe
& une attention continuelle pour éviter les déchets
que peuvent occafionne.r les moindres fautes de
cet ouvrier.
Le ! eyeür Pince le coin la feuille qui eft de
fon côté , & que nous avons déjà nommé bon
caron , & le p'ince avec le pouce & l’index de
la main droite; dès que ce coin eft détaché entièrement
du feutre, il faifit ce coin de la main
gauche, foulève du même mouvement la feuille
en gliffant en même-temps la main droite jufqu’à
1 autre coin; lorfque la feuille eft-détachée au tiers,
il l’enlève hardiment des deux mains, & l’étend
fur la planche ; il place fa feuille en deux, temps
pour qu’elle s’applique exactement fur l’autre,
fans qu’il y ait de l’air interpofè, qui oçcafionneroit
des mufettes & des fronces.
Pour que les premières feuilles qu’il place immédiatement
fur la planchette de la Telle ne
gliffent pas, le leveur y jette un peu d’eau qui,
en les- hume&ant, fait qu’elles adhèrent dès qu’il
tes préfente.
Le plus fouvent, lorfque 1e leveur a placé ainfi
Ja moitié de fa porfe , il la couvre avec deux
j feutres , & appuie de toute fa force fes mains
pour écacher , c’eft-à-dire, applatir la porfe dans
toute 1 étendue des feuilles ; cette demi-porfe en
devient plus ferme & plus difpofée .à recevoir
1 aâion de la preffe pour, la féconde fois.
Le leveur foulève de temps-en-temps les rives
de la porfe-feutre, principalement celles de l’ex-
tremite qui eft de fôn côté, afin de pincer plus
aifément 1e bon caxon , & de détacher ainfi les
bordures fans les. endommager.
Le leveur doit placer très-exactement les feuilles
de fa porfe blanche tes unes fur les àmres, de
maniéré que les coins & tes rives èu bordures fe
correspondent exactement, tant du côté des mains
que du côté des piedsj car fi ces bordures ffé-
toient pas également bien appliquées tes unes fur
les autres, lorfqu’on met les porfes blanches fous
la p-.effe pour la fécondé fois, elles ne fécherôient
pas, ce qui occafionneroit beaucoup de cüffés,
foit à l’étendoir, foit après le collage.
Le leveur doit décider fi le papier qu’il lève a
été preffé fuffifammenï en porfes-feu très , car il
eft dans 1e .cas d’en juger par la çonfillance des
feuilles, & par la facilité plus ou moins grande
qu’il trouve à les détacher des feutres. -
4 C ’eft lui auffi qui avertit lorfqu’il faut leffiver tes
feutres , attendit qu’il s’aperçoit infailliblement
qu’ils ont conrra&é de la graiffe, par le cri que .
font les feuilles lorfqu’il les_détache des,feutres.
Dans les fabriques où l’on ne fait point ufage
de preffettes, on attend qu’il y ait dix porfes de
faites ou la moitié de la journée, pour les fou-,
mettre ainfi en porfes blanches à la même preffe
à laquelle ces mêmes feuilles ont été foumifes
en porfes-feutres, & c’eft cette opération qui
achevé de donner une certaine confifiance à l'étoffe
du papier, & , dans ce cas, ce font tous tes ouvriers
de la cuve qui concourent'au travail de la
prefle. A
Le leveur eft chargé d’apporter la pâte qu il
tire de la pile affleurante, de la yerfer dans la
cuve à chaque porfe, & de rincer 1e tour de la
cuve toutes les fois qu’on quitte l’ouvrage.
On diftingue deux manières de lever : la première,
qui eft ufitée dans prefque toutes nos fabriques
françoifes , eft au piquet ou à.feile inclinée.
Cette Telle reffemble au chevalet d’un pêintre ,
fur tes chevilles duquel on met un trapan affez
léger, qui reçoit les feuilles qu’on y arrange en
égalifant leurs bordures, à quoi la fituation inclinée
eft favorable , fur-tout lorfque te travail
du levage s’exécute par un feulhomme: on a vu
le détail de cette opération ci-devant. -
La fécondé méthode eft à Telle plate ; c’eft la
méthode hollandoite , qui paroît beaucoup plus
avantageufe que la première. Lorfqu’elle eft exécutée
par un leveur habite, elle ne déforme pas
les feuilles comme la première, car, i°. -le leveur
ne laiffe pas fur l’extrémité des feuilles l’impref-
fion de fes pouces ; en fécond Leu, il ne donne
pas aux deux coins une extenfion forcée, comme
il le fait lorfqu’il applique au piquet les feuilles
les unes fur les autres.
Suivant la fécondé méthode, 1e leveur prend
la feuille fur les deux doigts index, en la dé-;
tachant du feutre, & il la place fur un plateau
qui eft dans une fituation horifontale : il ajufte
feulement le >hord qui eft de fon côté & celui
qui eft à fa droite, avec tes bords des feuilles qui
font déjà placées.
Afin que la feuille puiffe obéir aifément aux
Hiouvemens que te leveur lui donne pour l’ègalifer
aux autres , un aide, qui eft en face de lui, de
l’autre côté du plateau, eft chargé de placer à
l’extrémité ôppçlée des- feuilles-, une petite planchette;
c’eft fur cette planchette que le leveur
jette l’extrémité .de la feuille qu’il vient de détacher
du feutre ; & comme.elle n’éprouve aucun
frottement fii r eetre planche tte,elle eft bientôt a j uftée
comme il convient. Si-tôt que le leveur a quitté
la feuille pour en prendre une autre, l ’aide ou
apprenti tire la planchette de défions la feuille &
la pofe deffus, en la laiflant déborder d’environ
une' ligne & demie; le leveur ajufte une autre
feuille , l’aide tire la planchette de deffous fon
extrémité, la remet deffus; & alternativement le
leveur & l’aide continuent ces deux opérations
correfpondantes avec une célérité extrême.
Le leveur prend de temps-en-temps la planchette,
& comprime légèrement les feuilles qu’il a placées ,
en commençant par le milieu, & finifl’ant d'écacher
par les deux extrémités , pour que l’air puiffe
s’échapper en conféquence de cette compreffion
fucceffive.
Lorfque la porfe eft le vée, on met un feutre
deffus , &l avec une planchette plus large, plus
longue & plus épaiffe que la première, le leveur
comprime- la porfe le plus qu’il peut ; c’eft alors
que dans les fabriques de Hollande il mefure l’é-
paiffeur de te totalité de'la porfe, & qu’il juge
à -*p-eu - près par cette épaiffeur fi le papier eft
du poids ainfi que de la force qui conviennent.
Pour pouvoir juger ainfi du poids qu’aura le
papier par l’épaifleur des porfes-blanches, if faut '
que l’opération de la preffe ait été faite régulièrement
& avec le même degré de comprefflon.
J’oubliois dé dire que l’aide eft occupé en même
temps à lever les feutres, & à les jeter fur la
mule où les prend le coucheur.
J’ai remarqué que le plateau fur lequel le leveur
place les feuilles qu’il détache des feutres , étoit
dans une fituation horifontale ; cependant on peut
lui donner & on lui donne affez fouvent une
certaine inclinaifon, & particulièrement lorfqu’on
lève les grandes fortes, en mettant deffous le
trapan un morceau de bois d’une épaiffeur plus
: ou moins- cônfidérable.
J’ai dit ci-deffus que le leveur fe contentoit de
raccorder feulement deux bords des feuilles qu’il
place fur le plateau,'c-’eft-à-dire, celui qui eft de
fon côté, & celui qui eft à fa droite ; il ne s’inquiète
pas des deux autres côtés, perfuadé que,
fi les feuilles ont été bien fabriquées & bien
couchégs , les deux autres côtés parallèles aux
j deux premiers qui le guident, conviendront auffi
I de même. •
On met plufieurs porfes les unes fur les autres
jufqu’à ce qu’on ait-formé des paquets de cinq
cents feuilles , c’eft-à-dire, d’une rame pour les
- fortes qui pèfent jufqu’à vingt & vingt-deux livres.
Les paquets des papiers d’un poids au-deffus jufqu’à
cinquante livres , n’ont que deux tiers de
rames, & ceux au-delà ne renferment que 1e tiers
ou même le quart des rames de ces grandes
fortes'. ",
Ces paquets font portés enfuite dans l’atelier
où l’on s’occupe de l’échange, & fur - tout du
relevage. J’ai décrir fort en détail les attentions
du leveur en Hollande & fes diverfes manipu-
- latio.ns , parce que les ouvriers qui font chargés
dé relever le papier, les fuiveht très-exaéteinenr
ce qui.me difpenfera de les décrire de nouveau
lorlque je traiterai des opérations de l’échange.