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avec une groffe lime plate , & on frotte les dents
fuivant leur longueur , & non pas fuivant celle
du peigne.
Il faut avoir grande attention de ne pas aller
frapper contre les jumelles ; car 1 angle aigu,
qui forme le plan inférieur de la pierre avec
fes côtés , auroit bientôt «coupé le Hgneul ;
c’eft pourquoi il eft à propos d’y mettre une
bande de papier qu’on peut renouveler ou recouvrir
, fx elle fe trouve un tant foi peu endommagée.
|
Il ne • faut pas promener la pierre fuivant la
longueur du peigne , parce que les dents con-
tracteroient une coubure qu’il ne feroit plus pof-
fible de redrefler : d’ailleurs, en ufant un tant
foit peu de l’épaiffeur , ce mouvement jeteroit
entre les dents une r,ebarbe qui déchireroit la
foie qu’on y enfile ; ainfi tout engage à prendre
les plus grandes précautions dans ce travail.,
Lorfque le peigne eft pofé fur une face , on
rôte de fa place, & on retire, avec un balai de
plume, la ponce que ce travail a mife en. poudre,
& on y donne la même façon ; après quoi
on le retire encore pour nettoyer la place, &
ramaffer la pouflière qu’on pafle au tamis de
foie , pour quelle foit plus fine.
Pour nettoyer le peigne parfaitement, on fe
fert d’une forte vergette. ou broffe à poil de fan-
glier, qui pénétre entre les dents , & ote toute
la ponce qui pouroit y être reftée : alors en.
remet encore le peigne fous les tringles puis
aminciffanr, en forme de. b ife auu n morceau de
bois blanc, tel que du faule qui eft .fort bon
pour Cela, d’un pouce ou un pouce & demi-
de large, & enterrant, pour ainfi dire , le peigne
dans cette poufliëre fort fine , on frotte
les dents avec ce bâton , jufqu’à ^ ce que les
dents entrent dans le bois, & qu on foit fur
de leur avoir procuré, une forme arrondie fur
leur épaifleur. |
On pafle enfiiite- à d?autres, mais fans
abandonner celles qui font finies, dont on prend
encore .quelques - unes pour que le peigne- ne
foit pas ondé fur fa longueur y & 1 on continue
jufqu’au bout,, en prodiguant la pouffiere qui
qui n’eft pas perdue, & qu’on ramaffe pour une
autre fois.
A mefure que l:e bâton s’ùfe , & que le bifeau
qu’on y avoit formé, eft fendu par les
dents, on le refait avec* un couteau pour s en
fervir jufqu’au bout.
On fait la même opération fur les deux faces
du peigne, apres quoi on le broffe bien ; de manière
que les poils de la broffe s’infinuent entre
î;s dents & contre les jumelles, ce qui n?elt
pas difficile , s’ils font longs & roides ; &- quand
on eft affûté qu’il në-refte. plus de ponce, on
refait le bifeau du .bâton de faule, & on le
pafle à fec fur les délits » fuivant leur longueur,,
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comme on l’a toujours dû pratiquer ; enfin
l’ayant refait une autre fois, on y met un tant
foit peu d’huile, & on le repaffe encore fur les
dents. , 1 - ' ' ' ,
" On prétend que cette dernière façon préferve
les dents de la rouille : cela eft aifé à conçe-
vôir ; mais il faut mettre bien peu d’huile ,
autrement la chaîne de l’étoffe en feroit tachée.
Il y a des ouvriers qui, au lieu d’huile, pour
dernière façon à donner aux dents , préparent
un morceau de plomb de la forme du bâton île
faule, & les frottent aflez. fort. J’ai déjà, dans
un endroit de cette partie , dit ce que je penfe
de cette recette infumfante ; mais une autre qui
n’eft pas dépourvue de bon Cens, c’eft de prendre
un bouchon de liège, de le faire un peu
brûler à la chandelle , & d’en frotter les dents ;
& quand la partie charbonneufe eft ufée, on le
; brûle de nouveau pour répéter la même opéra-
j tion. I c i, le liège brûlé eft une poudre impalpable
, qui , à l’aide du liège qui n’a pas été b r û lé ,,
peut produire un peu de luftre ;. au furplus. je]
rapporte un procédé reçu.
Quand toutes ces opérations font finieson
prend, une vergette. à longs poils , & on linfi-
nue de tous fens dans l’intervalle des dents ,,
& fur-totit-.entre les jumelles-, pour en faire
fortir la, ponce ou le liège qui pôurroient s’y
être introduits^.
Il eft à propos, en finiffant cet article, de
faire remarquer que pendant qu on polit les
dents fur une face du peigne, l’autre face fe
trouve portée à faux , puifquie les jumelles
font une épaifleur. Il feroit bon de faire une
cannelure de chaque côté, fur la longueur d’une
planche , pour que les dents- paffant defîus , ne
puffent recevoir aucun dommage.
Dans l’état où nous venons de quitter le peigne,
il n’eft pas encore fini : la nature du métal
dont font faites les dents , ne lui permet
pas d’être aufli docile aux volontés de 1 ouvrier,
qu’on le défireroit ; on a beau dreffer parfaitement
les dents , les monter avec beaucoup de
; foin l’on eft tout fur pris,'après tout cela , de les
voir fe porter à droite ou à gauche , & , en
touchant leur voifine , empêcher la chaîne de
fe mouvoir comme il eftnéceffaire.
Nous avons vu qu’on redrefle celles de canne
avec un fer chaud : nous allons enfeigner la
même opération pour celles de fer 'r mais il y al
. quelques manipulations particulières qu’il ne
faut pas omettre. ;. ’'?-••• ; I
Le leéleur doit fe foiwemr de la maniéré
dont j’ai fait voir qu’on redrefle les dents des
peignes de canne : alors la courbure venok de
la nature élaftique & fibreüfe. de la canne ;
mais au .peigne d’a c i e r l ’on ne ' fauroit venir a
bout de redrefler que les dents qui, ayant etc
un peu forcées par le ferrement, du. hgneul., ont
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contraélé une légère courbure : il faut donc apporte?
une très-grande attention pour ne les forcer
contre aucnn corps dur; ou autrement, les dents
qui, ayant été d’abord bien dreffées, ne le font
courbées que par la gêne où les tient le ligneul,
doivent néceffairement par leur élafticité tendre
à fe redrefler , -pour peu qu’on leur en facilite
les moyens ; c’eft ce qu’on fe procure au moyen
d’un fer chaud qui, faifant fondre le ligneul, permet
aux dents de s’étendre.
On fe fert donc de fers à dreffer , femblables
à ceux qu’on a dcja vus : on les fait çfiaufter plus
fort que pour ia -canne , mais cependant pas allez
pour donner du recuit aux dents ; ce qui leur
feroit perdre de leur élafticité, & les empêtheroit
de fe redrefler, quand les chocs qu’elles éprouvent
en travaillant , les courbent un tant foit
peu. ,
A moins d’avoir l’ufage de travailler les métaux,
on fera peut-être en peine des moyens de-s apercevoir
quand une dent s’échauffe trop : voici à quoi
on peut s’en tenir. Le fer ou l’acier, quand ils font
polis, prennent au feu differentes couleurs, fuivant
le degré de chaleur qu’on leur donne : quand on y
fait attention, ou les voit devenir petit jaune,
enfuite couleur de paille , puis couleur d o r , puis
gorge de pigeon, enfuite v iolet, apres cela bleu ,
& enfin gris. ~
C’eft d’après ces différentes couleurs que les
ouvriers en métaux s’affurent de la dureté quil
convient de donner à leurs outils tranchans, ou
autres. On peut fe convaincre aifément du tort
que fait le recuit aux lames de fer dont on fait
les dents : il fuffit pour cela de prendre une dent
non chauffée par un bout , entre les doigts , &
avec l’autre main de la tirer un peu en - devant;
fi ^}le eft de bon fer ou d’acier , elle doit retourner
à fa place , c’eft - à - dire , en ligne droite ,
après une certaine quantité de vibrations^ ; mais
fi la chaleur l’a plus ou moins détrempee, elle
fera très- peu de vibrations , & reftera plus ou
moins courbe, félon qu’elle aura été plus ou moins
recuite.
Il y a des peigners q u ip o u r redrefler les
dents, au lieu de les chauffer avec un fer, comme
je viens de le dire , font chauffer les jumelles d’un
bout à l’autre ; & quand ils jugent que la poix
peut être très - amollie , ils tordent le peigne en
différens fens , & prétendent par là rendre aux
dents la facilité de fe redrefler. Ils ont raifon à
cet égard : mais fi le ligneul conftitue lecarte-
ment des dents , la poix y entre aflùrément pour
quelque chofe ; & quand elle- eft fondue , elle
s’infinue par - tout indifféremment, 6c 1 on ne
peut être aflùré que le peigne étant réfroidi ,
foit aufli folidement monté qu’il l’étoit aupar-
vant. -
J’ai rapporté cette méthode , toute vieieufe
qu’elle eft, pour l’oppofer à celle dont j’ai précédemment
rendu compte. Le poli que je viens de [
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faire voir qu’il convient de donner aux dents ,
eft la dernière opération qu’on y fait. Quelques
ouvriers terminent leur ouvrage par coller
de fécondés bandes de papier fur les jumelles ;
cette précaution eft fort bonne & les conftrve
très- bien. 11 ne refte plus qu’à ferrer ces peignes
• dans des boites bien clofes , & à l’abri de. toute
humidité, dans du fon , pour prévenir la rouille,
• je pafle à d’autres fortes de peignes qui. fervent
pour les paffementiers, les rubaniers &. pour les
galonnierSi
Dé la fabrique des peignés propres aux paffementiers ,
aux rubaniers, aux galomders.
Le rubanier eft celui qui fabrique tous les
rubans tant en foie qu’en f il, unis & rayés, ainfi
que les chenilles de foie & de laine. Le^ paffe-
mentier fabrique les rubans à fleurs brochées, ou
autrement , & le galonnier fait les galons, les
[yfîmes & les livrées. Chacun de ces fabricans
emploie des peignes différens , tant pour les denrs
que pour la monture , qui fe font par les me-
- mes ouvriers. Les uns fe fervent de peigne d’os ,
d’autres de cuivre, & d’autres enfin d’acier. J
La façon de ces derniers ne reflemble guère
’ à ceux dont on vient de voir la delcription.
Les dents fe préparent d’une toute autre manière ^
& même, depuis quelque temps ,-,on a adopté une
nouvelle manière de les monter : c’eft ce que je
vais décrire affez brièvement. Je commence par
les peignes des rubaniers & des paffementiers ;
car ceux de cuivre , d’acier •& d’os, appartiennent
aux galon riers.
Des peignes pour les rubans.
On peut dire en général que les peigne, propres
à fabriquer, les rubans, font, à la longueur
près, femblables eh tout à ceux des étoffes de
foie ; les dents en font ordinairement de canne ,
les jumelles de bois ; on les monte avec le ligneul
, & la fineffe des dents dépend de la fi-
neffe des rubans qu’on veut fabriquer.
Les rubans fe diftinguent par numéros, & les
plus larges ont le plus fort nombre : il eft encore
généralement vrai que les n umèros^des.rubans
, & par conséquent leur largeur, ne changent
rien à leur fineffe ; & le grain en étant
une fois déterminé-, un ruban large reflemble
parfaitement à un plus étroit.
On diflingue, dans la rubanerie-, les rubans unis
& brodés , les non pareilles, les faveurs, &c. les
rubans à gros grain, les rubans à cordon bleu y
ceux pour les bourfes à cheveux , &c. ôte. Après
eux viennent les rubans fatinés , cannelés &.
' ceux à grain d’orge ; les rubans- façonnés par
une double chaîne, ceux brochés en foie-, les
brochés en or & en argent. Toutes ces- efpéces
de rubans exigent autant de fortes de peignes