
pâte fe logent le plus fouvent dans quelques
réduits de la verjure ou de l’enfeigne, elles oc-
cafionnent des raies blanches irrégulières , qui
produifent un affoibliffement de la feuille de papier
dans ces parties ; & comme ces défauts font occasionnés
par des amas de pâte qui groffiffent, ces
différentes raies s’agrandiffent' à toutes les feuilles
qu’on fabrique avec ces formes : le fçul remède
elt de les nettoyer. On fe fert pour cela d’une
leflive de cendres , dans laquelle on met tremper
d’abord les formes, & avec laquelle on les frotte
au moyen d’une brolTe fort douce ; il y en a qui
font ufage de vinaigre, mais il faut pour lors
employer les formes fur-le-champ, car fans cela
Je vinaigre pourrait endommager les fils de laiton
de la toile, ' s’il agiffoit long-temps fur le métal.
Des feutres.
Les feutres font des morceaux d’étoffe de laine
que le coucheur étend fur chaque feuille de
papier, & fur lefquels il resverfe ces feuilles pour
les détacher de la forme , 8c leur faire perdre une
partie de l’eau furabondante dont la pâte fe
trouve encore furchargée: ils fervent aufli à.boire
& à rendre une autre partie de cette eau, lorf-
qu’on met fous la preffe la porfe-feutre.
Les feutres ont deux furfaces différemment garnies
de poils. Celle dont le poil eft le plus long,.
s’applique fur les feuilles qui font couchées ; &
c ’eft fur la furface dont les poils font courts ,
que fe couchent les nouvelles feuilles. Si l’on chan-
geoit les feutres de difpofition, 8c. que l’on couchât
les feuilles de papier fur le--côté qui eft garni
de longs poils,non-feulement elles nes’applL-
qucroient pas exactement fur le feutre,. mais encore
les poils longs & roides ou perceroient les
feuilles, ou produiroient des bouteilles qui en altéreraient
le tiffu i au contraire , les feuilles , en
s’appliquant exactement fur le coté à poils courts,
qui boit l’eau furabondante , y acquièrent une
première confiftance qui fuffit pour l’inftant.
C ’eft aufli.de deffus cette furface à poils courts
queleleveur détache les feuilles de papier après
que la porfe a paffé fous la preffe y 8c après qu’il
a enlevé, le feutre qui les couvrait par le côté à
longs poils , enforte que la différente garniture
des furfaces des feutres, contribue à faciliter les
opérations du leveur comme celles du. cou.*
.cheur.
L’étoffe des feutres doit être affez ferme pour
s’étendre bien exactement fur les feuilles, fans
former dé plis & fans avoir befoin d’être déplacée.
Outre cela, elle.doit être affez fouple pour
fe prêter à l’effort du coucheur ,, qui appuie, fa-
forme fuccefîivement d’un bord du feutre à l’autre
fur tous les points intermédiaires. Comme les
feutres doivent réfifter à l’effort réitéré du coucheur
8c de la preffe, il paraît néceffaire que la
chaîne de. ces étoffes foit très - forte *8c par conféquent
de laine peignée 8c bien tordue. D’un antre
côté , comme ces étoffes doivent être propres
à boire une certaine quantité,$d’eau affez
promptement, 8c à la rendre de même , il faut
que leur trame foit de laine cardée, filée à corde
lâche , 8c tiffée à-peu-près comme celle des draps
londrins. Il en rélulte que la trame peut garnir
abondamment l’étoffe 8c couvrir la chaîne , de
manière que fon tiffu ne s’imprime pas fur les
feuilles de papier , ce qui en altérerait le grain,
par l’empreinte irrégulière d’une chaîne 8c d’une
trame à découvert ; ce que j’ai vu fouvent dans
certaines fabriques , où l’on faifoit ufage de feutres
qui ffétoient pas tiffés fuivant ces principes.
Jufqu’à préfent, les feutres fabriqués à Beauvais
font ceux qui ont le mieux fatisfait à toutes
les conditions que je viens d’expofer , parce
que ces étoffes font compofées comme je l’ai
dit ci-deffus : on comprend facilement que les
étoffes à chaîne d’étain, qui ne foulent que très-peu,
8c qui font d’un tiffu lâche 8c ouvert y. fi on les
trame avec une laine longue & douce , font très-
propres à boire promptement l’eau furabondante de
la feuille de papier qu’on couche deffus , 8c à rendre
cette eau à la preffe.
Une étoffe qui feroit trop feutrée. y comme les
draps ordinaires, même les plus fins, ne boiroitl’ean
ni affez promptement ni affez abondamment pour
que les feuilles de papier y adhéraffent 8c priffent
une certaine confiftance ; c’eft par cette raifon
que les draps de Carcaffonne ont fort bien fait,
& que les draps de Louviers , foulés ,, dont le
tiffu étoit ferré r n’ont pu recevoir les feuilles de
papier que l’on couchoit deffus, parce que l’eau
n’y pénétroit pas fuffifamment. Il eft bien effen-
tiel que la chaîne des étoffes deftinées à faire les
feutres ,. foit forte 8c rèfiftante ,. afin que ces
étoffes foient d’un bon tervice , 8c durent: un certain
temps..
Il paraît, par le nom qu’on a. eonfervé à ces
étoffes ,. que les premiers feutres qu’on a employés
dans la papeterie n’étoient pas de$ tif-
fus compotes fur le métier d’ime chaîne 8c d’une
trame,. mais des morceaux d’étoffes compofées
de laines arçonnées 8c feutrées comme celle
des chapeaux.. Par la. fuite ,.on tentit apparemment
qu’on: pouvoir leur fubfiituer des tiffüs fabriqués
furie métier, comme les ferges, les draps ; mais
l’ancienne dénomination eft refiée, quoique la.
compofition 8c la fabrication des feutres aient
été dirigées fur d’autres principes.
Lorsqu’on a des feutres neufs ,. on les lave
avant que d’en faire ufage ; il faut même qu ils
foient huméfiés à.un certain point pour qu’ils pvrif-
fcnt fervir. Dans ce cas * l’eau introduite dans
les feutres., les difpofe à s’imbiber de l’eau des:
feuilles de papier.
On doit prendre des feutres neufs 8c bien lavés
, lorfqu’on fabrique des papiers forts 8c é'paif-
fi. les. feutres ont perdu, une grande pat*
. j e leur lainage & de leur force d’imbibition,
‘ les emploie auï papiers minces , qui ont moins
5.“ u à perdre, & moins befoin que es feutres
qui les reçoivent foient en état d’en boire une
certaine quantité. i i r mi
Cette quantité d’eau que retiennent les feuilles
des papiers forts fur la forme , & dont il faut
les dépouiller par le moyen des feutres , eft une
des difficultés qu’on rencontre dans la fabrication
des papiers forts. ff , r
Apres cinq ou fix jours de travail, les feutres
contrafient de la graine, 8c s’empâtent d’une certaine
quantité de matière fine. On s en aperçoit
lorfqu’ils boivent longuement 8c incomplètement
l’eau de la feuille de papier que le coucheur y
applique , ou bien lorfqu’ils fe détachent de ces
feuilles avec un certain effort, qui s’annonce par
une efpèce -de cri qu’entend le leveur : il faut
alors les paffer à une leflive compofee de lavon
& d’huile de poiffon. Pour lefiiver une porfe de
l’écu ou du carré d’impreflion , on fait fondre
deux livres 8c demie de lavon dans de leaü chaude
8c l’on y ajoute une livre d’huile de poiffon.
On augmente cette dofe à proportion pour
les portes des grandes fortes , 8c on la diminue
pour les portes des petites. t , ,
Après que les feutres ont été bien pénétrés de
cette leflive , on les y laiffe tremper environ
une demi-heure, puis on les en retire un à un,,
pour les battre avec un battoir ordinaire, en les
retournant fur toutes les faces ; enfin on les tord
pour exprimer l’eau de la leflive, qui en fort
fort chargée de graille. Après cette première opération
I on les trempe de nouveau dans la lef-
five , 8c on les en retire auflitôt pour les battre ,
pour les tordre , & achever de les débarraffer
de toutes les faletés qui' y relient encore , ce qui
en fortent abondamment } de la ils font portes a la
rivière j 8c après avoir été rincés dans leau courante
, on les tord légèrement. Enfin , on les por.e
à la chambre de cuve, où , apres avoir ete mis
en tas fur le trapan , on les fait paffer fous la
preffe pour en exprimer , le plus qu’il eft pofli-
ble , l’eau furabondante.
On a remarqué qu’il falloit employer fur-le-
cliamp les feutres après leur leflive , & que s’ils
féchoient à l’étendoir fans avoir fervi , ils acquéraient
une dureté qui leur faifoit. perdre la
foupleffe qu’ils doivent avoir. A la première porte
les feutres leflivés boivent peu} aufli les feuilles
qii’on couche deffus font - elles fujettes à bou-
teiller. Pour qu’ils tirent bien l’eau , 8c qn ils
foient d’un bon tervice, il /àut qu’ils aient fervi
à fabriquer deux ou trois portes.
Fabrication du papier•
Lorfque la pâte dont on doit fabriquer le papier
a reçu la préparation qui lui convient, foit
dans la pile de l’ouvrier ou affleurante, foit dans
les cylindres raffineurs,, alors ou fournit la cuve
avec cette pâte ; on la tire de la caiffe de dépôt
qui eft à portée de la cuve. En Auvergne , on fe
fert d’une petite gerle de bois, qu on mene fur
une brouette, 8c on la décharge dans la cuve.
Dans les moulins à cylindres conftruits avec intelligence
, 8c d’après le fyflême des Hollandois, on
conduit la pâte de la pile du cylindre raffineur
dans les caiffes de dépôt de la chambre de cuve,
8c on la puife dans ces Caiffes pour en fournir^ la
cuve à ouvrer de la quantité néceffaire. Ce qu on
ajoute de pâte à la cuve, chaque fois qu on la
fournit, eft à-peu-près la quantité qu’on en emploie
pour la fabrication d’une porfe , ou bien
I feulement un« partie de cette quantité, fi on la
fournit plufieurs fois pendant qu’on travaille a 1*
porfe, ce qui a lieu dans la fabrication des gratv,
des fortes.
Lorfque la cuve eft fournie de pâte, 1 ouvrier
ajoute la quantité d’eau convenable à la forte de
papier qù’il doit faire , fi l’on n’en a pas mis fuffifamment
dans la préparation de la pâte à la pile
affleurante ou à celle du cylindre raffineur. Un
fent que le papier qui eft fort 8c étoffe y exige une
pâte plus èpaiffe 8t une moindre quantité de véhiculé
; fi c’eft un papier mince-8c léger, comme les
grand 8c petit cornet, la coquille, &c. il faut
que la pâte flotte dans une grande quantité d eau.
Outre cette différence, obfervee affez généralement
dans la quantité* de véhicule qu’on donne à
la pâte , relativement à la forte de papier étoffé
ou mince qu’on fe propofe de fabriquer, il y a
deux fvftêmes fuivis dans les différens moulins
fur ce point de fabrication} lu n , qui confine a
travailler toujours à grande eau ,r 8c par confisquent
à faire raffiner la pâte dans un véhiculé
abondant, afin d’éviter les pâtons 8c l’irrégularité
dans la diftribution de la matière fur la forme }.
pour obtenir en un mot une étoffe égale & tram-
parènte. Ces fabricans fuivent fur-tout ce fyftême
quand ils travaillent des pâtes non pourries , ou
pourries très-légèrement.
L’autre fyftême eft la pratique de tous les fabricans
qui font ufage de pâtes pourries , 8c qui
font plus jaloux d’expédier le travail de la cuve
que de lui donner un certain degré de perfefiion.
Je .fuis fâché d’être obligé d’avouer ici que c’eft
la pratique du plus grand nombre des fabricans
françois, qui ne tentent pas affez quels avantages ils
trouveraient à foigner cette partie de la fabrication.
La cuve étant fournie de pâte convenablement,
ôn la braffe avec deux outils, dont 1 un eft un
fimple bâton, 8c l’autre un bâton armé à fon extrémité
d’un morceau de planche arrondi 8c troué.
Le leveur d’un côté, 8c l’apprenti de l’autre, execu-
tent ordinairement cette opération en faifant mouvoir
toute la pâte 8c l’agitant de fond en comble ,
8c fur-tout aux environs du piftolet. Lorfque la pâte
fe précipite au fond: de la cuve r on la braffe de
nouveau à mi-porte afin de la ramener affez abon--