
On coule le modèle en plâtre ; c’eft d'après ce
plâtre ^ devenu le vrai modèle , cju’on travaille le
marbre , à moins cependant que le fculpteur nefaf-
fe fon modèle en plâtre à la main, operation qui
refroidit le génie ; & dans ce cas même, il ell fou-
vent obligé d’en faire mouler des parties pour faciliter
fon exécution.
Quand enfin l’on veut avoir de bons modèles,
foit d’après nature, foit d’après les monu-
mens , on lait mouler des parties féparées, un
bras, une jambe, une main , un bulle, &c. Ce
font des études toujours ftires, qu’on multiplie
à fcn gré ; c’efl le moyen de faire un beau
choix.
C eft ainfi que 1 art eft parvenu à réunir tous
les traits, toutes les. proportions qui conftituent
effentiellement la beauté parfaite, mais que la
nature, plus inégale, n’a peut-être jamais raffem-
blées dans le même individu.
Il eft vrai que l’art de mouler, fur-tout pour
les ouvrages de conféquence , demande une intelligence
qu’ou ne trouve pas toujours dans ceux
qui 1 exercent : de-là cette foule de morceaux
faits a la hâte & fans foin, qu’on rencontre partout
; copies infidelles & difformes , où l’oeil
même de i’artifte a peine à reconnoître fon
ouvrage.
Les fculpteurs jaloux de leur réputation, favent
bien faire un choix ; pour les autres qui ne veulent
que multiplier des plâtres bons ou mauvais,
il importe peu de quelle main ils fe fervent.
Après avoir expofé la naiffance, les progrès & l’utilité
dun travail jufqu'ici peu connu, il ne refte
plus qu’à dire un mot de l'ordre obfervé dans ce
traité. On a commencé par donner une idée des différentes
matières relatives au moulage; on a indiqué
les inftrumens néceflaires pour opérer ; on
eft entré dans le détail de l’exécution, en obfer-
vant de mettre par e'égrés fous les yeux du lecteur
, d’abord les opérations les plus faciles ou
d’un plus commun ufage , enfuite les plus difficiles.
Des différentes'matières relatives au moulage.
11 eft néceffaire que l’artifte fâche choifir & préparer
par lui-même ces différentes matières. Leur
bon choix & leur préparation peuvent contribuer
beaucoup à la perfe&ion de fon ouvrage.
Du Plâtre.
Le meilleur plâtre eft celui qui devient le plus
dur après qu’il eft détrempé avec de l’eau, ou
pour parler plus communément, lorfqu’il eft eâ-
çhé. 6
Celui des carrières de Pantin eft moins fufcepti-
ble d’efforts & de pouflière ; mais il a le défaut
de fe relâcher, étant fou vent trop cuit ou brûlé.
Pour éviter cet inconvénient, il faut choifir les
pierres cuites à propos, ce qu’on connoît en les caf-
iant , dorfqu il n y a pas de noyau dedans, &
même en gâchant le plâtre , s’il eft gras & s’attache
aux doigts.
Afin qu’il foit exempt de tous ces défauts, ileft
à propos de le faire cuire foi-même dans un four
de boulanger , après avoir caffé la pierre en morceaux
de la groffeur d’un oeuf.
Le choix de la pierre dans la carrière eft aufli
effentiei il y a des bancs préférables les uns aux
autres : les lits tendres font meilleurs que les lits
durs ; cette pierre étant bien cuite ne fe gonfle pas,
& refle telle qu’elle a été employée. *
On ne fauroit trop prendre de foins pour cette
préparation , car c’eft de-là que dépend la réuffite
de l ’ouvrage , fur-tout lo'rfqu’on doit mouler fur
des figures de marbre..^
Pour bien préparer le plâtre, il faut le battre
dans un mortier , ou le broyer le plus fin qu’il eft
poflible ; cette fécondé manière eft la meilleure,
en ce qu’elle' rend le plâtre plus gras.
Lorfqu’il eft fuffifamment broyé, on le paffe au
tamis de crin & enfuite à celui de foie : ( on dit
fouvent paffe au pas de crin ou au pas de foie )
ce qui relie dans ces tamis s appelle mouchette.
On le rebat & le conferve ians être paffé,, pour
faire des chapes, ou de fortes pièces.
On obfèrvera en général de conferver le plâtre
dans des caiffes ou tonneaux . pour le garantir
de 1 humidité qui le'perd entièrement, en lui
otant fa première qualité de devenir dur en fé-
chant.
Si vous défirez qu’il foit bien blanc, vous le
gratterez avant de le broyer dans le mortier, fur-
tout celui qu’on a diète aux carrières tout cuit ,
comme le piâtre pour la bâtiffe. On le vend à Paris
environ fix fols le fac ; mais cuit au four du
boulanger, il vaut depuis vingt jufqu’à trente fols.
Du talc ou gypse crijlallifé.
On fe fert aufli de talc pour couler de petites
figures, ou autres pièces délicates; c’eft un gypse
criftal’ifé qui fe trouve dans les carrières de
plâtre : il eft diaphane , d’un blanc verdâtre.
On doit, avant de le faire cuire , le divifer par
feuillets d une ligne ou deux d’épaifféur, & le mettre
au four comme le plâtre. Il fe prépare de
même ; mais comme il prend plus vite, il faut le
gâcher fort clair.
On ne fe fert pas ordinairement de cette matière
pour faire des creux, parce qu’elle n'a pas affez
de confiftance , à moins qu’on n’y mêle partie
égale de plâtre commun.
On emploie le talc pour couler des figures de
bas-relief, des médailles ou autres chofes précieu-
fes qui doivent être parfaitement blanches.
De la terre à modeler.
Cette terre fe trouve chez les potiers de terre ,
qui la préparent. Elle fe vend communément dix
fols le pain pefant depuis cinquante jufqu’à foixame
livres.
On fe fert de cette terre pour eftamper & pour
faire des portées autour des moules, aihfi que ries
épaiffeurs pour la fonte des plombs ; c’eft avec cette
terre que le fculpteur fait fon modèle : fouvent
il le fait en plâtre à la main , fur-tout dans les
grands ouvrages.
De la cire.
L’ufage de la cire eft très-fréquent dans l’opération
du moulage : tout ce que l’on doit fondre
en bronze eft coulé en cire avant que le fondeur
fafTe fon moule de fable oti de potée.
Voici comme elle fe prépare : fur une livre de
cire neuve on met un quarteron de fuif & une de- j
mi-livre de poix de Bourgogne blanche ; l’on fait
fondre le tout enfemble , en obfervant de ne pas la
laiffer bouillir.
Cette cire devient liante ; elle fert à faire des
épaiffeùrs pour les broqzes, à réparer des pièces
perdues ou cafifées dans les inouïes, & même à
durcir les creux ; mais dans ce dernier cas, il faut
que la cire ne foit altérée par aucun mélange.
Du majlic.
La compofition du maftic fe fait de plufieurs manières
: prenez une livre de cire, une livre de poix-
rèfine, un quarteron de foufre en poudre, & faites7
fondre le tout dans un vaiffeau de terre ou de
cuivre fur un feu médiocre , en obfervant de ne
pas le laiffer bouillir. Lorfque tout eft fondu, vous
y joignez de la poudre de marbre ou de brique paf-
fèeau tamis de foie , ,en remuant le tout avecune
fpatule de bois. On ne peut déterminer au jufle la
dofe de cette pouffière ; c’eft ordinairement cinq
ou ftx poignées pour la quantité de cire donnée ci-,
deffus.
Lorfque le maftic eft froid, il eft facile de voir
s’il eft trop dur ou trop mol : dans le premier cas, on
y ajoute un peu de cire ; dans le fécond on y met
ün peu de poudre .de marbre.
On peut faire ce même maftic en fubftituant dü
plâtre fin au marbre ou à la brique.
Ce maftic fert pour mouler fur les marbres, fur
les terres cuites , & autres morceaux dé fculpture
dont la matière eft plus caftante;.
Lorfque l’on veut s’en fervir, on le fait fondre
au bain-marie , afin qu’il ne brûle pas au fond du
vafe.
On emploie aufli un autre maftiç pour rejoindre
les modèles en terre cuite , qui fe caftent dans le
four par l’aâion du feu , ou pour rejoindre les coupes
que l’on eft obligé de faire fur cette terre.
Les marbriers appellent cette compofition maftic
gras : il eft compofé de cire & de poix-réfme
en égale quantité ; obfervez de chauffer les deux
parties que l’on veut rejoindre.
Il y a une troifième efpèce de maftic , dont on
fe fert plus particulièrement pour le marbre
plus long à durcir , & tient plus fortement que l’autre
: il eft compofé de fromage blanc, nômoié vulgairement
à la pie , & d’égale portion de chaux
v iv e , que l’on mêle enfemble en les broyant fur
un morceau de marbre ou pierre de liais.
On emploie aufli au même ufage de l’alun de
Rome, qui jaunit moins que toute autre matière;
il faut faire chauffer les parties que l’on veut rejoindre
, fans toutefois les brûler ; le marbre alors
change de couleur, & la jonftion paroît.
Des huiles & de leurs préparations.
On fe fert ordinairement d'huile d’oeillet, pour
enduire les creux dans lefquels on veut couler du
plâtre : fi le creux eft durci, on emploie l’huile telle
qu’elle eft : fi le creux eft tout frais , on fait fondre
dans l’huile un peu de fuif ou de fain-doux, ou
bien l’on fait diffoudre du favon blanc dans l’eau
chaude ; & lorfque le favon eft entièrement diflous ,
l’on y afoute de l’huile d’oeillet dans la proportion de
la moitié du favon employé : le tout fait une huile
très-bonne pour les creux , qui font fecs fans être
durcis.
L’huile grafle eft une huile cuite , dont on fe fert
pour durcir les creux & même les figures de plâtre
que l’on veut mouler, ou qui font expofées à l’air ;
cette huile doit être de lin, parce qu’elle eft plus
deflïcativé.
Voici la manière de la faire cuire : mettez une
livre d’huile de lin dans un vaiffeau de terre ; joi-
gnez-ÿ un demi-quarteron de cire neuve ; puis prenez
un quarteron de litharge , que vous envelopperez
dans un linge & fufpendrez au milieu de votre
huile, enforte que le nouet y trempe entièrement
; faites cuire cette huile à petit feu pendant
cinq ou fix heures : elle s’emploie chaude.
Huile de Rome.
On appelle huile de Rome, la terre à modeler
que l’on a détrempée avec de l’eau en la battant
avec la fpatule. Ce mélange forme une huile qui
n’eft pas bien rare , mais qui a cependant fon utilité
; on s’en fert pour enduire les groffes pièces
d’un moule que l’on doit-cafter, & pour les autres
ouvrages de peu d’importance.
Eau de favon.
L’on fe fert aufîi d’eau de favon blanc pour mouler
fur le marbre, & pour enduire des creux que
l’on coule tout frais ; on fait chauffer de l’eau de rivière
, dans laquelle on jette des morceaux de favon
que l’on remue enfuite : on peut faire cette eau
aufli épaiffe que l’on v eu t, en y mettant plus ou
moins de fayon ou d’eau.
Des injlrumens.
Quand on a les matières toutes prêtes , il faut fe
pourvoir des outils néceffaires.
Ils confiftent en fpatules de différentes grandeurs,
de cuivre ou de fe r , avec un manche de bois ; en
jattes de bois ou de faïence ; ces dernières font plus
commodes, le plâtre ne s’y attache pas ; fi l’on fe
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