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M O N N O Y A G E . (Art du)
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DE LA FABRICATION DES MONNOIES
E T DES MÉDAI LLES .
L a monnoie eft le figue repréfentatif ' de -là
valeur des chofes qui entrent dans le commerce.
Lorfque les échanges en nature furent devenues
impraticables par la multiplication des hommes
& la diverfité de leurs befoins ; lorfque d’ailleurs
il fut impoffible de conferver les chofes échangées,
fur-tout-celles fujettes à s’altérer & à fe
corrompre, il fallut bien chercher une matière
facile à tranfporteï, peu volumineufe, d’une garde
aifée, incorruptible, utile à différens ufages de
la v ie , & qui pût êtré à la fois le figne & le
gage des chofes commercées.
Les métaux ayant ces propriétés, furent adoptés
, dès l’origine des grandes fociétés , par toutes
les nations civiliiees, parce qu’ils s’ufent
peu par le fervice, & qu’on peut les divifer commodément
en petites pièces.-
On donna la préférence à l’or & à l’argent, à
caufe de leur prix & de leur qualité, qui-étant
fupérieurs aux autres métaux, exigent un vo lume
moins confidérable , pour garantir la valeur
des chofes qu’ils repréfentent.
L’écriture-fainte fait mention de mille pièces
d’argent qu’Abimelech donna à Sara ; de quatre
cents ficles d’argent qu’Abraham donna au poids
aux enfans d’Ephron ; & de cent pièces d’argent
marquées d’un agneau, que Jacob donna aux en->
fans d’Hemor : ce qui prouve affez l’antiquité
de l’ufage de la monnoie d’argent.
Cependant ces métaux précieux pouvant être
altérés par différentes proportions d’alliage, il a
paru convenable & même néceffaire que chaque
pièce de monnoie fût accompagnée d’une marque
authentique de fon titre & de fon poids,.
La première marque des monnoies étoit com-
pofée de points ; mais comme autrefois les plus
grandes richeffes confiftoient en beftiaux , le
commerce s’en faifoit principalement par échanges
, & à la p’ace des points qui défignoient la
valeur des pièces d’argent, on imprima fur la
monnoie la figure ou la tête de plufieurs fortes d’animaux.
C’eft pourquoi on la nomma pecunia, du
mot pecus, qui lignifie bétail.
Dans la fuite, le commerce .s’étant étendu, le
légiflateur crut devoir mettre fon empreinte fur
chaque pièce de monnoie, comme un figne certain
de fa valeur, & pour l’empêcher d’être altérée
ou falfifiée. Ces pièces ainfi marquées ont
été nommées monnbie, moneta, du mot latin mo-
nere, qui fignifie avertir; parce que le fouverain
avertit du titre & du poids de chaque pièce de
monnoie.
U-faut obferver que le caraélère de la fouve-
raineté imprimé fur chaque monnoie, en défigne
bien , comme on vient de le dire, le poids &
le titre , mais il ne détermine point fa valeur intrinfèque.
La monnoie royale ou Parijis, étoit autrefois
en France plus forte d’un quart que la monnoie
toitrnoife, ce qui rendoit le commerce des
efpèces plus difficile, & ce qui étoit caufe que
dans les vieux titres on ftipuloit en quelles efpèces
les rentes feroient payables.
L’amorité publique peut bien donner à une
pièce de quelque métal que ce foit, le nom qu’il
lui plaira, & permettre le cours de cette pièce à
un certain prix , mais ellevne peut forcer les
fujets à donner telle quantité de marchandifes
pour telle pièce.
Il faut en conclure que l’échange eft toujours
en raifon de la valeur intrinfèque de la monnoie
, & jamais fuivant la valeur que le Prince
a jugé à propos de lui fixer.
La dénomination de la monnoie fut d’abord
relative à fon poids, c’eût- à-dire, que ce qui s’ap-
peloit une livre pefoit une livré. Les métaux
ayant enfuite changé de prix fuivant leur plus
ou moins d’abondance, on a. confervé les mêmes
dénominations en variant le poids des pièces.
Les monnoies d’or & d’argent font prefque
toujours alliées avec une certaine quantité de
cuivre; ainfi il faut distinguer dans ces monnoies
deux efpèces de valeur, la valeur réelle - & la
valeur numéraire.
La valeur réelle eût la quantité d’or ou d’argent
pur qui fe trouve dans chaque efpèce de pièces de
monnoie, c‘eft fur ce pied que les nations éva-
luent les monnoies qu’elles reçoivent en échangé.
Elles ne comptent pour rien le cuivre qui fert d’alliage
, & n’eftiment l’or & l’argent des monnoies
que comme matière, fuivant le prix que ces métaux
précieux ont dans le commerce.
La valeur numéraire eût celle qu’il plaît au fouverain
de donner à telle pièce de monnoie ; &
cette valeur arbitraire doit s’écarter très-peu .de
la valeur intrinfèque.
Les fujets d’un état commercent entre eux fur
la valeur numéraire, & avec les étrangers fur la
valeur réelle des monnoies. D ’où il fuit que la nation
qui met plus d’alliage , qu’une autre dansfes
monnoies, perd aufli davantage dans fes échanges.
Rien n’eft donc fi pernicieux au commerce d’un
pays , qu’une monnoie qui eft au-deffous du
titre des monnoies des peuples avec lefquels il
trafique.
C’eft un axiome en politique qu’il ne faut pas
toucher aux monnoies.
Cependant, lorfqu’ilfurvient des variations dans
la valeur de l*or & de l’argent, foit par l’abondance
ou par la rareté de ces métaux, il eft alors
de la prudence du fouverain de diminuer ou
d’augmenter la valeur numéraire des efpèces, afin
de maintenir la jufte proportion qu’il doit'toujours
y avoir entre le prix dë l’or & de l’argent
purs en lingot, & le prix de ces métaux monnoyés.
En Europe on emploie pour la fabrique de la
monnoie l ’or, l’argent & le cuivre.
D.e ces trois métaux , il n’y a que le cuivre
pur dont on fait en France les gros fols, les
pièces de deux l ia r d s le s liards 8t les deniers.
Ce métal fert encore à faire l’alliage des pièces
d’or & d’argent.
Le mélange d’une grande quantité de cuivre
& d’une petite quantité d’argent, forme l’alliage
qu’on nomme 'le billon:; il fert à la fabrique des
pièces de fix liards & de deux fols.
Qn a foin d’y mettre des proportions d’argent
refpe&ives à la quantité de cuivre ; de manière
que les pièces qu’on en forme approchent beaucoup
de la valeur qu’on leur donne.
vOn eft convenu de certaines mefures idéales
pour nommer & apprécier la qualité ou la pureté
de i’or & de l’argent.
L’or fe qualifie par le nombre des karats ou
des parties qu’il tient de fin. Il n’y a que 24 karats.
pour exprimer tous; fes degrés de pureté;
ainfi l’or à 2.4 karats eft l’or le plus fin. Chaque
karat fe divife en demi karat, en quart, en huitième
, en feizième, en trente-deuxième de karat.
L’argent fe qualifie par le nombre de deniers
ou de parties qu’il tient de fia : on ne' compte
que douze deniers ; ainfi l’argent à douze deniers
eft l’argent le plus fin.
Chaque denier fe divife en vingt - quatre
grains ; de forte que l’argent à onze deniers
vingt-trois grains, feroit extrêmement fin, ne tenant
qu’un grain d’alliage.
La chofe la plus efféntielle pour un maître ou
directeur des monnoies, elt de connoîtreles procédés'
par lefquels on peut s’affurer de l’affinage
de l’or & de l’argent, & de favoir faire les alliages
de ces métaux dans la proportion convenable.
Il eft donc important d’entrer dans quelques
détails fur l’art de les purifier, & for les
moyens d’en recorfnoître le titre ou le degré de
pureté, avant.de paffer aux opérations du mon-
noyage.
De l'affinage.
Il y a différens moyens, dit M. Macquer dans
fon di£E de chÿmié , d’affiner les métaux parfaits
indeftru&ibles , tels que l’or & 1 argent. Ces
moyens font tous fondés fur les propriétés de
ces métaux, & prennent differens noms fuivant
leurs efpèces ; ainfi, par exemple, 1 or ayant la
propriété que n’ont par les autres métaux, ni 1 argent
même, de réfifter à l’aélion du foufre, de
l’antimoine, de l’acide nitreux, de 1 acide marin,
ces fubftances deviennent des agens propres à
purifier l’or de Taillage de toute autre fubftance
métallique, & par conféquent à l’affiner.
Pareillement l’argent ayant la propriété que
n’ont pas les métaux imparfaits de réfifter à l’action
du nitre, ou peut l’affiner par le moyen de
ce fel.
Mais on a affe&é particulièrement le nom d'affinage
à la purification de l’or & de l’argent par
le moyen du plomb dans la coupelle ; & ce
moyen étant le plus ufite, c eft a celui-la que
nous devons nous arrêter..
L’affinage de l’or & de l’argent par le plomb
dans la coupelle, fe fait par la deftru&ion, la v itrification
& la fcorification de tout ce que ces
métaux contiennent de fubftances métalliques
étrangères & deftruâibles.
. Comme il n’y a que les métaux parfaits qui puif
fent réfifter à Taétion combinée de l’air & du feu
fans fe brûler , fans perdre leur principe inflammable
, leur forme & leurs propriétés métalliques
, & fans fe changer en matières terreufes
ou vitrifiées, qui ne peuvent plus refter unies
avec les fubftances, dans l’état métallique, on
pourroit à la rigueur, par Ta&ion du feu& le concours
de l’a ir, purifier l’or & l’argent de Talliage
de tout . métal imparfait ; il ne s’agiroit pour
cela que de tenir ces métaux au feu, -jufqu’à ce
que tout leur alliage fût entièrement dé.truit;
mais cette purification feroit très - difpcndieufe,
à caufe de la grande confommation des matières
combuftibles, & d’ailleurs d’une longueur infinie.
Cet affinage de l’or & de l’argent par la fimple
aâion du fe u , la feule néanmoins qu’on connût
dans l’ancien temps , étant prefqu’impraticable,
on a cherché & trouvé un moyen beaucoup
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