
Mais quoiqu’ alors pous nous bornions à ce pré- I
lude, les fourds & muets, fous la conduite des
maîtres & maîtrefles dans les penfions defquels
ils demeurent, ou même en s’amufant à griffonner
avec leurs compagnons ., font entrer peu-à-pêu
dans leur mémoire les autres temps de ce premier
verbe. C ’eft un fond dont ils ne connoiffent pas la
valeur, mais nous ne ferons pas long-tems fans
y bâtir.
Comment on doit continuer VInflruélion des fourds
& muets.
Les fourds & muets ont déjà dans l’efprit
(comme on vient de le voir) l’idée d’un certain
nombre de noms fubftantifs.
Us ont vu que tous les noms qu’ils ont fur leurs
cartes ont devant eux, ou un le , ou un la , ou une
V avec une apoftrophe. U faut donc leur donner
des modèles de ces trois efpèces de déclinàifons ,
& les obliger d’en faire eux-mêmes plufieurs ,
qu’on leur indique fur chacun de ces modèles.
Cette opération n’eft pas, à beaucoup près, auffi
amufante que les deux précédentes ; mais le fourd
& muet qu’on iniiruit, a déjà conçu pour fon
Inftituteur une efpèce d’attache & ün certain ref-
pe&, qui le déterminent aifément à entreprendre &
à exécuter, autant qu’il lui eft pofilble, tout ce
que nous lui préfentons pour fon inftru&ion.
Sur la déclinaifon des noms,
En faifant apprendre au fourd & muet les dé-
clin.aifons des noms , on doit lui faire obferver la
différence de leurs articles , de leurs cas, de leurs
nombres & de leurs genres, & en même-temps
lui fournir des fignes qui diftinguent chacune de
ces propriétés qui conviennent aux noms.
Sur les articles , & les Jignes qui leur conviennent.
Voici de quelle manière nous procédons fur
çet article.
Nousfaifons obferver au fourd & muet les jointures
de nos doigts, de nos mains, du poignet, du
coud? , & c ., & c ,, & nous les appelons articles
ou jointures.
Nous écrivons enfuite fur la table, que le , la ,
les, de, du, des, joignent les mots, comme nos
articles joignent nos os ; { les Grammairiens nous
pardonneront, fi cette définition ne s’accorde pas
avec la leur ) dès-lors le mouvement de Yindex
droit , qui s’étend & fe replie plufieurs fois en
forme de crochet, devient le ligne raifonné que
nous donnons à tout article.
Nous en exprimons le genre en portant la main
au chapeau , pour l’article mafculin le , & à l’oreille
, ou fe termine la coiffure d’une perfonne du
fexe, pour l’article féminin la.
L’article pluriel les s’annonce par le mouvement
répété des quatre doigts d’une ou de deux
mains en forme de crochet,
L’apoftrophe s’indique en faifant en l’air une
apoftrophe avec Yindex droit. Il faut y ajouter le
ligne de mafculin,- li l’apoftrophe eft fuivie d’un
nom fubftantif mafculin, & au contraire le figne
de féminin, li le nom fubftantif qui fuit eft un
nom féminin.
, De , du, de là , des, font des articles au fécond
cas. Il faut donc ajouter au figne d’article le figne
de fécond, & enfuite. le figne de'fingulier ou de
plurier, de mafculin ou de féminin.
Nous avons foin de faire obferver que le de ,
du, des de l’ablatif, n’eft point un article, mais
une prépofition, qui a fon figne particulier à proportion
de l’ufage auquel on l’emploie.
Sur les cas, les nombres & les genres, & fur les
fignes qui leur conviennent.
En apprenant fes déclinàifons, le fourd & muet
aperçoit clairement la diftinétion des cas , foit
dans le fmgûlier, foit dans le pluriel.
Il faut lui en faire apprendre les noms par la
dactylologie, nominatif, génitif, datif, & c ., fans
fe mettre en peine de lui expliquer pourquoi on
leur a donné ces noms. Mais ils ont chacun les
lignes qut leur font propres. Premier, fécond ,
troifième degré, &c. par lefquels on defcend du
premier cas, qu’on appelle le nominatif, jufqu’au
fixième, qu’on nomme l’ablatif, font des fignes
beaucoup plus intelligibles , que ceux qu’on pour-
roit appliquer à ces différens noms , après même
en avoir donné la définition
Nous dirons bientôt comment premier , fécond
., troifième , & c . , fe diftinguent d’un, deux,
trois, &c.
Quant au figne dù mot cas, il s’exprime de cette
manière : on fait rouler l’un fur l’autre les deux
index en déclinant, c’eft-à-dire , en defcendant
depuis le premier jufqu’au fixième.
Pour défigner le fmgûlier, on élève le pouce
droit en haut. ,
Le pluriel s’annonce en remuant plufieurs doigts.
On doit faire remarquer aux fourds & muets ,
que le pluriel fe termine toujours par une s , lors
même qu’il n’y en a point au fmgûlier.
Les deux genres fe différencient en portant la
main au chapeau ou à la cornette, comme nous
l’avons dit Ci-deflus.
Différence des noms fiubfautifs & adjeélifs, & des
fignes qui leur conviennent,
Pour montrer la différence fenfible de ces deux
efpèces de noms, il faut prendre neuf cartes ou
neuf petits morceaux de papier.
On écrit fur l’une de ces cartes le nom de Pier*
re, & on place cette carte à fa main gauche. On
écrit enfuite fur chacune des autres cartes un nom
adjeâif, tel que grand, petit, riche, pauvre , fort,
foible , favant. ignorant , & on met ces huit cartes
à fa main droite.
pierre vient donc à entrer & on voit que c’eft
„ „ grand homme ; on prend g carte fur laquelle
fl tr\r erand, & on la met fur .fou nom.
efltf dvfnu encarroffe , & il eft richement habillé ;
on prend la carte fur laquelle eft écrit ne Ire, &
onia met également par-deffus.
On fait encore la même chofe des deux autres
cartes , où font écrits ces mots fon & /avant ,
lorfque Pierre paroît fort, & quon nous ditquil
*oui eft le nom fubftantif, fe trouve
fous; ces quatre qualités, fiat fub ; & telle eft la
véritable notibn d’un nom. fubftantif, auquel on
furaioute les qualités qu’on croit lui convenir.
Ouant au nom adjectif, c’eft celui qui exprime
quelques-unes des qualités qu’on ajoute au
nom fubftantif. La main gayche , qui eft deffous ,
eft le figQe. du nom fubftantif, & la main droite
qu’on vient appliquer fur elle , eft le figne général
de tout adjeâif. *
Les noms adjeftifs pouvant etre egalement fur-
ajoutés à des noms fubftantifs mafeulins, ou féminins
, ont deux genres, le genre mafculin &
le genre féminin.
Il faut en donner, quelques modèles au fourd
& muet, & l’obliger d’en décliner un certain
nombre d’après ces modèles.
On doit lui apprendre , i °. que l ’adjeétif mafculin
doit toujours être furajouté au nom fubftantif
mafculin, & au contraire l’adje&if féminin au
nom fubftantif féminin ; 2°. que le nom adjeâif
doit être mis au fingulier, lorfque le nom fubf-
tjyitif eft au fingulier, & au contraire qu’il doit
être mis au pluriel, lorfque le nom fubftantif eft
au pluriel.
Dpc nnm < adieÆfx aiïi Ce terminent en able & en
Les noms adje&ifs qui fe terminent en able ou
en ible, & qui dérivent des verbes, fignifient une
qualité qui doit ou une qualité qui peut être attribuée
à un fujet.
Dans le premier cas, on ajoute au figne qui
repréfente cette qualité, le figne de néceffaire, &
dans le féconderas on y ajoute le figne de pofiible.
Lorfque ces noms adjeâifs doivent fe traduire
en latin par le futur du participe pafiif qui fe termine
en andus-a-um ou en endus-a-um , il fignifie
une qualité qui doit être attribuée au fujet dont
il s’agit.
Voici comme elle fe rend par lignes.
Un premier figne exprime l’aâion fignifiée par
le verbe , comme aimer, adorer, refpeâler ; un fécond
figue annonce que c’eft un adjeâif dont il
s’agit. Un troifième figne fâit entendre que cet
adjeâif doit néceffairement être attribué au fujet
de la phrafe.
Par exemple, adorer eft l’a&ion d’un verbe
adoré en eft l’adjeôif, mais adorable eft un nom
-das 6* Métiers, Tom. V, Part, l.
adjeâif qui doit néceflairemment être attribué à
Dieu qui eft le fujet de la phrafe.
Lorfque ces adjeâifs fe rendent en latin par des
mots qui fe terminent en bilis , is , e , ils'fignifient
plus ordinairement une qualité qui peut ,
& non qui doit néceffairement être attribuée à
fon fujet.
Alors un premier figne exprime l’a&ion du verbe
, par exemple élire ; le fécond figne qui annonce
un adje&if fignifieroit élu ; mais le troifième
figne qui repréfente une {impie poflibilité donne
le mot éligible.
Pour exprimer la néceflité, on frappe plufieurs
fois & fortement avec le bout dè fon index droit
fur une table ; c’eft ce que fait toute perfonne qui
dit qu’une chofe lui eft due.
Pour exprimer la poftibilité,on regarde à fa droite
un oui, & à fa gauche un non, lequel des deux
arrivera, on ri’en fait rien : on,ne l’apprendra
que par l’événement.
Lorfque ces noms adjeâifs en able ne dérivent
point d’un verbe, mais d’un nom fubftantif ,
comme chantable, ilfc n’annoncent ni nécefiité ni
poflibilité, mais feulement une qualité inhérente
au fujet dont on parle.
Des noms adjeélifs mis au pofitif, ou au comparat
i f , ou au fup&rlatif y ou à Vexcejfif, 6* des
fignes qui leur conviennent.
Les noms, adjeéfifs forit ou pofitifs , comme
grands , ou comparatifs , comme plus grands, ou
exceflifs, comme trop grands.
Pour exprimer grands, nous élevons notre main
droite à une-certaine hauteur, & nous y ajoutons
le figne d’adjeâif.
Si nous voulons dire plus grand, après nous
être arrêtés un certain temps à la hauteur de ce
premier figne, nous élevons notre main à un
degré fupérieur : cela fignifie plus grand.
S’agit-il de très-grand , nous faifons fucceflive-.
ment deux paufes ; la première, après la hauteur
du pofitif ; la fécondé , après celle du comparatif,
& enfuite nous nous élevons encore davantage.
Ehfin pour l’exceflif nous faifons un dernier
figne, qui annonce notre mécontentement & notre
impatience de cette quatrième grandeur. Nous
reviendrons fur cet article à Poccafion du que
qui fe trouve après les comparatifs.
Des adjeélifs fubfiantifiés, quon appelle qualités
abflraites , 6* des fignes qui leur conviennent•
Les noms qui expriment des qualités, comme
bon , grand, f âge, f avant , fuppofent néceflaire-
ment dans le difeours des noms fubftantifs exprimés
ou fous-entendus , auxquels on les applique ;
mais fi l’on confidère les qualités qu’ils expriment,
fans en .faire l’application à aucun nom
1 fubftantif, alors ces qualités pouvant elles-mêmes
recevoir d’autres qualités, deviennent des efpèce*