
commerce.' C ’eft à la pratique confiante de cette
ftmple & grande maxime , que les nations anciennes
ont dû leur (plendeur , que l'Angleterre &
la Hollande doivent toute leur puiffance.
Lorfqu’un gouvernement, par une réunion fq-
nelte d’erreurs & de circonftancesmarche vers
le déclin de fa puiffance, & qu’au lieu de s'attacher
à la relever par des moyens tirés de la
nature desa chofes , il veut adopter la reffource in-
fenfée & ruineufe de l’altération des monnoies ,
on peut dire qu’il a bouché un trou avec un fer
rouge. Dans le moment de l’application, ce trou
difparoit, mais prefque au même inftant le feu.
brûle les parties voiftnes & aggrandit le vide qu’on
vouloit fermer.
En effet, le furhauffement de la valeur, ou
l’altération du titre des monnoies, ne peut obliger
les nations étrangères. 11 n’y a aucun prince
qui puiffe , par la force de fes arrêts , contraindre
les étrangers, ( les Anglois par exemple, ) à
prendre pour 24 livres, nos louis qui auront été
réduits à a i livres. Ils recevront alors le marc
d’or ou d’argent, fur le prix qu’ils y attachent
eux-mêmes, & fi nous tirons d’eux plus de denrées
que nous ne leur en fourniffons , il faudra
folder en louis de 24 livres, qu’ilsKne prendront
que pour a i ; cette perte fera fupportèe par nous,
parce que c’eit l’excèdent de la fourniture des denrées
d’une nation à une autre qui fixe la valeur
du numéraire. Vous avez , Monfieur, fournis au
calcul cette vérité importante, & nous ne faifons
que raifonner d’après vos principes. Ce font auffi
ceux de M. Necker, dans fon admirable ouvrage
fur l’adminiftration ces finances de la France. Et,
pour nous fervir d’une de fes maximes, nous dirons
que tous l’art du banquier le plus intelligent,
ne peut ajouter au numéraire, & le manufacturier
qui, par fon induftrie, a augmenté l’exportation
d’une balle de drap, a plus fait que lui
pour la richeffe nationale.
Le miniftre* par les ordres & fous lesaufpices
duquel vous avez travaillé, Monfieur, votre
utile mémoire, eft doué d’un efprit éclairé &
d’une ame forte ; fes idées font faines, & fes
intentions pures ; mais il eft arrivé au gouvernement
de l’état, dans un moment où tous les
refforts de cette immenfe machine crient à la
fois ; où les'erreurs ont été’ confacrées par des
arrêts & des traités ; où la chaîne des évène-
mens politiques, les embarras intérieurs, exigent
peut-être une prudence confçmmée.
Quoique chefs du commerce d’une grande ville
Maritime ^commerçans nous-mêmes, & que fot s
ce double rapport nous fentions vivement les
plaies nombreufes , profondes & prefqu’incurs-
bles qu’on a faites à la Nation, en livrant fcn
commerce à l’étranger, aux monopoles & à la
fifcalité, nous attendons néanmoins avec uneref
peôueufe confiance que le temps & des circonftances
plus favorables; permettent le retour aux
vrais principes. Dans notre extrême mifère, notre
unique voeu eft que le principal miniftre, que
nous confidérons comme notre libérateur, puiffe
avoir le temps d’entreprendre & de confom-
mer l'ouvrage de la reftauration de la France. Ce
fublime projet eft digne de fon génie & de fes
vertus. Cet efpoir eft le feul foutien qui nous
refte contre les malheurs dont on nous a accablés.
Nous avons l’honneur d’être, avec uneparfa
confidération , &c.
Observations fur Us lettres des chambres du commerce.
Quoiqu’en général toutes les chambres du commerce
qui ont écrit ces lettres, foient du meme
avis que moi , quant à l’inutilité de la refonte
de ï 78 5 , & aux inconvéniens, tant des furachapts,
que de la nouvelle proportion ; celles de L y on ,
Bayonne, Lille & Lorient paroiffent différer de
mon opinion fur quelques articles ; les deux premières
penfent qu’il étoit néceffaire de rapprocher
notre proportion de celle des étrangers ; lune
(celle de Bayonne) , indique la proportion qu’elle
croit convenir aux intérêts de la France, & elle
démontre que celle qui a été adoptée excède de
plus de 3 pour xent , le terme auquel on au-
roît dû la fixer : l’autre ( celle de Lyon ) , s’efl
contentée d’exprimer fon voeu , fans entrer dans
aucun détail»
Je n’ai point traité à fond cette queftion, j’ai
feulement dit ( & cela ne peut pas être révoqué
en doute), que la proportion que nous venions
de quitter avoit été déterminée d’après l’avis du
commerce, & quelle étoit conféquemment conforme
à fon voeu; on voit, par les lettres des
chambres du commerce de Bayonne & de Lyon,
que fi elles avoient été confultées, la nouvelle
proportion ne fe feroit pas fi fort éloignée de
l’ancienne.
On trouvera, au furplus, à la fuite de ces ob-
fervations , un tableau des proportions qui étoieut
obfervées par le plus grand nombre des nations
commerçantes de l’Europe , à l’époque de la refonte
; il prouve que la proportion à laquelle
on nous a fait renoncer, étoit, à-peu-près , le
terme moyen de toutes les autres, ainfi que je
l’ai expofé, & que ce terme fe rapprochoit beaucoup
de la fixation prüpcffée par le commerce de
Bayonne.
Cette chambre, ainfi que celles de Lyon &
Lorient, ne font point d’avis que l’on abandonne
le feigneuriage , les deux premières penfent que
cet abandon provoqueroit une augmentation du
prix des matières , & toutes les trois confièrent
( 8b 3
Te -feigneuriage comme une portion des revenus
du.roi, que 1/cn ne pourroit fupprimer fans le
remplacer par un impôt.
Ces obfervations font très-juftes, & je me les
fuis faites avant de propofer l’abandon qui en
eft l ’objet, mais fi j’étois entré dans quelques détails
fur l’exécution du plan dont je n’ai donné
qu’un apperçu, on auroit vu i° . , que j’enten-
dois qu’il ne pourroît-être queftion de cet abandon
total, qu’à la première refonté générale, 2° ,
qu’en établiffant de nouvelles bafes, pour le titre
& le poids des efpèces, il feroit aifé de faire
tourner cet abandon au profit de l’un ou de l’autre
, fans qu’il en réfultât aucune augmentation
du prix des matières.
~ Quant à l’autre objeéüon, qui naît de la fup-
preliîon d’une portion des revenus du roi, & de
la néceffité de la remplacer par un impôt ; ce
ne feroit pas la première fois que l’on auroit
porté le fouverain à facrifier à l’intérêt général
du commerce & de la fociété , le produit d’un
droit auffi modique que le feroit celui du feigneuriage
, fi la fabrication étoit réduite à 1 excédent
de la balance du commerce, & des be-
foins des manufaétures.
La chambre du commerce de Bayonne, pro-
pofe de ne plus, à l’avenir, affigner un prix
aux efpéces d’o r , 8c d’en faire un effet com-
merçable ! Il faudroit, en ce cas , commencer
par établir, comme en Angletterre , une proportion
invariable entre les efpèces d’or & d’argent
, confidérées comme matières.
Quoique cette même chambre femble différer
d’opinion avec moi , fur les caufes de la progrefi-
fion du prix des matières depuis 1726, nous fom-
mes cependant d’accord ; j’ai voulu prouver en
effet, & je crois avoir démontré, que chaque
opération du gouvernement, tendante à augmenter
la fabrication des efpèces, en fe procurant
une plus grande quantité de matières, avoit:
provoqué l’augmentation du prix de ces matières ;
les furacheter , ou abandonner au profit des
fourniffeurs une portion du feigneuriage , ceft
abfolument la même choie , & l’effet de ces
mefures étanf auffi le même, il s’enfuit que celui
qui foutient que l’augmentation du prix des
matières provient de la remife du feigneuriage ,
eft d’accord avec celui qui attribue cette aug-
mentationau furachapt. La remife du feigneuriage,
étant un véritable furachapt, puifqu’elle a pour
objet d’indemnifer celui qui l’obtient de ce qu’il
paye au-deffus du prix du tarif.
Je ne peux pas être de l’avis de la chambre du
commerce de Dunkerque, qui croit que j’aurois
dû prendre pour bafe de mes calculs, le terme
moyçn du cours des changes , dppuis le premier
Janvier 1784 jufques au 31 décembre de la
même année. Voulant prouver qu’il exiftoit entre
les effets produits par le cours du premier
janvier 1784, & ceux provenant du cours du
change au 31 décembre, une différence très-con-
fidérable ; je n’aûrois pas rempli mon objet, fi
j’euffe pris le terme moyen de tous les cours de
l’année ; j’obferverai au furplus que la hauffe du
cours de l’Efpagne a commencé dès le mois de
février; que, dès le mois d’avril, elle étoit au
même période qu’a la fin de décembre ; & qu’elle
s’eft foutenue pendant l’année 1785.
Les progrès de la baiffe du change de Londres
, ont été plus gradués.
Je ferai enfin une dernière obfervation , relativement
à la perte que le commerce a éprouvée
par la révolution du cours des changes, depuis
le premier janvier 1784 ; c’eft que l’évaluation
de cette perte, doit-être le réfultât de la-compa-
raifon du cours du premier janvier 1784 , avec
celui du 31 décembre de la même année, 8c
non le réfultât de la comparaifon de ce dernier
cours avec le pair du change : ce dernier cours ne
préfenteroit aucune perte, puifque fuivant les calculs
de la chambre du commerce de Bayonne ,
le change fur Londres étoit encore à cette époque
au-deffus du pair, & celui fur Cadix au-defi-
fous. Le premier réfultât, au contraire, préfente
une perte confidérable , puifqu’à l’époque du 3 1
décembre, le change fur Londres étoit baiffé
depuis le premier janvier , de 2 deniers f fterlings
par écu, & celui fur Cadix, s’étoit élevé de z i
fols par piftole.
Table des proportions qui exijloient entre les monnoies
d’or & d'argent du plus, grand nombre
• des états de l’Europe , avant le premier octobre
I f ; 8*-
Portugal.................... ............ v . . . 1 • • a . . 16 . .
Efjagne........... ................................i . . à . . i 6 . .
Dannemançk.................................... 1 . . a . . 1 5 .. 7^.
Angleterre . . ; ........... ..................... ..... a . . 15 . . rôb-
Vénife; ; : ............................... à . . 14 • • t£*
Hollande ............................................. .à . . 14. *7&-
S a x e___________ | ...................... . à . . 14.
Genève. : ........ ................................ ... * à. . 14. • 70°'
France,................................................... à. . 14 • ■ tôô*
Etats du Pape.................................... . à . . 14. -tôô*
Savoye & Piémont....................... ... . à . . 14. .-fh-
B ru x e lle s , & Pays-Bas-Autrichiens. 1 . . à. . 14 . * ris*
Tofcane............................................... .à. » 14. -tôô*
Augfbourg , Nuremberg.................... . à . . 14. .773.
I i i i i ij