
M E U L I E R. ( Art du )
A j ’ ART do meulier corififts a tailler des meules
dans les rochers , ou à ajuftef des quartiers de
pierre pour en faire des meules. Cet art eft devenu
précieux depuis l’invention des moulins.
Les anciens ècrafoient les grains entre deux
cailloux , comme le font encore les negres de 1A-
mérique; ils imaginèrent enfuite de petites meules,
n’ayant que 20 pouces de diamètre, qu’ris faifoient
aller à force de bras ; ils employoient a cette
manoeuvre des efclaves ou des prifonmers de
■ guerre. „ . , . . .
Enfin on parvint à conftrutre des machines ou
les meules furent mifes en mouvement, fott par
I des chevaux, foit par la feule force du vent ou
de l’eau.. - . , ,
On fe fert ordinairement pour faire de grandes
meules de moulins, de la pierre meulière, qui eft
remplie de trous & d’inégalités. . .
Cependant, pour les meules , on. peut fe fervtr
aufli de pierres de différentes efpeces g pourvu
qu’elles aient la dureté & la rudeffe néceffarre pour
mordre fur les grains & les brtfer.
Dans les pays où le granit eft commun, on en
fait de bonnes meules. Dans d’autres cantons on
emploie un grès compafte & à gros grains.
A Bordeaux on fait ufage dune pierre a fufil
qui fe trouve du côté des Pyrénées, & qtton
fait defeendre par la Garonne fur des radeaux ou
trains. Mais comme cette efpece de pierre a fufil
ne peut fournir que des quartiers , quand le meu-
lier veut en former une meule de fix pieds ou de
fix pieds & demi de diamètre , il commence a en
parer les côtés deftinés à former es joints; pour
quoi il a un marteau pointu par les deux bouts, ;
& très-bien acéré. H H . .
Lorfqu’il a préparé tous les quartiers quil lut
faut pour, former la circonférence de fa meule ,
il les adapte à une pierre dure, taillée quarrement,
avant dans fon centre un trou qu on appelle la il
de U meule. C ’eft dans ce trou qu’on place laxe
qui doit faire tourner la meule. .
Ces pierres étant difpofées comme il convient,
on les joint enfemble avec du plâtre ; & afin
quelles ne puiffent pas fe féparer par leur mouvement
circulaire , on les revêt de deux ou trois
cercles de fer affez forts pour réfifter aux coups
de maillet que l’on donne fur les coins de, bois
• dont l’office eft de ferrer davantage la meule
entre les cerceaux de fer qui l’environnent.
Les meules en ufage aux environs de Paris lont
de pierres qui viennent de Houlbèc, près de Pacy
en Normandie, ou de la Ferté-fous-Jouarre. On
tire ces pierres de la carrière, en meules toutes
formées. _ -
Cette pierre eft de la nature du caillou > elle eft
opaque, très-dure, & remplie de petits trous.
Elle fe trouve par grands blocs dans la carrière.
Quand on en veut faire une meule, on commence
par cerner un bloc, auquel on donne le diamètre
convenable ; puis on en détermine lepaiffeur en
la dépouillant de la terre qui l’environne.
On forme 'enfuite à coups de eifeaux une entaille
tout autour de la pierre arrondie ; on fait
entrer dans cette entaille des' coins de bois^ de
chêne ou de bois blanc bien fec ; on remplit le
creux avec de l’eau , qui faifant gonfler les coins
de bois forcent la meule à fendre horizontalement,
& à fe détacher du b loc , malgré l’étendue de Ion
adhéfion au banc de pierre.
On continue les mêmes procédés pour obtenir
d’autres meules d’un grand bloc de pierre.
Le meulier peut auffi fe fervir avec avantage
de la méthode fuivante. Il fait dans le rocher une
entaille circulaire de deux pouces environ de largeur
, & de trois pouces de profondeur, dans
un diamètre de plus de fix pieds & demi ’• o.n
enfonce dans cette entaille des coins de fer , garnis
j fur chacune de leur faces , de morceaux de bois ,
& on frappe fur ces coins jufqu’à ce que les
meules fe détachent. ç |
Quand la meule eft détachée, on continue de
la travailler dans la carrière même , en ôtant tout
ce qu’elle poiirroit avoir d’irrégulier. Il y a des
carrières où , pour en tirer des meules, on eft
obligé de creufer des puits qui ont quarante pieds
de profondeur & même plus. / ,
Les meules des miroitiers lunettiers font faites
d’un grès propre à arrondir la circonférence des
verres de lunettes & autres ouvrages >d optique.
Ces meules fe tirent communément de là Lorraine.
Les taillandiers & les couteliers emploient auffi
des meules de pierre ; ils appellent meules les
plus petites ; celles.au deffiis fe nomment meuleaux
ou oeillards ; les meulardes viennent enfuite. Les
meulards font les plus grandes meules.
La meule des diamantaires eft toute de fer.
Celle des charrons eft de pierre, montée fur un
chaffis ; elle eft mue par une barre de fer faite
en manivelle : ils s’en fervent pour donner le ni
& le. tranchant à leurs outils. . .
La meule des cloutiers d’épingle eft d’un acier
trempé , montée fiir deux tampons , & mife en
mouvement par une grande roue de bois tournée
par toute la force d’un homme. Çette meule eft
placée à quelque diftance vis-à-vis de la meule
d’acier ; celle-ci eft ouverte des deux côtés, &
placée au deffiis d’un chaffis de planches d’où pend
un verre pour garantir l’ouvrier des parcelles de
fer enflammés que la meule détache ,des clous
qu’on y affine. §
La meule des épingliers eft de fe r , & taillandee
fur fes furfaces en dents plus ou moins vives , félon
l’ufage auquel on l’emploie quand on s’en serf
pour l’ébauchage. Il faut que ces meules foient
plus tranchantes & plus douces quand il faut faire
l’affinage.
Ce qu’on nomme meules de fondeur de cloches ,
font des maffifs de maçonnerie pour y affiijettir
un piquet de bois, fur lequel tourne comme fur
un pivot une des branches du compas de conf-
■ truélion , fervant à former le moule d’une cloche.
Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails
fur toutes les différentes meules employées dans
les arts, d’autant qu’on en fait mention dans la
defeription de chacun des arts en particulier auxquels
ces meules appartiennent. Il fuffit ici d’avoir
fait connoître les procédés fort Amples dont le
meulier fe fert pour co'nftruire ou détacher dans
la carrière les meules de pierre.
V O C A B U L A I R E .
] V Ï eu l a r d ; meule d’un grand diamètre.
Meularde ; meule d’un diamètre moyen.
Meule ; bloc de pierre, d’acier ou de fer, taillé
en rond,~& d’une épaiflèur plus ou moins grande,
fervant à broyer , à moudre ou à aiguifer les'
corps durs.
M euleau ; meule d’un petit diamètre.
OEil de la meule ; on nomme ainfi le trou
pratiqué au centre d’une meule pour y placer l'axe
qui doit-là faire tourner.
OEillard ; c’eft une meule d’une grandeur
"moyenne.