
ment foute nu du prix des matières d’or & d’argent,
qui, joint à l'effet de celles faites dans les
provinces pour les anticipations de fonds au
tréfor-royal , ont élevé le taux de l’intérêt à
un 1 pour cent pour 3 mois , ou 7 ~ pour cent
pour l’an. C ’eft ici le lieu de réclamer avec force ,
contre de femblables opérations, qui, indépendamment
du préjudice qu’elles caufent à l’état ,
par la cherté des fecours qu’elles lui procurent ,
produifent d’autres effets _ non moins allarmans :
eiles étouffent l’induftrie , en interdifant à l’individu,
qui n’a que fes bras ou fon talent, 111-
fage du crédit ; & en le privant du bénéfice
que l’emploi de ce moyen lui procure , elles dé-
truifent le commerce, en lui dérobant, par l’appât
d’un intérêt excellai:, 6c plus- aifé s réalifer ,
les capitaux qui l’alimentent : enfin elles nuifent
au crédit public , en introduifant une défiance
CüiUiaaelle fur le mérite des engage mens contractés
par les prépofès aux fer vies s.
En effet le crédit étant ordinairement proportionné
, eu à la fortune do celui qui en fait
uiage , ou à la valeur intriulèque dès objets auxquels
il elt appliqué , lorfque cette application eff
coon.ié, il s’enfuit que dès qu’un homme contracte
des engagement infiniment fupérieuis a fes facultés
, dès que l’em.doi des fonds qu’on lui confie,
bien loin d’avoir une application connue, eftfubor-
donné à la bonne foi d’un tiers , aux révolutions
du temps & des événement , fon crédit di- ■
mi n ue , la défiance s’introduit, & le plus fou-
v^nt fes progrès font fi étendus , que des particuliers
, elle reflue jufques vers la nation. Nous
croyons donc qu’un pareil diierédit, eft une des
caufes des révolutions extraordinaires qu’a éprouvé
le change fur France dans l’étranger. Nous avons vu
dans le mois de janvier , de l’année dernière , que le
papier fur Paris, à courte échéance, valoit à
Amfterdam 53 il ne fe négocioit à deux mois
q :e pour 52. ^ , cette différence équivalant à un
efeompeede 1 ipour cent, il s’enfuit que h France
payoit dans l’étranger , indépendamment des trais
de commiflion , & autres , un intérêt excêflif qui
devait acçroitre fa dette Cette vérité , qui eft
d’une démcnftration- rigoureufe , nous paroit fuf-
cèptible de grandes réflexions, par l’influence
. qu’elle peut avoir fur la ticheffe & la profpéritè
de la nation.
De tous les moyens propres à ramener l’ordre
& à rétablir un parfait équilibre, il en eft peu ,
fans doute , qui réunifient autant d’avantages &
qui préfement les mêmes facilités dans l’exécution
, que celui que propofe l’auteur, qui elt l’abandon
au commerce de droits de ieigneuriage du
roi, dans leur totalité, fans retenue des frais
de fabrication. Mais ce moyen pourvoit entraîner
des inconvénierts considérables, tels qu’un ren-
chèriffement fubit de 2 ~ pour cent fur les matières
d’or & d’argent, qui , attendu l’induftrie répandue
dans les autres états de l’Europe , en général
, porteroit nécefiairement un préjudice fen-
fibleà nos manu aflures, dans leur concurrence avec
celles de l’étranger, de même-.qu’à nos exportations
de piaflres dans l’Inde. Un fécond inconvénient
, feroit une augmentation égale fur les
changes de l’Efpagne, à l’avantage de ce royaume
, qui rrapperoit Sabord infailliblement le comr
merce dire# entre la France & l’Efpagne, & fitc-
ceffivement ‘enfuite les aatres pays étrangers.
Un troifième inconvénient., c’eft que le remplacement
de ces 2 | pour cent , q u i, comme
i’obferve M. Neck.tr, dans fon ouvrage fur l’ad-
miniftration, des finances , tome 3 pages 18 & 19,
n’opè: e que la légère impofition d’un cinquième
pour cent, fur les exportations du royaume, de-
vroit être aifife fur des objets beaucoup plus
onéreux à la nation. Il femble donc que^ ce
feroit ici le cas d’appliquer la maxime du même
auteur, page 2.1 , qu’en adminiftration , il ne
faut jamais favorifer une branche par une dif-
pofition qui nuit à d’autres intérêts.
En réunifiant fous un même point de vue
les obfervations détaillées ci-deflus, on verra :
Que la progreflion du prix de l’or & de l’argent
en France dérive principalement de la réduction
du bénéfice du R o i, & que toutes les
chofes repréfentées par le numéraire , ayant fubi
un renchériffement au moins égal, il en a ré-
fulté aucune perte pour la Fi ance :
Que la refonte du 30 octobre 1785 , a été très-
préjudiciable, en ce que, elle a , non-feulement
élevé trop haut la proportion relative du prix
de l’or , mais encore , parce qu’elle a réellement
appauvri la nation de toute la partie de l’augmentation
, dont l’étranger a profité, en faifant
refouler l’or en France.
Que les accaparemens de piaftres, faits pendant
les années 1784, 1785 & 1786 ; quoique
n’ayant influé que légèrement fur la haufle du
change d’Efpagne, ont été néanmoins funeftes
par l’effet qu’ils ont produit fur le change de la
France avec l’Angleterre & la Hollande.
Que pour y. remédier , il eft kdifpenfable de
fupprimer les furà'chapts , qui font aufli injuftes
qu’onéreux pour la nation en général, & le commerce
en particulier.
Que l’accroiffement du taux de l’intérêt, devenu
effrayant pour le commerce | a été produit
par les opétations faites dans les Provinces, ainfi
que dans l’étranger, pour le compte des financiers
chargés de fervices au tréfor-rOyal, qu’il
réfulre de cet accroiffement un tort des plus graves
pour l’induftrie, & une perte pour la na-
ciort-.
Enfin
Enfin l’abandon des droits de feigneuriage du
roi, fur les matières d’argent , étant fufceptible
de quelques inçonvéniens , ne fauroit être adopté ,
mais que le feul moyen de réparer le mal qu’à
produit la refonte du 30 o&obre 1785 , eft de
ne point fixer le prix de l’or- St d’en faire un
effet commerçable, en fe conformant à cet égard
à ce qui fe pratique en Angleterre.
Délibéré .à Bayonne , dans la chambre du commerce,
le vingt-neuf mars mil-fept-cent-quatre-
yingt-huit,
Nous avons Vhonneur d’être , &c.
Lettre <5* réflexions des juges & confuls de
L o r ie n t .
; Nous avons l’honneur de vous remettre , en ré-
ponfe à la lettre que vous nous avez fait celui
de nous écrire, le 27 oâobre dernier, les réflexions
du commerce de cette place, fur lesob-
fervations qui y ét oient jointes , touchant la
refonte des efpèces d’or.
Cette pièce eft précifément adreffée à Monfei-
gneur l’archevêque de Touloufe , & nous vous
prions, Monfieur, de vouloir bien la lui faire parvenir.
Nous femmes avec une refpe&ueufe confidé-
ration , Stc,
fièflexlçns fur lés obfervations fur la déclaration
■ du 30 oêlobre i jS 1).
Monfeigneur', nous avons examiné avec la
plus grande attention , les obfervations fur la
déclaration du 30 oétobre 178$ , fur lefquelles
.vous paroiffez defirer l’avis du commerce.
Nous ne pouvons pas nous difpenfer de convenir
que l’auteur, quel qu’il foit, annonce de
grandes connoifiànces fur cette matière. 111’a traitée
félon fes vrais principes , & fi les faits qu il avance
font exa&s, les conféquences qu’il en tire ne peuvent
qu’être évidentes.
Après avoir rendu à cet écrivain la juftice qu il
mérite, nous croyons, Monfeigneur, devoir vous
faire part de nos motifs d’approbation avec le meme
détail que fi nous voulions le combattre ; nous
confidérons le même objet, nous en portons à-
peu-près le même jugement ; mais l’obfervant
d’un autre point de vue , nos preuves peuvent
avoir l’avantage de fortifier une doârine malheu-
reufement trop peu connue , parce qu’on la juge
peut-être très-difficile, quoiqu’elle foit, par les
Arts & Métiers, Tome V. Part. IL
démonftratloîis dont elle eft fufceptible, auffi évidente
que les vérités de la géométrie.
Mais avant que d’entrer en matière, nous ne
pouvons pas nous difpenfer de faire une obfer-
vation générale fur la fource de prefque toutes
les difputes qu’on élève fur l’objet des monnoies ;
elle confifte en ce que, lorfqu’on les confidère
d’une manière abftraite, on veut, qu’elles ayent
une valeur fixe, indépendante & abfolue, comme
elles l’ont dans chaque opération particulière
du commerce ; Or c’elt une erreur, parce que
les métaux qui font la bafe des monnoyes, font
variables dans leur valeur comme les autres denrées,
& qu’il faut les rapporter à une autre me-
fure qui foit commune à cette marchandife, comme
à touets les autres.
De même qu’une mefure d’une toife eft confidé-
rée d’une manière abftraite , quelle que foit la matière
de la mefure phy fique qu’on employé, de même
faut-il faire abftraâion de la matière des monnoies
, pour ne pas fe faire -des illufions fur leurs
véritables effets. Si d’un côté on met pour 100
livres de bled, & de l’autre pour ic o livres d’argent,
on dira que ces Objets ont une même valeur
, comme on diroit que i 00 aunes de toile,
& 100 aunes de fatin ont la même longueur.
Il s’enfuit qu’il ne doit y avoir que la mon-
noie de compte qui foit fixe & invariable, c’eft le
nome, ou la règle à laquelle nous devons appliquer
tous les objets de commerce ; elle eft d’ailleurs nécefiairement
abftraite , parce qu’elle eft la fuite
d'un rapport y & non pas une fubftance réellement
exiftante ; c’eft cette mefure à laquelle il ne falloir
pas plus toucher qu’à toutes les autres ; car
fi l’on .coupe plus de livnes dans un marc qu'il
n’y en avoit ci-devant, ce n’eft autre chofe que
rogner l’aune avec laquelle on mefure une étoffe,
toutes les autres gagneront autant de longueur,
& leur rapport ne changera point ; panant l’opération
fera tout au moins inutile fous ce point
de vue , & fi elle eft utile à . celui qui l’oraonne ,
elle ceffe d’être légitime.
Voilà donc en général à quoi aboutiffent toutes
les opérations fur les monnoies , elles donnent
une valeur fiftive plus élevée aux denrées,,
mais elles ne changent pas leurs rapports, &
n’en augmentent pas la quantité.
Ce n’eft donc que par habitude & par commodité
que l’on s’eft accoutumé à regarder les métaux
monnoyes comme la mefure des autres
denrées. Ils ne font réellement, que des lettres
de change au porteur 9 que chacun recherche parce
qu’ils font indeftru&ibles, & qu’en échangeant
contre eux le fuperflu d’autres denrées périffa-
bles , on peut ttanfporter, & concentrer, pour
ainfi dire, à une époque quelconque, toutes les
jouiffances qu’on auroit été obligé de difîeminer
à fur & mefure de la venue des denrées qui
feules font la matière de nos jouiffauces.
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