
avoit occafionnés : telles font les reffources de
l’intelligence. Je n’ai infifté fur ces détails , que
parce que fort peu d’ouvriers les connoiflent &
les mettent en pratique , & que je ne céderai
d’avoir devant les yeux l'avancement de mon
art.
Quelques fabricans ont imaginé de faire monter
les dents dés vieux peignes qu’ils font défaire,
à d’autres d’un compte plus fin , puifque , difent-
ils , l’ufage a aminci'les dents. Ils ont raifon a
quelques égards ; mais les têtes de ces dents ,
enfermées entre les jumelles , n’ont affu-
rèment pas changé : ai ntl, fi l’on n’a la précaution
de faire remonter les peignes avec du li-
gneul plus fin qu’il ne faudroit pour le compte
qu’on demande , les dents fe trouveront trop
écartées.
C ’eût une raifon d’économie qui engage les
fabricans à faire rem onter leurs vieux peignes :
il ne leur en coûte que la frfec-n ; & c’eft toujours
une épargne des deux tiers^ de la valeur
d’un neuf II eft Vrai que quand ils font changer
le .compte des dents de leurs p eig n es, pour les
rem ettre dans de plus fin s, ils doivent fournir
Iss dents qui y entreront de plus , & qu’il eft ,
toujours .vicieux de'm êler des dents neuves avec ,
des vieilles, quelque bien calibrées qu’elles foient :
alors on fait fervir deux ou trois peignes ; par
exem ple, de trois huit c e n ts, ôri fera deux peignés
d’un m ille', & les dents de furplus eom -
penfent celles, qui fe trouvent toujours fauffées,
u fées , ou autrem ent hors d’état de, fervir.
Pour monter à neuf un vieux peigne, l’ouvrier
déchire le papier qui couvre les jumelles , &
avec la lame d’un canif il coupé le ligneul d’un-
bout à l’autre haut & bas ; au moyen de quoi
les dents ne tenant plus à rien , il peut en faire
le choix convenable : mais s’il veut garder l’ordre
que je viens d’indiquer, il met ce peigne
ainfi démonté devant lui fur'le métier , & pour
pouvoir placer celles des bouts au milieu , &
celles du milieu aux bouts, il coupe ce peigne
exactement par la moitié, & prénd par - là -les
, dents qu’il met au bout à gauche, après celles
des lifières. Quand il a fini cette première moitié
, comme il fe trouve ail milieu du nouveau
peigne, iî doit continuer par le bout de la fécondé
, qui fe trouvera ainfi placé au milieu ,
& ainfi de fuite jufqu’à la fin. On ne rejette
que les dents hors d’état de fervir ; du refie le
peigne fe finit, comme on l’a dit, en enseignant
à les monter. *
Manière de remonter les peignes de canne ou d'acier
fur le métier même.
Il n’eft point de talens, point d’arts, ou des
accidens inopinés ne viennent quelquefois^dé-
ranger les précautions les plfis fages, renverfer
les mécanifmes les mieux entendus. Quand la
chaîne d’une étoffe eft une fois, paffée dans urf
peigne , que par un bout" il y en a une certaine
quantité de fabriqué ; & de l’autre le refte de
la chaîne roulé fur l’enfuple , quel remède apporter
à un peigne auquel fubitement il arrive .quel-
qn’accident ? On n’en a long-temps connu d’autre
que de couper la chaulé pour fubftùuer un
autre peigne. Enfin , après m’être occupé, dès
mon enfance, de ce que la fabrique a dé plus
curieux & de plus intèrenant, j’avoue qu’il n’y
a pas plus d’un an que j’ai appris qu’on pouvoit
fubftituer un autre peigne fans couper la chaîne.
Je tiens-cette utile décoùverte'd?un habile fabricant
d’étoffes de Paris , qui l’a vu mettre en oeuvre
par le fieur Bordier, ancien peigner à Tours,
fur un métier de damas broché.
Voici lè cas où cet expédient eft néceffaire.
Un ouvrier, négligent dans la conduite de fon
étoffe, îai.ffe perdre la carrure de fon métier ;
•ce qui provient de ce que les étaies qui affujet-
tiffent carrément le métier en-tous fehs, fe relâchent
fur quelqu’un des angles : alors le battant
qui ne frappe jufte fur la largeur de l’étoffe, qu’au»
tant que le métier eft carrément pofé, s’il vient
a prendre une pofition hors d’équerre , le peigne
frappant plus d’un côté que de l’autre, l’étoffe
n’avance que de ce coté , tandis que l’autre eft
fort lâche : bientôt le peigne fatigué des coups
redoublés que lui donne l’ouviier, pour regagner
céttè -inégalité , fe couche entièrement vers un
bout, & ne peut plus fervir. .
Cet accident peut arriver dans la longueur
d’une de mi-au ne d’étoffe : j’ai v u , dans une fabrique
qui. m’appartenoit, un peigne de canne
fe cafter au milieu des dents , d’une langueur de
trois ou quatre pouces, en fabriquant du damas.
J’ai vu une autre fois- les jumelles fe caffer. J’avoue
que je n’ai fu trouver d’autre moyen pour placer
un autre peigne , que de couper la chaîne.
Oès qu’on s’apperçoit de l’entière coudrare d’un
peigne y qui le m et hors d’état de fe rv ir, il faut
difeontinuer l’o u vrag e, & avertir prom ptem ent le
peigner. C elui-ci fabrique un peigne.de la même
largeur , de la mêm e fo u le , & du mêm e nombre
de dents ; & prenant , devant le m étier où eft
le peigne cafté,: la place de l’o u v rie r, iî coupe le
vieux peigne par le milieu , pour lê„ leparer en
deux parties fur fa longueur , fans endommager
la chaîné , après en avoir ôté les gardes & les
dents des lifières, fi elles font d ’a c ie r; enfuite il
coupe le ligneul to u t du long des jumelles fupé*
rieures du nouveau -peigne , retire ces jumelles ,
& le m et dans l’état de celui dont les dents ne
font plus retenues que dans les jumelles d’en-bas :
il rem et ce peigne à l’ouvrier qui fabrique l’étoffe,
à qui appartient le foin de diftribuer fa chaîne
dans les dents du nouveau peigne.'
Il fufpend fon peigne en-deffous de la chaîne ,
les dents en-haut, entre la partie qui eft fabriquée
qnée & le remiffe qui fait mouvoir la chaîne, de
manière que les dents puiffent entrer comme d’elles-
mêmes entre les fils de la chaîne qui, pendant cette
opération, doit être un peu lâche , afin de pouvoir
la divifer en petitesparties , fans cra indre de rien
cafter ; & pour, plus de facilité , il ne donne pas
à fon peigne une pofition horizontale , mais un
peu penchée de droite à gauche : au moyen de
quoi la moitié du peigne à-peu-près pâlie au travers
de la chaîne , tandis qu.e l’autre moitié eft
par-délions.
L’ouvrier prend une cinquantaine de fils , & les
place dans une dent près des lifières une
autre cinquantaine qu’il place dans une autre, &
ainfi de fuite, jufquau dernier fil , fans obferver
dans cette divifion aucune règle , fi non que chaque
cordon foit placé à-peu-près en ligne droite ,
& non pas d’un ou d’autre côté , ce qui tiraille-
roit la chaîne. A mefuré qu’on diftribue ainfi toutes
ces parties, on relève le peigne, jufqu’à ce
qu’étant arrivé à la fin , il fe trouve dans une. pofition
à-peu-près horizontale.
Quand toute cette première divifion eft faite ,
l’ouvrier place entre chaque dent tous les fils à
la place qu’ils occupoient dans le vieux peigne ,
& pour cela il doit favoir exactement combien
[ chacune doit contenir de fils , tant de la chaîne
que du poil, s’il y en a un , pour n’en pas déran-
' ger un feul , en commençant par un des bouts
du peigne. .
La manière la plus folide & la plus commode
de faire tenir le peigne pendant cette opération,
l eft de l’attacher à deux montans femblables à
des pieds à perruque, parce qu’on eft fûr de
l’égalité & de la fiabilité.
Il eft aifé de fentir que les dents n’étant retenues
que par un bout, ne préfentent pas un
[ écartement bien uniforme , & que par confequent
| rien n’eft auffi difficile que de faire entrer ces
( fils entre les dents : Voici comment on y rémé-
[ die. L’ouvrier tient de la main gauche le fil qu’il
[ Vôut placer, ouvre les dents où il veut le met-
I tre, avec la pointe d’un poinçon, & continue
| ainfi jufqu’à ce que toute la chaîne foit remife
I en place ; mais pendant tout ce travail il faut
[ que la chaîne foit un tant foit peu tendue, pour
I que les fils fe tiennent à la place où on les place :
I alors le peigner recommence l’opération qui eft
j de fon reffoi t , c’eft-à-dire, de finir de monter
I k peigne. .
Il prend la place de l’ouvrier fabricant, qui eft
| la plus eommjode ; il fixe Us deux jumelles qu il
I avoit ôtées , fur les gardes par chaque bout, &
K attache le peigne très-folidement fur deux mon-
| tans , pour qu’aucun effort ne le puifle faire
K mouvoir' en devant ou en arrière : enfuite il
I place entre les jumelles un petit morceau de
I bois d’un pouce de groffeur, ou environ, pour
K les tenir écartées ; & avoir plus de liberté à fai-
I fir avec la pointe .du poinçon le bout de chacune*
Ans & métiers , Tome V, Fart, Iî.
à mefure que vient fon tour d’être entourée avec
le ligneul qu’on ferre fortement.
A chaque dent, l’ouvrier appuie avec uq des
bouts de la même fourchette dont j’ai déjà parlé
en traitant la manière d’enter .ou tefter les peignes
; mais il doit fur-tout prendre bien garde
à fe rencontrer jufte avec les marques qu’il a
faites fur les jumelles, & qu'il doit avoir devant
lui, & fur-tout il doit prendre garde que les dents
foient bien à angles droits avec les jumelles.
Quand le peigner 'eft à-peu-près au milieu de
la longueur du peigne, il détache les jumelles
de deffus la garde de ce côté , pour que l’écartement
produit par le petit coin de bois ne force
pas trop les jumelles ; & quand on eft à deux
ou trois pouces de la fin, on ôte entièrement
la garde, pour avôir plus d’aifance à opérer, &
on ne la remet que quand toutes les dents font
en place; après quoi, on couvre ces jumelles de-
bandes de papier-, celles qui ont reftè ayant du
en être couvertes auparavant.
Quelque- attention qu’ôn apporte à cette opération
, le. peigne n’eft jamais auffi lolide que
que quand il eft monté fur le métier ; j’ai cependant
entendu dire qu’on avoit fabriqué beaucoup
d’étoffes avec un pareil peigne. Quoi qu’il
en foit, c'eft beaucoup que d’être venu à bout
de réparer un pareil accident ; & le peigne ne finit
il que la pièce commencée , c’eft beaucoup
gagner. Cette invention eft une des plus heu-
retifes de toute la fabrique des étoffes.
Obfervaùons générales fur Vart dît peigner.
Les peigners qui veulent traiter leurs peignes
avec toute la régularité poftibie, ail lieu de
faire le ligneul avec du fil de lin, comme nous
l’avons vu , choififfent la foie, la plus égale
dans les foies fines, & en affemblent plufieurs
brins y jufqu’à ce qu’ils aient atteint la groffeur
néceffaire : iis tordent tous ces brins , pour
n’en former qu’ùn feul qu’ils poiffent enfuite de
la manière qu’on a vue.
On fe fert de ces fortes de ligneuïs pour tes
peignes deffinés- à faire des- chenilles très - fines,
qui demandent la plus-grande régularité de la.
part du peigner.
Quant à l’emploi du ligrfeul, ce que j’en ai
rapporté ne contient que les règles générales ;
on s’en écarte quelquefois. Dans l'hiver, par
exemple , la poix fe brife & s’en va en pouf-
fière, en tournant en tops fens le fil : auffi les
ouvriers curieux de leur ouvrage, ou ne font
point de peignes dans les gelées, ou mettent
fur le métier des, réchauds remplis de feu, qui
entretiennent autour du peigne une température
modérée. L’été , au •contraire , le lignent
eft fi nicu, qu’on ne fauroit y toucher
JanisH changer la groffeur que. la filière avoit ré-
; glée : auffi trempe-t-on les paquets de ligneul
dans de l’eau fraîche ; & l’ouvrier, qua..d il
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